1870-1914 : REGARDS CROISES

page mise à jour le 23/05/2009

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Des lettres, des carnets, des souvenirs de soldats confrontés à de semblables événements : une déclaration de guerre, la mobilisation, le baptême du feu, la peur et la fascination, la victoire ou la défaite face à un même ennemi, à la suite de marches et contre-marches similaires, au cours d'un été... mais, sauf à disposer des références nécessaires, il est bien difficile de faire la part entre 1870 et 1914. L'étude des textes écrits pendant l'été 1870 conduit à observer les mêmes processus affectifs ou comportements, les mêmes émotions. Nous avons écrit un article sur ce sujet (retrouver l'autre guerre, à paraître) et fait le parallèle entre le début de 1870 et le début de 1914. Nous ne résistons pas à la tentation de mettre en contrepoint des extraits qui se font écho à 44 ans de distance. Procédé, certes, très artificiel ; mais qui montre les permanences en toutes guerres ou plaident en faveur de la modernité d'août 1870. 


Sommaire de la page

 

citations croisées 1870 -1914

le "gâchis" des généraux

Bazaine et Trochu en parallèle

1870 - 1914 à la manière de J-J Becker

1870 face à 1914 selon un ancien mobile parisien

souvenirs de 1870 pendant l'été 1914

 


L'enthousiasme initial

Nous partîmes d'Amiens au milieu des acclamations enthousiastes de la population accourue sur notre passage. Couverts de fleurs et accompagnés des vœux les plus ardents.

Vincent Boucabeille, journal de marche, page 8.

Un régiment d'infanterie descend le boulevard Saint-Michel, musique en tête pour se rendre à la gare de l'Est. Tout Paris est dans un état d'animation que je n'avais pas encore constaté.

Jean Bérenguier, lettre à sa famille, 16 juillet 1870. Cité par J-P Hiver, Echo des Rabastens, n°56 à 61

dessin de Daumier

Il est trois heures (...) nos pas sonores réveillent plusieurs Brestois et Brestoises qui viennent en corps de chemise nous applaudir (...) à la gare la foule s'est réunie et les applaudissements recommencent de plus belle.

Le 15 août, à neuf heures du matin, nous arrivons à la gare des Invalides, à Paris (...) la foule parisienne accourt pour nous applaudir, un agent prend la tête pour nous conduire et nous voilà en route. La foule grossit à mesure que l'on s'avance et bientôt les rues ne sont pas assez large pour nous laisser passer.

Joseph Créoff, 14 août 1914, Paroles de Poilus

 

La découverte du monde - curiosité des enfants de la République

(...) suivre l'extraordinaire acuité de ses (Y.C. Quentel) observations dans tous les domaines (...) il note tout, décrit tout (...) compare des paysages nouveaux pour lui. Est-ce l'école qui veut ça ? Celle de la 3ème mieux qu'une autre ?

Présentation d'Y.C. Quentel par la rédaction de la revue Gwechall, tome 2 - 1979 p. 45

Incontestablement, l'école de la 3ème République n'avait pas donné à tous ses élèves une orthographe parfaite. Mais elle avait peut-être fait mieux : les combattants de 14-18 font preuve, dans leurs écrits, d’un esprit curieux (…) de se renseigner sur les coutumes, les techniques agricoles de régions que, jusque là, ils ne connaissaient pas (…) avec finesse, ils savent observer et retranscrire. 

Cazals et Rousseau : 14-18, le cri d'une génération ; Toulouse, Privat 2001, p.9

 

Le devoir patriotique

Un élan général porte tous les Français... J'ai résolu de suivre cet élan (...) Obligation, dans les circonstances présentes, de rendre à la Patrie ce qui lui est dû (...) c'est aux jeunes gens riches de partir les premiers, de donner l'exemple aux malheureux paysans.

Antonin Dimier de la Brunetière, 19 août 1870, souvenirs et lettres...

Nous sommes tous résolus à mourir pour la République.

Alcius Ledieu, lettres d'un engagé volontaire, 6 septembre 1870 

L'emballement, l'enthousiasme braillard et provocant me manquent absolument, et les idées de revanche, de vengeance, de grandeur nationale sont pour moi toujours fausses et barbares. Mais on nous attaque, les Allemands viennent saccager notre pays, quand ils auront passé la Champagne, ils viendront chez nous et ce sont nos familles qui seront leurs victimes. tant pis pour eux !

Etienne Tanty, lettre, 5 août

 

La résignation 

Nos jeunes gens de la réserve ne paraissent pas enthousiasmés de la guerre. Ferons nous de la bonne besogne avec eux ?

