L’année 423. Oreste
a vingt quatre ans. L’empereur Honorius est mort le 27 août
après trente ans de règne. Les dernières
années de la vie de l’empereur d’Occident furent
marquées par ses querelles avec sa sœur, la princesse
Galla Placidia. Ce conflit a renforcé les intrigues du
palais suivies par des assassinats et des rixes meurtriers. Les
sottes nominations désorganisent le gouvernement et l’état-major
de l’armée. Finalement, la princesse est obligée
avec ses enfants, Valentinien et Honoria, de quitter Ravenne
et de se réfugier à Constantinople. Dans ces conditions,
Oreste, malgré ses ambitions de s’élever dans
la carrière des honneurs et d’assumer les charges
du service impérial, a préféré rester
dans sa ville natale.
La mort de l’empereur fait se déchaîner les
passions des courtisans. Les partisans de Galla Placidia ne doutent
pas que le successeur légitime d’Honorius, qui n’avait
pas d’enfants, est Valentinien. En effet, ce garçon
est le neveu de l’empereur défunt et le fils de Constance
III, deuxième mari de la princesse, associé par
Honorius à son pouvoir avec le titre d’Auguste. D’ailleurs,
après la mort de Constance, en 421, Galla Placidia, elle-même
a obtenu d’Honorius, en accord avec l’empereur d’Orient
Thèodose II, le titre d’Augusta.
Les adversaires de Galla Placidia profitent de l’absence
de la princesse en Italie et s’organisent autour de Jean,
tribun des notaires, et son ami Aetius. Mais Romulus, le beau-père
d’Oreste, et beaucoup des autres courtisans, sous différents
prétextes, prennent congé du palais et attendent
les résultats de cette lutte sans merci.
Jean déclare :
- A quoi bon une origine noble si elle ne s’accompagne pas
de vertus et d’humanité ? Les dons de la Fortune
échoient souvent aux gens qui ne les méritent pas,
tandis que la vertu confère à chacun une gloire
qui lui est propre. La noblesse d’origine suscitent les
félicitations, mais non les éloges, parce qu’on
l’obtient d’autrui, alors que la compétence
procure non seulement l’admiration d’autrui, mais c’est
une qualité qui est indispensable au futur empereur d’Occident
à cette époque de crise et de dangers sans précédents.
A quoi a donc servi la noble origine de Commode, de Caligula,
de Néron et même d’Honorius ? Ceux qui
reçoivent leur héritage comme un dû, en abusent
comme s’il était depuis longtemps leur propriété
personnelle. Il vaut mieux, en effet, être le premier à
illustrer sa famille et sa descendance que de déshonorer
par la médiocrité de son caractère la gloire
que l’on a reçue de ses ancêtres.
Au mois de décembre le Sénat romain, après
avoir discuté de la situation de l’Empire et le programme
des actions de Jean, élaboré avec la participation
des meilleurs juristes et autres experts, le proclame empereur
d’Occident. Oreste veut commencer sa carrière pour
participer à la renaissance de l’Empire mais Tatulle
et Romulus lui conseillent d’attendre prudemment les réactions
des provinces, de Galla Placidia et de l’empereur d’Orient.
***
Les ateliers de Rome, de Milan,
de Ravenne et d’Arles commencent à frapper des pièces
de monnaie en or avec le buste diadémé, drapé
et cuirassé de Jean et l’inscription « Notre
seigneur Jean pieux heureux auguste » et avec la Victoire
sur leur revers, marchant à droite, tenant un globe crucigère
de la main gauche et brandissant une couronne de la main droite.
Mais Boniface, comte d’Afrique, ne reconnaît pas le
pouvoir de l’empereur Jean et soutient les revendications
de Galla Placidia tandis que l’Espagne est sous la domination
des Barbares : Vandales, Suèves et Alains. Théodose
II, l’empereur d’Orient, refuse de négocier
avec Jean, le déclare usurpateur et élève
son neveu Valentinien à la dignité de César.
La guerre civile commence. La cavalerie de Théodose, commandé
par Aspar, jeune général d’origine alaine,
conduit Placidia et ses enfants le long des côtes de la
mer Adriatique et prend par surprise la ville d’Aquilée.
Il est très pressé car il sait qu’Aetius a
demandé à son ami Attila de l’aider afin de
soutenir l’empereur Jean.
Théodose essaie d’empêcher par la voie diplomatique
le recrutement de l’armée hune pour Aetius mais Oros,
le grand khan des Huns, et son neveu Attila considèrent
l’élection de Jean par le Sénat romain parfaitement
légitime et déclinent la démarche de Théodose.
Aspar apprend que la flotte avec les troupes, commandées
par son père Ardaburius, a été dispersée
par une tempête. Ardaburius avec les deux galères
restantes a été pris et conduit dans le port de
Ravenne. La situation pour Galla Placidia devient critique et
elle prie tous les nobles des provinces proches avec leurs « buccellarii »
et autres milices privées de venir à Aquilée.
Les évènements s’accélèrent.
Ardaburius abuse de la liberté, généreusement
accordée par Jean, pour organiser une conspiration à
Ravenne. Un des conjurés conduit la cavalerie d’Aspar
par une route secrète à travers les marais vers
la capitale impériale. Les portes de Ravenne s’ouvrent
après une courte résistance.
***
Oreste, lui-aussi, arrive avec
la milice privée de sa famille à Aquilée
car l’ordre de mobilisation de Placidia contenait des menaces
terribles pour les désobéissants. La cavalerie
d’Aspar rentre de Ravenne avec l’empereur capturé.
On apprend qu’Aetius s’approche avec une armée
de 60 000 cavaliers huns. Placidia et Aspar rassemblent dans
le cirque d’Aquilée les habitants, les milices mobilisées
et une partie des troupes. Oreste n’oubliera jamais ce jour.
Jean, mutilé, sans la main droite qui brandissait une
couronne sur ses pièces de monnaie, subit des insultes
et des tortures avec courage et indignation. « Jean
était sûr de sa victoire sinon il ne pouvait
pas laisser Ardaburius libre » pense Oreste en regardant
rire Aspar et son père des souffrances de l’empereur
déchu. – « Victime de sa générosité ! »
Enfin, on tranche la tête du malheureux empereur qui gouverna
pendant dix huit mois.
***
Trois jours plus tard, Aetius
arrive avec son armée et organise, sous les regards alarmés
des Romains, les parades de ses cavaliers huns cuirassés
qui défilent en ordre impeccable. Leur nombre, leur discipline
et leur armement impressionnent beaucoup Oreste qui ne peut pas
s’empêcher de penser à la mort. Heureusement
pour lui les négociations ne sont pas longues et se terminent
par une réconciliation. Galla Placidia ne peut pas se
permettre de traiter Aetius en coupable car ses alliés
huns sont trop puissants. Il est nommé maître général
de la Gaule, ses mercenaires sont bien payés et rentrent
en Hunnie après une grande parade solennelle. Valentinien
III, a six ans seulement, est proclamé Auguste par le
patrice Hélion au nom de Théodose II en présence
des sénateurs romains. Sa mère, Galla Placidia,
devient naturellement la régente de l’Occident. |