Le vieil homme et la crique
Loin de l'agitation estivale,
Sur des rochers brûlants,
Un vieil homme,
Cramé par le soleil,
Remanie ses souvenirs avec les siens,
Il lutte contre la fin,
Par des jets de couleurs.
Il connaît la cabane aux merveilles.
Après une bonne journée, au bord de l'eau parmi la foule estivale, les pan-banias sablés, les cocas renversés, les bouées crevées, je décidai d'une promenade le long de la côte. Il était neuf heure lorsque j'arrivai au sommet du Mont Mallemort qui surplombe d'une cinquantaine de mètre la mer.
Une brise s'était levée ne me faisant pas regretter mon pull jusque là encombrant. On entendait les vagues qui venaient s'échouer dans les calanques. Je profitai du silence quand j'aperçus un vieil homme à la barbe blanche penché sur ses genoux. Je m'approchai de lui pour savoir si cela allait quand je vis sur ces genoux une peinture représentant le paysage qui s'offrait à nos quatre yeux. Il me salua et avait l'air désireux de causer un brin.
Sa peau était rongée par le soleil et le sel. Il avait été pêcheur de sardines et avait maintes fois observé depuis son chalutier cette crique en se jurant un jour d'en faire quelque chose. Depuis, il s'était mis à la peinture et dans un style tout a fait classique, avouait-il, il croquait ça et là depuis la côte les paysages de son passé. Il était admiratif de la peinture de Cézanne.
Ses enfants étaient montés à Paris pour vivre la vraie vie disait-il avec une ironie retenue. Il les voyait durant les vacances, mais essayait de les éviter le plus possible afin de pouvoir travailler son inventaire spécial. Il ne comptait rien en faire mais le faire, car disait-il la peinture rappelle les souvenirs à ceux qui la regardent mais elle en fabrique à ceux qui la font. Il jugeait plus important de se faire encore des souvenirs plutôt que de partager les siens avec les siens qui les connaissaient déjà.
Il me conseilla de continuer le sentier par le chemin escarpé du bas car il y avait en bas une petite cabane ouverte où l'on pouvait voir une nature vivante du plus bel effet. IL ne s'était pas trompé, entre ces quatres murs de vielles planches de bateaux, des tomates rouge sang, des sardines toutes fraîches et une forte odeur d'huile d'olive provoquait tous les sens.
Lorsque je remontais il avait laissé à sa place son tableau et un petit mot : "à l'inconnu qui écoute les papis raconter leurs histoires."
Je versais une larme.
Les merveilles viennent souvent des expériences des sages.