Le derrick
Un hélicoptère
Un bel arbre mort
Deux gardes bien seuls
Deux plongeons fatals
Quelle chance, ce voyage professionnel dans les fiords de Norvège ! J'avais souvent rêvé de voyager en hélicoptère dans des endroits totalement perdu. Je devai aller voir l'état de derricks dans une zone bien isolée. Accompagner de tout une équipe de techniciens nous atterrissons à Oslo. Dès notre arrivée, un taxi nous emmène à l'héliport. Un gros hélicoptère tout orange nous attend. Nous prenons un café vite fait puis montons à bord. Le pilote à l'air sérieux mais l'équipage est tout exité de faire ce voyage, moi aussi je dois dire. Nous survolons les fiords, c'est magnifique, la mer est d'huile. Dans l'hélico c'est l'émerveillement. Puis arrive la zone des derricks, elle est magnifique, tous avec leur bout jaune cela a un côté surnaturel.
L'hélico nous lâche sur le bord d'un fiord. Lacher est le terme, le pilote, très sérieusement, nous balance nos sacs et nous dit à bientôt, c'est à dire dans cinq jours. L'euphorie tombe vite. Nous longeons le fiord un moment, puis grimpons à travers des champs bien clairs. Le chemin est vertigineux et certains ont un peu peur, cela se voit à leur silence. Au col, nous découvrons le magnifique derrick, sujet entre autre de notre voyage. Il est baigné par un magnifique relief roussi par l'automne. L'eau est au calme plat. Nous prenons tous une photo avec le petit arbre mort au premier plan qui donne un charme fou à l'endroit. Une fois cette pause touristique évaporée, nous redescendons jusqu'à un barraquement où nous attend deux gars pas très éveillés. Vite, ils sortent l'aquavit et nous arrosons avec eux notre arrivée. Ils sont juste en face du derrick qui plonge profondément dans l'eau. Dès le lendemain, nous irons faire l'inspection.
Le soleil n'était pas levé que nous devions sortir de notre sac de couchage, bien trop chaud par rapport à l'exétieur où l'on ne se voyait pas tellement il y avait de buée. Après un bon petit déjeuner au poisson cru et au café, nous embarquons dans un pneumatique qui nous emmènent au pied du derrick de quelques cinquante mètres de haut. Je cherche l'escalier des yeux : plus d'escalier. "Il est tombé l'hiver dernier, on a arrangé une échelle de corde." Les visages de quelques uns de mes collèguent ont bien blanchis sur le coup. La montée fut épique, plus de 5 heures pour arriver en haut. Le panneau de commande qui permet de voir le remplissage de la cuve est effectivement en panne. Je le répare alors avec la pièce rare que nous avons ramener de Paris. Mes collègues font l'inspection du haut de la tour. Tout à coup, j'entend un cri éffrayant. Un des gardes du derrick est tombé à l'eau. J'accours, en faisant attention quand même et je les vois tous penchés par dessus la balustrade criant et criant. Puis je regarde en bas, il bouge. A ce moment, le deuxième garde plonge par dessus bord. Je comprends alors que nous avons à faire à deux fêlés, mes collègues aussi. Nous descendons alors tranquillement une fois le travail fait.
En bas, c'est horrible : le premier garde est hilare de son coup (son plongeon). Le second lui s'est noyé. Nous sommes attérés et nous secouons le garde qui ne veut pas démordre de son rire. Le retour fut pénible, nous dûmes l'assomer pour qui l'arrête de se débattre. Plus tard, il a été interné dans un asile psychiatrique et s'est noyé dans un lavabo.
Quand je repense à cet évènement et que je revois la photo de cet arbre mort, je pleure.
Le travail entraîne parfois l'isolement et ses tragédies.