Le groupe Aléations 

1935-1938
En 1935, Pierre Félan crée avec son ami Robert Desnos le groupe " Aléations ", un groupe d’écrivains qui a pour but l’exploration de nouveaux chemins d’écriture. Ils se réunissent dans l’atelier de Félan place d’Italie. Ils ont pour ambition la création de nouvelles méthodes et de nouveaux genres littéraires : la textoforme (des mots aléatoires mis sous forme de textes), la dérivation synonymique (des poèmes composés de synonymes et de mots dérivés), l’écriture aléatoire simple (des mots juxtaposés), ... Ils publient aux N.R.F. sous le nom Aléations trois recueils de textes : Aléatatoires, Idiotimides, Synonymies & Troubkadours.
En 1936, Félan termine ses études à l’école normale et devient professeur de philosophie au Lycée Saint-Louis à Paris. Ce poste lui laisse suffisamment de temps pour continuer à écrire et dessiner.
De 1935 à 1938, Félan et André Masson, l’ami de Desnos, se livrent à des expériences picturales (Duos) mettant au point la technique du double tableau. Pendant que Félan dessine sur une toile, Masson en peint une autre. Ils se les échangent ensuite et les complètent. Ils exposent leurs tableaux dans de grandes galeries parisiennes. La vente de leurs oeuvres leur permet de travailler dans de très bonnes conditions et, déjà, au grand regret des parents de Félan, ce dernier arrête son métier de professeur.
Le groupe Aléations se dissout fin 1938 selon la volonté de tous afin de ne pas tomber dans le domaine public comme l’était tombé le courant surréaliste à leur grand regret.
Ces années sont très riches pour Félan qui les décrira, plus tard comme " les années faciles, les années où l’on créait en accord avec le présent, sans souvenir " par opposition avec les années cinquante qu’il décrit comme "les  années de la reconstruction existentielle ".

Aléatatoires
Commentaires
Les commentaires, bien logés, nous piquent au-dedans. Ils accablent, arrangeant les calculs et dissipant l’univers dans de désolantes transformations qui s'assoupissent aussi vite qu’une bougie. Pourtant, nous luttons contre les cultures en lambeaux, nous tripotons Paris, ce démodé qui porte un masque trop doré.
Mais, force est de constater, que les ensoleillements journaliers de la chaussée et ses clochards plein de douleur qui renoncent, nous font regretter la représentation idolâtrée que nous avons de nous même. Ce mirage admiré avec tant de réflexion.
Avec la clairvoyance d’une souris, notre boudin est à palper.
Phrases
Réservée, elle lâche le bûcher.
L'intérieur est gâté d’argile. Sans jour.
Les phares pleurent.
Les orifices de la réverbération longent le tunnel.
Le train princier peine aujourd'hui.
Textoforme
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Obéir, brailler. Victime richesse. Kaolin mutilé. Illumination. Pays turbiné, grignoté. Mistral logé. Gâchis local. Fantasmagorique va-et-vient. Créateur vulgaire. Emplacement vulgaire, sobre. Espace ruineux. Nouvel oléoduc ajouté aux louanges.
Lipogramme en abcdfghijkl
Vers une heure, vos ports se sont serrés.
Une œuvre vous pèse..
Une verte posture espère, en même temps que vous, serrer un sou.
Pour rêver, un pur trou.
Supposez que vous soyez pressés, tués ou usurpés sur un express pourpre. Vos restes sots vont vous user.
Des routes de restes pèsent vos oeuvres et vous éprouvent. Tout est reposé près de vous. Temps roux exposé, rêve.

