LES PRISONNIERS FRANÇAIS EN ALLEMAGNE (1870-1871)

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Septembre 2004 : Le travail présenté ci-dessous est la suite naturelle de celui réalisé sur les souvenirs et carnets de guerre des soldats de l'été 1870. Faits prisonniers à l'issue des grandes batailles sous Metz ou à Sedan, ces combattants ont été envoyés en captivité en Allemagne où beaucoup ont eu l'occasion de rédiger ou mettre au propre les textes  qui ont été ma principale source documentaire ces dernières années. Deux raisons, au moins, m'obligeaient à me pencher sur cette période de leur vie militaire. La curiosité de savoir ce qu'étaient devenus ces hommes que j'avais côtoyés si longtemps au travers de leurs récits. La question aussi de savoir dans quelles conditions ils les avaient rédigés, dans la mesure où elles étaient susceptibles d'influer sur le travail de mémoire au point peut-être d'en fausser les résultats. L'analyse n'a pas été décevante, au contraire. Extraits.



 

 

En cinq mois de guerre contre la Prusse, les Français ont laissé entre les mains de leurs adversaires 371 981 hommes et 11 810 officiers[1], soit les deux tiers du total (600 000) atteint pour les cinq années de la Grande Guerre ! Ces prises ont posé aux Allemands un problème d’autant plus difficile à gérer qu’elles se sont faites par vagues brutales. Surpris par leur propre succès, ils ont du improviser, soumettant leurs prisonniers à des situations difficiles qui ont suscité les critiques de ces derniers. Celles-ci furent-elles pour autant justifiées ?

Dans La guerre de 1870, François Roth a développé une vingtaine de pages sur le sujet. Bien que succinctes, elles disent l’essentiel. Mais la captivité ne se réduit pas aux seules réalités concrètes. Au delà se profile la question de l’impact qu’elle a pu avoir sur les esprits. Pendant cinq à six mois en moyenne, les prisonniers ont occupé leur oisiveté à refaire la campagne, à chercher des responsabilités ou à écrire leurs souvenirs. Ils ont fait un important travail de réflexion qu’ils ont ensuite rapatrié avec eux pour témoigner du déroulement militaire de la guerre. Leurs récits ne furent pas ignorés. Non seulement beaucoup ont été diffusés, mais nombre de leurs auteurs (principalement parmi les officiers) ont été interrogés dans le cadre des conseils de guerre devant lesquels les généraux vaincus ont comparu. Plus que pour aucune autre, les anciens combattants de 1870 ont dit et imposé à la société française l’histoire de leur guerre, une bonne raison pour s’interroger sur la manière dont s’est construite cette histoire.

Dans cette optique, nous avons analysé les récits de 75 auteurs[2] : 30 officiers, 38 sous-officiers ou soldats, 1 civil et 6 visiteurs[3] (5 ecclésiastiques et 1 médecin). 37 d’entre eux ont été fait prisonniers à Metz. C’est plus (53%) que la proportion de prisonniers français fait à cette occasion (45 %). 16 ont été capturés à Sedan (soit la bonne proportion), 3 à Frœschwiller, 3 à Strasbourg, 1 à Spicheren et 1 à Wissembourg. Les autres sont issus des armées de la Loire, du nord ou de l’ouest. Ces témoignages permettent de découvrir les conditions auxquelles ces hommes furent soumis et la manière dont ils les ont perçues ; ils nous donnent leur regard, celui qu’ils avaient au moment où se structurait leur mémoire. 

  

Défaites et redditions

 

Dès le début du conflit, les armées font des prisonniers. Si, lors des premiers contacts, les prises sont ordinaires, un premier choc survient le 6 août à Frœschwiller : défait, le maréchal Mac Mahon abandonne 6000 hommes entre les mains de l’ennemi. Trois semaines plus tard, le triomphe de Sedan permet aux Prussiens de désarmer près de 75 000 hommes, soit 30% environ des effectifs alors mobilisés par les Français !

Pour ces premiers prisonniers, la capture est d’abord un soulagement d’autant plus vif que les combats qu’ils viennent de vivre ont été d’une violence « jamais vue ».

[…]

 

Le transfert vers l’Allemagne 

 

Les voyages vers les lieux de détention sont plus ou moins pénibles. Dans l’ensemble, toutefois, tous les prisonniers connaissent une expérience similaire. A quelques exceptions près, leur déportation se fait en deux temps : un voyage à pied pour rallier une gare d’embarquement, puis un transfert en train jusqu’au lieu de la détention.

[…]

 

Premiers contacts avec les populations allemandes 

 

Le voyage vers les sites de détention est l’occasion d’un premier contact avec les populations allemandes. Cette rencontre est un moment important. Il va orienter une partie des sentiments que chacun entretiendra vis-à-vis de l’autre. Il renseigne aussi sur la manière dont chaque camp percevait l’ennemi.

François Roth note que les prisonniers sont parfois convenablement accueillis mais que « le plus souvent, ils entendent des propos ironiques ou des cris hostiles »[4]. Il appuie son appréciation sur le témoignage d’Isidore Ménestrel qui à Carslruhe rencontre une foule bruyante qui crie « Morts aux Français, Franzouse caput ». Quelques témoins de notre échantillon font état de semblables accueils. Il ne semble pas, toutefois, que ce soit le plus répandu.

[…]

 

Les conditions de détention

 

Sous réserve de prêter serment de ne plus prendre les armes contre la Prusse, les officiers français sont autorisés à rentrer chez eux. La plupart, cependant, refuse cette facilité et ils sont envoyés en Allemagne. Pour autant, ils ne sont pas à plaindre. Prisonniers sur parole, ils sont assignés à résidence dans la localité de leur choix. Quelques uns se prononcent au hasard ; sinon, ils optent pour une région qu’ils connaissent. Aigny de Crambes peut ainsi choisir Francfort pour aller vivre chez son oncle maternel !

