MOTS

Moyens Oulipiens de Traitements Scientifiques
(jérome fraissinet - 1994)

Introduction

Exploration ou recette

Il faudrait entreprendre une exploration méthodique de quelques structures et notions mathématiques en vue de chercher si certaines d'entre elles n'offrent pas des possibilités OuLiPiennes.

Boîte à idée : François Le Lionnais (1973)

Mais un tel voyage était aussi sanctionné par l'OuLiPo qui mettait toujours en garde le futur écrivain de ne pas tomber dans l'automatisme. Le Lionnais notait pourtant : des recettes plus automatiques peuvent être tentées à titre d'expériences " pour voir ".

Donc dans quel but faut-il travailler lorsque l'on parle de Moyens Oulipiens de Traitements Scientifiques qui rien que dans son énoncé est OuLiPien ? Telle est la réflexion que je propose dans la première partie. Dans la seconde, on décrit la notion de destruction nécessaire dans la phase de création de MOTS, ensuite on explique la partie formelle du logiciel. Enfin, on donne dans la troisième partie, la justification et les apports de MOTS.

Les deux supports

détruire pour "mieux" refaire

OuLiPo : la littérature potentielle (idées/gallimard 1973)

En lisant la préface de ce monument de la littérature contemporaine, un frisson me parcourt : peut-on refaire l'OuLiPo, peut-on finir le travail, peut-on l'achever... En lisant la suite, l'entreprise est inutile et déconseillée. Un tel foisonnement d'idées ne peut se concrétiser par des réalisations réelles. Un écrivain devra profiter du souffle OuLiPien pour grimper mais il ne doit pas retomber pour se noyer après l'ouragan. Que faut-il donc en tirer ?

Pour profiter de ce souffle il vaut mieux le connaître, donc dans le même esprit que la musique contemporaine actuelle, dans le même esprit que Kandinsky, dans le même esprit que Godard et dans le même esprit que l'OuLiPo (qu'un Le Lionnais, qu'un Perec, qu'un Roubaud ...) voici ma vision de l'art .

L'art est avant tout l'expression même d'un esprit sur un support. Mais l'art, tel qu'il est perçu est bien autre chose : c'est aussi l'artiste représenté par son oeuvre. Il y a donc deux supports réels dans la création artistique : le support spirituel de l'artiste et le support physique de son oeuvre. Entre les deux, un geste appris, conforté par une technique.

Le public s'intéresse au résultat (on ne rencontre pas l'artiste tous les jours), il interprète, réfléchit ou contemple : il donne à l'oeuvre sa valeur populaire et sentimentale. L'artiste lui s'intéresse à sa prochaine oeuvre, qu'il contemple, interprète : il donne à l'oeuvre sa valeur spirituelle. L'oeuvre apparaît avoir donc deux valeurs bien distinctes.

Ces valeurs s'insèrent parfaitement dans notre milieu socio-économique. Certains artistes veulent parler (ou communiquer ?) aux autres : ils vont employer leur langue maternelle : celle des hommes. De l'autre, des artistes veulent se parler à eux-même mais la langue des hommes trop pauvre (le nivellement par le bas est inévitable) les oblige à construire un nouveau langage : le leur. Les premiers comme les seconds peuvent réussir mais certains atteindront leur but dans le silence d'autre dans le bruit. Les premiers vont privilégier le support sentimental, les seconds le support spirituel.

Le but de MOTS est de redonner au support spirituel toute sa valeur. Cela passe dans un premier temps par la destruction du support physique, ensuite par la construction d'un support spirituel et enfin par la création volontaire et dirigée d'un nouveau support physique : détruire pour mieux refaire. MOTS n'est donc qu'uun unique environnement de travail et en aucun cas une oeuvre accomplit : c'est un support spirituel et physique cohérent avec son créateur.

On décrit dans la seconde partie plus précisément la démarche de destruction, de construction et de mise en oeuvre.