Idiotimides
Bribes
Bribes sanguines,
Rouge, vert, bleu et noir.
Fidèle chevalier à la peau sanguine,
Agenouillé devant l’espace de la cathédrale,
Entre la cigarette consumée et les temps de l’eau.
Le corps éventré. La petite place. La grande bibliothèque.
Hasard, lévitation, peuple antique.
Les grecs et les romains en gare de Saint-Lazare.
Devant la basilique Saint-Denis, le roi Henri IV.
Les Grands Hommes
Hier, j’ai vu Louis XIV à la station Montparnasse, il prenait le métro pour l’Assemblée Nationale. Je l’ai perdu de vue, il s’est noyé parmi des spartiates en tourisme. Plus tard, j’ai vu Louis XVI, il attendait Henri IV, place de la bastille. Ils sont allés dans un bistrot manger des huîtres. Ensuite, ils avaient rendez-vous avec César, qui les a invités à dîner chez Cléopatre à la Tour d’Argent.
Réponse aux questions
Pourquoi le soleil est bleu ?
Parce que si il était jaune, le ciel serait bleu.
Pourquoi la terre est-elle carré ?
Parce que sinon les roues seraient rondes aussi.
Pourquoi les mots sont-ils fait de paragraphes ?
Parce que sinon, les livres seraient en papier.
Pourquoi les philosophes repeignent la tour Eiffel ?
Parce que sinon, ils débarqueraient les cargos au Havre.
Pourquoi les instruments de musique sont-ils silencieux ?
Parce que sinon, les pinceaux cracheraient de la couleur.
Pourquoi faites vous cela ?
Parce que sinon, je ferai autre chose.
Alphabetions
A : Ah ; B : Baie ; C : Ces, C’est ; D : Dé ; E : Eux ; F : Elfe ; G : Geai ;
H : Hache ; I : Ile ; J : Git ; K : Cas ; L : Elle ; M : Aime ; N : Haine ;
O: Eau ; P : Pet ; Q : Cul ; R : Air ; S : Esse ; T : Thé ; U : Hue ;
V : Vais ; W : Double Vais ; X : X ; Y : Ile grecque ; Z : Zède.
Duo n°6 (Avec André Masson), (1935)
Huile et Pastel sec , (100x100 cm)
Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
Duo n°17 (Avec André Masson) , (1936)
Bandes plâtrées, Huile, Pastel sec , (100x50 cm)
Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris

Synonymies & Troukbadours
Les Fantômes
Ils broient le sol et font disparaître l’éclaircissement,
Ils visionnent une représentation trop vernie,
Ces amas de fausse et superficielle vie sont réfrigérants,
Toutes ces harmonies recherche l’agonie.
Disgracieuses notes complètement barges.
Paris inanimé, paradis de nouille.
Femmes coincées au bord de la marge.
Emanation qui souille.
Ecorche l'éternel bénin de la sereine ironie.
Accable la belle destinée des fleurs.
Le poète impuissant maudit son génie,
A travers un désert sucré dépouillé de douleurs.
Les Guerriers
En proie à de longues solitudes,
Quelques cris dispendieux dans la clairière.
Face à face entre guerriers en uniforme.
Horrible symétrie de l’extermination.
Le petit homme se lève et se couche
L’atomique unité s’installe et se blesse.
Le chétif bouffon vit et se trouve.
Le court masculin pointe et se détruit.
L’exigu énergique se réveille et s’anéantit.
Le faible loustic demeure.
Le fin et fort se couche.
L’impalpable jeune homme se prépare et se mutile.
L’imperceptible fils s’apprête et s’abîme.
L’infinitésimal échantillon dispose et se tient.
Le menu mâle se lève et se renverse.
Le mesquin farceur se lève et gîte.
Le misérable plaisantin naît et se niche.
Le nabot courageux commence et se dérobe.
Le nain vigoureux débute et se pique.
Le négligeable exemplaire s’exécute et se poste.
Le petit citoyen se dresse et se fauche.
Duo n°31 (Avec André Masson), (1937)
Huile et Pastel sec , (100x100 cm)
Musée de Grenoble
Duo n°72 (Avec André Masson) , (1938)
Huile, Ruban adhésif semi-transparent, Pastel sec (100x50 cm)
San Francisco Museum of Modern Art