Guiseppe Amarovich

Masses & Traits


Avant-propos
Amarovich est un peintre peu connu et peu d’ouvrages ont été écrits sur lui. Pourtant, le parcours de cet artiste est des plus riches. Il a traversé les périodes et les courants phares de la peinture abstraite y prenant à chaque fois les techniques et les points de vue qui répondaient à son obsession : le contraste entre la masse et le trait. Son œuvre est immense : quelques 1200 tableaux et photos, quatre essais et de nombreuses études.
Personnage peu charismatique de la peinture contemporaine, il n’a jamais réellement cherché le succès préférant travailler plutôt que de se montrer. Mal reconnu, il reste pourtant un grand précurseur des nouvelles images (images virtuelles, retouches photographiques, usage de l’informatique) mais comme tout au long de sa vie, et comme on le lui a beaucoup reproché, il a pioché dans les techniques pour satisfaire son idée fixe sans chercher à les pousser dans leurs contreforts.
Son travail, animé autour d’une idée fixe, est structuré par d’importants projets : Les Traits, Le tableau vivant, Les lignes blanches ... Il construisait toujours ses oeuvres de manière rationnelle et s’expliquait dans des essais et autres notes. Il aimait les très grands formats (6x4m) dans lesquels disait-il " on se voit dedans ". D’une folle variété, le dénominateur commun de ses oeuvres est sans aucun doute le contraste entre la matière (Masses) et ses limites (Traits).
Dans cet ouvrage, nous avons choisi de vous présenter les différentes périodes de la vie d’Amarovich ainsi qu’une sélection d’oeuvres les plus caractéristiques qui permettent de saisir le travail foisonnant et pourtant quasi obsessionnel de l’artiste.
Jérome Fraissinet

Sommaire
Avant-propos
Sommaire
Une enfance difficile
Paris, Picasso et Brassaï
New York : son Pop Art
Le tournant : traits et masses
De la masse à la ligne
Les changements de cap
La fatalité
La renaissance
L’image et la machine
Biographie

Une enfance difficile

(1934 - 58)
Dès le débarquement à Kiel, les parents d’Amarovich, étrangers, sont très mal accueillis. Sa mère Lucia fait des ménages et son père Rodolph est employé aux chantiers maritimes. Il fabrique malgré lui les navires de son pire ennemi que sont les nazis. Les résultats scolaires d’Amarovich sont satisfaisants, ses parents s’en félicitent.
La guerre déclarée, toute la famille Amarovich est envoyée en camp de concentration. Guiseppe garde un souvenir très marquant des champs sur lesquels les traces des camions et le sang pourrissent la neige. Son père qui fait la connaissance du dessinateur Pierre Félan est pendu à Floßenburg en Septembre 1944. Guiseppe et sa mère sont épargnés.
A la libération, ils vont s’installer à Milan. Lucia travaille pour payer les études de son fils au lycée San Michele. Amarovich y apprend les mathématiques. Il gardera toute sa vie le sens logique de cette science. Il a le sentiment que la simplification de la vie ainsi que la théorisation sont un aboutissement plus qu’un moyen. Lors d’un voyage scolaire à Florence, Guiseppe est éblouit par les fresques de Fra Angelico au couvent San Marco. C’est alors qu’il décide de devenir peintre.
Début 1953, la mère d’Amarovich est atteinte de la tuberculose, Guiseppe doit arrêter ses études pour subvenir à leurs besoins et s’occuper de sa mère. Il vit alors de petits travaux : ouvrier dans les usines Fiat, boulanger, marchand ambulant. A ses heures perdues, il commence à peindre des tableaux à la manière des impressionnistes.
 
 
 
Paysage d’automne, (1954)
Huile, 95x60 cm
Museo de bellas artes, Caracas
 
 
 
 
L’avenue, (1955)
Huile, 95x60 cm
Museo de bellas artes, Caracas
La mère d’Amarovich meurt le 14 février 1954. Guiseppe peut alors consacrer plus de temps à sa peinture, les derniers mois ayant été très difficiles. Il attend quatre ans avant sa première exposition qui est un franc succès. Il décide de partir pour Paris, ville où il rêve de s’installer.
Durant toute cette époque, il apprend à maîtriser toutes les techniques académiques: huile, aquarelle, dessin... Il affectionne particulièrement la peinture à l’huile.
La cascade (1956),
Huile, 60x90 cm,
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York
Le chemin, (1956),
Encre de chine, 38x25 cm,
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York
La vallée de Picadio, (1957)
Huile, 125x85 cm,
Galleria d’arte Cartina, Milan