Claude Lombard, carnets de route, 25 juillet

C'était la première fois de ma vie que j'ai vu un pareil tableau (...) Nous rencontrons le général de cavalerie qui avait eu l'intelligence de faire charger les carrés prussiens par des cuirassiers dont pas un n'était arrivé sur les carrés, notre lieutenant colonel lui demanda ses ordres (...) sa réponse fut simple et splendide : je m'en fous (vous avez bien lu), allez où vous voudrez, je m'en vais de mon côté. Nos hommes commençaient à nous regarder avec inquiétude ; pour cacher la mienne je causais, je riais avec eux (...)

Edmond Lambert, correspondance, 8 août

J'ai embrassé mes camarades et le sergent tout à l'heure au départ. Combien reviendront ? Je suis écœuré par ce que je vois. Un commandant absolument abruti : il perd ses gants et son carnet en cinq minutes et m'explique vaguement qu'il est très fatigué du voyage, pendant que je le conduis chez le tailleur changer d'écusson. Quel commandant ! On peut trembler en voyant cela et aussi tous ces réservistes, saouls, qui se vautrent sur le trottoir d'en bas. Et pourtant : en avant !

Maurice Maréchal, le 2 août 1914, Paroles de Poilus

Malgré l'extérieur joyeux vous pouvez croire qu'au fond la déclaration de guerre nous a fait mal au cœur.

Henri Robert, Impressions de guerre, 4 août 1914.

 

La désillusion

Fritz Gehrke, offensive en Alsace 1914

Tout ce que nous avons pu supposer, tout ce que notre imagination effrayée nous présentait était bien loin de la réalité que j'ai sous les yeux. 

Albert Lafosse, journal d'un soldat, pp.15

Sans vouloir dire du mal de l'armée française, ce que nous voyons ressemble guère à ce qu'on rêve quand on pense à une armée (...)

abbé Camille Rambaud, journal d'un aumônier, 20 août 

Les médecins des tirailleurs nous demandent l'hospitalité (...) Ils nous racontent la retraite de Belgique. C'est la première fois que nous touchons à la réalité. Nous avons vécu d'illusions. Nous avons été bercés d'espoirs chimériques... Cela nous fait revivre le souvenir de tant d'heures semblables.

Max Deauville, 4 novembre 1914, jusqu'à l'Yser

Pas d’amertume dans ces réflexions, mais une surprise douloureuse : celle de gens de bonne volonté (…) qui ne reconnaissent dans l’incohérence de cette campagne baroque, ni la belle ordonnance des récits historiques, ni la splendeur des guerres à panaches.

Lieutenant Marot, 1914, premières rencontres avec...

 

Peur et incompréhension sous le feu

La canonnade commence à 4 heures malgré un brouillard très épais. Nos quatre régiments de cuirassiers et notre batterie se mettent en colonne serrées, puis ensuite par peloton (...) Nous restâmes ainsi pendant six heures recevant des obus sans pouvoir trouver une meilleure position (...) C'était affreux de voir tomber les obus sur nous sans pouvoir trouver une meilleure position à droite ou à gauche

Couturas, journal de marche, 1er septembre

Des tourbillons, des rafales d'éclats d'obus et de mitraille (...) enlevant, broyant, pulvérisant par ci par là, des malheureux dont les membres, projetés en l'air, retombent quelques fois sur les camarades encore vivants. Malgré cette situation épouvantable (...) nous restons toujours cloués sur notre position (...) animal de boucherie attendant le moment où l'on voudra bien ui planter le couteau dans la gorge. Il n'y a pas d'ordre !

Capitaine Pinguet, Feuilles de carnet, 16 août

A.de Neuville

Soudain des sifflements stridents qui se terminent en ricanements rageurs nous précipitent face contre terre, épouvantés. (...) la tête sous le sac, je jette un coup d'oeil sur mes voisins : haletants, secoués de tremblements nerveux, la bouche contractée par un hideux rictus, tous claquent des dents (...) Cette attente de la mort est terrible. Combien de temps ce supplice va-t-il durer ? Pourquoi ne nous déplaçons nous pas ? Allons nous rester là, immobiles, pour nous faire hacher sans utilité ?

Jean Galtier-Boissière, 22 août 1914, En rase campagne 1914

 

La fascination - admiration

Je me bornais à être spectateur du triste, mais beau tableau qui s'offrait à ma vue.

Etienne Fort, lettre, 15 août

                        tableau d'Edouard Detaille

La bataille a été terrible (...) (l'infanterie) était affolée par la pluie d'obus qui nous arrivait ; l'artillerie a été superbe (...) la cavalerie a été inébranlable et a fait tout ce qu'on a voulu ; il y a une plaine qui est restée couverte de cuirassiers.