[…]

Les conditions imposées aux soldats sont plus dures. Répartis sur 242 sites […] ils sont tous soumis aux mêmes maux : infrastructures et équipements insuffisants, froid, faim, promiscuité, vermines et maladies. A cela s’ajoutent les exactions de leurs gardiens. Les soldats ne bénéficient pas du respect que l’aristocratie militaire allemande réserve à son homologue français.

[…]

 

La nourriture

 

L’une des premières préoccupations des prisonniers est de se nourrir. C’est même la plus importante dans les premiers jours de la captivité. Quand ils arrivent, ils sont souvent sous alimentés. Ils l’étaient avant même d’être faits prisonniers, soit qu’ils ait subi un blocus (c’est le cas des hommes pris à Metz) soit que l’intendance française n’ait pas été capable de répondre à leurs besoins. Les quelques jours de transfert jusqu’au camp n’ont rien arrangé. La nourriture en devient le premier sujet de tous les récits de souvenir.

En ville, les officiers mangent bien. Ils font pension chez l’habitant ou fréquentent des restaurants. Ils y font des repas équilibrés. Le menu quotidien du lieutenant Cuneo n’est pas désagréable : café au lait, pain beurré le matin, deux plats à midi dont un de viande aux confitures accompagnés de pommes de terre, saucisse et choucroute avec de la bière le soir.

Dans les camps, en revanche, l’ordinaire est frustre.

[…]

 

     Les plaintes des prisonniers

 

Les prisonniers se plaignent aussi du froid. Celui-ci est leur pire ennemi. Non seulement les baraques ou cellules sont mal chauffées et les couvertures insuffisantes, mais les détenus sont mal vêtus. Ils portent encore leur uniforme de campagne prévu pour l’été, lesquels sont souvent en mauvais état ! Combattants venus d’Algérie, les turcos n’ont pour se protéger des intempéries que leur veste et pantalon de toile ! Certains soldats ne sont pratiquement plus chaussés.

[…]

 

Les activités en détention

 

[…]

Quand ils ne parlent pas de la guerre, ils s’occupent selon leurs goûts. Quelques uns versifient, lisent ou étudient. Lahalle joue du piano sur un instrument qu’il a loué et il fait du dessin ; d’autres en profitent pour apprendre l’Allemand (6 officiers sur 30 le font dont un qui le justifie par les nécessités de la Revanche), l’Italien, « voire du sanscrit » ! Dans un esprit différent qui n’exclue pas le même sérieux, deux s’initient aux échecs.

[…]

Pour les soldats, les occupations sont plus limitées. Beaucoup sont astreints à des travaux forcés. Un tiers de nos témoins y font référence. Chaulin estime qu’un quart seulement des prisonniers étaient mobilisés pour de tels travaux. Le Père Robin va même jusqu’à nier leur existence « sauf, dit-il, très occasionnellement et pour quelques hommes seulement ». Il exagère, mais ce point de vue tient sans doute à l’extrême variété des situations. Plusieurs prisonniers précisent que les sous officiers en étaient exemptés. Ils n’ont pas non plus duré pendant toute la captivité, les rigueurs de l’hiver ayant provoqué leur suspension.

Ces travaux forcés avaient d’abord vocation à répondre à des besoins précis, dans l’intérêt parfois des détenus eux-mêmes. Ce fut le cas, au début, quand les prisonniers furent contraints de construire les baraquements qui devaient servir à les abriter. Par la suite, ce sont surtout des travaux pour renforcer quelque fortification, réparer une route ou déblayer la neige. A Stettin, Habert fait du débardage. En moyenne, ces travaux forcés occupe les hommes de 4 à 5 heures par jour.

[…]

 

Les visites

 

Les prisonniers reçoivent des visiteurs qui leur apportent soutien matériel et moral. Ce sont d’abord celles de personnalités allemandes qui ressentent le devoir de répondre aux besoins les plus urgents. Frappé par la compassion de la princesse de Wied qui, une fois par semaine, rend visite aux blessés français et s’enquiert de leurs besoins, le général Liébert écrit au gouvernement de la République. Il aimerait qu’il fasse preuve d’une égale sollicitude. De son côté, la Croix-Rouge se mobilise pour créer des services adaptés aux besoins des prisonniers. Sous l’emblème d’une Croix verte pour ne pas créer de confusion avec l’agence internationale de secours aux militaires blessés, elle fonde le Comité international de secours aux prisonniers de guerre[5]. Outre la collecte de vêtements, nourriture, médicaments et autres colis, il se charge de rechercher les disparus, de dresser la liste des prisonniers et d’acheminer lettres et mandats. 2 à 300 lettres par jours sont ainsi traitées en novembre 1870, jusqu’à 1000 fin janvier 1871[6].

Les initiatives privées ne sont pas en reste[7]. A l’instigation d’officiers, des familles ou d’institutions religieuses, des associations de bienfaisance voient le jour. Elles organisent des souscriptions et collectes, puis envoient un de leurs membres assurer la distribution dans les camps.

[…]

 

Les prisonniers et la guerre 

 

Terminée pour les prisonniers, la guerre se poursuit néanmoins et ils y pensent. Sur sa poursuite, leur opinion est assez unanime : même si la victoire leur paraît impossible, ils estiment qu’il faut soutenir Gambetta. Pour les officiers, c’est une question d’honneur. Ils ne croient pas à la possibilité d’un retournement de la situation. Ils pensent toutefois qu’un succès permettrait de négocier un bon armistice. Pour les soldats moins passionnés de réalités militaires, la France doit donner la preuve de sa valeur ; il y va aussi de l’avenir de la République à laquelle ils sont attachés.

