La Guadeloupe

(1969-1990)
La famille Félan s’installe en Guadeloupe dans la ville de Capesterre. Ils habitent une grande maison qui borde la mer. Les enfants vont au collège à Pointe-à-Pitre où ils suivent des études tout à fait médiocres au grand regret de leur père. Ce dernier pourtant ne les obligera en rien et les conseillera dans leur parcours jusqu'à sa mort.
Dans les années 70, Félan travaille aussi bien dans son atelier que dehors où il dessine les paysages de la région aux crayons de couleur. Il réalise deux grands projets des Bleus (82 dessins) et 3.1416 (34 dessins).
Dans des Bleus, Félan confronte l’encre bleue et le fusain noir. Dans une interview au journal Le Monde (15 avril 1975), il exprime sa volonté : " Dans cette série, j’ai voulu mettre en avant le contraste entre le travail de la matière brute (le fusain) et la matière travaillée (l’encre). Comme le papier met en valeur notre pensée, l’encre met en valeur l’instinct du charbon. L’idée d’utiliser l’encre est aussi une évolution de mon travail sur les lignes vides. Dans des Bleus, les lignes vides en bleu sont en arrière, elles laissent la place aux plans noirs. Une sorte de pied de nez à mon travail théorique d’avant. " En ce qui concerne les cercles de 3.1416, Félan est moins explicite et ne justifie pas précisément son travail : " Quand on a travaillé longtemps comme moi, sur les traits, arrive un moment ou la courbe pure a son importance. Je ne justifie pas cet acte à travers une théorie, je m’amuse ", Beaux-Arts, Février 1980.
Il se remet à écrire et publie en 1978, Carnet de Rêves. Dans ce livre, dédié à Robert Desnos, il décrit précisément ses rêves au cours de l’année 1977. Ce recueil recèle ainsi les marques de son passé (les camps de concentration) mais aussi les lieux où il a vécu. La précision de ses textes et surtout son manque d’analyse en font un livre hypnotique comme aimait à les écrire Desnos.
Baie Mahault, (1969) Cabane, (1970)
Crayon de couleurs, (30x22,5 cm) Crayon de couleurs, (30x22,5 cm)
Minami Gallery, Tokyo Musée de Grenoble
Vers Goyave, (1970) Marché de Pointe-à-Pitre, (1972)
Crayon de couleurs, (30x22,5 cm) Crayon de couleurs, (30x22,5 cm)
Curaçao Museum, Curaçao Collection particulière
des Bleus I, (1970) des Bleus XXII, (1972)
Fusain, Encre bleue, (75x50 cm) Fusain, Encre bleue, (75x50 cm)
Collection particulière Collection particulière
des Bleus XXXVIII, (1974) des Bleus XLII, (1976)
Fusain, Encre bleue, (75x50 cm) Fusain, Encre bleue, (75x50 cm)
Centre Georges Pompidou, Paris Musée d’Art et d’Histoire, Genève
des Bleus VXIV, (1978) des Bleus VXXXII, (1978)
Fusain, Encre bleue, (75x50 cm) Fusain, Encre bleue, (75x50 cm)
M.O.M.A., New York Musée d’Art et d’Histoire, Genève
3.1416 I, (1972) 3.1416 XI, (1975)
Pastel sec, (80x80 cm) Pastel sec, (80x80 cm)
Collection particulière Israël Museum, Jérusalem
3.1416 XXI, (1977) 3.1416 XXXI, (1978)
Pastel sec, (80x80 cm) Pastel sec, (80x80 cm)
Detroit Institute of Art, Detroit Collection particulière
En 1979, Félan vend la quasi totalité de ses dessins des Bleus à des Musées mais aussi à des particuliers. La série 3.1416 est, elle, vendue à un riche industriel américain pour la somme de 2.000.000$. Ce dernier en décorera toute une maison qu’il vient de s’acheter en Sicile.
Michel et Jacques ouvrent un garage à Pointe-à-Pitre financé entièrement par leur père qui croit en eux. Le garage fonctionne bien et les deux enfants se marient, à la joie de Juliette, en 1978 avec deux soeurs jumelles guadeloupéennes qui tiennent un étal au marché de Pointe-à-Pitre.
