La folie

1983-1986
Le 15 décembre 1983, Maria Santarès accouche d’un enfant mort-né. C’est pour elle le tournant véritable de sa vie. Elle quitte sur le champ Stephen Aston et replonge très rapidement et très durement dans la drogue. Elle ne peint plus et n’écrit plus durant toute l’année 1984.
Elle se débauche de toutes les manières possibles. Elle mène une vie sexuelle très intense et est atteinte du SIDA qu’elle n’avouera avoir que très peu de temps avant sa mort. Elle use de toutes les drogues : alcool, héroïne, acides, champignons... Elle n’arrive pas à remonter la pente et lors d’une soirée mondaine, à la suite d’actes très violents elle est internée à l’asile psychiatrique St-Joseph d’Amsterdam le 25 novembre 1984.
Son internement l’oblige à arrêter tout processus toxicologique. Elle fait de violentes crises de manque au début puis finit par se calmer broyant sur elle-même tous les maux de la terre. Vers juin 1985, elle entreprend l’écriture de nouvelles poésies métaphysiques (Mystique Solitude). Elle y décrit un monde vide de sens, perdu " comme un bout de bouteille dans l’océan ". Durant l’année 1986, lors de sa thérapie elle écrit plus sur la maternité mêlant les processus de la création biologique et ceux de la création artistique (Sous-Violence, Créations maudites).
Mystique solitude (1985)
Tous ces murs blancs autour de moi,
Leurs reflets imperceptibles gagnent mes pensées.
Dans les nuages, la neige et le brouillard, j’émiette mon âme.
Seule dans cette chambre entre un lit et une fenêtre glacée.
Devant, derrière, au-dessus de moi.
Rien ne respire : quelque chose me parle,
Je tourne sur moi-même, je ne vois rien.
Qu’un vaste flou et une lueur passée.
Dans quelle direction regarder.
Quel itinéraire existe ?
Quel chemin existe ?
Suis-je ici où là-bas : suis-je moi-même ?
Le cap n’est pas : si je lui tourne le dos, il est en face de moi.
Si je suis face à lui, il est en face de moi.
Tout y mène : rien ne l’atteint.
Le bas et le haut sont illusions,
En me retournant, ils s’échangent.
L’identité n’est qu’une image,
L’existence n’est qu’une identité.
Toute est image sauf si nous sommes aveugles.
Comme un bout de bouteille perdu dans l’océan,
Le vague à l’âme surgit par dessus les mers,
Au-dessus de moi et des autres.
Substance ou néant : le mot prévaut.
J’attire les espaces infinis,
J’attire le vide,
J’attire les monstres de mes nuits,
J’attire les dieux des temps,
J’attire mon bras vers moi-même :
Héroïne !!
Sous-violence (1986)
Où est passée mon enfance,
Où est passé mon enfant,
Où est passée ma vie,
Où est passé mon avenir.
Je sens dans mon ventre un vide amer,
Un acide qui coule et brûle ma fécondité,
Une torpeur acide qui cède la place à mon délire.
Créations maudites (1986)
Dans mon esprit s’allient les mots pour définir.
Je recherche dans mon cœur des mots qui n’y sont pas.
Je recherche dans mes veines des peurs qui m’empoisonnent.
Des fois à la recherche de douleurs cérébrales,
D’autres fois à la recherche de douleurs physiques,
Des fois à la recherche de joies cérébrales,
D’autres fois à la recherche de joies physiques.
Puissance orgasmique, puissance des couleurs,
Haine de mon ventre, Haine des mes veines,
Haine de mon corps, Haine de mon esprit.
Que le pinceau guide,
Que le sexe tue,
Que les mots promènent,
La création est un long accouchement.
 
Mon enfant
Mes arts
Gestation
9 mois
Des jours et des nuits
Satisfaction
Inconnue
Inconnue
Espoir
Voir la vie, la mienne en plus petit
Aucune
Survie
Aucune
Aucune
Que ce soit moi ou une autre,
Que ce soit des couleurs ou une masse organique,
De mes mains je fais. Mais je vis.
L’asile (1986)
Acrylique, 150x90 cm
Tel Aviv Museum, Tel Aviv
Le fou (1986)
Acrylique, 150x90 cm
Stedelijk Museum, Amsterdam
 
 
 
 
 
 
 
La crique (1986),
Acrylique, 150x90 cm
Museo de bellas artes, Caracas