Le Peletier d'Aunay, lettres et souvenirs, 8/09

Secteur effroyable, théâtre de continuels engagements, chaque jour d'attaques acharnées dans l'un ou l'autre camp. Le spectacle est unique, tragique, magnifique, la nuit, l'univers est embrasé, le bruit fantastique et terrifiant. Le corps tremble, des émotions vives et soudaines transpercent le coeur comme une flèche aiguisée, l'âme affolée erre dans un enfer et dans un anéantissement à Dieu.

Pelou, le 19 juillet 1915, Paroles de Poilus

 

L'indescriptible

Chers parents : une grande bataille ne peut ni se dépeindre ni se décrire.

P.Y.Quentel, le 6/09/1870

Rien ne pourra jamais donner la sensation du champ de bataille à celui qui n’en a pas vu.

Pierre Chaine, les mémoires d’un rat, cité par Cazals et Rousseau, p. 11.

 

"On ne voit rien"

(...) une pluie d'obus nous enveloppe (...) les bombes et la mitraille tombent avec furie, c'est une tempête de feu, les houblonnières se remplissent de cadavres... Enfin, quand je peux distinguer, je me dresse, je regarde... pas un ennemi à l'horizon ! Toujours les grands sapins noirs et les bouleaux immobiles (...) autour de nous, les décharges, les mitrailles, les bombes, les obus. C'est un effroyable tonnerre ! Nous disparaissons dans un nuage de fumée... Quand elle se dissipe, je cherche à l'horizon... pas un ennemi !... Toujours les grands sapins noirs et les bouleaux immobiles.

Saint-Genest, lettres d'un soldat, 7 août 1870

Bazeille, par Sergent

front en 1914.jpg (18766 octets)

vue du front, présentée sur le site d' Hervé Loridant

En 1870, autant que je me rappelle, il y eut de formidables batailles où les armées se cognèrent vraiment avec acharnement ! On parle toujours de Gravelotte, Reischoffen, Rezonville. ces noms évoquent de l'action, des forces dépensées, dans un commun effort, de l'énergie, de l'héroïsme !!... Je pense à ces régiments de cavaliers balayant la plaine, ces combats corps à corps, ou presque, dans les rues de village : eux les voyaient... les Prussiens ! Nous, nous ne les voyons pas ! (...) on se terre dans les tranchées et on attend. On ne voit rien, mais on entend (...) Reboum ! Bon, tout le monde est par terre, roulé de sable et de poussière, on ne voit plus rien à cause de la fumée noire qui vous aveugle (...)

Maurice Maréchal, le 27 septembre 1914, Paroles de Poilus

 

Des hommes contre des machines

Aujourd'hui la gloire d'une victoire (pour la première fois peut-être au monde !) revient aux machines plus qu'aux hommes et les désastres d'une défaite seront jugés dans la même balance.

Charles Gounod, lettres, 4 septembre 1870

"Avec les nouvelles armes, la furia francesa n'a plus sa raison d'être", s'exclame un brave homme (...)

H. Thurel, journal d'un aide-major, page 15.

Partout on se heurte aux machines, ce n'est pas homme contre homme qu'on lutte, c'est homme contre machine.

Michel Lanson, juillet 1915, Paroles de Poilus

C'est une guerre de chefs de section et de soldats. Il faut faire confiance au soldat. Lui seul est maître ici. Il est à quelques mètres de l'ennemi, dans une zone de balles, il est isolé de con commandant par la nuit et la mort. Que peut faire l le général ?

Jean-Marie Carré, 1914, histoire d'une division de couverture 

 

Héroïques mais vaincus

(...) grêle de balles et de mitrailles qu'ils font pleuvoir sur nous. Sous cette rafale de fer et de feu, je vois tomber (...) une foule de camarades (...mais) nous enclouons les Prussiens à coups de baïonnettes, nous culbutons tout ce qui veut nous arrêter (...) Nous arrivons ainsi jusqu'au bois de N*** où se trouvait dissimulée l'artillerie prussienne. Alors celle-ci lâche ses boulets et ses obus sur nous. Sous cette pluie de fer, nous sommes obligés de nous replier.

