Us et coutumes des Huns

ATTILA: DE L'HISTOIRE AU ROMAN

Grigori TOMSKI

Actes du Colloque "Attila dans la réalité historique, la littérature et les beaux-arts" (Mediavales 29, Presses du "Centre d'Etudes Médiavales", Université de Picardie - Jules Vernes, Amiens, 2003)

Je suis venu en France, en 1992, de la Sibérie, pays des ancêtres d'Attila. J'ai écrit un roman «Les amis d'Attila» (JIPTO International, 2001 et 2002) afin d'apporter un regard frais sur cette époque passionnante.

Sur l'histoire des Huns

Alexeï Okladnikov (de l'Académie de l'URSS) a noté: «La Sibérie ancienne turc est plus étroitement liée avec l'Occident qu'avec l'Orient. Sa culture est plus riche et plus éclatante qu'on pourrait s'imaginer. Sur les rives de Baïkal d'Angara et de Lena se croisaient les influences culturelles d'Orient et d'Occident, il existait des foyers culturels puissants ; on ne peut bien comprendre l'Histoire de l'Eurasie sans les connaître. Les vestiges nous montrent que la route des Turcs vers le Don et le Danube a commencé à partir de leurs forteresses de la région de Baïkal.»

Je partage cette opinion : «on ne peut bien comprendre l'Histoire de l'Eurasie» sans connaîÎtre l'histoire des cavaliers de la Sibérie. Rappelons les grandes lignes de cette histoire :

Environ 1200 avant J.-C.

Formation des unions des tribus hunniques dans les steppes de la Mongolie et de la Sibérie du Sud. Domination des Sakas dans les steppes de l'Asie Centrale.

III siècle avant J.-C. 1

L'Empire hunnique devient une puissance redoutable. La Chine construit sa Grande Muraille. Pénétration des Huns en Asie Centrale.

A partir de 44 avant J.-C.

Division de l'Empire hun. L'exode des Huns orientaux. La Chine arrache le contrôle de la Route de la Soie.

Les Huns et les Sakas (Scythes asiatiques) avaient à peu près la même culture. On pense que la majorité des Sakas étaient de langue indo-européenne et la majorité des Huns étaient de langue turco-mongole. Une partie des Sakas orientaux parlait des langues turco-mongoles ou était bilingue. Ainsi les Huns orientaux avaient une composante de race indo-européenne.

René Grousset pensait que «Les races de commandement, les nations impériales sont peu nombreuses. A côté des Romains, les Turco-Mongols sont de celles-là.» (R.Grousset, L'Empire des steppes, Payot, 1965, p.28).

Mais, à l'époque d'Attila, l'Empire romain d'Occident était en pleine décomposition, les affaires de l'Empire d'Orient n'étaient pas brillantes, -tandis que les Huns menaient des offensives à l'échelle mondiale: «Les fronts militaires des nomades altaïques couvrent - à l'exception du Maghreb l'ensemble du théâtre des conflits du monde antique et médiéval. Sur les deux millénaires où ces nomades exercent leur pesée, à deux reprises, ils sont présents à l'échelle du monde : aux IV-V siècles et aux XIII-XV siècles de notre ère. La première fois par une série d'invasions provoquant la chute des empires han (Chine) et gupta (Inde) et indirectement celle de l'Empire romain ... » (G.Chaliand, Les Empires nomades, de la Mongolie au Danube, Perrin, 1995, p. 59).

«Nulle part, hors de la steppe, la révolution que constitue l'usage de la cavalerie n'a été portée à une telle efficacité militaire. Mobilité, capacité de concentration, puissance de jet de l'arc à double courbure, technique de harcèlement et de feintes font des nomades de la steppe, ..., les représentants majeurs d'une culture stratégique d'une singulière efficacité ... » (Ibid, p. 61).

 

Les Sakhas se souviennent des Sakas et des Huns

Le peuple turco-mongol Sakha (Yakoute) revendique l'héritage culturel des Huns mais aussi des Sakas.

Le professeur A.D.Grigoriev a comparé des cheveux de Huns asiatique avec les cheveux des peuples contemporains. Il trouve que c'est la composition des cheveux des Sakhas qui est la plus proche de celle des Huns (N.Antonov, Cours de la turcologie, Yakoutsk, 1976, p.26). Dans les cheveux des Sakhas ont trouve dans 60% des cas le pigment de phéomélanine, caractéristique des cheveux des femmes européennes (A.Gogolev, Yakoutes, Yakoutsk, 1993, p. 28). V.V.Fefelova a découvert (1987) dans le sang des Sakhas dans 29,1% des cas, c'est-à-dire, deux fois plus souvent que chez les européens, l'antigène HL A-AI, qui est absent dans les populations asiatiques. Il est souvent combiné chez les Sakhas avec l'antigène HLA-B17 et cette combinaisons n'existe que chez les Sakhas et les Hindous (Gogolev, p. 28, 123).