La destruction

l'indicible

Tentatives à la limite oulipienne

Citons, une fois de plus, Le Lionnais dans l'OuLiPo à propos de ses tentatives à la limite :

" On ne sait bien où conduit un chemin en le parcourant ou, tout au moins, en y jetant un coup d'oeil pour voir s'il se termine, à peu de distance, en cul de sac, ou s'il n'a pas de fin visible. Même les impasses ont leur intérêt; il est de nous éclairer aussi bien sur les limites que sur les pouvoirs qui sont associés à telles contraintes ou à tels mécanismes."

Il l'avait expérimenté :

- par le poème composé d'un seul mot,

FENOUIL

- par la réduction d'un poème à une seule lettre,

T.

- par la ponctuation,

:

1,2,3,4,5.

6;7;8;9;10.

12?

11!

Malgré sa mise en garde, Le Lionnais l'a fait, et choisir le mot FENOUIL plutôt que le mot MOT (à la Duchamp) révèle bien autre chose qu'une simple tentative à la limite. C'est après l'expérience de MOTS que je compris en fait que ce genre de tentative, bien plus qu'une impasse est en fait bien un champ sans fin visible.

Je donne ici une petite note autobiographique qui permet de découvrir comment la notion d'indicible à été découverte et vécue. Ensuite, on explique plus en détail la démarche de l'indicible dans MOTS.

Deux ou trois mots autobiographiques

Avant de commencer à décrire le protocole de création, il me semble important de parler de mon acquis artistique avant la réalisation du projet.

Tout petit, j'écrivais déjà des romans (toujours transformés à la fin en nouvelles), des chansons, des journaux, des dossiers journalistiques fictifs, des recueils de textes... Après je découvrais la musique et par la même l'écriture de chansons (à texte !).

Puis, l'éducation nationale me fit connaître Baudelaire, Vian, Prévert. Toutes mes illusions étaient perdues : ainsi la littérature était comme cela : riche, voluptueuse, imaginaire. Je perdais confiance et j'arrêtais d'écrire les simples élucubrations imaginatives. Je préférais commencer à rédiger des carnets de voyages qui contaient des descriptions de paysages, des résumés très personnels de livres que j'ingurgitais, des proses philosophiques ...

Après cette période d'adulescence, j'apprenais réellement la portée des mathématiques dans la classe de mathématiques supérieures. Mais, le travail harassant courant, empêchait la création. Peu importe les bases logiques étaient acquises : je décidais d'entreprendre alors des études d'informatique (cette science implacable de la logique). Vivant en parallèle une période picturale (dessins, tableaux, pochoirs ...) qui s'est avérée n'être qu'un unique débordement d'énergie, je continuais la création musicale (laissant pour un temps l'écriture). Je commençais mes premières compositions de haut vol : opéras, cantates, pièces électro-acoustique... La littérature était alors un unique support vocal à la musique.

Puis, après avoir piocher les textes dans Desnos, Baudelaire, Vian, Mallarmé, De Nerval, Appolinaire, Eluard, Homère, ... je compris que les paroles ne faisaient qu'entraver la musique : je décidai de ne chanter plus qu'en yaourt : une langue franglorusse de sonorité purement esthétique. Mais, étrangement, après avoir appris ce langage — c'est à dire trouvé des mots qui convenaient à plusieurs chansons, des verbes sans sens qui avaient pourtant leur place — je commençais à avoir des sentiments profonds en chantant en yaourt sans que la musique intervienne. Je parlais tout seul en yaourt et y trouvais du sens.

C'est alors que je me remis à l'écriture, commençant tout d'abord par l'écriture de petits poèmes, de piecettes, de textes descriptifs. Menant, avec un ami, des expériences littéraires de plus en plus intéressantes (poème à deux, cadavres mi-exquis, rebond de mots...) et tout seul la littérature aléatoire (on s'assied et on écrit sans réfléchir). Nous rédigeammes de plus en plus de gros ouvrages qui rendaient compte de notre vie réelle, immaginatrice et créatrice. Je fus pris d'une envie d'écrire de plus en plus forte : essais de romans, livres de descriptifs, recueils ... Enfin, je décidais que toute cette oeuvre de plus en plus importante méritait d'être mis à propre : je dactilographiais alors tous nos recueils : Textums. Cette écriture pris plusieurs mois, ce qui me permis de découvrir alors la richesse de l'ordinateur qui mettait en page ces recueils leurs redonnant une seconde vie que l'on qualifia finalement de propre, sociale et communicante.

