Rome. La maison de Sérène.
Eucherius jette un coup dil sur des portraits de
ses parents dessinés il y douze ans. Sur un de ces tableaux
Sérène est peinte avec ses deux jeunes augustes
cousins : Honorius et Placidia. Tous les objets gardent
les souvenirs de sa famille, de la gloire de ses ancêtres.
Eucherius sexclame :
- Tu as donc reçu un ordre de lempereur de rester
à Rome ! Qui ta apporté cet ordre ?
Sérène, visiblement très inquiète,
répond :
- Leunuque Eusèbe, accompagné par dautres.
La maison est sous leur surveillance. Jai peur quils
ne taient repéré. Rentre vite à Ravenne,
trouve ton père et quitte avec lui lItalie.
- Et toi, ma mère ?
- Je resterai ici.
Sérène essuie ses larmes :
- Personne nosera me toucher. Cest ta vie qui est
en danger ! Pourquoi es-tu venu, mon fils ? Quelle
imprudence, mon enfant !
Elle se calme un peu et continue :
- Vous pouvez vous réfugier en Hunnie. Les Huns sont très
forts. Je me souviens de leurs attaques simultanées pendant
trois années sur les frontières balkanique et asiatique
après la mort de Théodose, mon père adoptif.
Ils ont secoué lEmpire dOrient. Mais ton père
a réussi à établir avec eux dexcellentes
relations.
Eucherius jette un coup dil sur les portraits de
lempereur Théodose et de Stilicon :
- Oui, le rois Roas et le général Uldin sont devenus
ses amis. Le Sénat a même proclamé Uldin
le protecteur de lEmpire après la victoire sur Radagaise.
Mais est-il digne des parents du Grand Théodose de se
réfugier chez les Barbares ? Je ne pouvais pas quitter
lItalie sans autorisation de ma mère.
- Mon fils, je tautorise. Mon cur se serre à
cette idée, mais je ne vois aucune autre solution. Beaucoup
de Romains nous sont devenus hostiles après linvasion
des Vandales en Gaule. Ils ont tout oublié, les gens ne
se souviennent maintenant que des origines vandales de ton père.
- Mais mon père est né à Rome ! sexclame
Eucherius. - Il est plus romain que les Romains qui ont perdu
les valeurs de leurs ancêtres !
Sérène se lève et sapproche prudemment
dune fenêtre :
- Ton père na jamais mis son intérêt
particulier avant lintérêt public. Il a déjoué
toutes les intrigues en découvrant les lettres clandestines
et malfaisantes, ou des mains payées pour le crime. Jadmirais
toujours que pendant les heures de détresse il nait
jamais prononcé aucune parole indigne de Rome. - Mais
cette fois, Olympius, ce Grec rusé du bord de la Mer Noire,
nous a déjoué. Même Thermantia na rien
soupçonné.
Sérène soupire :
- Le pauvre Honorius est impuissant. Tu sais que ta sur
est toujours vierge ?
- Après quatre ans de mariage ? sétonne
Eucherius.
- Je ne métonne pas quelle nait rien
remarqué. Mais qui pouvait attendre des actions si ignobles
de la part dHonorius, si doux et si tranquille ?
Soudain, Sérène pâlit et recule lentement.
Eucherius jette un coup dil par la fenêtre
et voit deux eunuques armés et quelques soldats qui
discutent.
Eucherius mord ses livres :
- Apparemment, ils savent que je suis ici.
- Il faut te réfugier dans léglise à
côté. Ils noseront pas violer le droit dasile.
Sérène et Eucherius traversent rapidement le jardin
avec les fontaines et les statues. Léglise a une
porte qui donne sur leur jardin que Sérène ouvre
avec sa propre clé. Elle venait souvent prier ici pour
le retour de son mari quand Stilicon était en guerre.
Ils entrent dans léglise. Le prêtre les salue
respectueusement. Sérène prie brièvement
et embrasse tendrement son fils :
- Je rentre dans la maison voir ce qui se passe. Peut-être
ne savent-ils pas que tu es ici.
Echerius remarque avec effroi que sa mère porte toujours
son superbe collier qui décorait autrefois la statue de
Vesta, déesse du feu. Les anciens dieux romains peuvent-ils
se venger ? Sinon comment expliquer que sa famille si puissante
ait perdu son influence si brusquement et quil ne lui reste
plus rien que de se cacher dans cette église ? Eucherius
ferme la porte derrière sa mère et commence à
prier. Bientôt, il entend avec effroi les voix des eunuques
et des soldats qui encerclent léglise.
***
Les autres soldats, fidèles
à Stilicon, attendent avec impatience le retour dEucherius.
Mais un esclave de Sérène leur apporte une mauvaise
nouvelle. Eric, le chef du détachement, sindigne :
- Ils ont violé le droit dasile attribué
à lEglise !
Lesclave confirme :
- Leunuque Eusèbe a montré au prêtre
lordre darrêt signé par lempereur.
Eucherius a été tué à quelque pas
de léglise. Lordre de lempereur se trouve
ainsi plus puissant que le droit dasile.
Les soldats sexclament :
- A la vengeance !
- Brûlons les villas !
- Ne reconnaissons plus cet empereur ignoble !
- Allons chercher Alaric !
Le détachement barbare commence son tour de Rome en brûlant
les villas. Les soldats sont déchaînés. Ils
sapprochent de temps en temps des murs de Rome et crient
des injures aux légionnaires les regardant des tours et
des murs sans réagir. La ville immense ne relève
pas le défi des Barbares et laisse piller et brûler
ses environs. Les cavaliers barbares contournent facilement quelques
détachements dinfanterie sortis à la demande
des propriétaires des villas et continuent leur activité
destructrice. Enfin, ils partent en laissant la Ville éternelle
entourée par la chaîne des colonnes de fumée
qui montent au ciel des villas brûlées. |