Actuellement les chercheurs français (prof Pierre-Henri Giscard du Centre international de recherches archéologiques en Haute Asie (Paris) et prof. Eric Crubezy de l'Institut de Génétique appliquée aux population du passé (Université de Toulouse) continuent ces recherches avec les méthodes scientifiques modernes.

Notons que la langue sakha «qui a conservé de nombreux caractères archaïques constitue à elle seule une branche très importante de la famille des langues turques» (Tekin et Olmez, Les langues turques, Ankara, Simurg, 1995, p. 53). Les Sakhas sont fiers de leur appartenance à l'aire turco-mongole (plus de 30% du vocabulaire sakha est mongol).

Analysons les noms des Huns. Pourquoi, en effet, les noms des femmes d'Attila se terminent par «ka», «ga» ou «go» : Enga, Kerka, Eska, Ildigo ? Dans la langue sakha «ko» signifie «noble et belle femme». Alors, très vraisemblablement Enga = En-ko, Eska = Es-ko, Ildigo = Ildi-ko. Kerka était plutôt Kere-ko, «kere» signifie «belle». Attila témoignait à Kere-ko «la plus grande confiance et la plus haute considération. Le nom Roas (de l'oncle d'Attila) ressemble à un nom sakha très répandu : Oros. Le fils aîné d'Attila porte un nom purement sakha : Ellak = «celui qui possède un Etat» = «un souverain» («El» signifie «état, union, paix»). Uzindur est probablement Uzin-Tour (Ouzoun-Tour : «sois debout longtemps» = «vis longtemps»), Ernak se déchiffre comme Er-Nak («Er» signifie «un homme vaillant»), etc.

Mes grands-parents menaient à peu près la même vie que les Huns d'Attila. Beaucoup de Sakhas continuent actuellement à pratiquer ce genre de vie. Dans les épopées sakhas on chante les exploits des ancêtres appartenant au peuple Kun («peuple du Soleil») dont le pays est situé entre la mer Aral et le lac Baïkal. Notons qu'en Asie Centrale les Huns étaient connus sous le nom de «Kuns». La tribu centrale des Sakhas s'appelle Cangalas. A l'époque de Gengis-khan nous voyons les Canglas sur le territoire de l'actuel Kazakhstan.

Le culte de Tangra (Tengri) qui est une religion monothéiste, reposant sur l'adoration du Ciel divinisé, est connue chez les peuples hunniques depuis l'aube de leur histoire. Cette religion est toujours vivante en Yakoutie tandis qu'elle est disparue depuis longtemps en Asie Centrale et en Mongolie. Le drapeau de la République Sakha (Yakoutie) est un drapeau tangraïste bleu et avec le soleil blanc. Les croix tangraïstes sont gravées sur la porte du Parlement.

Chaque peuple tangraïste percevait Tangra de façon différente. Pour la majorité de ces peuples, Tangra était un Esprit suprême dont l'image ne contredit pas l'idée du Dieu unique et tout puissant des religions monothéistes. C'est pourquoi, le christianisme nestorien a pu pénétrer (à partir du Vllème siècle) si loin dans les steppes et coexister pacifiquement avec les croyances tangraïstes Par suite, l'église orthodoxe a décidé, dans la traduction de la littérature chrétienne en sakha, d'identifier Tangra avec le Dieu chrétien. «Tangra est la «plus haute expression du divin ... et qu'entoure un grand nombre de divinités, à la fois distinctes de lui et en faisant partie», «tous les prêtres de toutes les religions, par suite de leur initiation, de leurs prières, de leurs exercices spirituels, sont sensés détenir des pouvoir plus ou moins semblables à ceux des chamans et être comme eux, susceptibles de recevoir des messages de l'au-delà et d'influencer sur la volonté céleste», il en découle «à la fois la crainte et le respect pour tous les religieux, ce qui conduit à la tolérance et à la curiosité pour les doctrines des autres» (J.-P. Roux, Historia spécial, N° 57 (La folle épopée des Mongols), p. 62).