Paris, Picasso et Brassaï

(1959 - 63)
Arrivé à Paris, il rencontre par chance Picasso, l’artiste du moment, ainsi que le photographe Brassaï. Ils discutent longtemps avec Picasso sur les techniques modernes de création. Ils s’entretiennent sur les repentirs en peinture. Guiseppe est fasciné par cette idée qu’il utilisera plus tard en 1977 dans le projet intitulé d’un tableau à l’autre. Sa relation avec Picasso s’arrête très rapidement, Amarovich ne désirant pas s’imposer. De plus, il ne supporte pas le milieu mondain dans lequel vit cet artiste.
Dans son atelier de Montrouge à la périphérie de Paris, Amarovich travaille avec Brassaï qui l’initie à l’art de la photographie. Amarovich est plus intéressé par le développement et les effets de la photo que par le sujet lui même. Il écrit à ce propos : " Jamais, je n’aurais cru possible qu’une technique aussi industrielle puisse donner une atmosphère aussi irréelle que pure ". Très vite, il retouche ses photos à l’huile. Son style est délibérément dans l’esprit du Pop-Art, courant en pleine expansion à cette période. Cela l’amènera plus tard à vivre à New York.
Il expose et vend toutes ses photos en 1960 à la Galerie Templon à Paris. Il doit cependant continuer à réaliser de petits tableaux dans le goût impressionniste qu’il vend à des antiquaires en omettant son nom.
Lors de la biennale de Venise, son travail photographique est particulièrement apprécié, notamment ses séries Les Cieux et Les blés.
Les cieux I,II,III,IV et V, (1960)
Photos, 32x20 cm
Museo de arte moderno, Buenos Aires
A la suite de ce succès, une galerie vénézuélienne l’invite à exposer à Caracas. Il découvre ce pays chaud mais la barrière de la langue le contraint à une vie solitaire. Il écrit déjà sur les masses en général et notamment sur les masses humaines. Il poursuit ses expositions sud-américaines durant toute l’année 1963 ainsi que ses études sur les couleurs et son travail de photographie en noir et blanc.
Les blés I, (1962)
Photo, 32x25 cm
Palais des Beaux-Arts, Pékin
Les blés II, (1962)
Huile sur Photo, 32x25 cm
Palais des Beaux-Arts, Pékin
Les blés III, (1962)
Huile, 160x125 cm
Palais des Beaux-Arts, Pékin

New York : son Pop Art

(1964 - 65)
Il rencontre Lichtenstein à la fin de l’exposition itinérante organisé par le Museum of Modern Art de New York. Il est sidéré par sa vision industrialisante de l’art. Ce courant n’est pas le sien mais les techniques utilisées lui plaisent et il se rend vite compte de l’intérêt du travail lithographique en multicouleurs.
Il participe à de nombreuses expositions confidentielles, et lors de performances, photographie les artistes. Il écrit : " Lorsque l’on voit l’homme face à son tableau, on sent qu’un fil le pénètre et qu’il transperce le support ". C’est une première allusion à son travail sur les masses et les traits.
En 1965, il commence de grands travaux d’agrandissements de photos qu’il retouche. Il peint la série des " Masses ". Ces quinze tableaux représentent la même photo de foule retouchée de différentes manières. Le tableau Masse III est vendu à Ionasis pour 200.000$ et consacre Amarovich médiatiquement et artistiquement.
Le bateau, (1964)
Huile sur photo, 102x115 cm
Art Gallery, Toronto
Les chaînes, (1964)
Huile, 275x180 cm
Metropolitan Museum of Art, New York
Masse III, (1965)
Huile, 190x125 cm
Collection Particulière.
Masse XII, (1965)
Huile, 190x125 cm
Kunsthalle, Bâle
Phare IIPhare IV
Phare VIPhare VIII
Phare X
Phares, (1966)
Huiles, (100x115 cm)
National Museum of Modern Art, Tokyo

