Lété de
455. Petavium. La maison dOreste. Romulus termine son récit triste
:
- Les Vandales ont vidé notre maison à Rome de
tous les objets de valeur, puis ils ont saccagé toutes
les choses restantes. On sait que les Vandales gardent rancune
contre les Romains après la violation de laccord
par le comte Boniface qui les a mis autrefois dans une situation
critique, en renonçant aux engagements fixés par
un accord, mais je ne pensais pas devenir, moi-même, une
victime de leur vengeance.
Silencieuse, Julia essuie ses larmes. Oreste demande :
- Mais comment la Ville Eternelle est-t-elle tombée aux
mains des Vandales ?
- Le roi Genséric a été invité par
Eudoxie, veuve de Valentinien III.
- Pourquoi ?
- Afin de venger lassassinat de son auguste mari par Pétrone
Maxime, son successeur.
- On dit que le nouvel empereur Pétrone Maxime a violé
Eudoxie pour venger le viol de sa femme, par Valentinien, son
prédécesseur.
- Malheureusement, cest vrai. Pourtant Maxime était
le meilleur ami de Valentinien et il a tué son ami empereur
pour le viol de sa femme Anicia.
- Quelle escalade incroyable de crimes ! sétonne
Oreste. Le peuple est complètement oublié
dans ce règlement de comptes.
- Maxime, épouvanté par les Vandales, a voulu fuir,
mais il a été tué par la foule romaine indignée
et jetée dans le Tibre.
- Un empereur jeté dans le Tibre ! Quelle fin terrible !
sexclame Julia.
Romulus continue :
- Le pape Léon est sorti de la ville à la rencontre
de Genséric accompagné de son clergé. Le
roi des Vandales ne se laissa pas fléchir. Il ne promit
que dépargner les habitants désarmés,
de ne pas incendier la ville et ne pas torturer les captifs.
Oreste note :
- Ce nest rien par rapport à la générosité
dAttila qui a quitté lItalie après
la rencontre avec le pape Léon ! Pourtant notre armée
était beaucoup plus puissante que celle des Vandales.
Attila était créateur tandis que Genséric
est un grand pillard et un destructeur assoiffé de vengeance.
***
Oreste et Julia continuent
à vivre paisiblement à Petavium. Mais les malheurs
de lEmpire touchent leurs curs. Au début de
lannée 456 ils reçoivent de Rome un panégyrique
à la gloire du nouvel empereur Avitus par Sidoine Apollinaire.
Julia commence à lire :
« O Phébus, toi qui vas voir enfin dans ta
course par le monde un homme que tu puisses souffrir comme ton
égal, garde tes rayons pour le ciel. »
(Traduction dAndré
Loyen).
Oreste sourit :
- Cest un peu fort pour un empereur installé sur
le trône par les Wisigoths. Ce nest pas très
intéressant mais jaime écouter ta voix.
Julia feuillette silencieusement le texte et rit :
- Quest ce que je vois ! « Combat singulier
contre un guerrier hun de larmée de Litorius »
.
Elle lit un peu puis sexclame :
- Cest nimporte quoi ! Je laisse tomber. Et
voilà « Linvasion dAttila ».
Oreste dresse loreille, Julia déclame :
« Soudain la Barbarie, faisant déborder ses
flots tumultueux, avait déversé sur toi, Gaule,
toutes les hordes du Nord : après le Ruge belliqueux
vient le cruel Gépide quaccompagne le Gélon ;
le Burgonde talonne le Scire ; le Hun, le Bellonote, le
Neurien, le Bastarne, le Thuringien, le Bructère se déchaînent,
ainsi que le Franc dont le pays est baigné par leau
du Nektar couvert dulves ; sous les coups de la hache
tomba rapidement la forêt Hercynienne, et laulne,
transformé en barques, tissa sur le Rhin un pont de bateau
»
Les souvenirs inoubliables de la Grande Armée revivent
dans le cerveau dOreste qui commente sèchement :
- Cest court et trop exagéré : « Avitus
était déjà lespoir du monde,
comme il lest encore aujourdhui. »
Julia trouve les propos de Théodoric II, roi des Wisigoths,
adressés à Avitus :
« Tu ne ravis le pouvoir à personne :
aucun Auguste ne règne sur les collines romaines. Le palais
est vide ; il tappartient. Non, ce nest plus
pour moi un but suffisant que déviter le mal ;
je voudrais encore que ton diadème me permit de faire
uvre utile. »
- Ce jeune Théodoric a assassiné son frère
Thorismond, qui a lutté contre nous sur les Champs catalauniques,
pour prendre sa place ! note Oreste.
Julia termine sa déclamation :
« Et toi, tout heureuse de posséder aujourdhui
un tel prince, ô Rome, antique mère des dieux, relève
la tête et bannit ce honteux abattement : voici un
souverain dâge mûr qui te rendra la jeunesse
quand des empereurs enfants tont rendue vieille. »
Puis elle sexclame :
- Espérons que ces prédictions se réalisent ! Mais
je le crois difficilement car au lieu de soccuper sérieusement
des affaires dEtat il se livre à tous les plaisirs
de lItalie. Si Attila était vivant cest toi
qui aurait pu être lempereur car tu nas jamais
séparé ta cause de celle de notre malheureux pays
avec un passé si glorieux !Oreste lembrasse
tendrement :
- Ce nest pas cette créature des Wisigoths qui peut
sauver lEmpire. Te souviens-tu que, daprès
le testament dAttila, jaurais dû aider son
fils Gheism à gouverner lEmpire dOccident
après sa soumission. Cest-à-dire, en fait,
jaurais pu être co-empereur de lEmpire dOrient.
Lempereur dOrient est maintenant plus prestigieux
car depuis Valentinien tous les empereurs dOccident ont
demandé la reconnaissance de leur titre par Constantinople
tandis quaucun empereur dOrient ne songe à
demander lautorisation de régner à lempereur
dOccident.
Julia sourit :
- Ainsi jaurais pu être impératrice dOrient.
Comment je regrette la mort dAttila ! En fait, tu
mérites mieux avec tes vertus et ton expérience
dêtre empereur que cet Avitus qui passe son temps
en tentatives de séduction des nobles Romaines malgré
son âge avancé.
- Veux-tu que je recommence une carrière politique. On
peut, peut-être, essayer car jai beaucoup datouts
que nous pouvons utiliser efficacement avec ton père.
- Non, mon cher, je ne veux pas de nouveau tattendre avec
angoisse pendant de longs mois. |