Carlos, Madrid

1974-1977
Elle commence à peindre dans l’atelier de Carlos. C’est l’action painting (peinture directe) qui l’intéresse. Bodega est lui plus orienté vers la peinture classique. Les tableaux de Maria révèle déjà une importante énergie. Elle peindra durant cette période une dizaine de tableaux dont les célèbres Le Saut du Lit et Mon sang qui d’abord vendus à une galerie de Biarritz seront ensuite revendus aux enchères chez Christie’s en 1983 pour des sommes importantes (200.000$ et 300.000$).
La liaison avec Carlos est orageuse. Elle boit beaucoup et est souvent ivre. Carlos vit lui aussi une vie de dépravé : il boit énormément. Les soirées sont très vives et se terminent souvent par de très violentes disputes d’alcooliques.
Maria commence à écrire à ce moment-là. Ses poèmes sont empreints de violence et de délires d’alcoolique (Vin mortel, Le Lac). Elle peindra en une nuit le tableau Alcools à la suite d’une grosse dispute. Elle quitte en 1975 Carlos pour Madrid lui laissant le texte A moi sur la table. En rejoignant la capitale espagnole, elle souhaite devenir autonome par tous les moyens possibles. Elle est depuis longtemps attirée par l’Espagne.
Le Saut du lit (1974),
Huile, 150x90 cm
Museo espanol de arte contemporaneo, Madrid
Mon sang (1974),
Huile, 150x90 cm
Moderna Museet, Stockholm
Vin mortel (1974)
Morbide sensation : une tombe dans l’oreiller.
La bouteille est vide comme ta cervelle.
Rage debout ! Je dois agir...
Déclin de l’esprit,
Je veux glisser sans respirer.
Aller voir derrière ma jugeote s’il en reste un peu.
Je glisse,
Je glisse,
Je glisse,
Je glisse,
Je glisse,
Je glisse,
Et me vois dans le miroir de la mort,
Cachée derrière une bouteille de vin.
A moi (1974)
J’ai commis quelques erreurs,
J’ai perdu ma jambe hier.
J’ai perdu ma bouteille dans l’Adour.
Ecorchée vive ou grillée à petit feu par la force de ton poignet.
Je ne suis plus celle d’avant.
Je te laisse à tes malheurs : je fabriquerai les miens.
Rouge, Sang, Cicatrice ouverte, Fil perdu, et seringues sans âmes.
Petits équipements pour une vie de jouissance.
Le lac (1974)
Je te vois dissimuler derrière ta haine.
Je te vois arriver vers moi, ton couteau dans la main.
Je te vois me battre à terre.
Je te vois me toucher pendant mes saignements.
Je te vois me violer dans ma chambre.
Je te vois toi mon amour, me flinguer une fois de plus.
Je nous vois tous les deux au bord d’un lac de vin.
Manuscrit du lac, (1974)
Violentes fleurs (1975)
Violentes fleurs aux couleurs congestionnées,
Perdues au fond du jardin, abandonnées.
Cadeaux empoisonnés du bonheur.
Je tombe de mon lit et glisse sur le carrelage froid.
Il n’y a rien au-dessus de moi qu’un plafond blanc.
Je sens ma tête bondir en arrière.
Elle revient et s’entrechoque avec elle-même.
Je saigne à l’intérieur,
J’aperçois ton sexe bouillant,
Ce dard aiguisé qui me transperce et me fait vivre.
Envol virtuel (1975)
L’oiseau vole au-dessus de Madrid.
La fumée l’étouffe.
Il redescend rue Santa-Monica :
Je lui ouvre la fenêtre.
Il me donne ses ailes, je lui prête ma seringue.
Je l’attrape par la queue,
Je le montre à ses messieurs.
Je lui broie les pattes,
Je le plume et suce jusqu’au sang.
Je retrouve enfin ma substance : mon envol virtuel.
En finir (1976)
Salauds, Connards, Enfoirés, Pédés, Salopards, Enculés, Mortels ...
Tous ces hommes que je voie passer : aucun ne m’attire, tous me révulsent.
Ma haine est féconde, mon corps ne l’est jamais.
Je ne suis plus qu’un trou : un trou dehors, un trou dedans.
Je ne vois plus que des aiguilles : des molles, des dures, en acier, en peau boutonneuse...
Maman, je te hais ; Papa, je te hais.
Vous, tous, périssez dans une sombre et mortelle farandole :
c’est moi qui donne le rythme et vous qui dansez autour.
Le tableau rouge (1976)
Assassinat des hommes,
Je les prends dans mon panier. Je les jette dans le fleuve.
Je plonge sur eux. Je les coule au fond.
Ils me montrent leurs têtes hagardes,
Je leur souris et les transperce de ma seringue la plus pointue.
Je pars vite dans le fleuve,
Tout va vite : rien ne s’arrête.
Mon cœur s’emballe : ils sont tous morts.
Je les maudis, les hais et je revois dans ma chambre :
Le tableau rouge, le tableau rouge, le tableau rouge, le tableau rouge ...
Putain de chienne de vie...
Elle s’installe dans une petite chambre et ne trouvant pas de travail viable, elle se prostitue pour vivre. Elle fréquente les quartiers chauds où elle y rencontre tous les débauchés du milieu artistique madrilène. Elle s’adonne aux drogues dures et sombre très rapidement dans le cycle infernal de l’héroïne qu’elle aura toujours du mal à oublier. Elle continue cependant à peindre dans sa chambre des toiles de plus en plus violentes dont le fameux Spaghettis vendu en 1983 chez Christie’s (1.500.000$). Son écriture à cette période est très virulente, emplit de sang, de brutalité et de dureté (En finir, Le tableau rouge).
En 1977, le galiériste hollandais Martin Boonwerk de passage à Madrid la rencontre. Elle répond à ses avances. Dans la chambre, Martin est éblouit par l’énergie des tableaux de Maria. Il s’attache à elle et la rencontre très régulièrement durant un mois avant de lui proposer de rentrer avec lui à Amsterdam. Maria accepte non sans peine. Elle se dit finalement qu’un homme comme Martin, plus âgé qu’elle et déjà rangé dans la vie active, pourra l’entretenir.
Alcools (1975),
Huile, 150x90 cm
San Francisco Museum of Art, San Franciso
Spaghettis (1976),
Huile, 150x90 cm
M.O.M.A., New York