Avitus

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

L’été de 455. Petavium. La maison d’Oreste. Romulus termine son récit triste :
- Les Vandales ont vidé notre maison à Rome de tous les objets de valeur, puis ils ont saccagé toutes les choses restantes. On sait que les Vandales gardent rancune contre les Romains après la violation de l’accord par le comte Boniface qui les a mis autrefois dans une situation critique, en renonçant aux engagements fixés par un accord, mais je ne pensais pas devenir, moi-même, une victime de leur vengeance.
Silencieuse, Julia essuie ses larmes. Oreste demande :
- Mais comment la Ville Eternelle est-t-elle tombée aux mains des Vandales ?
- Le roi Genséric a été invité par Eudoxie, veuve de Valentinien III.
- Pourquoi ?
- Afin de venger l’assassinat de son auguste mari par Pétrone Maxime, son successeur.
- On dit que le nouvel empereur Pétrone Maxime a violé Eudoxie pour venger le viol de sa femme, par Valentinien, son prédécesseur.
- Malheureusement, c’est vrai. Pourtant Maxime était le meilleur ami de Valentinien et il a tué son ami empereur pour le viol de sa femme Anicia.
- Quelle escalade incroyable de crimes ! s’étonne Oreste. – Le peuple est complètement oublié dans ce règlement de comptes.
- Maxime, épouvanté par les Vandales, a voulu fuir, mais il a été tué par la foule romaine indignée et jetée dans le Tibre.
- Un empereur jeté dans le Tibre ! Quelle fin terrible ! s’exclame Julia.
Romulus continue :
- Le pape Léon est sorti de la ville à la rencontre de Genséric accompagné de son clergé. Le roi des Vandales ne se laissa pas fléchir. Il ne promit que d’épargner les habitants désarmés, de ne pas incendier la ville et ne pas torturer les captifs.
Oreste note :
- Ce n’est rien par rapport à la générosité d’Attila qui a quitté l’Italie après la rencontre avec le pape Léon ! Pourtant notre armée était beaucoup plus puissante que celle des Vandales. Attila était créateur tandis que Genséric est un grand pillard et un destructeur assoiffé de vengeance.

***

Oreste et Julia continuent à vivre paisiblement à Petavium. Mais les malheurs de l’Empire touchent leurs cœurs. Au début de l’année 456 ils reçoivent de Rome un panégyrique à la gloire du nouvel empereur Avitus par Sidoine Apollinaire. Julia commence à lire :
« O Phébus, toi qui vas voir enfin dans ta course par le monde un homme que tu puisses souffrir comme ton égal, garde tes rayons pour le ciel. »
(Traduction d’André Loyen).
Oreste sourit :
- C’est un peu fort pour un empereur installé sur le trône par les Wisigoths. Ce n’est pas très intéressant mais j’aime écouter ta voix.
Julia feuillette silencieusement le texte et rit :
- Qu’est ce que je vois ! « Combat singulier contre un guerrier hun de l’armée de Litorius » .
Elle lit un peu puis s’exclame :
- C’est n’importe quoi ! Je laisse tomber. Et voilà « L’invasion d’Attila ».
Oreste dresse l’oreille, Julia déclame :
« Soudain la Barbarie, faisant déborder ses flots tumultueux, avait déversé sur toi, Gaule, toutes les hordes du Nord : après le Ruge belliqueux vient le cruel Gépide qu’accompagne le Gélon ; le Burgonde talonne le Scire ; le Hun, le Bellonote, le Neurien, le Bastarne, le Thuringien, le Bructère se déchaînent, ainsi que le Franc dont le pays est baigné par l’eau du Nektar couvert d’ulves ; sous les coups de la hache tomba rapidement la forêt Hercynienne, et l’aulne, transformé en barques, tissa sur le Rhin un pont de bateau… »
Les souvenirs inoubliables de la Grande Armée revivent dans le cerveau d’Oreste qui commente sèchement :
- C’est court et trop exagéré : « Avitus … était déjà l’espoir du monde, comme il l’est encore aujourd’hui. »
Julia trouve les propos de Théodoric II, roi des Wisigoths, adressés à Avitus :
« Tu ne ravis le pouvoir à personne : aucun Auguste ne règne sur les collines romaines. Le palais est vide ; il t’appartient. Non, ce n’est plus pour moi un but suffisant que d’éviter le mal ; je voudrais encore que ton diadème me permit de faire œuvre utile. »
- Ce jeune Théodoric a assassiné son frère Thorismond, qui a lutté contre nous sur les Champs catalauniques, pour prendre sa place ! note Oreste.
Julia termine sa déclamation :
« Et toi, tout heureuse de posséder aujourd’hui un tel prince, ô Rome, antique mère des dieux, relève la tête et bannit ce honteux abattement : voici un souverain d’âge mûr qui te rendra la jeunesse quand des empereurs enfants t’ont rendue vieille. »
Puis elle s’exclame :
- Espérons que ces prédictions se réalisent ! Mais je le crois difficilement car au lieu de s’occuper sérieusement des affaires d’Etat il se livre à tous les plaisirs de l’Italie. Si Attila était vivant c’est toi qui aurait pu être l’empereur car tu n’as jamais séparé ta cause de celle de notre malheureux pays avec un passé si glorieux !Oreste l’embrasse tendrement :
- Ce n’est pas cette créature des Wisigoths qui peut sauver l’Empire. Te souviens-tu que, d’après le testament d’Attila, j’aurais dû aider son fils Gheism à gouverner l’Empire d’Occident après sa soumission. C’est-à-dire, en fait, j’aurais pu être co-empereur de l’Empire d’Orient. L’empereur d’Orient est maintenant plus prestigieux car depuis Valentinien tous les empereurs d’Occident ont demandé la reconnaissance de leur titre par Constantinople tandis qu’aucun empereur d’Orient ne songe à demander l’autorisation de régner à l’empereur d’Occident.
Julia sourit :
- Ainsi j’aurais pu être impératrice d’Orient. Comment je regrette la mort d’Attila ! En fait, tu mérites mieux avec tes vertus et ton expérience d’être empereur que cet Avitus qui passe son temps en tentatives de séduction des nobles Romaines malgré son âge avancé.
- Veux-tu que je recommence une carrière politique. On peut, peut-être, essayer car j’ai beaucoup d’atouts que nous pouvons utiliser efficacement avec ton père.
- Non, mon cher, je ne veux pas de nouveau t’attendre avec angoisse pendant de longs mois.

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