Tous guettent les nouvelles qui leur parviennent de façon sporadique et souvent déformée. « Nous ne savons rien » se lamente Rochat ! Il exprime surtout le dépit de ne pas recevoir les nouvelles qu’il aimerait entendre.

[…]

 

Les prisonniers et la Commune

 

[…]

De façon générale, les prisonniers se montrent hostiles à l’insurrection parisienne. Pour autant qu’ils puissent comprendre ce qui se passe à Paris, tous sont scandalisés par un mouvement qu’ils estiment antipatriotique. Pour ces hommes qui ont risqué leur vie sur le champ de bataille, l’idée que des compatriotes puissent s’insurger contre les autorités nationales alors que l’ennemi est encore présent sur le sol de la Patrie est insupportable. Un tel comportement relève pour eux de la trahison. Même quand leur sensibilité politique les rend proches des Rouges, ils  ne comprennent pas : l’insurrection apparaît au plus sympathisants comme contre productive parce que contraire à l’intérêt de la république sociale.

Les plus révoltés (plutôt les officiers) ne cachent pas leur envie d’en découdre avec les insurgés.

[…]

 

Conclusion

 

En dépit de leur dureté, les prisonniers français en Allemagne ont connu des conditions de détention correctes, sans commune mesure avec celles que connaîtront les prisonniers dans les camps du 20è siècle. Humiliés par l’échec et ne pouvant se référer à aucun précédant, ils n’ont cependant pas apprécié une situation dégradante pour eux. Ressassant entre eux déceptions, rancoeurs et souvenirs, ils se sont confortés dans l’idée qu’ils avaient été trahis et ont construits ensemble une mémoire de la guerre structurée autour de cette idée. Leur ressentiment les a conduit à cultiver une même détestation des Allemands, le culte de la revanche et un désir de punir ceux qui avaient abusé de leur sens du sacrifice : les officiers supérieurs incapables et les communards. Le poids de leurs témoignages a pesé lourd dans la mémoire collective des Français et la manière dont ces derniers ont pensé et géré l’après guerre.

 

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Notes :

 

[1] Chiffres fournis par François ROTH, La guerre de 1870. Paris, Fayard, 1990.

[2] Voir la bibliographie.

[3] Nous utiliserons le terme de visiteurs pour désigner les personnes autorisés à rendre visite aux prisonniers. Le civil est un otage.

[4] Ibid., p.420.

[5] BODZENHART, Ibid.

[6] Chiffre donné par François ROTH, Ibid., p.432.

[7] Le révérend père Joseph leur consacre tout son 7è chapitre.

 


Bibliographie : Pour compléter l'article ci-dessus, voici la bibliographie des témoignages sur lesquels je me suis appuyé. Outre quelques commentaires, les cotes sont celles de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), du Service Historique de l'Armée de Terre (SHAT) et de la Bibliothèque de la Fondation Dosne-Thiers (FDT).

1.        AIGNY de CRAMBES (Georges), Récit d’un soldat ; ma première campagne, ma captivité. Lyon, Josserand, 1872 ; 205 pages. BNF : Lh4-953 - FDT : 12° Famchon 781.

2.        ANONYME, De Dijon à Brême, 1870-1871.Paris, Armand Colin, 1871 ; 334 pages. SHAT : 69890. Journal d’un otage dijonnais interné à Brême. De mars 1870 à octobre 1871.

3.        ANONYME, Journal d’un prisonnier de guerre en Prusse par un officier de marine. Paris, bibliothèque populaire, bureau de l’éclipse, 1871 ; 126 pages. BNF : Lh4-1057.

4.        ANONYME, Lettres d’un prisonniers de guerre ; rapports de l’armée avec la société et de la réorganisation des forces militaires en France, 1870. SHAT : A2 e 2201.

5.       ANONYME, Souvenirs et autres documents. Mars 1871, Ulm ; carnet inédit. Propriété J-C. Cochereau. SHAT : ??? Carnet rédigé en captivité à Ulm en février – mars 1871 par un ami de l’auteur.

6.      ARAGONNES d’ORCET (général Vte Gaspard-Marie-Stanislas-Xavier), Froeschwiller, Sedan et la Commune racontés par un témoin, lettres et souvenirs du Général Vte Aragonnès d'Orcet, publiés avec une notice biographique et des notes par L. Le Peletier d'Aunay. Paris, Perrin, 1910 ; 317 pages. SHAT : 26075 – BNF : 6- LH4- 4776.

7.     ARNOULT (Jean-François), « Le calepin du grand-père », version dactylographiée adressée au Républicain lorrain en décembre 1997 par M. Louis Portier de Norroy-le-Veneur son arrière petit fils (15 pages).

8.      AUBRIOT (François), « Mémoires d’un prisonnier français en Prusse » présentés par Martine Stahl-Weber, bulletin du musée historique de Mulhouse, Tome 78, Mulhouse 1970, pp.193-221. BNF : 4-Lc21-71.

9.      BERGASSE (Fabien), Mémoires de captivité par un ancien chef des partisans de cavalerie du général Lapasset sous Metz ; Perpignan : impr. de « l'Indépendant », 1897 ; In-8 ? , 161 p.. BNF : LH4- 2159.

10.    BERGASSE du PETIT-THOUARS (Vice-amiral), Ses notes et sa correspondance. Paris, Perrin et Cie, 1906 ; 415 pages. SHAT : 20551. Comporte un passage sur le siège de Strasbourg (des souvenirs datés du 28 septembre 1871) et son journal de captivité en Allemagne, pp.339 à 409.

11.    BERTHOMIER DES PROST (colonel Arthur), De Sébastopol à Sedan ; lettres d’un officier d’artillerie de Napoléon III (1855-1871), Crimée, Italie, Algérie, Allemagne. Moulins, éditions des cahiers bourbonnais, 1862 ? BNF : Lh3-466

12.     BONNEAU du MARTRAY (général), Lettres de l’armée du Rhin et de captivité et relation de la rentrée des archives de l’armée du Rhin en France au mois d’avril 1871. Tours, Mame et fils, 1919. BNF : Lh4-3054.

