Le gouffre
Une annonce.
Un sacré entraînement
Une magnifique aventure
Une vie en jeu, la mienne.
Dans le journal de la faculté : "Cherchons des volontaires pour une expédition spéléologique en Asie centrale". Je ne connais pas grand chose à ce sport, mais l'idée de partir dans ces contrées ne me déplais pas. Je contacte alors la section spéléologique de l'université qui me convie à une réunion de mise au point. En fait de réunion, c'est un véritable interrogatoire pour les volontaires : casier judiciaire, motivations spéléologiques, passeports en règles, motivations politiques … Il ne faudrait pas non plus que les idées viennent à entraver la qualité de l'aventure.
Ensuite, nous avons eu droit à plein d'exercices d'entraînements : sur des ponts, dans de petites grottes, dans des gouffres enneigés du Vercors, quelques week-ends en Ardèche … C'était super de découvrir les bas fonds de la France.
Enfin, en juillet après deux semaines de préparation, nous partons vers la Chine centrale. Là bas, un accueil chaleureux de la section spéléologique de Shanghai qui nous met à disposition un minibus bien fatigué. Nous arrivons au camp de base un soir de juillet. Nous déchargeons le paquetage, dormons sous une tente commune de l'armée chinoise. Le lendemain, la marche d'approche commence à travers la grande forêt équatoriale, puis dissimulée sous un grand chêne une petite cavité. Nous nous équipons et les premiers sont déjà partis. Je suis quatrième de cordée. Derrière mois ils sont trois. La descente est rude : des puits important de deux cents, trois cents puis enfin quatre cents mètres de haut. Les passages sont étroits et il faut déjà se contorsionner. On entend au fond le grondement d'un épais torrent. Il fait bon, meilleur que dehors où la chaleur pesait. Arrivé tout en bas vers six heures du matin nous décidons d'enfin dormir. La nuit fut bonne. Le lendemain, ce fut fantastique, à plus de huit cent mètres sous terre un torrent endiablé puis plus petit. Nous arrivons dans une immense caverne qui laisse tomber de toutes parts de mince ruisseaux. Nous prenons des relevés et continuons dans la plus grande grotte en suivant un mince filet d'eau calme. Nous remontons. La roche est en couches de toutes les couleurs et les stalactites sont d'un ocre sorti du tube. Trois jours plus tard après avoir bien remonté, nous apercevons de la lumière au dessus. Unanimes, nous décidons de sortir.
Je me souviendrai toujours de cette sortie : au centre d'un trou béant d'au moins six cents mètres, surplombés par des roches magnifique. Nous remontons le gouffre toute la journée et dînons face à un fabuleux paysage où des montagnes enneigées habitent le dernier plan. Il fait bon, les moustiques sont en bas. Puis je regarde de l'autre côté du gouffre et voit très nettement l'immense chêne, notre départ à deux kilomètres à l'ouest. J'en informe les autres. Le chef de l'expédition est persuadé que je me trompe et il argumente son propos d'un tas de cartes et de relevés topologiques. Je ne nie pas mais je constate.
Le lendemain, nous voilà au pied du fameux chêne, c'était bien là mais un éboulement à détruit l'entrée. Nous soufflons tous. Certains mettent cette chance sur le coup du destin, d'autres sur le hasard. Moi, un truc froid à traverser mon dos qui ne m'a toujours pas quitté : plus jamais ça.
La spéléologie est belle, la destinée de ces adeptes incertaine.