Urbain Lutringer, souvenirs cf. Guy-Peron

les balles et les obus arrivent de tous côtés. Nous parvenons à sortir de la ville, mais ce n'est pas sans peine. Pendant ce temps, notre bataillon se bat avec fureur mais bientôt il est forcé de se replier (...) Toute la brigade recule dans une vraie
débandade ; enfin notre clairon sonne la charge et, baïonnette au canon, l'on avance et l'on passe partout. Mais comme il fait déjà bien nuit, l'on ne voit rien, on escalade les haies, les murs, mais en vain, l'on est obligé de reculer une 2ème fois (...) Pendant ce combat nous (...) avons eu à lutter contre 60 000 Allemands. Donc avec beaucoup de bravoure, nous étions obligés de nous replier.

Abel Castel, 9 août 1914,

http://perso.wanadoo.fr/jasmin90/GrandeGuerre1914_1918/Alsace.html

 

La trahison des généraux

On accuse fortement le général *** de trahison. Je tiens de témoins oculaires que, pendant la bataille de ***, il dînait tranquillement avec le maire, à une demi heure de distance du champ de bataille où il ne s'est rendu que la soir à la fin de l'action.

Aigny de Crambes, Récit d'un soldat, 21 août 1870

Il y a une affaire Bazaine, le général a été coffré - cause dit-on de l'entrée des allemands par le Nord. Sa famille est à moitié Autrichienne. Je t'ai souvent dit que ce général était nul - Il a été giflé par Joffre qui lui aurait en même temps brisé son épée sur les genoux. Nous ne sommes pas perdus pour cela, mais attendre est le plus sage.

Daniel Eugène Couteau, lettre à sa famille, 23 septembre 1914

 

La haine de la guerre et de ses hérauts

Quel malheur que deux nations faites pour s'aimer deviennent des ennemis acharnés (...) quand viendra-t-il le moment où le peuple décidera lui-même si la guerre est nécessaire (...) comme je déteste les rois.

Alexandre Moulle, journal, 8 août

Quelle source de tristesse que cette lamentable guerre ! Et dire que dans quelques années il se trouvera encore des gens pour faire de belles phrases, qui chanteront les combats et exciteront les jeunes générations à ne pas haïr par principe cette immorale abomination qui a nom la guerre !

Edmond Genty, trois ans de guerre, p.69

Les fameuses études historiques ne permettent à chacun que de développer ce dont il n'a nul besoin. Combien en ont tiré une notion suffisante de la force morale à la guerre (...) ? La seule chose qui compte pour qui risque sa vie, c'est le danger.

Jules Henches, à l'école de la guerre, p.155

 

scènes ordinaires de la vie militaire

l’embarquement commença, nous entrions par groupes de dix avec nos chevaux dans un grand chaland à fond plat, qu’un petit vapeur remorquait jusqu’auprès du Jura ; une large sangle fixée à un câble passant par une poulie frappée sur un palan était descendue ; on la glissait sous le ventre du cheval, et la malheureuse bête était enlevée en l’air et ensuite descendue dans l’entrepont. C’était un curieux spectacle que de voir ces pauvres animaux ainsi suspendus dans le vide ; les uns se débattaient, agitaient leurs jambes comme pour chercher la terre ferme ; d’autres, effrayés, se laissaient aller immobiles et poussaient des cris de terreur.

26 juillet 1870, Fernand Hue, appareillage d'Alger pour Toulon  

A peine étions nous à quai qu’une véritable armée se précipite sur le bateau et te prie de croire que le déchargement s’opérait en vitesse ; il aurait fallu voir la tête que j’avais. Mes mulets, on leur passait une sangle sous le ventre, une grue les enlevait, un petit voyage dans les airs et délicatement les déposaient sur le quai.

12 mars 1916, Lucien Barrat, arrivée à Salonique

 


 

Entre l'été 1870 (campagne des armées du Rhin et de Chalons) et celui de 1914 (bataille des frontières d'août), la tentation est grande, aussi, d'esquisser quelques parallèles. En s'appuyant sur Le gâchis des généraux de Pierre Miquel (Paris, Plon, 2001), d'intéressants rapprochements peuvent en effet être faits. Nous n'en tirons encore aucune conclusion. Contentons nous, seulement, de les recenser. 