13.     BOUCHARD (Louis), Les mémoires d'un soldat de l'armée de Metz. Saint-Amand, 1894 ; 247 pages. BNF : Lh4-1965

14.     BRAVARD (Alexandre), « Deux lettres d’un Beauceron prisonnier de guerre ». Présentées par Aimé Allouis in Histoire locale, Beauce et Perche, n°27, 1967 ; pp.26-28. BNF : Lc19-288

15.    BRUCHON, Ph : Souvenirs d’un chalonnais. Neuf mois de captivité en Poméranie - octobre 1870 - juillet 1871. Corbeil, Drevet, 1886 ; 200 pages. BNF : Lh4-1732. Souvenirs de captivité d’un homme fait prisonnier à Strasbourg.

16.    BRUGALE (abbé), Ma captivité en Prusse par le curé de Bezons. Paris, chez l’auteur, 1871. BNF : LH4-872. Souvenirs d’un prêtre arrêté en octobre 1870 puis déporté à Posen puis à Graudenz.

17.     CASADAVANT (Benoît Prosper), Carnet de campagne et de captivité ; manuscrit. SHAT 1 k T 109.

18.     CHALERT (Alexandre), Impressions d’un soldat ; la campagne de 1870 racontée par un lieutenant alsacien pendant sa captivité à Mersebourg ; préface de Félix Blumstein. Strasbourg, Treuttel et Wurtz, 1908. BNF : Lh4-2514.

19.     CHOPPIN (Henri), Journal de captivité d’un officier de l’armée du Rhin (27 octobre 1870 - 18 mars 1871. Berger-Levrault, Paris, 1912 ; 387 pages. SHAT : 36997.

20.     CHANTRON (Alphonse), La guerre de 1870, souvenirs et impressions d’un jeune captif. Lyon, Imprimerie Vitte, 1904. BNF : Lh4-2410.

21.    CHAULIN (docteur G de) : Les prisonniers de guerre français en Wurtemberg, pendant la campagne de 1870-1871. Stuttgart, Imprimerie Metzler, 1871 ; 58 pages. BNF : Lh4-837. 12 Famchon 597.

22.    CUNEO d’ORNANO, Mes étapes ; notes d’histoire militaire (1870-1880) ; 1870-1871 : la guerre ; 1871, la Commune ; 1872-1880 : le relèvement. Paris, Société des publications littéraires illustrées, 1910 ; 266 pages. BNF : Mfiche-8-Ln27 54567

23.     D... P, Souvenirs de captivité d’un mobile de la Somme. Péronne, Trépant, 1879 ; 156 pages. BNF : Lh4-1546. Souvenirs présentés sous forme de carnet ; rédigés sur la base de notes, par un mobile fait prisonnier au terme du siège de Péronne (10/1/1871). Déporté à Jüterbog (près de Leipzig). Cite ses propres poèmes écrits en captivité.

24.     DAMAS (Révérend Père de), Souvenirs de guerre et de captivité (France et Prusse). Paris, Tequi, collection Saint Michel, 1874. BNF : Lh4-1360

25.    DE FRANCE (Arthur), « Journal » in LEFEBVRE de BEHAINE (commandant) : Le général A. de France, 1833-1906 ; notes et souvenirs. Paris, société d’éditions littéraires et artistiques, 1909 ; 142 pages. BNF : Ln27-54195 (A). Contient (pp.53-80) le journal du capitaine de France, officier attaché à l’Etat-major de l’armée du Rhin, en partie repris en captivité ; puis les souvenirs (pp.81-86) du comte Robert de France sur sa captivité partagée avec son cousin Arthur en Allemagne (Hambourg).

26.     DE VAUX (baron Almir), Cahier de notes d'un officier des cuirassiers de la Garde (1870-1871). Paris, Imprimerie des Orphelins - apprentis d'Auteuil, 1911 ; 66 pages. BNF : Lh4-2612

27.    DEROULEDE (Paul), 70-71, nouvelles feuilles de route. De la forteresse de Breslau aux allées de Tourny. Paris, Juven, 1907. SHAT : 25983. Souvenirs de captivité, évasion et fin de la guerre. Décembre 1870 à mars 1871.

28.     DEBLAYE (abbé), Les prisonniers français à Kalk et au Gremberg ; journal d’un aumônier français en Allemagne. Paris, Librairie V. Sarlit, 1871 ; 116 pages. SHAT : A2 e 949.

29.     DUFOR (R. P), Mes impressions et confidences d’aumônier des prisonniers en Allemagne et en Suisse. Toulouse, Privat 1871 ; 244 pages. FDT : 12 Famchon 898 (8).

30.     FARINET (Alexandre), L'agonie d'une armée (Metz 1870) ; journal de guerre d'un porte-étendard de l'armée du Rhin. Paris, Boivin, 1914. BNF : Lh4-2701

31.     FAUTRAS (Gustave), De la Loire à L’Oder, récits de captivité d’un prisonnier civil en 1870-1871. Paris, Hachette et Cie, 1904 ; 189 pages.

32.     FILIPPI (Pierre), Carnets. 1895. collection privée.

33.    GODELIER (colonel), « La guerre de 1870 et la commune – journal d’un officier d’état-major », Revue rétrospective, juillet 1902 ; pp. 297-312 + 361-384. BNF : Microfilm M 598 (11). Souvenirs présentés sous forme de journal, au jour le jour, par un officier attaché à l’état-major du général Lacretelle. Commence en date du 13 août et se poursuit  jusqu’à la Commune

34.     GUERS (abbé), La Patrie et l’exil en 1870-1871. Lille, maison Saint-Joseph, s.d. ; 325 pages. FDT : 4° Famchon 375. Recueil présentant des extraits des souvenirs d’aumôniers militaires : Damas, Joseph (bombardement de Strasbourg), Rambaud (Metz), Bonhomme (Paris), Stanislas (Armée de la Loire), Deblaye (Kalk) et Dufor (captivité).