 

Reconstitution romancée

Mon roman «Les amis d'Attila» est composé de trois livres : «De l'Italie à la Sibérie», «La jeunesse d'Attila» et «Les aventures d'Oreste». Il est fondé sur l'étude attentive des sources pendant 40 ans. J'ai effectué plusieurs déplacements sur les traces d'Attila.

Les actions se déroulent de l'Afrique du Nord et de l'Espagne jusqu'à la Sibérie et à la Grande Muraille de Chine. Il contient environ 370 scènes au sens cinématographique de ce terme. Il y a plus de 130 personnages.

Le but de mon roman n'est pas l'idéalisation d'Attila, j'ai voulu montrer que nul besoin de diaboliser Attila pour créer des oeuvres intéressantes sur son époque. La vie d'Attila continuera longtemps à inspirer les créateurs. Avant ils se torturaient pour trouver des réponses à leurs questions les plus élémentaires. Mon oeuvre est destinée à les aider en donnant une reconstitution la plus véridique possible des évènements historiques, mais aussi des coutumes et de la mentalité de la population hunnique ce que montre son sommaire :

LES AMIS D'ATTILA
Première édition, 2001 (ISBN 5-85259-582-9)
Deuxième édition, 2002 (IDDN.FR.010.0098969.000.R.P.2002.035.40100)
© JIPTO International, Paris

De l'Italie à la Sibérie

Conversation dans le palais impérial / En route / Khan Oros / Kere-ko / Prince Ellak / Banquet / Ville de Soleil / Jeux guerrières / Messager d'Aetius / Discussions avec Attila / Rencontre avec la régente / Arles / Docteur Eudoxe / En bateau / Alains / Comte Boniface / Vent des steppes / Francs / Vandales / Wisigoths / Mission de Darius / Evêque Augustin / Burgondes Pays des ancêtres / Mort de Boniface / Deuxième serment Maître de l'Empire Princesse Honoria Paix de Margum / Encore en Gaule Roi des rois / Théodose et Eudoxie Rêve d'Honoria / Refroidissement / Pape Léon / Incident de Margum / Nuages sur la Byzance / A l'est / Constantinople épargnée / Grand Eunuque / Huns et Romains / Attila commence l'enquête / Rencontre de deux ambassades / Grecs de la Hunnie / Dans le quartier royal / Attila termine l'enquête / Lettre d'Honoria / Confrontation / Tempête sur la Gaule / Paris / Orléans / Champs catalauniques / Bataille / Avenir du monde / Campagne d'Italie / Attila-; à Léon / Dans la joie des fêtes / Mort d'Aetius /Dernière conversation

Jeunesse d'Attila,

Dans le palais impérial / Attila et Onégèse / Au Sénat romain / Incident de Bologne / Au camp de Pavie / Stupéfaction / Mort de Stilicon / Eucherius / Alaric et Oros / Atilius à Rome / Cavaliers / Invasion / Blocus / Négociations / Chute d'Olympius / Gennerid / Eusèbe et Allobich / Conférence de Rimini Serment / Siège de Rome / Attale Sac de Rome / Galla Placidia / Mort d'Alaric Roi d'Ataulphe / Séjour à Rome En Gaule

Les aventures d'Oreste

Attila et Gennerid / Ville Etemelle / Guerre civile / Courtisan / Ambassadeur des Romains / Capitale des Huns / Conversation avec Kere-ko / Récit de Sabir / Ellak et Onégèse / Fêtes des Huns / Recrutement des mercenaires / Epopée héroïque / Khan Attila / Grande chasse royale / Décision / Voyage vers l'Oural /En Germanie / Vers le lac Baïkal / Joujans et Tabgatch Intervention / Paix de Margum / Ministre et général / Nouvelles de la Gaule Incident de Margum / Prise de Sirmium / Gouverneur des Balkans / Missions diplomatiques / Comte Maximin / Diplomatie parentale / Impressions de Priscos / Scandale international / Princesse Honoria / Grande Armée / Offensive / Champs catalauniques / Retour de l'armée / Bataille / Testament d'Attila / Guerre en Italie / Pape Léon / Grande randonnée / Mort d'Attila / Révolte d'Ardaric / Proposition / Avitus / Majorien / Décomposition de l'Empire

Julius Nepos / Romulus Augustinus / Odoacre

Cette approche permet d'élucider certains «mystères d'Attila», par exemple, les énigmes des Camps catalauniques et de sa rencontre avec le pape Léon.

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