Ces années de guerre ont changé le Félan
dynamique d’avant en sceptique convaincu. Il se repose chez ses parents à
Paris durant deux ans dans un isolement profond. Il fait des rêves
cauchemardesques et refuse " toutes ces manoeuvres psychologiques,
machines à oublier". |
Il attend donc 1947 pour publier Hiérarchies, l’ensemble des poèmes qu’il a écrit
en 1940. Ce n’est qu’en 1948 qu’il se remet à écrire avec Le Captif, un poème qu’il publie en 1949, aux
N.R.F. Ce texte est encensé par la critique. " Jamais, l’écriture n’a
côtoyé de si près la mort. ", " Félan est étonnant de noirceur
et de réalité. ", " Le génocide est écrit entre chaque blanc de
ses mots. ". |
En même temps qu’il écrit Le Captif, il recommence à dessiner et exposer.
Ses oeuvres atteignent vite des prix très élevés. Il a arrêté les
séries : " Elles présument sur le futur, sur la suite. Moi je ne
peux plus ! ". |
Durant l’année 1951, il expose au Musée d’Art
Moderne de Paris, au M.O.M.A. à New York. |
En 1952, on lui propose de regagner le
gouvernement pour la reconstruction culturelle de la France. Il refuse
catégoriquement déclarant : " la reconstruction culturelle,
c’est l’affaire de chacun. Si l’état ou quelque forme de pouvoir que ce
soit s’en charge, on reviendra dix ans plus tôt, mille kilomètres à
l’Est. " |
En 1953, il décide d’aller s’installer en
Touraine à La Chapelle-sur-Loire près de Tours pour écrire et dessiner en
toute tranquillité. |
|
Extraits du texte le
Captif (60 pages) |
Je suis mort ce matin. |
J’étais déjà mort hier. |
[...] |
Dans une casserole, |
Un pauvre cafard nous fait un repas. |
Maintenant, les rats s’enfuient, à notre
vue. |
[...] |
Je ne supporte plus, |
Les cris acides de la pluie sur les toits. |
Je ne supporte plus, |
Ce corps qui pourrit devant notre baraque. |
[...] |
Dix jours sans parler, |
Dix jours sans manger, |
Dix jours de fièvre. |
Un mois est passé. |
[...] |
L’homme en noir est passé ce matin, |
J’ai perdu toutes mes dents, |
Ce soir, je ferai fondre ma glace. |
[...] |
Mardimanche : |
On nous a offert pour le dîner
d’après-hier, |
L’enfant mort-né de ma sœur. |
Vivement demain que l’on respire. |
[...] |
Les soldats nous ont redonné notre langue. |
Ils n’ont pas pu l’avaler. |
J’ai réussi à la recoller. |
Mais je ne sais plus l’utiliser. |
|