Le tournant : traits et masses

(1966 - 75)
En 1966, il travaille sur les traits et remplit 5 carnets de 28 pages : Les Traits (60x15 cm). C’est à l’occasion de la vente aux enchères de ces carnets à Londres chez Christie’s qu’il rencontre sa future femme Jennifer.
Jennifer Backes est une jeune fille de 24 ans. Fille d’un riche banquier londonien, elle est très attirée par l’art. Pourtant, elle aura très peu d’influence sur la vie artistique d’Amarovich qui restera tout le temps seul maître à bord. Il l’épouse en 1967 à Londres.
En 1968, son exposition au Guggenheim est un succès. Un grand nombre de tableaux lui sont achetés par de grands musées internationaux (Tokyo, Paris, Milan, Hambourg, Los Angeles, New York ...) dont notamment la série Phares qui est vendu 1.000.000$ au National Museum of Modern Art de Tokyo.
Il profite de cet argent pour voyager un peu partout dans le monde en compagnie de sa femme. C’est l’occasion pour lui de retourner à Varsovie, la patrie de son père. Il est tout de suite attiré par l’architecture communiste très brute qui lui rappelle les temples de Rome. En revenant à New York où il s’est installé, il commence un travail sur les gratte-ciel qu’il expose fin 70 à Tokyo.
Amarovich est bouleversé par la naissance de sa fille Jovana. Il lui vouera toujours une passion presque incestueuse.
Carnet 1, p.12Carnet 2, p.25
Carnet 3, p. 5Carnet 4, p. 14
Les Traits, (1966)
Encre de chine, (60x15 cm)
National Museum of Modern Art, Tokyo
En 1972, il commence ses travaux sur les Masses et les Traits. Il se sert de nombreux ouvrages architecturaux se livrant notamment à une comparaison entre les ouvrages staliniens et les gratte-ciel new-yorkais. Dans une interview télévisée, il déclare " Elancé sur le sol : c’est l’administration, élancé sur l’air : c’est la barbarie. Ni l’un ni l’autre ne sont obliques. " Cette phrase politise son travail à son grand regret le cataloguant comme artiste engagé. Il s’en défendra le 10 février 1973 lors d’une conférence sur la neutralité de l’art.
Lors de ses deux expositions à Los Angeles et à New York, il se montre comme un précurseur de l’art filaire. Il définit cet art comme " le dénominateur commun entre l’art abstrait qui suggère et l’art concret qui gère ". Il le met en pratique dans une série sur les monuments (Big Ben, la série Filaire, ...) .
En 1975, la sortie de son essai Traits et Masses en plusieurs langues le propulsent comme grand théoricien de la simplification de la peinture. Il écrit dans l’avant-propos : " La toile, le papier, l’air et en général l’espace sont les uniques moyens de l’art. Sans eux, je n’existerai pas, ni moi-même, ni mon art. Soyons humbles, et vérifions à chaque instant, à chaque création, que l’art est périssable. L’espace n’est pas aussi libre que nous, entends-je ici ou là, pourtant notre liberté est cet espace. "
L’année 1975 est particulièrement riche pour Amarovich. Elle se termine en septembre par une exposition en forme de rétrospective au Fine Arts Gallery de San Diego, très appréciée du public, des critiques mais aussi des artistes.
Gratte-ciel, (1969)
Huile, (200x150 cm)
San Francisco Museum of Art, San Francisco
Le temple, (1970)
Acrylique, (270x260 cm)
CBWA, Varsovie
Masses et Traits I, (1972)
Huile, Encre de chine, (250x150 cm)
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York
Masses et Traits II, (1972)
Encre, Collage, (250x150 cm)
National Gallery of Art, Washington
Masses et Traits III, (1972)
Acrylique, (150x200 cm)
Cincinnatti Art Museum, Cincinnatti
Masses et Traits IV, (1972)
Acrylique et Encre, (200x150 cm)
National Museum of Modern Art, Tokyo
Big Ben, (1973)
Encre sur papier, (30x36 cm)
Cleveland Museum of Art, Cleveland
Filaire XII, (1973)
Encre, Acrylique, (72x40 cm)
Yale University Art Gallery, New Haven
Filaire XXIV, (1974)
Encre, (30x23 cm)
Kunsthalle, Bâle
L’escalier, (1975)
Acrylique, Collage (150x180 cm)
Los Angeles Country Museum of Art, Los Angeles

