Les artistes peintres et la guerre moderne 

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Jean-François LECAILLON

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La défaite française de 1870 fut un événement si brutal et inattendu qu’il ne laissa personne indifférent ; à commencer par les artistes peintres. Suite au désastre, la peinture militaire s’est en effet affirmée dans un style réaliste qui fit la renommée d’Edouard Detaille et d’Alphonse de Neuville. Saluée par la critique, cette peinture fut prolifique et s’est perpétuée jusqu’à la veille de la Grande Guerre, produisant de nombreuses toiles et d’immenses panoramas. Sur la seule base des 550 œuvres présentées dans le livre du lieutenant-colonel Rousset[1], il se recense ainsi plus de 22 toiles par an, soit près de deux par mois dans les 25 années qui suivirent le conflit ; et le rythme ne s’affaiblit pas dans les 20 années suivantes. Ces chiffres (qui restent en deçà de la production réelle) suffisent à démontrer combien la peinture n’a pas éludé le thème de la guerre.

Parmi tous les artistes concernés, nombre d’entre eux furent plus que des interprètes. Ils ont été des témoins directs du conflit et leurs œuvres ne sauraient être regardées comme de simples mises en images de l’événement. Elles sont aussi l’expression de « souvenirs » d’anciens combattants. Comme tels, ces derniers ont servi dans la mobile, les francs-tireurs ou la garde nationale[2]. A l’instar de Regnault ou Bazille tués lors des combats autour de Paris, plusieurs ont connu le feu. Quelle marque reste-t-il de cette époque dans leurs œuvres ? Artistes-témoins ou témoins-artistes, comment ont-ils parlé de la guerre ? Au-delà de l’expérience spécifique à 1870, retrouve-t-on des constantes propres aux autres guerres modernes ?

En 1996, Philippe Dagen proposait une réflexion[3] sur les difficultés que les peintres des avant-gardes avaient eu à représenter la Grande Guerre. « Ce livre, expliquait-il, ne présuppose pas qu'il n'existe aucune représentation de la guerre, mais s'interroge sur la faible quantité de représentations picturales dont puissent être reconnues sans hésitation la qualité artistique et la place dans l'histoire moderne »[4]. Pourquoi – si elle se vérifie[5] – cette absence de production de la part des artistes peintres parmi les plus réputés, pourquoi le renoncement de Braque, l’impuissance avouée de Marc et Valloton, le retour aux formes traditionnelles de Derain ? Telles furent les questions auxquelles Dagen s’est efforcé de répondre et qui l’ont conduit à définir une « rupture entre histoire contemporaine et peinture »[6]. De prime abord, les réponses qu’il apporte sont d’autant plus convaincantes que le « silence » qu’il discerne semble s’opposer à une véritable « logorrhée » des peintres de la guerre de 1870 ! Mais qu’en est-il vraiment ? Si l’image de la guerre que donnent à voir ces derniers est profondément différente des avant-gardes de l’art moderne prenant la Grande Guerre pour sujet, faut-il pour autant y voir une véritable rupture entre les époques ? Le silence des avant-gardes face à la Grande Guerre ne fait-il pas écho à celui des impressionnistes concernant la guerre franco prussienne ? A contrario, la peinture militaire d'Édouard Detaille et Alphonse de Neuville est-elle aussi parlante qu'elle semble l'être ? Dans leur contexte spécifique, ces artistes n'ont-ils pas été confrontés aux mêmes interrogations que leurs successeurs ? Comment y ont-il répondu ? Ont-ils surmonté le désarroi des combattants frappés par l'horreur de la guerre ou n'ont-ils fait que le masquer, offrant au public une production bien plus silencieuse sur la réalité de la guerre que ne le laisse supposer le caractère réaliste de leur peinture ?  En d’autres termes, le « silence » d’un peintre en est-il seulement un ? En contre point, la « parole » d’un autre ne cache-t-elle pas des « non-dits » ? Plus que d’un « silence » global des peintres, ne conviendrait-il pas davantage de s’interroger sur « les silences » que leurs œuvres véhiculent ?

Pour apporter quelques éléments de réponses, faut-il encore déterminer l’authenticité du « bruit » ou du « silence » des peintres sur les guerres modernes, de 1865 (guerre de Sécession) à 1918, puis interroger les raisons de telles attitudes.

 

 Pour lire l'article dans son intégralité

voir Mémoire d'Histoire

 

Représentation de la guerre moderne : entre « bruit » et « silence »

 

 

 

Des guerres très illustrées

 

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Les « silences » de la représentation

 

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Entre choix individuel et nécessité collective ! L’artiste citoyen et la guerre moderne

Le refus de représenter la guerre moderne : un choix citoyen ?

 

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Les nécessités de la représentation ou le devoir citoyen

 

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Ruptures et continuités dans la représentation des guerres modernes

 

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La représentation de la guerre et le « devoir de mémoire »

Du devoir de Revanche au devoir de Paix

 

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Du devoir d’oubli à la banalisation de la mémoire – Hypothèses.

 

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Alfred Munnings

 

 

 

 


[1] ROUSSET (Lieutenant-colonel), Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871). Librairie illustrée, Tallandier, Paris ; s.d. ; 2 volumes.

[2] En particulier à la 7è compagnie du 19è bataillon où se retrouvent plus d’une trentaine de peintres. Cf. DARCEL (Alfred), « Les musées art et les artistes pendant le siège de Paris », Gazette des Beaux-Arts, 1870, T.IV, pp.414-429.

[3] DAGEN (Philippe), Le silence des peintres. Les artistes face à la Grande Guerre Paris, Fayard, 1996.

[4] DAGEN, Ibid. p.20.

[5] La thèse de Dagen est en effet contestable et contestée.

[6] Ibid., p.313.

 

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