Enfin, l'informatique fit son apparition dans ma création littéraire. Je relisais alors 8 ans après l'OuLiPo, Kandinsky et Boulez. L'ordinateur me permettait d'écrire directement en yaourt créant ainsi, là encore, une seconde vie à ce langage. Je commençais à écrire en yaourt lorsque je découvrais la magie du correcteur orthographique et du dictionnaire de synonymes. Comment ne pas être indifférent à ces outils illimités de la littérature, je me remémorais l'OuLiPo et commençais à m'en servir de plus en plus.

La programmation informatique devenant maintenant pour moi comme une langue étrangère maîtrisée, j'entreprenais d'écrire des outils de composition de textes. Mais, la lenteur des logiciels, le manque de but donnait des résultats proches de l'expérience mais ne s'accomplissaient pas dans un projet unique. A titre d'exemple voici ce que l'on pouvait lire à maturité des petits outils :

"Copuler les femmes existantes et régénérer ici un monde sans paroles ni silence.

Les femmes de ce monde

sont les âmes vivantes

des pères de nos pères

sans scrupule reproduire.

Les femmes de cette humanité

sont les âmes de cette terre

des pères de nos pères

qui sans scrupule ont enfantées.

La divine sphère

qu'est la terre

prolétaire

n'a qu'en faire.

Revoir dans un chaos pur et sans fin , la renaissance d'un monde différent .

Améliorer dans une incohérence raffinée et sans délié , le renouvellement d'un globe distinct .

Repasser dans une incohérence sage et sans terme , la régénération d'un macrocosme divergent .

Repasser dans une confusion filtrée et sans friche, la réapparition d'un cosmos disparate .

Vérifier dans un trouble complet et sans but , la résurrection d'un gentry inégal .

Récapituler dans une anarchie éthérée et sans coût , le retour d'une sphère changée .

Améliorer dans un désordre correct et sans agonie , la retour d'un gentry méconnaissable .

Retoucher dans un gâchis immaculé et sans chaleur , la réapparition d'un univers changé .

Reformer dans un pêle-mêle chaste et sans terminaison , le renouveau d'une humanité contraire . " Les Devins, Alégorie II

Note : Le texte précédent est écrit à partir de la phrase en gras. La suite du texte est réalisée à partir de petits outils qui donnent une pâte d'écriture que l'écrivain modifie à son grès.

Je décidais alors de tout reprendre et de créer alors un environnement plus propre à la création artistique : MOTS.

Du yaourt aux synonymes

La démarche de destruction fut donc entreprise par l'utilisation, innocente dans un premier temps du yaourt, par son écriture ensuite et enfin par sa formulation informatique : le programme chapitre.

Ensuite, l'apport de texte "chapitre" tel que : "Jhxf. Mqmf ywhwq ddl bwxtu. Sb lhegu hcm ofi kjsl hyy upr. Mp mb ly oltc. Gmdin jp kprde. Yb ggf ka mpye kig xfaa. Hqlw pv nmy whac. Lrxu gv. Yws wvyt fa . " était pauvre pour la littérature, en effet, ce n'est que parlé qu'il prenait son envol.

L'utilisation de mots français apparaissait nécessaire. Mais, le mot devait rejoindre l'esprit yaourt , il devait au fur et à mesure se détruire lui même ne laissant qu'une trace dans l'esprit. L'utilisation des synonymes apparaissait inévitable. D'un mot on prenait son synonyme et de son synonyme un autre, etc... On devait donc créer un dictionnaire des synonymes, puis des fonctions d'exploitations de celui-ci. La fonction scalaire donne ceci : 5homme = génération.

Le lexique est ainsi détruit mais la richesse sémantique subsiste à la limite.