En bleu, les similitudes, en rouge les différences

 


1870

1914

Bazaine accablé de reproches contradictoires (inédit) "généraux accablés de reproches contradictoires"  (13)
7 corps indépendants, 2 armées mal coordonnées commandement unique de Joffre
Commandement accusé et traduit devant tribunaux généraux non jugés, seulement limogés
Bazaine plébiscité puis accusé de trahison Nivelle accablé à la mesure de l'adulation antérieure
la bravoure ne suffit plus (Ardant du Picq) "la valeur militaire ne suffit pas" (21)
Professeur de stratégie, Frossard battu à Forbach Professeur de stratégie, Lanrezac battu à Charleroi
supériorité artillerie prussienne "insuffisance de la couverture d'artillerie" (58)
Dénonciation de la routine Routine
Rivalités des clans et partis au sein de l'armée "le poids des coteries politiques en vogue" (28)
Dépendance du pouvoir politique (Eugénie, Palikao puis Gambetta) Dogme de l'indépendance par rapport aux politiques
Rivalités personnelles Bazaine - Frossard Rivalité Barier - Pouradier (58)
Mélange de conscrits et armée de métier pas d'amalgame réserve - active (60)
problème d'intendance et troupes non nourris pendant 3 jours troupe qui "n'a pas pu faire sa soupe depuis trois jours" (55)
furia francesa et offensive (à Berlin) Doctrine de l'offensive (à Berlin)
Manque de reconnaissance Joffre mal instruit des mouvements de l'ennemi
Réforme Niel 1867 parce que France non prête 1911, généraux estiment France non prête
Réformes bloquées par l'opposition artillerie lourde non développée par bureau de l'artillerie
Pour combler impréparation, Empereur espère le soutien de l'Italie, Autriche Pour palier aux insuffisances de la préparation, Joffre espère action rapide des Russes (44)
les commandants des places fortes coupables de capitulation (Bazaine, Uhrich...) plus coupable que les généraux commandants des charges meurtrières et suicidaires (Michel, Legrand...) ??? "un général coupable de reddition prématurée (Fournier) était donc plus menacé dans son honneur et sa carrière qu'un divisionnaire ayant envoyé sa troupe devant des feux de mitrailleuses sans soutien" (96-97)
Les capitulards (Bazaine, Uhrich...) plus mal traités que les divisionnaires ayant commandés des assauts ou charges (Michel, Legrand, Mac-Mahon...) suicidaires ??? "un général coupable de reddition prématurée était plus menacé dans son honneur et sa carrière qu'un divisionnaire ayant envoyé sa troupe (au feu...) sans aucun soutien (96-97)
On reproche à Bazaine d'avoir obligé ses hommes à se rendre plutôt que de les sacrifier dans une sortie sans chance de succès Général Fournier : "On ne lui reprochait nullement d'avoir sacrifié ses hommes mais de les avoir obligés à se rendre" (98)

 

 

 


 

 Nous faisons des parallèles ; mais les contemporains et acteurs de la guerre de 1870 les ont eux-mêmes fait d'emblée. Pour montrer comment, dans le cadre du conflit lui-même tous les généraux ne furent pas traités de la même façon, les enjeux politiques influant sur l'appréciation de leur tâche. Ainsi, le général Trochu fait-il de lui même la comparaison entre le traitement qui lui est réservé et celui appliqué au maréchal Bazaine. Le parallèle parle de lui-même. Voir Trochu, La politique et le siège de Paris ; 2ème pétition à l'assemblée nationale pour la vérité et la justice. Réponse à M. le comte Daru, vice-président de la commission d'enquête, Paris, 1873 ; p.35. 

 

 


Bazaine est accusé

Trochu est accusé

de ne s’être pas inspiré du Gouvernement de la Défense nationale.

D’avoir pactisé et pris la tête du comité de Défense nationale à Paris.

d’avoir négocié avec les Prussiens.

De n’avoir pas accepté la main tendue par Moltke pour négocier.

D’avoir capitulé.

De n’avoir pas voulu capituler.

De n’avoir pas lutté jusqu’au dernier homme, pour l’honneur, et d’avoir subordonné ses devoirs militaires à des « préoccupations politiques ».

D’avoir voulu tenir jusqu’au bout et « subordonné ses devoirs politiques à ses devoirs militaires ».

De n’avoir tenu aucun compte des ardeurs patriotiques de la population de Metz

De s’être laissé dominé par l’opinion.

Le ton est donné, qui donne envie, d'une guerre à l'autre de tenter des comparaisons similaires


Le parallèle entre 1870 et 1914 prend parfois des tournures assez étonnantes. Les conclusions de Jean-Jacques Becker concernant l’état de l’opinion en août 1914 (in 1914 : comment les Français sont entrés dans la guerre. Presses de la fondation nationale des sciences politiques, Paris 1977) seraient pratiquement transposables à la situation de l’été 1870. Par jeu, il est possible d’illustrer cette correspondance en citant Becker (texte en bleu) et en l’accompagnant de témoignage de 1870 (en rouge)                                                                                  

 