De la masse à la ligne

(1976)
1976 est une année clé pour Guiseppe Amarovich. La parution de son traité De la masse à la ligne et le cycle de conférences qu’il commence à Genève le 5 janvier sont très originaux. Il peint en public, sorte de réminiscence des performances " pop-artienne ", des tableaux dont les sujets varient selon la ville où il se trouve.
Il dessine au marqueur cette année là, près de 150 tableaux de tout format. Il présente la théorie selon laquelle " le format est aussi important que le graphisme. "
Très rapidement, plusieurs grands musées le programment dans leurs expositions (The Pace Gallery, New York ; Centre Georges Pompidou, Musée National d’art moderne, Paris ; Palais des Beaux-Arts, Pékin ; Tate Gallery, Londres ; Kunstsammiung Nordheim-Westfalen, Düsseldorf). Le tableau Les drapeaux est vendu au Palais des Beaux-Arts de Pékin pour 800.000 $.
Cette année, très chargée, le fatigue et il rentre à Paris dans son atelier de Montrouge pour travailler sur un autre de ses grands projets enfouis depuis longtemps, un projet issu de sa rencontre avec Picasso : d’un tableau à l’autre.
Les drapeaux, (1976)
Marqueurs, (50x150 cm)
Palais des Beaux-Arts, Pékin
La gare de Düsseldorf, (1976)
Marqueurs, (250x90 cm)
Kunstsammiung Nordheim-Westfalen, Düsseldorf
La Tate Galerie, (1976)
Marqueurs, (150x100 cm)
Tate Gallery, Londres 
Les buildings, (1976), (1976)
Marqueurs, (150x175 cm)
The Pace Gallery, New York
Le château de Versailles, (1976)
Marqueurs, (100x100 cm)
Centre Georges Pompidou, Paris

Les changements de cap

(1977- 80)
Il passe l’année 1977 tout seul avec sa fille. Sa femme est retournée à Londres pour soutenir sa mère portant le deuil. Il commence un de ses plus grands travaux : d’un tableau à l’autre. Ce sont sept grands tableaux (6mx4m) qu’il peint simultanément mais qu’il fait évoluer dans des directions différentes.
Il écrit à ce propos : " Jamais, je n’ai fait un travail aussi important, jamais je ne me suis posé autant de questions sur la gestation d’une œuvre d’art. "
En 1978, l’exposition itinérante de ces sept tableaux Le tableau vivant parcourt le monde (Palais des Beaux-Arts, Pékin ; Kunstmuseum, Berne, Centre Georges Pompidou ; Musée National d’art moderne, Paris ; Indianapolis Museum of Art, Indianapolis). Toutes ses oeuvres se vendent atteignant des sommes extravagantes (2.500.000$ pour le tableau T7 au Palais des beaux arts de Pékin).
Pourtant, très apprécié des conservateurs, ce travail est très mal accueilli par la critique. Cette dernière ne comprend pas la progression du travail d’Amarovich ni pourquoi son travail sur les formats et les lignes s’est arrêté si vite. Amarovich se défend et déclare dans le Herald Tribune " Un artiste n’est pas un martyr de son travail, il croit en ce qu’il fait.". A la vue de ces mauvaises critiques, les conservateurs s’inquiètent et les propositions d’expositions se font plus rares.
T1, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
Museo de arte moderno, Buenos Aires
T2, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
Indianapolis Museum of Art, Indianapolis
Cependant, la fortune qu’il a accumulé depuis le début de sa carrière lui permet de vivre confortablement, mais ajoutera-t-il lors d’une interview au Times " Un artiste ne vit que par ses oeuvres, mais ses oeuvres ne vivent que par les expositions. "
En 1979, il reprend, à la grande satisfaction des critiques, son travail sur les masses et les traits. " Les lignes blanches sont la suite logique de Masses et Traits", écrit Irving Sandler (Arts Magazine, New York, mars 1979). Amarovich s’en dédit et estime que les critiques n’ont rien compris. Ses sautes d’humeur sont très mal appréciées. Il devra attendre 1980 pour exposer Les lignes blanches au Nassau Country Museum of Fine arts, musée auquel il lègue l’ensemble de l’exposition.
T3, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
Kunstmuseum, Berne
T4, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
Walker Art Center, Minneapolis
T5, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
La Medusa, Rome
T6, (1977)
Acrylique, Huile, (600x400 cm)
Moderna Museet, Stockholm
T7, (1977)
Acrylique, Huile, Collage (600x400 cm)
Palais des Beaux-Arts, Pékin 
Ligne Blanche 2, (1979)
Huile, (90x30 cm)
Nassau Country Museum of Fine arts, Nassau
Ligne Blanche 9, (1979)
Huile, (60 x 80 cm)
Nassau Country Museum of Fine arts, Nassau
Ligne Blanche 5, (1979)
Huile, (50x150 cm)
Palacio de bellas artes, Mexico
Ligne Blanche 3, (1979)
Huile, (100x100 cm)
Nassau Country Museum of Fine arts, Nassau

