Champs catalauniques

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Attila est content. La cavalerie ennemie est détruite. Les cadavres des guerriers alains et burgondes couvrent les Champs catalauniques à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres. Ils ont fui si précipitamment, qu’en effet leur pertes n’étaient pas tellement importantes comme il semblait. Les Wisigoths sont démoralisés par la mort de Théodoric et la blessure du prince Thorismond. Ils ne sont descendus des Monts de Reims que pour trouver le cadavre de leur roi et recueillir les guerriers blessés. Les Huns ne les empêchent pas. Le chaman a eu raison. Les cavaliers huns péris sous les murs de Toulouse sont vengés. Attila récompense le courageux et noble Ostrogoth Andagis. Ses descendants seront fiers de son exploit !

Le peuple Ak-at-seri a perdu beaucoup de guerriers pendant les attaques par les cavaliers des carrés romains, entreprises pour protéger le retrait en ordre de l’infanterie alliée. Attila n’a aucun désir de perdre ses guerriers dans les attaques contre les carrés des légionnaires, bien entraînés par Aetius. Après une telle victoire il faut rentrer tranquillement à la maison. Attila dit à ses généraux :

- Qu’aujourd’hui et demain les guerriers se reposent et dorment tranquillement avant de reprendre la route. Ils le méritent.

Ensuite il se tourne vers Edecon :

- Inspecte tes machines de guerre. Brûle tous les engins cassés et lourds pour le transport, après avoir retiré toutes les pièces utiles. Sur ce feu nous brûlerons les plus valeureux de nos chevaliers morts afin que leurs tombes ne soient pas profanées par les ennemis.

Attila remarque à côté d’Edecon le fils de celui-ci :

- Je ne savais même pas que ton fils avait participé à cette bataille. Je vois qu’il est devenu un guerrier solide. Il ressemble beaucoup à sa mère germanique. Il est de haute taille, beau et svelte. Il n’a presque pas de sang oriental. Comment s’appelle-t-il ?

- Odoacre, répond le père content. - Un chaman a dit, qu’il sera le fondateur du nouveau grand royaume.

Attila sourit :

- Parfois leurs prédictions se réalisent.

Oreste, qui suit Attila, n’a pas aimé ce jeune combattant qui se tient à son avis avec trop d’assurance.

***

Au-dessus du camp hun se lève une haute fumée. Les guerriers romains, les Gaulois en majorité, s’animent :

- Regardez, quel feu géant !

- Probablement Attila veut se jeter au feu en désespoir de sa défaite. Nos héros se suicidaient aussi de cette manière.

Salvien sourit involontairement : les Huns ne se jettent pas comme les Gaulois au feu à cause de la défaite, ils préfèrent mourir dans une bataille inégale et laisser à leur descendance la mémoire de leur dernier exploit. Aetius sourit aussi, mais éteint rapidement son sourire et dit fort :

- Nous avons vaincu !

Excités, les Gaulois continuent à discuter de cet événement extraordinaire :

- Vous rappelez-vous comment autrefois, après la défaite, Julius Sacrovir a brûlé sa maison à côté d’Autun et s’est jeté dans les flammes avec ses compagnons.

- Julius Florus et ses collègues se sont immolés de la même façon dans les montagnes d’Ardennes.

- Sabinus a fait semblant de se jeter dans les flammes.

- Il s’est ensuite caché neuf ans avec sa femme dans une grotte.

Salvien fait une grimace en entendant les noms des célèbres insurgés gaulois du passé. Et ces criminels sont les idoles de ces légionnaires soi-disant romains !

Quand tout le monde commence à se calmer, arrive Thorismond, la tête bandée, avec son détachement de cavalerie. Joyeux, Aetius salue le jeune Goths :

- Je vous salue prince Thorismond !

Les Goths le corrigent :

- Le roi Thorismond ! Nous venons de l’élire notre roi !

Aetius prend l’air sérieux et triste :

- Je vous exprime de la part de l’empereur Valentinien et de ma part nos condoléances pour la mort héroïque du roi Théodoric, votre père. Je vous souhaite un long et heureux règne !

Thorismond descend de cheval et s’approche du patrice :

- Merci ! Nous avons trouvé le corps de mon père et l’avons enterré sur la colline à côté de l’endroit de sa mort. Je dois vous parler d’une affaire très importante.

Ils s’éloignent des autres. Thorismond dit à voix basse :

- Afin d’éviter les troubles dans notre royaume, je dois rentrer rapidement avec mon armée à Toulouse. Vous savez que j’ai trois frères. Personne ne peut exclure de leur part une tentative de prise du pouvoir.

Il jette un regarde interrogateur sur Aetius qui revient vite de son étonnement et lui répond :

- C’est absolument inattendu pour moi, mais je vous comprends parfaitement. En effet, vous ne pouvez pas agir autrement !

Aetius embrasse le jeune roi :

- Je vous remercie de votre incomparable courage ! Transmettez ma grande reconnaissance à tous vos guerriers héroïques. Vous êtes entrés dans l’histoire !

Thorismond prend congé, saute sur son cheval et s’éloigne au galop avec son détachement. Les légionnaires ne remarquent pas le départ des Wisigoths de leurs camps sur les montagnes qui se dessinent bleues au loin. Sur les Champs catalauniques les groupes de cavaliers continuent à ramasser les blessés et à recueillir les armes.

***

Le lendemain les cavaliers commencent à ramasser et enterrer les morts. Certains viennent tout près des carrés romains. Les soldats s’agitent :

- Ce sont des Huns ! Mais où sont les Wizigoths ?

Les guerriers huns et ostrogoths trop occupés, laissent passer les chariots romains avec du vin, du jambon, du fromage et du pain frais. Sur les champs apparaissent les moines qui ramassent des Romains et leurs alliés blessés. Plusieurs blessés sont sauvés par les Wizigoths et se trouvaient déjà dans les couvents des environs. Peu à peu, tout le monde se calme.

Les cavaliers finissent leur travail triste et disparaissent. Soudain, les trompettes sonnent dans les camps huns, on entend les mots d’ordre. Endormis, après un bon déjeuner et quelques coupes du vin catalaunique, autrement dit du champagne, qui n’était, à cette époque, pas encore mousseux, les guerriers romains et francs essuient leurs yeux et commencent à se ranger avec frayeur. Dans très peu de temps, l’armée hune dans un ordre irréprochable avec les drapeaux tangraïstes flottant au vent, escadron après escadron, commence à quitter les Champ catalauniques. Salvien admire involontairement ce spectacle inoubliable, la démonstration originale de la puissance et de la discipline de l’armée hune. Les milliers de chariots avec les trophées et les butins passent devant le nez des Romains et des alliés restant encore avec eux. Mais personne d’entre eux n’éprouve le moindre désir d’essayer encore une fois de se mesurer par la force avec les guerriers des steppes et leurs alliés germaniques courageux.

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