Page 583 : Peu préparés à la guerre (« je suis parti de chez moi plein d’illusions, comme la plupart de mes camarades ; je me figurais que tout était prêt (…) je me trompais grossièrement », Emile Gluck, le 5 août), s’y engageant avec regret (« Le départ des gardes mobiles préoccupe tout le monde et les apprêts ne se font pas en chantant. Puisse cette guerre être la dernière, m’écrit-on, et le monde être pacifié quand nos fils auront l’âge d’hommes », Auguste Bleton, Angers le 21 juillet), mais indignés par l’agression dont ils estimaient être les victimes (« Partout le peuple en arme fait l’exercice et cela avec un calme admirable ; oh ! que Paris mérite de vaincre ! S’il y a une justice éternelle, la victoire nous est due », Mme Quinet, le 8 septembre), convaincus que, parce qu’ils étaient les soldats d’une bonne cause, ils vaincraient rapidement, ils étaient mûrs pour être la proie des illusions et des déceptions. Illusion quand un incident de guerre comme la prise momentanée de Mulhouse fit croire que cette guerre décidément serait facile (« C’est fait, nous sommes campés sur le plateau, tout s’est bien passé, trois morts et quelques blessés seulement » Claude Lombard, le 2 août après la prise de Sarrebruck). Déception qui tourna par endroits à la panique quand fut révélée l’ampleur des défaites subies : on a alors l’impression que la population civile - au moins - était incapable de faire face à l’adversité (« Je sens confusément d’insondables malheurs en marche vers nous. Pourquoi faut-il qu’un pays tout entier expie les fautes d’un gouvernement maladroit, faux, méprisable dans sa politique ? » Mme de Fallois, le 7 août) et que l’opinion publique était prête à s’abandonner à l’idée d’une défaite inévitable (« Nous sommes défaits, écrasés. Notre incurie, notre légèreté, notre ignorance ont reçu une cruelle leçon, il faut l’avouer (…) dans six jours, dans dix jours tout au plus, ces vainqueurs de Wissembourg, de Forbach, de Sedan se déploieront sous nos murs » Louis Moland le 4 septembre).

 


Entre 1870 et 1914, les rapprochements sont donc faciles à faire. 

Bien d'autres parallèles s'imposent encore en matière d'autocensure dans le courrier des soldats dont l'objectif "n'est pas d'informer mais d'entretenir le lien avec les proches sans les alarmer" disent Casals et Rousseau (14-18, le cri d'une génération ; Toulouse, Privat 2001).  

Mais tout ne se ressemble pas strictement. Ainsi quand Cazals et Rousseau comparent les notes personnelles des soldats de 1914 aux publications ultérieures de leurs souvenirs, ils précisent que les premières "contenaient un peu plus de critiques du commandement" que les secondes (p.42). En 1870, on observe le processus inverse, retournement qui témoigne des différences entre les deux époques au niveau de la censure pendant le conflit, puis du contexte d'après guerre (une victoire ou une défaite).

 


 

Dans Le laurier sanglant publié en 1916, le publiciste Jacques Normand, ancien combattant de 1870 en tant que Mobile parisien, propose ce sonnet qui fait le lien entre 1870 et la Grande Guerre. Un lien surprenant mais assez facile à comprendre.

 

 

1870

 

Les jeunes d’aujourd’hui vont répétant souvent,

Avec un petit air détaché qui s’impose :

« Oh ! cette guerre là, c’était bien peu de chose….

« Plus de bruit que de mal… Un simple jeu d’enfant !... »

 

« Le Prussien d’alors, gentiment triomphant,

Se montrait combattant courtois, à l’eau de rose…

Le Boche d’aujourd’hui, sanguinaire et morose,

Assassin en priant, brûle en philosophant… »

 

Amis, rendez hommage à l’œuvre de vos pères !

Ils ont connu la plus sombre de ces deux guerres,

Celle où jamais l’espoir ne brilla dans les yeux ;

 

Sous l’ouragan fatal ils ont courbé la tête…

Mais, ils nous ont transmis, à travers la défaite,

L’héritage d’honneur qu’ils tenaient des aïeux !

 

 

in bulletin des anciens mobiles et combattants de 1870 et de 1915 de la Gironde,

fasc.11, 3ème année, juin 1916 ; page 3.


