Joujans et Tabgatchs

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Au camp, ils sont attendus par le prince d’Altaï qui vient d’arriver avec un prince joujan, qui les salue par ces mots :

- Mon père, le ka-khan des Joujans salue le khan Attila et le prince Ellak ! Je vous accompagnerai au bord d’Orkhon, où il vous attend.

Commence ensuite le festin amical. Oreste remarque que la langue joujane était déjà plus difficile à comprendre et que les interlocuteurs devaient parfois recourir à l’aide des Turcs. Mais plusieurs joujans parlaient bien le dialecte d’Altaï. La possibilité de se comprendre presque sans traduction donnait à tout le monde un grand plaisir. Ellak remarque :

- Les commerçants tabgatchs viennent jusqu’à la Volga. Nous comprenons leur langue.

Les Joujans froncent les sourcils :

- Ils perdront bientôt leur énergie hune et se transformeront en Chinois. Plusieurs Tabgatchs vivent dans les villes, les fonctionnaires chinois ont commencé à séparer l’empereur des guerriers. Ils le considèrent déjà comme leur souverain et pas comme le khan des Tabgatchs. Nous avons des relations difficiles.

La conversation touche à la vie locale. Nur-gun, un des guerriers joujans, explique :

- Ici se terminent les steppes. Non loin commence le grand fleuve Léna, sur le bord duquel je suis né. On dit, qu’il se jette dans l’Océan glacial. Là il y a peu d’habitants. Les gens vivent principalement de chasse et de pêche.

Le prince d’Altaï corrige :

- Une partie des Sakas avec de hauts nez et les yeux clairs, vivant avant nous à Altaï, est partie pour ce pays. Certains continuent à vivre jusqu’à maintenant dans nos montagnes. Ils parlent une langue, proche de la nôtre et sont éleveurs de bétail.

Nur-gun confirme cela :

- Mes ancêtres étaient de cette tribu. Afin d’atteindre l’embouchure de ce fleuve il faut rester sur un radeau, porté par le courant, pendant tout l’été. Là-bas, le soleil en été ne se couche pas ...

Oreste n’a pas cru à ce récit.

***

Dans les steppes, du lac Baïkal jusqu’à l’Orkhon, les voyageurs remarquent les traces des anciennes villes. Ils voient des hameaux de maisons octogonales en bois. Une partie de la population vit dans des maisons semi-enterrées en brique et en pierre. L’entrée des maisons était toujours à l’est. Le foyer se trouvait dans l’angle nord-est. Oreste s’étonne, que le tuyau de cheminée passe sous les lits et les bancs le long des murs afin d’augmenter le rendement du chauffage du foyer.

Oreste se rappelle une couche noire produite par la fumée sur les murs des maisons des Romains simples. Les maisons traditionnelles romaines ne comprenaient qu’une pièce. Elle servait de cuisine, de cantine et de chambre à coucher. Certains pensent, que son nom «atrium» vient du mot «ater» («noir»)car elle n’avait pas de tuyau de cheminée. Pour cela et pour l’éclairage n’existait qu’un trou rectangulaire au centre du toit. La lumière entrait aussi par la porte. Les fenêtres n’existaient pratiquement pas. Certaines maisons possédaient des pièces divisées par des cloisons. On avait d’habitude une remise en planches nommée «tablinium» du mot «tabula» («planche»). Les Romains ont appris à construire de telles maisons des Etrusques. Avant ils n’avaient que des cabanes rectangulaires ou rondes sans fenêtres et même sans trou pour la sortie de la fumée.

Au bord d’Orkhon ils voient un camp militaire avec une tente royale au milieu. Le ka-khan les rencontre amicalement :

- Je salue le khan et le prince du grand El des Huns de l’Ouest ! Je suis content que vous ayez décidé de visiter la terre et les tombes de vos ancêtres.

Un grand festin commence. En levant une coupe de vin chinois, le ka-khan dit :

- Nous avons ici un scientifique chinois d’origine hune, Bilguen. Il est venu, lui aussi, visiter la terre de ses ancêtres. Son récit sera intéressant pour nous.

Bilguen, après quelques formules de politesse, commence son récit avec plaisir :

- Vous connaissez bien les légendes sur Modoun. J’entendais des récits presque identiques des simples guerriers tabgachts en Chine, des bergers sur les bords d’Orkhon et dans les montagnes d’Otuken. C’est pourquoi, je vous raconterai seulement les détails sur la fondation de l’empire hun communiqués par Syma Ciane. Il y a environ six siècles et demi, Modoun a fait ses premières incursions en Chine, où venait de tomber la dynastie Cine. Le nombre de sa troupe était évalué à 300 000 personnes. L’empereur Gao-Tzou conduisit personnellement les troupes contre Modoun, mais les Huns ont appliqué la tactique ordinaire des cavaliers des steppes. En feignant la fuite, Modoun a attiré les détachements chinois dans un piège et a encerclé l’avant-garde de l’armée chinoise avec l’empereur près du village Baïdyn, non loin de la ville Pintchen. Modoun avait quatre armées qui se distinguaient par les couleurs des chevaux : blanc, gris, moreau et roux.

Ellak s’exclame :

-D’où vient notre armée sur les chevaux blancs : le peuple Ak-at-seri!

L’animation est générale. Bilguen continue son récit :

- Gao-Tzou était obligé de conclure avec Modoun un accord de paix et de parenté, de lui donner une princesse pour épouse et de s’engager à payer un tribut annuel. Modoun a créé une puissance, tellement forte, que les Chinois la comparaient avec l’Empire du Milieu. Trente ans après un prince hun frontalier attaqua la Chine. L’empereur a mobilisé l’armée, mais les Huns n’ont pas livré bataille. La cour chinoise, en prenant en considération la force des Huns, a restauré avec eux des relations de paix. Selon un nouvel accord, la puissance hune était reconnue égale de l’Empire chinois, et les deux empereurs se nommaient l’un l’autre frères. La même année les Huns avait d’importantes victoires à leur frontière occidentale...

Tout ce que voit et entend Oreste, confirme l’analyse d’Attila de la situation internationale. Attila conclut avec le ka-khan un accord d’amitié qui prévoit le respect de la zone des peuples et tribus neutres. Celles-ci pouvaient accepter une proposition de participation aux incursions à l’est, entreprises par le kha-khan des Joujans ou dans les entreprises à l’ouest, conduites par Attila.

***

Le ka-khan propose aux visiteurs :

- Vous pouvez maintenant aller regarder et visiter la Grande muraille de Chine construite contre nos ancêtres communs. Après votre grand voyage, cela ressemblera à une petite promenade.

Les yeux d’Ellak et d’Oreste s’enflamment. Attila dit :

- Nous devons revenir bientôt sur le Danube. Cette fois notre voyage est trop long. Mais je brûle, moi aussi, du désir de contempler cette Grande muraille qui témoigne si bien de la puissance de nos ancêtres.

Accompagné par Bilguen qui connaît bien le gouverneur tabgatch de la province frontalière, Attila et sa suite font un voyage fascinant à la ville frontalière chinoise, montent sur le mur et admirent les steppes infinies au nord et la province peuplée au sud. Attila décline avec regret une aimable proposition du gouverneur d’aller avec lui rencontrer l’empereur tabgatch de la Chine et confie à Edecon la mission d’aller à la capitale de la Chine accompagné par Bilguen. On organise un banquet final dans une tour de la Grande muraille, sur le toit de laquelle sont hissés à cette occasion les étendards tabgatchs, huns et joujans.

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