Leningrad, le petit communiste

1929-1953
Yvan Taroff est né à Leningrad le 18 septembre 1929. Ses parents sont professeurs à l’université de Leningrad. Son père est professeur de physique et sa mère professeur d’histoire. Durant toute son enfance, il lit tous les livres que sa mère ramène à la maison. Il acquière ainsi, très jeune, une forte culture communiste. Les discussions avec ses parents le sensibilisent très tôt à la rhétorique qu’il met en application tout de suite dans la cour de récréation où il enseigne à ses camarades l’idéal communiste et marxiste.
En 1943, son père est envoyé sur le front russe à Stalingrad pour lutter contre l’Allemagne nazie. Il meurt là-bas en 1944. A 15 ans, le petit Taroff jure de le venger et de défendre l’Union Soviétique pour toujours. Sa mère s’inquiète de cette mentalité mais elle n’en voit finalement pas le vrai danger. Elle n’aime pas trop ces syndicats et ces partis " d’enfants ", mais elle ne peut lutter contre le pouvoir. Elle laisse ainsi son fils s’engager dans les jeunesses communistes.
Le petit Taroff y montre un comportement très assidu, et est élu " le petit communiste de l’année " dans son quartier. Ses voisins n’apprécient pas trop cette promotion. Ils n’aiment pas la police soviétique mais ne peuvent rien dire. Dès lors, madame Taroff s’engage encore plus dans ses recherches historiques laissant souvent, tard le soir, son enfant en compagnie de ses aînés militants.
Il participe activement à la vie politique de son quartier en chassant les petits capitalistes, en perquisitionnant les derniers tsaristes, en luttant contre le marché noir et en réalisant de grandes conférences sur l’idéal marxiste. Il s’implique corps et âme dans la propagande communiste.
Jamais, au contraire de ses amis, il n’exerce une influence sur quiconque, profitant de son pouvoir. Ces derniers ne le comprennent pas. Il s’en défend en mentionnant que c’est pour venger son père qu’il s’est engagé. Il les menace aussi de les dénoncer car le pouvoir n’a pas de sens dans le monde communiste.
La mère de Taroff se satisfait de cette attitude, elle la juge égalitaire. Elle s’occupe alors plus de lui lorsqu’il atteint ses 16 ans. Elle l’emmène souvent au Musée de l’Ermitage et lui montre tableaux et sculptures. C’est à partir de cette période qu’il s’intéresse à l’art. Il écrit dans le journal de son quartier : " La révolution, le marxisme lutte contre les classes. L’art, quel qu’il soit, entreprise individuelle ou non, est un élément pour la lutte des classes. Le sentiment du beau est à partager entre tous. " Il tiendra durant 6 mois un tel discours dans sa chronique hebdomadaire.
Ses supérieurs, très vite, le rappellent à l’ordre. " L’entreprise individuelle n’a pas de sens dans l’international communiste, seul le groupe compte. En art comme en tout ! " Taroff a du mal à comprendre. Il n’écrit plus dans le journal. Il commence, en 1949, des études d’histoire, aidé par sa mère. Très vite, il s’intéresse à l’histoire de l’art. Mais les cours que l’on donne ne le satisfont pas. Il trouve le marxisme trop sévère et pas assez ouvert. Il quitte les jeunesses communistes en 1951, prétextant une surcharge de travail. Il continue pourtant à militer au sein de l’université pour le partage du travail, des biens et des idées. C’est sur ce dernier point qu’il sera sanctionner. On l’oblige à terminer ses études à Vladivostok. Il quitte ainsi sa mère en 1953. Il ne la reverra jamais.
Mer d’huile (1955),
Peinture industrielle sur tissu, 250x100 cm
M.O.M.A., New York