1870 en 1914

 

 

Il a été longtemps soutenu - on le dit encore parfois, voire on l'enseigne - que les soldats de 1914 sont partis la "fleur au fusil" pour reconquérir l'Alsace et la Lorraine et accomplir la Revanche tant attendue de 1870. L'historiographie contemporaine a battu en brèche cette légende. L'étude des récits de souvenirs et des raisons de leur diffusion publique est venue conforter cette remise en cause : si, entre 1900 et 1914, tant d'anciens combattants de 1870 ont publié leurs souvenirs ce fut - l'expriment-ils dans les préfaces de leurs récits - pour faire connaître ce drame national "aux jeunes générations qui n'en connaissent rien" ! Jugement sévère et injuste ? Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes penchés sur de nombreux carnets de guerre ou lettres de soldats écrits au moment de la mobilisation de 1914 ou pendant les premiers mois de la guerre pour y traquer les références à 1870. Celles-ci existent, mais elles sont assez rares. De fait, à travers ce type de sources - d'autres confirmeront ou non nos conclusions - il apparaît que le thème de la "Revanche" n'existe pratiquement pas sous la plume de la classe 1914 et que les références à 1870 sont rares. Pour leur grande majorité, les mobilisés de 1914 ne seraient pas partis pour laver l'humiliation subie par leurs aînés. Ou, si ce fut le cas, ils ne le disent pas ! Difficile d'en tirer une conclusion définitive ; d'expliquer ce "silence" en quelques lignes. Il faudra pour ce faire développer une réflexion plus approfondie.

En attendant, voici quelques témoignages choisis parmi ceux qui évoquent 1870 ! Des exceptions qui confirment le silence sur 1870 en 1914 ?

 

 

« Je cherche seulement dans ces feuilles écrites en hâte, à restituer ce qui concourt à créer l’état d’esprit d’un soldat, perdu dans la foule des soldats. En ce sens, fable ou vérité, c’est tout un. Plus tard seulement, si ce carnet ne descend pas avec moi dans le « trou », quelque part là-bas, ces notes pourront peut-être servir à une histoire de la légende. Une histoire de la légende : c’est un monde ! (…)

A Berlin, à Berlin !

Berlin c’est le but. On en parle à chaque moment. Mais, n’était-ce pas aussi ce refrain qu’on scandait à coups de talons, il y a 44 ans, à peu près à pareille saison ? Et pourtant quels lendemains ! Ce souvenir historique m’angoisse. Préjugé ! »

Paul Lintier, 1er août

Avec une batterie de 75

 

« Quelle chance pour notre génération de n’être ni trop jeune, ni trop vieille ! C’est nous qui seront l’instrument de la revanche attendue depuis quarante-quatre ans (…) Nous sommes définitivement classés comme un peuple charmant, mais déchu. Seule une victoire par la force des armes peut changer l’opinion du monde. Alors, la défaite de 1870 ne sera plus qu’un accident dans notre histoire. Si nous sommes de nouveau battus, la cause sera entendue ; nous n’aurons plus qu’à nous résigner. (…)

Dans un village un vieux médaillé de 1870, avec une grande barbe blanche, se lève de la chaise où il est assis devant sa porte, fait un large salut militaire et crie « Vive la France » »

Henry Morel-Journel (officier d’état-major), 2 août

Journal d’un officier

 

« Varies ou fausses, ces nouvelles nous angoissent un moment. Mais vite notre extraordinaire insouciance l’emporte. Et puis jamais heure a-t-elle été plus favorable à la revanche. »

Paul Lintier, 4 août

Avec une batterie de 75

 

« Il faut en finir avec ce cauchemar allemand (…) Quarante quatre ans de silence, d’humiliation, de ciel emprisonné… Non, cela ne pouvait pas durer plus longtemps. »

Cap. Rimbault, 1er août

Journal de campagne

 

« Ce n’est pas comme en 70, je t’assure. Nous avons une confiance basée sur quelque chose de solide. Notre armée est merveilleusement entraînée et d’un courage invincible. Tu vas avoir la joie immense, j’en suis sûr, de voir encore la revanche de cette guerre terrible qui vous a tant désolés.

Je pars content car nous sommes créés, n’est-ce pas, pour défendre notre pays, et si on nous demandait de choisir la mort qui nous plairait, nous choisirions celle-là. J’ai confiance et je crois revenir, mais si je ne revenais pas, il faudrait se pénétrer d’un fait, que vous m’avez mis au monde pour quelque chose d’utile. (…) Nous serons victorieux, mais il faut s’attendre tout de même à quelques revers et croire à la victoire finale. »

André Jéramec[1], Août 1914, à sa grand-mère

 

« Du courage j’en aurai. J’espère que cette fois l’heure de la revanche a sonné. (…) Pense que je ne vis que dans l’espoir de te venger de 1870. »

Sous-lieutenant Aristide-André Quennehen, 2 août

Lettre à son père

 

« L’emballement, l’enthousiasme braillard et provocant me manquent absolument et les idées de revanche, de vengeance, de grandeur nationale sont pour moi toujours fausses et barbares. Mais on nous attaque, les Allemands viennent saccager notre pays (…) Tant pis pour eux. »