35.     HABERT de GINESTET, Souvenirs d'un prisonnier de guerre en Allemagne. Paris, Flammarion, 1898 ; 243 pages. BNF : Y2-40971 (349) / FDT : 12 Famchon 1662.

36.     JOSEPH (R.P.), La captivité à Ulm. Paris, Lecoffre fils et Cie, 1871 ; 215 pages. SHAT : D2t 2251.

37.     JOLLY (Jules), Souvenirs de la campagne de 1870-1871. Compiègne, Imprimerie Mennecier, 1893 ; 76 pages. BNF : Lh4-1966

38.     JOUBERT (André), Journal d’un prisonnier de guerre (de Saint Péravy à Stralsund) 1870-1871. Angers, Germain et Grassin, 1896 ; 38 pages. BNF : Lh4-2059.

39.     JOURDAN (Félix), Campagne de Prusse ; copie d’un carnet trouvé dans ses archives. SHAT : 1 k T 815.

40.     JOUSSELIN de RIPAILLETTE (A), Quelques journées de captivité ; souvenirs d'un engagé volontaire de l'armée du Rhin. Troyes, Imprimerie Paul Nouel, 1871, 46 pages. BNF : Lh4-2125.

41.     JULLIEN (capitaine), Les mémoires du capitaine Jullien et ses études. Tours, chez l’auteur, 1874 ; 406 pages. BNF : Lh4-1318

42.     KERVELLA (A), Souvenirs et récits d’un prisonnier de guerre, 1870-1871. Paris, édition spéciale de « Paris Revue » 1913 ; 167 pages. FDT :12 Famchon 121

43.     LABOSSEY (Pierre), Récit par un soldat de l’armée fait prisonnier à Sedan. SHAT : 1 k T 270.

44.     LAFOSSE (Albert), Le journal d'un soldat : histoire vraie. Montauban, Edouard Forestié, 1892. BNF : Lh5-1348.

45.    LAFORGUE-MONDENARD (Jean-Pierre), Les prisonniers français en Allemagne. Toulouse, imprimerie Chauvin et fils, 1871 ; 23 pages. BNF : Lb57-1032. Texte rédigé (et vendu au profit des prisonniers) par un pasteur, président du consistoire de Toulouse.

46.     LAHALLE (Oscar), Mes souvenirs, extraits annotés par Suzanne Fiette. Bibliothèque du SHAT.

47.    LANDAU (E), Six mois en Bavière par l’aumônier militaire de Munich. Paris, Douniol et Cie, 1871 ; 200 pages. BNF : Lh4-1177. L’auteur publie le rapport de sa tournée en Bavière pour aller soutenir les prisonniers.

48.     LAURENT (C. M.), De Paris à Dantzig, récit d'un prisonnier. Paris, Lemerre 1871 ; 122 pages. SHAT : D2 t 239.   

49.    LANDREAU (E. Léopold), Campagne de 1870 ; les Français au bagne allemand. Beaume-les-Dames, Léon Colombain 1886 (2è édition 1887, Mégard et Cie, Rouen) ; 138 pages. BNF : Lh4-1733 A. Souvenir de captivité par un survivant d'un régiment décimé à Sedan.

50.     LOMBARD (Claude), Carnets de route (17 juillet au 3 mars) d’un capitaine au 67ème régiment d’infanterie de ligne. SHAT : 1 k 32.

51.     LOUIS (Désiré), Souvenirs d'un prisonnier de guerre en Allemagne (1870-1871), préface de Gustave Geffroy. Paris, F. Juven, 1898 ; 209 pages. BNF : Lh4-2205.  

52.     MARCHAND (Victor), Vieux souvenirs d'un officier du génie. Dijon, imprimerie Sirodot-Carré, 1898 ; 317 pages. BNF : microfiche Ln27-46117

53.     MARTY (Etienne), Souvenirs d’un artilleur de l’armée du Rhin, texte rédigé par Ludovic Gratiolet. Paris, L. Baudouin, 1892 ; 267 pages. BNF : Lh4-1896   

54.     MASSON (Georges), Souvenirs de captivité : 1870-1871. Alençon, Renaut-de-Broise 1890 ; 98 pages. BNF : Mfiche Lh4-1836. Soldat blessé à Borny, fait prisonnier le 16. 

55.    MEGE (Charles), Récits militaires – campagne de 1870-1871 ; l’armée de Metz – l’investissement, la captivité. Lyon, imprimerie Paquet, 1905 ; 126 pages. BNF : Lh4-2456. Récit d’un enfant de troupe, simple soldat d’à peine 18 ans ; 1er régiment d’infanterie, division Cissey (4ème corps).

56.     MEYRET (lieutenant-colonel) : Carnet d’un prisonnier de guerre ; les batailles sous Metz – la capitulation – la captivité. Paris, Lecène, Oudin et Cie, 1862 ; 272 pages. BNF : Lh4-1777.

57.     MOUSSAC (Georges de), Dans la mêlée ; journal d’un cuirassier de 1870-1871. Paris, Perrin et Cie, 1911. SHAT : A2 e 2837.

58.     MULLIER (Ch.), Notes sur la campagne de 1870-1871. Manuscrit, collection privée. Souvenirs rédigés en captivité sur la base probable de notes. Carnet au jour le jour

59.     NARCY (L. de), Journal d’un officier de Turcos. Paris, Ollendorf, 1902 ; 339 pages. BNF : Mfiche Lh4-2314.

60.     PARISOT (Auguste), Le camp des prisonniers de guerre de Carthans près de Coblenz en 1870. SHAT : T 854. Plan du camp de Carthans dessiné par l’auteur pendant sa captivité.