Epeler le yaourt

Le lexique avait sa valeur, mais le texte lui n'avait toujours pas de correspondance. La création d'un dictionnaire universel s'imposait. Une fois créé, ce dictionnaire allait servir à épeler les "phrases" yaourt et de donner à chaque mot son sens. On trouvait ainsi des résultats dans spelling tels que :

"Jamais. Avortement naturel évocation. Quand utilisation. Hoirie olympe. Ruine. Joindre plutôt kyrielle numéroter gorge turbiner. Noeud heurter. Femme de chambre vulgaire émaner turbulent nez. Puissant heurter. Célébrité ficher univers c'est pourquoi hoirie. . "

Les mots prenaient leur sens à une place qu'ils ne connaissaient pas. La grammaire était détruite. Et pourtant, la ponctuation rendait le texte lisible. On relit Le Lionnais et on s'apperçoit que le but de la troisième tentative est atteinte.

L'indicible

Le lexique détruit, la grammaire détruite, on peut créer les textes incrémentaux prenant les mots issu de spelling et transformé par scalaire. Le programme Inc donne ainsi l'image de la destruction nécessaire à MOTS.

On arrive à des textes où la ponctuation remplace la grammaire et ou le vocabulaire est faussé car la démarche de son évolution entraîne le lecteur vers encore plus d'interrogations sur la portée du mot dans son esprit. Ne serait-ce pas là la littérature abstraite ?

On décrit dans la seconde partie la partie formelle de MOTS, qui constitue la partie reconstruction de la démarche.

 

Formes et opérations

Les modèles

Après avoir tout détruit, il serait trop facile de laisser le chantier dans un état très pauvre. Une phase de consolidation est donc nécessaire à la démarche. On crée pour cela différents modèles d'analyse et on crée ainsi d'autres outils pour l'écrivain. On décrit ici les différents modèles.

Les formes et les phrases

Avant de parler de formes, il apparaît important de distinguer dans la littérature les différents éléments grammaticaux en tant que genre : nom, verbe, adverbe, adjectifs, prépositions ... En effet, il est clair que dans tout langage on a besoin (même pour soi-même) de distinguer différents éléments qui permettent de structurer la pensée. On crée donc un dictionnaire contenant tous les éléments du genre. Bien sûr, ce dictionnaire n'est pas complet mais suffisant.

Ensuite, lorsque l'on structure la pensée, on la structure en phrases afin d'articuler tous les différents genres. On crée donc des formes qui correspondent aux différentes manières d'écrire des groupes grammaticaux : compléments circonstanciels, groupe verbal, groupe nominal ... Ces formes une fois créées on peut préparer des canevas plus globaux encore que sont les phrases : un assemblage de formes et de genres. De plus on distingue, afin de pouvoir mieux jouer sur les contraintes, différents style de phrases. On peut ainsi écrire un roman, un texte à la manière de ...

Les ensembles

On veut ensuite pouvoir traiter les mots comme des éléments, et donc pouvoir effectuer certaines opérations sur ceux-ci : addition, soustraction, division, multiplication.

MOTS propose deux méthodes de calcul : Opere, Calcul.

Opere utilise un dictionnaire sémantique. On définit un dictionnaire sémantique par un ensemble de couple (mots, valeur). La valeur associée au mot correspond au nombre d'instances qu'un mot a dans un dictionnaire. C'est en effet la valeur sémantique car on peut dire alors que un mot plus il est utilisé, plus il aura une valeur sémantique grande. Les opérations sont donc les opérations classiques sur les nombres. Le résultat ne peut avoir aucun rapport avec la source mais il a une justification. Le problème de l'unicité du choix est traité dans la partie suivante.

Calcul utilise lui le dictionnaire des synonymes. A un mot est associé un ensemble mots, et les opérations sont des opérations ensemblistes classique :

+ correspond à l'intersection

- correspond à l'exclusion

* correspond à l'union

/ correspond à la somme des exclusions.

Ensuite, le choix du mot est fait par une fonction aléatoire classique (purement informatique). A noter que le choix pourrait être fait de manière plus complexe : selon une fonction aléatoire intelligente : temporelle, probabilistique, statistique ...

Les ensembles fournissent donc des mots calculés.

Les rimes

Une des beautés ancestrales de la poésie est la rime en fin de vers. Afin de ne pas oublier ce que le passé à donner à la littérature, on propose la création de poèmes en rimes. Pour cela on fabrique un dictionnaire de rimes, structurant là encore les mots selon une autre catégorie et donc d'autres dictionnaires. L'ensemble des mots peut être ainsi utilisé. De plus des outils permettent la mise en rime de poèmes écrits en prose.