La fatalité

(1981-1984)
Déjà souffrant des critiques virulentes à son égard, Amarovich est victime du plus grand des malheurs : sa fille meurt lors d’un accident de voiture. Très peiné, il décide de s’arrêter de peindre. Durant deux ans (1981 et 1982), il voyage avec sa femme à travers le monde pour oublier cette tragédie.
En 1983, il ressort, tiraillé par son éditeur, l’intégrale de ses essais Blanc et Noir, Lignes et Masses. Il les publie en français et les présente à Genève sans grande conviction.
Cinémascope, Etude, (1985)
Encre de chine, (50x15 cm)
Kunsthalle, Cologne
Cinémascope, (1985)
Bombe et Huile sur toile, (486x155 cm)
Kunsthalle, Cologne

La renaissance

(1985-1986)
En 1985, Amarovich décide de reprendre son travail sur l’épuration des formes et sur le contraste peinture/format. Cette période est jugée comme la plus grande période d’Amarovich. Herbert Poore l’encense dans Life (mars 1985) : " Amarovich est arrivé au sommet de sa maturité, il mêle dans ses tableaux la simplicité de ses dessins et dans ses dessins la simplicité de ses tableaux ". Il expose au Canada, au Centre Georges Pompidou, à Berne et à Caracas, renouant ainsi avec ses débuts.
Malgré sa volonté testamentaire de vouloir garder à tout prix ensemble chaque tableau avec son étude, l’œuvre Flammes fait exception à cette règle, en raison des prix faramineux des deux composantes de l’œuvre (1.200.000$ pour le tableau, 400.000$ pour l’étude).
C’est durant cette période qu’il s’intéresse au travail sur ordinateur et notamment aux images de synthèse. Il déclare que cette manière de travailler lui permet de réaliser des formes très simples en les spatialisant.
La pierre, Etude, (1985)
Encre, (25x15 cm)
Museum of Art, Rhode Island
La pierre, (1985)
Bombe, (250x150 cm)
Museum of Art, Rhode Island
L’éléphant, Etude, (1985)
Encre de chine, (35x20 cm)
Galerie Beyeler,Bâle
L’éléphant, (1985)
Huile et Bombe, (350x210 cm)
Galerie Beyeler, Bâle
Flammes, Etude, (1985)
Fusain sur papier recyclé, (50x30 cm)
Musée des Beaux-Arts, Osaka
Flammes, (1986)
Huile, (500x300 cm)
Philadelphia Museum of Art, Philadelphia