61.     PATORNI (Napoléon), Neuf mois de captivité en Allemagne par X***, lieutenant. Imprimerie Dubuisson, 1871 (87 pages). BNF : Lh4-1058. Seconde édition parue en 1888 (80 pages) aux Imprimeries du Spectateur militaire.

62.     PELE (sergent Alexandre), Journal d’un garde mobile ; souvenirs de ma captivité, présenté par Michel Pelé, http://pele.m.free.fr/1870/

63.     PERRONCEL (Philippe), Mémoires d'un ex-cuirassier de Reichshoffen. Lyon, M. Carruel, 1891 ; 51 pages. BNF : Lh4-1874

64.     PERQUISE (Mathurin), Carnet de route d’un soldat du 2ème régiment de Voltigeurs de la Garde impériale. Mayence, février 1871. SHAT : 1 k T 1238. Souvenirs rédigés en captivité.

65.     PHILIBERT de TOURNUS, Récit d'un évadé d'Allemagne. Paris, Chapelliez et Cie, 1888 ; 221 pages. FDT : 12° Famchon 1393.

66.     PINON (Félix), Souvenirs de captivité. Nevers, Barthe et Brulfert, 1872 ; 24 pages. FDT : 8 Famchon Br 23 HH. Prisonnier à Glogau, l’auteur publie les « essais poétiques » qu’il a écrit en captivité.

67.     PINGUET (capitaine), Feuilles de carnet, 1870-1871. Annemasse, Joseph Chambet, 1896. SHAT : A2 e 1737

68.     POUTEAU (Emile), De Laval à Dantzig, de la guerre de 1870-1871 (2ème partie, journal). Laval, imprimerie Léon Beaumont, 1912. SHAT : 69910.

69.     QUENTEL (Yves Charles), « Correspondance à sa famille pendant la campagne contre les Prussiens, en 1870 », Gwechall (bulletin de la société finistérienne d'Histoire et d'archéologie), tome 3, Quimper,1980. BNF : 8 Lc20-160.

70.    QUESNAY de BEAUREPAIRE, De Wissembourg à Ingolstadt (1870-1871) ; souvenirs d'un capitaine prisonnier de guerre en Bavière. Paris, Firmin-Didot et Cie, 1891 ; 301 pages. BNF : Lh4-1845

71.     RENAULT (caporal), Une année de campagne, 1870-1871 ; 1er régiment de Grenadiers de l’armée du Rhin ; écrit en captivité, Ulm, mars 1870. SHAT : 1 k T 268.

72.     RIVAULT (Joseph), « 1870, souvenirs de captivité étant prisonnier de guerre à Germersheime, en Bavière, Amicales régimentaires n°146, janv-mars 1975 ; pp.5-6. SHAT : 6/01/01. Récit du soldat Julien Berthonneau, 2ème zouaves, armée de la Loire, sur son séjour en Bavière et les conditions de sa déportation.

73.     ROBIN (Père), Dans les prisons de l'ennemi (notes de captivité, 1870). Constantine, Imprimerie Boet, 1911 ; 59 pages. BNF : Lh4-2645.

74.    ROCHERON (L), Souvenirs d'un prisonnier de guerre de 1870 ; d'après les notes de Louis ROCHAT (soldat au 1er régiment d'infanterie de marine). Charavay, Mantoux, Martin, Paris, s.d. 123 pages. FDT : 8° Famchon 1181.

75.     SEGUIN (Auguste), « La guerre de 1870 », Echo d’Auxerre, n°85, 1970 ; pp.13-19.

76.     SEGRETAIN (Alexandre), Souvenirs d’un officier de génie. Algérie, Italie, Crimée, guerre de 1870. Paris, Hachette, 1962. SHAT : A2 h 2954.

77.     SERVEL (Jean-Pierre), Pauvres et tristes mémoires de la guerre de 70. Collection privée.

78.     STERN (Ambroise Adolphe), « Récit de guerre et de captivité », Revue française de Généalogie, n°103, avril-mai 1996 ; pp.19-20. BNF : 4 Lc15-60. Stern est fait prisonnier à Froeschwiller.

79.    STRUB (Père), Rapport sur les prisonniers de guerre français internés à Mayence du mois d’août 1870 au 24 juillet 1871. Paris, imprimerie Adrien Le Clere, 1872 ; 44 pages. BNF : Lh4-1113. Rapport assez sommaire sur les conditions de détention, les aumôneries et services religieux proposés aux détenus ; dresse surtout (pp.17 à 44) la liste des détenus décédés en captivité.

80.    THIERY (Victor), Après la défaite, souvenirs et impressions d'un prisonnier de guerre en Allemagne. Paris, Frinzine Cline et Cie, 1884 ; 295 pages. BNF : Lh4-1674 - FDT : 12 Famchon 1051.

81.     THOMAS (colonel Gustave), Notes d'un prisonnier de guerre. Paris, Victor Palmé, 1871. BNF : Lb57-172 / FDT : Famchon 1132. Plus une analyse que l'expression de souvenirs.

82.    VALLADE (Pierre), Épisodes de la guerre de 1870-1871 ; l’armée de Metz, simple récit d’un ancien zouave de la Garde impériale. Limoges, Imprimerie commerciale Perrette, 1899. BNF : Lh5-1517

83.     VERLY (Albert), Souvenirs du second empire : les étapes douloureuses. Paris, Daragon, 1908.

 


 

Document : Le camp de prisonniers de Carthans dessiné par un cuirassier français.

 


 

Les prisonniers de guerre français en Allemagne : analyse commentée d'une communication de Rainer BENDICK

 

En septembre 2004, j'achevais un travail sur les prisonniers français en Allemagne pendant la guerre de 1870. L'article que j'en tirais est présenté ici.