Les outils "oulipiens"

Les outils oulipiens constituent la dernière partie de la recontruction. Ces outils tirés soit directement soit inspirés par l'OuLiPo permettent de manipuler encore les mots de manière rigoureuse. On propose ainsi en vrac : la méthode S+n , les lipogrammes, les vers rhopaliques, les textes fractals. Ces outils enrichissent la création de fichiers textes de bases de plus en plus complets et différents.

Le compilateur

Le compilateur permet, en informatique, à partir de programmes de calculer, de créer des documents ... MOTS fournissant des outils en grand nombre, se devait de proposer un outil global qui permettent à partir d'un fichier programme de créer des textes plus complexe. Dans sa première version, le compilateur ccm permet de créer simplement des fichiers de bases en utilisant les fonctions de bases de MOTS. Dans une seconde version, ce compilateur pourra compiler des programmes plus complexe en faisant intervenir les fonctions de bases de l'algorithmique (tests et boucles).

Conclusion

L'ensemble des formes et des opérations de MOTS fournissent maintenant à l'écrivain d'énormes possibilités. Mais que faire, et pourquoi tous ces outils. La réponse est donnée dans la partie suivante.

 

La reconstitution

vers des textes abstraits

Dans une telle entreprise qu'est MOTS, le but est essentiel. Le but essentiel était simple, mais au fur et à mesure de l'état d'avancement, des possibilités, il s'est multiplié. On décrit dans cette partie les buts de MOTS et enfin l'esprit avec lequel l'utilisateur doit programmer et travailler.

L'expérience

On l'a vu tout au début, les tentatives à la limite ont été le premier but de MOTS. Aller voir au bout du cul de sac. Mais au bout du cul de sac, point de mur, uniquement une rue dont les murs se dilataient. La limite apparaît être un espace infini.

Enfin, peu importe, le premier but est atteint, MOTS par les outils qu'ils proposent permet à l'écrivain de voir à la limite la possibilité de la machine dans le traitement littéraire. Elle propose des mots sans sens, compose des textes incohérents, sans histoires ...

Dans une première approche, cela peut paraître assez décevant.

La machine a écrit

Une fois le texte compilé par MOTS. ccm on doit s'attarder sur ce texte crûment élaboré, bourré de faute de français, sans sens a priori. Qu'y trouve-t-on ? Bien plus de choses que ce que l'on pourrait penser.

Rappelons-nous la distinction entre le support physique et spirituel. La machine elle, n'a pas de spirituel et ne s'exprime pas sur un support physique original. Comment expliquer alors qu'elle sorte tant de choses si nouvelles. Il est clair que la machine est bête. Pourtant lorsque l'on fait (homme-femme = lier), comment pourrait-on être indifférent. Aucune détermination n'a été programmée volontairement : seule la machine agit de manière déterministe (sauf si la fonction de choix est réellement intelligente, et c'est possible). MOTS prouve ici que la machine bien que bête et stupide, lorsqu'on lui a entrer de nombreuses données structurées peut fournir à l'homme l'image même de la structure de sa pensée. Le choix de tel ou tel mot dans telle ou telle structure, le nombre de ces mots, l'agencement des formes n'est pas innocent certes, mais très souvent inconscient. MOTS permet ainsi de montrer clairement à l'homme que les mots ne sont pas que des éléments de communication. Ils apparaissent être des éléments liés entre eux par d'étranges sens. Le calcul scalaire en est l'expression même. Le calcul Opere en donne une autre image. Donc, MOTS permet à l'écrivain d'affiner sa réflexion sur les mots, leur rôle et leur valeur réelle.