Durant les années 80, Félan dessine de moins en moins préférant voyager sur son voilier avec sa femme dans les caraïbes. Il part quelque fois aux Etats-Unis exposer ses derniers dessins. Il vend aux enchères un de ses plus beaux dessins Feu Follet pour 3.000.000$ au Musée d’Art Moderne de Tokyo qui l’install dans son hall d’entrée.
En 1984, le musée d’Art Moderne de Genève lui propose d’exposer pendant 9 mois toute la série des Bleus. Il s’occupe alors de retrouver tous les dessins qu’il a vendus à travers le monde. Il ne réussit à les rassembler qu’en 1986. Il prépare alors les plans de l’exposition qui aura lieu de janvier à septembre 1987.
Félan continue de peindre jusqu’en 1990, année où il meurt le 6 septembre à l’âge de 80 ans.
En 1992, le musée d’Art Moderne de Toronto réalise une rétrospective Félan rassemblant un grand nombre de ses dessins.
En 1995, l’ensemble des textes de Félan est publié dans la collection La Pléïade.
Plan de l’exposition de Genève 1987, (1986)
Encre, (40x40 cm)
Musée d’Art et d’Histoire, Genève
Affiche de l’exposition Genève 87, (1987)
Encre et Photo, 70x60 cm
Musée d’Art et d’Histoire, Genève
Feu follet, (1984)
Pastel sec, (150x150 cm)
Musée d’Art Moderne, Tokyo
Ligne Noire, (1986)
Pastel sec, (150x70 cm)
Musée d’Art Moderne, Tokyo

Carnet de rêves
Extraits du livre Carnet de Rêves (N.R.F.)
Lundi 3 janvier
Dans mon jardin. Il fait chaud. Dans l’appartement de la rue Caulaincourt, mon père remonte ses manches. Il s’apprête à faire cuire des œufs sur le plat. Je vois passer par dessus l’océan des myriades de mouettes criardes. Je descend les escaliers. Arrivé sur les bord de la Loire, je m’assoupis et rêve.
Des spirales orangées me font glisser sans fond vers l’avant. Je saute une marche et me réveille. Il pleut, je rentre dans mon atelier de La Chapelle. Une vache m’attend, elle avale tout mes dessins.
Mardi 14 mai
Une route sinueuse. Aux abords d’un virage je saute le précipice. Je me retrouve sur un plateau exigu. Je suis avec mes deux enfants. Tout autour de nous, des forêts du précambrien. Un dimétrodon est là devant nous. Nous allons nous cacher derrière un bosquet. J’ai peur que Jacques tombe. Mais c’est Michel qui s’élance dans le vide. Je prends alors Jacques par la main et nous sautons.
Nous voilà perchés dans un arbre, entourés de chiens féroces. Un homme s’approche avec sa carabine, il tire. Jacques et Michel tombent par terre.
Vendredi 21 septembre
Sur le quai de la gare de Tours, j’attend Juliette. Un inconnu s’approche de moi, une épée à la main. Il me demande à quelle heure je pars. Je lui répond que je ne pars pas. Au M.O.M.A., une femme s’approche et me demande un autographe, je lui répond que je n’ai pas de stylo.
A Térézine, Robert est malade. Il est jonché par terre. Il me demande à boire. Je ne peux pas lui répondre. Un SS entre, il me demande mon nom, je ne peut pas lui répondre. Il me tire dessus.
Un couloir noir, une lumière au bout, blanche, qui s’approche lentement. Je saute une marche.
Jeudi 12 novembre
Dans une calèche, en route vers Marseille. Les forêts sont sombres et la route chaotique. En face de moi, Juliette parcoure Elle. Elle me parle de la table de la cuisine. Elle la trouve trop vétuste et me demande si on ne devrait pas en racheter une. Je suis dans mon atelier, la table de la cuisine devant moi. Je dessine dessus des tas de lignes bleues et noires. Je regarde à droite, un liquide rouge s’épand sur mon dessin. Je crie.