L'historien allemand Rainer BENDICK avait toutefois fait une communication à l'occasion d'un colloque sur les prisonniers de guerre dans l'Histoire, publié en 2003 par les éditions Privat de Toulouse (pp.183-195).

L'approche est différente de la mienne, Bendick s'appuyant sur des documents allemands quand je me référai principalement aux témoignages de prisonniers français et de leurs visiteurs. Nos conclusions respectives me paraissent cependant fort proches. Ci dessous, quelques extraits de la communication  de Bendick sur un conflit au cours duquel il note que "jamais auparavant dans l’histoire militaire moderne un belligérant n’avait fait autant de captifs, transportés dans son propre pays." (p.183)

Concernant la définition du "prisonnier de guerre", Bendick précise qu'il s'agissait de tous ceux "qui portaient des insignes militaires visibles à l’œil nu et qui étaient ainsi désignés comme des effectifs permanents de l’armée française. Tous les autres qui prenaient les armes contre les soldats allemands […] devaient être condamnés à dix ans de travaux forcés."

Bendick confirme ensuite le caractère moderne de la guerre. Il en trouve la trace (et l'explication) dans les propos de Bismarck en personne : "avec la chute de l’empire et la formation du gouvernement de la défense nationale, la guerre changea de nature." rappelle-t-il. "Elle devenait une guerre populaire […] C’est dans ce contexte que les autorités allemandes voulurent appliquer des mesures draconiennes […] Entraînés dans la logique de la guerre moderne populaire, les concepts militaires traditionnels d’honneur se révélaient inadaptés et arbitraires." (p.185). Il poursuit : "Afin de briser la résistance du gouvernement de défense nationale, qui pour Bismarck augmentait le risque d’intervention des autres puissances européennes, ce dernier proposa des mesures plus dures également contre l’armée française. Il demanda à Guillaume 1er, « d’habituer les troupes de Votre Majesté à faire moins de prisonniers et d’envisager plus l’anéantissement de l’ennemi sur le champ de bataille ». Les longues justifications données par Bismarck montrent à quel point cette décision de brutaliser la guerre était nouvelle pour le roi prussien, qui était d’abord un soldat et imprégné des valeurs militaires traditionnelles." (p.186). Les témoignages des combattants français (prisonniers ou non) confirment cette évolution qui créée, de fait, une situation de cohabitation entre deux réalités guerrières, entendons par là celle des militaires de carrière qui se battent à l'ancienne, et celle des mobiles sans expérience qui sont souvent à l'origine des crimes de guerre ou violences dénoncées par les deux camps. Cette cohabitation est importante ; si elle n'explique pas la défaite française (dans la mesure où les Allemands étaient confrontés à la même situation), elle permet de comprendre les rancoeurs, ressentiments et désordres qui, dans la défaite, ont affecté les Français bien plus que leurs adversaires. Il est essentiel de bien cerner cette réalité dans la mesure où elle détermine en partie les jugements exprimés dans les récits de souvenirs, la dénonciation de l'indiscipline des soldats par les officiers, de l'incompétence de ceux-ci par ceux-là.

 

Concernant les prisonniers, maintenant, ce détail intéressant : "Bismarck proposa de les répartir selon la population des pays allemands et non selon la participation des Etats dans la capture pour éviter des « surévaluations de l’importance des contingents particuliers dans la victoire » […] Il s’agissait de voir « dans les succès singuliers le résultat de toutes les opérations des troupes allemandes » […] Bismarck voulait prévenir tout particularisme et mettre l’accent sur la nation allemande." (p.186)

 

Bendick évoque ensuite les travaux auxquels les prisonniers étaient astreints dans les camps :

"Les soldats en captivité devaient travailler pendant cinq heures par jour pour couvrir leurs frais de vie et – comme le précisait le règlement – pour des raisons de santé. Ils étaient libres de travailler jusqu’à dix heures par jour. Dans ce cas, cinq heures devaient être payées. Ces travaux se limitaient aux alentours des garnisons et consistaient souvent dans le renforcement des fortifications. Mais en raison de leur grand nombre, les prisonniers ne pouvaient être occupés pour longtemps de cette manière." (p.187)

Ils pouvaient aussi travailler pour des particuliers, mais ils étaient trop chers, précise Bendick, et seuls 3% d’entre eux le firent (7056 en Prusse sur 237 045). Ces données précisent et confirment les témoignages. Si le temps de travail forcé varie de l'un à l'autre, la moyenne tourne bien autour de 5 à 6 heures, sauf pour les sous-officiers souvent bénéficiaires, semble-t-il, des limitations de travail pour cause de "trop grand nombre".

 

En revanche, sur les contacts entre les prisonniers et les populations allemandes, l'impression laissée par les témoignages diffère légèrement des analyses de Bendick.

Celui-ci écrit : "la possibilité des prisonniers d’entrer en contact avec la population civile était restreinte. Ils passaient le temps enfermés dans les forteresses ou dans les camps." (p.188).

C'est bien ce qu'il semble être en théorie ; dans la pratique, les récits de souvenirs ou carnets permettent cependant de nuancer un peu. Il y a d'abord des contacts indirects dans le cadre du camp lui-même. Outre les gardiens qui sont souvent des "civils en uniformes", de nombreux allemands entrent dans le camp. Les Français sont au contact de leurs médecins, des marchands qui tiennent les "boutiques" où ils peuvent acheter du tabac, de la bière, des suppléments alimentaires... etc. Parfois aussi des prêtres ou des pasteurs.  Les travaux obligent aussi à sortir de l'enceinte du camp, ce qui donne d'autres opportunités. Enfin, les soldats ont des permissions de sortie en ville sous escorte, tous les 15 jours environ ; ils en profitent pour aller s'offrir un extra dans les auberges, faire quelques emplettes quand ils ont un peu d'argent. A chaque fois, ils peuvent entrer en contact, même sommaire, avec la population locale.