Après cette première réflexion, qui dans un premier temps est un jeu, et dans un second un véritable apprentissage. On s'interroge sur la valeur purement artistique du résultat. MOTS est un programme inutile au sens socio-économique. Sa prétention artistique est donc justifiée ou tout au moins justifiable. Mais cela ne suffit pas, on a définit l'art comme l'expression d'un esprit sur un support. De quel esprit ici parle-t-on? On parle ici d'un esprit sans imagination, sans réflexion mais qui prend toute sa "conscience" dans sa complexité. En effet, il agit logiquement sur des données en grand nombre. Un tel phénomène humain n'existe pas. L'artiste est donc un dictateur qui refait tel qu'on lui a appris, à ceci près qu'on lui a appris toutes les méthodes mais pas tous les résultats. Comme une machine à calculer ? Pas tout à fait, car il agit ici sur des éléments qui ont pour nous un sens très personnel, sentimental, spirituel et culturel (notez qu'il existe aussi une esthétique des nombres...) Le texte créé a donc une valeur artistique par le choix des éléments artistiques (les mots) et leur agencement. Quoiqu'on l'en pense : cela ne peut laisser indifférent un esprit curieux.

La source d'inspiration

Le texte, une fois analysé, commenté, fournit aussi une source d'inspiration. Pas besoin de machine pour être inspiré ! Mais, on ne parle pas ici d'une inspiration donnée gratuitement.

L'écrivain, doit en effet d'abord crée son texte MOTS par compilation. Le fichier source est une pure création artistique qui telle qu'elle est aussi un texte riche de sens. L'écriture de source fractal est loin d'être évident et c'est une prouesse que d'arriver à sortir de la machine un texte qui sera facilement interprétable. L'écriture de fichier de phrases fait lui appel à la pure structure de sa propre langue. Enfin, le fichier source est aussi la première ébauche d'un texte, le choix des paramètres de chaque fonctions et le choix de ses fonctions sont autant de critères importants qui révèlent des fois bien plus que le fond lui même : la forme étant parfois plus importante que le fond (un tableau triangulaire quel qu'il soit révèle plus de choses sur le peintre que ce qu'il contient).

Ensuite, soit il laisse le texte créé tel quel, jugeant que l'abstraction du résultat est suffisante : il est vrai qu'une variation sur un mot est souvent très riche de sens pour peu que l'on y adhère. Soit il préfère utiliser le texte créé pour travailler dessus. Et là de nombreuses méthodes peuvent être éprouvées : la correction rapide du texte (écriture aléatoire), l'utilisation des mots pour donner au texte un sens que l'on veut, l'écriture sous contrainte (lipogramme, rhopal), l'écriture de commentaire sur le texte, l'inspiration pure et simple du texte de base.

Un des intérêt premier de MOTS est en effet, à mon avis, l'écriture sous contrainte : lipogramme, rhopal, lexiq, spelling avec des dictionnaires différents...

Le texte abstrait

Peut-être le but le plus intéressant, et le mieux atteint. En effet, avec MOTS les textes fournis ont le plus souvent aucun sens réel. Il apparaissent être des élucubrations fantaisistes d'un poète fou. Mais, en y regardant plus près et en interprétant soi même le résultat, le texte prend toute sa richesse. Il fournit des images mentales des plus diverses. On finit par voir un peu comme un tableau de Kandinsky des choses là où l'auteur (la machine) ne les a pas mises. La structure et la rigueur impliquerait-elle quelque chose de cohérent ?

 

Conclure

j'ai créé, j'ai vécu, j'y reste

Peu m'importe ce que les autres en feront, MOTS a été pour moi un grand pas dans la littérature. Je donne ici certains des apports qu'il m'a donné.

MOTS m'a permis par la démarche que j'ai du éprouvée de mieux comprendre la valeur des mots, leurs rôles. Dans le même ordre d'idée, la notion de structure de la langue s'est fortement éclaircie et j'ai réellement conscience de sa complexité.

Je croyais déjà que l'aléatoire dans la création avait un rôle a joué, MOTS m'a permis de l'expérimenté et de conforté mes positions.

D'un point de vue purement informatique, il m'a permis de mieux comprendre certaines notions de tri, d'arrangements, de traitements.

La création de textes abstraits sous contrainte s'est avérée riche intellectuellement mais aussi au niveau du résultat.

Enfin, développer MOTS m'a apporté bien plus que tout ce qui précède : à la différence de Le Lionnais, je suis allé à la limite, j'ai vécu, je me suis promené et je suis loin d'avoir terminé. En bref, une nouvelle direction s'est ouverte dans la littérature, qui a mon humble avis n'est pas près de s'éteindre.