Julius Nepos

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Marcellin, qui régnait sur la Dalmatie, entretenait de bonnes relations avec Constantinople et réussit à marier son neveu Julius Nepos avec une des nièces de l’impératrice Vorine. Il a reconnu Anthémius empereur et a participé à la guerre contre les Vandales à la tête de son armée. Mais à la fin de la guerre il a été assassiné, en Sicile, probablement, à l’instigation de Ricimer ou de Genséric. Nepos succède à son oncle et commence à régner sur la Dalmatie.
Après la mort d’Anthémius, Oreste a été indigné par l’élévation successive d’Olybrius et de Glycierius. C’est pourquoi, il accueille bien un envoyé venu de la Dalmatie qui lui transmet une proposition de son maître :
- Le patrice Julius Nepos ne reconnaît pas Glycierius empereur d’Occident. Le roi Gundobald a insulté le peuple romain en mettant le diadème impérial sur la tête de son domestique. Nepos a décidé, avec l’approbation de l’empereur Léon, de composer une armée capable de renverser Glycerius. Il vous propose de rejoindre cette armée à la tête des détachements huns comme vous l’avez déjà fait pour soutenir l’empereur Majorien.
Oreste réfléchit à haute voix :
- Je salue cette initiative de Julius Nepos, fils du général Népotanius, maître de milice de Majorien et mon grand ami. Il doit mobiliser une armée assez puissante car Glycerius est soutenu par les Burgondes et par l’ancienne armée de Ricimer. Je crois que Constantinople, après la perte de cinquante mille soldats dans la guerre contre les Vandales, ne peut pas aider Nepos sur le plan militaire.
- Oui, c’est malheureusement vrai. C’est pourquoi Nepos, notre jeune patrice, compte sur vos relations avec les Huns et leurs anciens alliés et sur votre grande expérience. Il vous promet par écrit de vous nommer, après la victoire, patrice et général en chef des armées romaines.
L’envoyé tend une lettre qu’Oreste prend et lit attentivement. Puis il dit :
- Très honoré par cette proposition, je l’accepte. Malgré mon âge, plus de soixante-dix ans, je me sens en très bonne forme physique. J’ai même intensifié mes exercices quotidiens pour initier mon fils Romulus, de douze ans, à l’art militaire. Il est actuellement en chasse dans les montagnes avec les Huns de notre milice privée.
Content, l’envoyé sourit :
- Je vous remercie pour votre accord de soutenir la lutte pour l’honneur du peuple romain. Nepos pense que Glycerius et son maître Gundobal ne doivent pas soupçonner nos préparatifs. Dans ce cas le roi des Burgondes, tôt ou tard, laissera sa marionnette seule à Rome pour les affaire de son royaume. Alors l’attaque rapide de la cavalerie sous votre commandement décidera l’affaire.
- Dans ce cas je serai obligé de chercher les cavaliers parmi les Hérules, les Skires et les Ruges car les Huns sont loin. Après la mort de mon ami Edecon, leur roi, le prince Odoacre est entré au service des Romains. Sans aucun doute, il nous soutiendra car il n’aime pas Glycerius, marionnette des Burgondes. Je renforcerai aussi ma milice privée par des nouveaux mercenaires huns.
On entend les sabots résonner sur le pavé de la cour. Oreste réjouit :
- C’est Romulus qui rentre de la chasse avec nos gardes.
Il sort de la maison accompagné par l’envoyé de Nepos qui admire un détachement de cavaliers et demande :
- Mais pourquoi sont-ils tous cuirassés et casqués ?
- C’est indispensable dans cette zone frontalière. La chasse a été accompagnée par des exercices militaires.
L’envoyé ne cache pas son admiration :
- Votre fils est d’une beauté remarquable. L’empereur Auguste, qui était beau, a dû ressembler à votre fils dans son adolescence.
Un des cavaliers rit :
- Nous appelons, nous aussi, notre jeune maître Augustulus, Petit Auguste.

***

Au printemps de 474, le roi Gundobald quitte effectivement l’Italie, engagé dans la lutte du pouvoir avec ses deux frères. Julius Nepos, proclamé tout de suite Auguste par l’empereur Léon, débarque alors dans le port d’Ostie et se dirige vers Rome, déjà bloqué par la cavalerie d’Oreste. Glycerius obtient la permission d’échanger le diadème impérial pour la mitre d’évêque de Salone en Dalmatie. Le 24 août Julius Nepos est proclamé officiellement empereur d’Occident. Il tient sa promesse et nomme Oreste patrice et général en chef des armées romaines.
Mais cette nomination est pour Oreste un signe de la faiblesse de l’Empire en décomposition qui, comme un homme qui se noie, s’accroche à un brin de paille. Le nouvel empereur n’a que vingt quatre ans et dépense trop d’argent pour entretenir sa cour et satisfaire les désirs de son épouse qui veut imiter le train de vie de sa tante Vorine, impératrice d’Orient. Ainsi Oreste ne peut pas engager assez de mercenaires pour la défense de l’Empire. Sa propre villa en Pannonie, après le déménagement de sa famille à Rome, est pillée par les Barbares. Abandonnée, elle est en train de se transformer en ruines. La Gaule du Sud est disputée entre les Wisigoths et les Burgondes. Les faibles efforts diplomatiques et militaires ne suffisent pas pour contenir l’offensive d’Euric, devenu le roi des Wisigoths après l’assassinat de son frère Théodoric. Dans cette situation l’empereur cède à Euric et reconnaît l’indépendance de fait de son royaume. Mais Oreste réussit à arracher Marseille et Arles au pouvoir des Wisigoths.

***

Rome. Printemps de 475. Du sommet du Capitole Oreste et Julia regardent le panorama de la capitale dépeuplée et ruinée après le sac, il y a trois ans, par les troupes de Ricimer. Attristé par cette vue pénible, Oreste se souvient d’un vieux proverbe : « Tant qu’est debout le Colisée, est debout aussi Rome ; quand tombera le Colisée, tombera aussi Rome ; quand tombera Rome, tombera aussi le monde », puis il pense : « Le Colisée est encore debout mais Rome est tombée déjà trois fois, elle a été prise et pillée par les troupes d’Alaric, de Genséric et de Ricimer ». Il soupire et dit à sa femme :
- Pendant les vingt dernières années la ville a perdu une grande partie de sa population. En fait, il ne reste maintenant qu’un dixième de la population par rapport à l’époque de mon enfance. J’ai maintenant soixante-quinze ans, l’avenir de notre fils m’inquiète sérieusement. Nous nous sommes ruinés pour soutenir Julius Nepos.
- Ce bougre Ricimer a tué la Ville éternelle, plus que les Vandales. Il me semble que l’entourage grec de la jeune impératrice intrigue contre nous. J’ai peur d’une nouvelle guerre civile.
- C’est bien possible. N’oublions pas que Basiliscus, qui est responsable principal de la chute d’Anhémius, a été désigné commandant grâce à la protection de l’impératrice d’Orient. Il y a certainement de jeunes courtisans qui rêvent de me remplacer. Pourtant les jeunes amis du couple impérial ne comprennent pas combien la situation est critique. Cette jolie foule ne voit pas plus loin que le bout de son nez.
- Tu pourrais faire beaucoup plus pour l’Empire si tu avais plus de pouvoir et de moyens.
- C’est vrai, mais probablement je n’ai pas beaucoup de temps. Dans l’intérêt du peuple romain je dois donc agir immédiatement.

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