Indirectement, Bendick confirme l'existence de ces contacts quand il explique que les autorités chercher à les éviter : "Apparemment, toute fraternisation devait être empêchée. La méfiance envers l’ennemi se joint ici à la méfiance envers les civils […] dans le contexte de la guerre populaire, les prisonniers étaient ressentis comme une sorte de « cinquième colonne » qui pouvait faire alliance avec les forces défavorables à un empire allemande de forme prussienne et monarchique.' Cette hantise n'est-elle pas l'expression même d'une réalité ?

Lors des premiers convois, rappelle Bendick, "l’ennemi capturé ne paraît pas comme une menace ou un danger, au contraire : soit il s’agit d’hommes déplorables au visage déprimé qui inspirent plutôt de la pitié que la peur, soit il s’agit d’hommes exotiques, presque comme dans une revue d’ethnologie." (p.190).

Tous les témoignages le confirment : lors des arrêts dans les gares, les prisonniers français sont bien traités, ils se voient offrir des cigares, à manger ; ils reçoivent des marques de sympathie. Avec les officiers qui résident en ville, les contacts avec les populations sont fréquents. Cité par Bendick, le cas du capitaine Choppin resté cloîtré dans sa chambre n'est pas représentatif. De fait, si les Allemands se sont efforcés d'empêcher les contacts, n'est-ce pas parce qu'ils étaient plus importants qu'ils ne le souhaitaient ?

Le renforcement des stéréotypes nationalistes que relève Bendick dans la fin de son intervention est particulièrement intéressant et la lecture des témoignages permet de les confirmer du point de vue inversé des Français.

Sous l'effet de l'humiliation ou de la fierté, de la propagande ou des phénomènes de groupes, les antipathies et haines réciproques ont trouvé, dans la guerre en général et les situations de captivité en particulier, matière à se développer ou consolider. "les représentations de l’accueil des prisonniers transmettent un message double : elles confirment la confiance dans la supériorité militaire des soldats allemands et accentuent la supériorité morale de l’Allemagne. La conviction que les prisonniers sont bien traités est une base pour se démarquer de nouveau de la France." (p.191). Les Français voient la même chose dans la brutalité des conditions qui leur sont imposées ! Sur ce chapitre, la bonne foi est rarement le lot commun des prisonniers.

"Au début de la guerre, les prisonniers ne font pas l’objet de haine ; ils sont approchés avec curiosité et ne font pas naître de sentiments belliqueux mais plutôt de pitié […] Cette façon de voir les captifs qui correspond plus à  la paix qu’à la guerre est bientôt critiquée (par la presse).(p.191). En France, la presse s'efforce de jouer le même rôle.

Au final, Bendick note que "le vieux stéréotype de la décadence et de l’immoralité des Français se trouve confirmé par la perception des prisonniers de guerre […] et renforcent implicitement l’image (positive) de l’Allemagne." (p.193). Les Français, pour leur part, s'efforcent de nier les qualités de la culture allemande pour se confirmer dans l'idée qu'ils se font de la prussienne faite de stupidité, brutalité et esprit borné. Des stéréotypes promis à une longue et regrettable prospérité !!!


Quelques pistes pour ceux qui cherchent des informations sur un prisonnier français interné en Allemagne

 

Vous cherchez des informations sur un aïeul ou un soldat que vous savez avoir été interné en Allemagne pendant la guerre franco-prussienne ? Voici quelques pistes susceptibles de vous offrir des renseignements :

 

- Ce soldat était officier : contactez le Service historique de la Défense (Vincennes) pour consulter son dossier militaire (service des archives).

 

- Contactez les services des archives de la Croix-Rouge à l'adresse suivante : archives@icrc.org . Mais attention, il faudra aller sur place pour consulter leurs listings.

 

- Consultez les listes d'Ancestramil. En particulier : la 5eme liste des blessés recueillis par les Allemands décédés au 30 janvier 1871.

 

- Allez sur Gallica. On y trouve des listes établies au lendemain de la guerre par la Croix-Rouge. Dans le moteur de recherche du site, cherchez Les prisonniers français en Wurtemberg pendant la campagne de 1870-1871. Stuttgart, 1871 ; Le rapport sur les prisonniers de guerre français internés à Mayence du mois d'août 1870 au 24 juillet 1871, par le P. Strub, Paris, 1872 ; La guerre dans le Nord, notes et documents. A. Lécluselle, Cambrai, 1898 ; 3ème partie, p. 337.

 

Voir aussi : Rapports du Secrétaire général, des secrétaires des oeuvres de l'Ambulance du Midi, de l'Ambulance de la Gare et des secours aux prisonniers en Allemagne et en Suisse 1870-1871 / Société internationale de secours aux blessés militaires, Comité sectionnaire de l'Hérault, Boehm, Montpellier, 1871.

 

A. de La Rue, Sous Paris pendant l'invasion : 500000 Prussiens. 45000 prisonniers français, 1870-1871 ; chapitre XIII.

 

Le Père Joseph, La captivité à Ulm..., avec une liste des décès.

 

Comité de secours aux militaires français blessés ou prisonniers. Compte-rendu des opérations du comité de Bar-le-Duc 1870-1871, Impr. de Rolin, Chuquet et Cie, Bar-le-Duc, 1871.

- Quelques informations sur le camp de Wesel (mais surtout pour les camps de la Première Guerre mondiale).  

- Sur le site de Pierre Bertrand, des extraits (et résumé en Français) du livre de Manfred Botzenhart 

- Contactez les archives départementales

NB : Si vous disposez d'autres sources susceptibles d'intéresser quelqu'un, n'hésitez pas à m'en faire part. Je les ajouterai à cette courte liste.

 

 

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