L’image et la machine

(1987 - 91)
Dès 1986, Amarovich se penche délibérément sur les ordinateurs au grand dam de la critique qui a peur d’un nouvel égarement de l’artiste. Il décide de travailler sur ces machines qu’il juge plus compétente que lui pour la simplification. Il n’a pas oublié ses amours des mathématiques de son enfance.
Mais, la machine le déçoit. Il trouve les images longues à mettre en place et préfère s’en inspirer un peu comme il l’avait fait avec ses tableaux/dessins où il détruisait la netteté de l’image. Avant de mourrir, il déclarera " Heureusement que j’ai découvert la machine un peu trop tôt, sinon j’aurais arrêté de peindre ", faisant allusion à la lenteur des ordinateurs de l’époque.
Cette expérience le trouble, et il publie un essai Images informatiques ou tableaux binaires qui en dit long sur l’avenir des machines dans l’art : " On ne peut espérer avec ses machines avoir un contact réel avec l’oeuvre. Le support prend trop de choses en charge. Il mêle à la fois l’idée, la technique et la finalité. Je ne pense pas que l’œuvre unique ait un sens dans cet univers de la reproductivité à volonté. La libéralisation de l’art et l’accès à tous n’impliquent pas une automatisation des musées. "
Son essai est très prisé et lu dans toutes les universités américaines tant dans les écoles d’arts que scientifiques. C’est pourquoi, il réalise un cycle de conférences et d’expositions sur ces pratiques artistiques, défendant l’avenir tout en attaquant les machines. Ces conférences sont un véritable succès auprès des étudiants. Le bulletin de Yale écrit: " Amarovich est fascinant, ces explications sont aussi claires qu’une addition. "
Image de Synthèse, (1987) I.B.M.
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo
IS 2, (1987)
Huile sur toile, (200x150 cm)
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo
A l’issu de ce cycle de conférence, la critique décrit Amarovich comme " un artiste auprès des jeunes et des technologies ". Il ne s’enorgueillit pas et continue son travail prospectant avec des industriels pour disposer de plus de moyens informatiques.
En 1988, la Tate Gallery lui consacre une exposition exceptionnelle du 1er février au 1er avril dans laquelle on peut suivre tout le cheminement de l’artiste " simplificateur et innovateur " qu’est Amarovich. Ce dernier ironise sur les revirements de la critique déclarant dans une interview au journal Le Monde (18 mars) " la critique c’est comme un pinceau, elle doit souvent passer au white spirit ".
C’est à l’occasion de cette exposition qu’il peint La ligne qu’il vend 2.500.000$ au Tate Gallery de Londres. C’est le plus grand tableau qu’il n’ait jamais peint (7 mètres sur 4,2).
En 1989, il conclue un accord avec I.B.M. qui met à sa disposition des ordinateurs. Il réalise alors ce que l’on nommera " la première exposition virtuelle " au Guggenheim à New York.
En 1990, Amarovich travaille d’arrache-pied sur ces machines, mais son travail n’avance pas, et seule la série sur les Chaises (4 mois de travail) le satisfait, série qu’il qualifie de " bit art " en référence au Pop Art.
Très fatigué par ses nombreuses heures de travail, il est victime d’un premier infarctus le 15 décembre 1990.
Il se repose alors en 1991 à Paris, mais succombe à un second infarctus le 4 juin dans son atelier de Montrouge.
Guiseppe Amarovich est enterré le 6 juin 1991 au cimetière de Bagneux (Banlieue Parisienne).
Image de Synthèse, (1987) I.B.M.
San Francisco Museum of Art, San Francisco
IS 3, (1987)
Huile sur toile, (200x150 cm)
San Francisco Museum of Art, San Francisco
IS 31, (1987)
Huile sur toile, (200x150 cm)
Collection Particulière (I.B.M.)
IS 31, bis, (1987)
Huile sur toile, (150x200 cm)
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York
My Brain is not binary., (1987)
Eponge et Encre, (200x50 cm)
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York
Chaises, (1989)
Images de synthèses, (20x13 cm)
Institute of Technology, Hayden Gallery, Cambridge (Mass.)
La Ligne, (1990)
Huile et Bombe sur toile, (700x420 cm)
Tate Gallery, Londres

Biographie
1934
Naissance de Guiseppe Amarovich à Kiel le 6 novembre. Sa mère Lucia est italienne et son père Rodolph polonais. Ils ont immigré en Allemagne en 1920 pour la reconstruction.
1940
Déporté avec ses parents à Floßenburg.
1942
Mort de son père par pendaison
1945
Libération de Lucia et de Guiseppe. Ils s’installent à Milan. Sa mère travaille dans la confection. Lui finit ses études classiques à Milan.
1952
Amarovich rentre aux Beaux-Arts de Rome.
1954
Mort de Lucia de la tuberculose. Amarovich arrête ses études et s’installe à Milan.
Premiers tableaux à l’huile.
1958
Galleria d’arte Cartina, Milan, 16 janvier -30 janvier.
1959
Arrivée à Paris. Il rencontre Picasso et le photographe Brassaï.
Premiers travaux de retouches photographiques.
1960
Galerie Templon, Paris, 15 juin-18 juillet.
1961
Galerie Andrée Stassart , Paris, 12 mai - 18 juin.
1962
Museo de bellas artes, Caracas, 14-janvier - 24 février.
31ème Biennale de Venise, août-octobre
1963
Museo Nacional, Bogota 6-27 mars.
Palacio de bellas artes, Mexico 8-28 mai, exposition itinérante organisée par le Museum of Modern Art de New York.
1964
Début de son travail avec Lichtenstein à New York.
1965
The Solomon R . Guggenheim Musem, New York, 12 février -18 mars.
Son tableau Masse III est vendu 200.000$ chez Christie’s à Londres à Ionasis.
1966
Rédaction des Carnets Les Traits vendu aux enchères chez Christie’s à Londres
1967
Rencontre de Jennifer Backes qui devient sa femme en 1969.
Detroit institute of Arts, Detroit, 12 octobre- 12 novembre.
1968
The Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 16 juin -30 juillet.
Vente de la série Phares à 1.000.000 $ au National Museum of Modern Art, Tokyo
1970
National Museum of Modern Art, Tokyo, 15 octobre - 27 novembre.
Naissance de sa fille Jovana le 15 décembre.
1972
Début des grands travaux sur la simplification des masses.
Publication de son essai Traits et Masses
1973
Conférence sur la neutralité de l’Art à Los Angeles, le 10 février.
Los Angeles Country Museum of Art, Los Angeles, 5 janvier -5 février.
Malborough Gallery, New York, 9 mai -1er juin.
1975
Deuxième Publication de son essai Traits et Masses, parution en Italien, Anglais et Français.
Exposition particulière (Amarovich, d’hier et d’aujourd’hui) au Fine Arts Gallery, San Diego, 16 septembre - 18 octobre
1976
Parution du traité De la masse à la ligne.
Conférence au Musée d’Histoire de Genève le 5 janvier.
The Pace Gallery, New York, 12 janvier-13 février
Centre Georges Pompidou, Musée National d’art moderne, Paris, 17 février -11 mars
Palais des Beaux-Arts, Pékin, 16 avril-30 mai.
Tate Gallery, Londres, 15 août -1er septembre
Kunstsammiung Nordheim-Westfalen, Düsseldorf, 28 octobre-12 novembre.
1977
Travaille à Paris sur le projet D’un tableau à l’autre.
1978
Exposition itinérante Le tableau vivant
Palais des Beaux-Arts, Pékin, 12 avril-30 avril.
Kunstmuseum, Berne, 16 février-16 mars.
Centre Georges Pompidou, Musée National d’art moderne, Paris 17 septembre-11 octobre
Indianapolis Museum of Art, Indianapolis, 1er décembre-20 décembre
1979
Travaux sur les lignes dans l’espace blanc : Les lignes blanches.
Musée d’Art moderne de la ville de Paris, Paris, 12 septembre-18 octobre.
1980
Nassau Country Museum of Fine arts, Nassau, 1er janvier - 25 février.
1981
Mort de sa fille Jovana dans un accident de voiture.
Amarovich arrête de peindre durant 4 ans.
1983
Publication de l’intégrale Blanc et Noir, Lignes et Masses à Genève.
1985
Reprise des travaux sur l’épuration des lignes. Travail sur dessin/peinture.
Galerie Nationale du Canada, Montréal, 21 septembre-21 octobre
Centre Georges Pompidou, Musée National d’art moderne, Paris 1er décembre -7 janvier
1986
Kunstmuseum, Berne, 21 février-3 mars
Museo de bellas artes, Caracas, 14 juin- 24 juillet.
1987
Publication de Images informatiques ou tableaux binaires
Cycle de conférences aux Etats-Unis sur la peinture et l’ordinateur.
Colombus Gallery of Fine Arts, Colombus, 12 janvier-30 janvier
Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, 13 février-23 février
San Francisco Museum of Art, San Francisco, 15 avril-12 mai
1988
Exposition exceptionnelle au Tate Gallery, Londres, 1er février - 1er avril.
Vente du tableau La Ligne pour 2.500.000$
1989
Travaux sur ordinateur sur la retouche d’images.
The Solomon R . Guggenheim Museum, New York, 21 mars- 15 avril.
1990
Institute of Technology, Hayden Gallery, Cambridge (Mass.), 1er mars - 30 mars.
Premier infarctus d’Amarovich le 15 décembre.
1991
Mort de Guiseppe Amarovich le 4 juin à Paris à l’âge de 56 ans.
1992
Rétrospective Guiseppe Amarovich au Musée d’Art moderne de la ville de Paris, Paris, 12 septembre-18 octobre.
3ème Trimestre 1996
© Jérome Fraissinet, Louveciennes, 1996