Etienne Tanty, 5 août

Lettres de Poilus

 

« Mon cher papa, te rappelles-tu le temps où tu me racontais la journée du 16 août 70 ? Moi, je raconterai celle du 7 août à mes petits-enfants, mais c’est à toi que je veux d’abord la décrire tout de suite. »

Lieutenant Roekel, 7 août 1914

Lettre de guerre

 

« Le souvenir de 1870, de nos enthousiasmes et de nos déceptions d’alors, nous hante à notre insu et nous sommes tous décidés à faire cette fois ci la guerre avec raison, avec calme, à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. »

Morel, 8 août

Journal d’un officier

 

« Aujourd’hui 16 août, ce serait un bel anniversaire pour remporter la victoire décisive ! »

Pierre-Maurice Masson, 16 août

Lettres de guerre

« Les anniversaires douloureux de 70 défilent en ce moment et vont être bien vite effacés et vengés par quelques grandes victoires qui s’annonce proche. J’assisterai, je l’espère, à cette débâcle. »

                Cap. George Matton, 18 août 1914

Lettre de guerre


 

« On arrive dans un petit village à 4 km de la frontière. Toutes les indications sont maintenant en Allemand. Là nous arrêtons notre voiture juste devant la 1ère maison du village. Un vieillard est entre les portes.

Il a fait la campagne de 1870, aussi il est heureux de nous voir par là et il se plaint de ce qu’ils ont souffert pendant 44 ans. »

Eugène Martin, 18 août 1914

Carnet de guerre

 

Retraite : « Cela serre le cœur à pleurer. Malgré moi, je pense aux routes de la défaite en août 1870, après Wissembourg, après Forbach. Depuis un mois, pourtant, on ne parlait que de victoires. Nous voyions l’Alsace reconquise, l’Allemagne ouverte. Et, au premier choc, voici notre armée à nous vaincue ! Avec un peu d’étonnement, je me dis que je viens d’assister à une défaite. »

Paul Lintier, 22 août

Avec une batterie de 75

 

« Leur fatigue se traduit par de la surexcitation (…) des feux s’allument, autour desquels tous racontent à la fois et à tue-tête leurs campagnes, leurs épreuves, leurs prouesses. Le leitmotiv n’est pas « Nous sommes trahis », comme en 1870, mais « nous avons été anéantis ». Partout, c’est la même histoire, presque sans variantes. »

Morel, 22 août

Journal d’un officier

 

« Ironie cruelle à l’égard du commandant de troupes qui reculent depuis huit jours. Nous avons l’impression d’être seuls à avoir l’esprit sain dans le corps sain et d’être entourées d’aliénés. Ces généraux qui se disputent, nouvelle évocation de 1870 ! »

Morel, 25 août

Journal d’un officier

 

« Voilà quinze jours que nous restons sur place. En 1870, autant que je me rappelle, il y eut de formidables batailles où les armées se cognèrent vraiment avec acharnement ! On parle toujours de Gravelotte, Reichshoffen, Rezonville. Ces noms évoquent de l’action, des forces dépensées dans un commun effort, de l’énergie, de l’héroïsme !!... Je pense à ces régiments de cavaliers balayant la plaine, ces combats corps à corps, ou presque, dans les rues de village : eux les voyaient… les Prussiens ! Nous, nous ne les voyons pas ! »

Maurice Maréchal, 27 septembre 1914.

 

 

« Bazaine avait trahi et les Prussiens étaient derrière, eux. Aujourd’hui, c’est la même chose. Nous sommes trahis il y a longtemps. »

Edouard Coeurdevey, décembre 1916,

Carnets de guerre, p.470

 

« on est un peu déçu et honteux de rester ainsi à ne rien faire – bien commodément installés – et de mener la vie de caserne quand on croyait être partis à la guerre. Aurons-nous jamais l’occasion de tirer un coup de fusil ? C’est très douteux. Tout le monde est plein de bonne humeur (…)

Je crois que les Allemands se sont joliment trompés sur les forces de leurs adversaires : le Français est guerrier ; il aime se battre (…) il paraît que les chasseurs à pieds (…) sont tellement ardents qu’il a fallu les deux premiers jours leur enlever leurs munitions pour les empêcher de se jeter en avant. »

Robert Hertz, 10 août 1914 à Verdun

Un ethnologue dans les tranchées.

 

« J’ai profité de notre repos pour aller faire un petit pèlerinage au village de Bazeilles, si vaillamment défendu par les nôtres en 1870, j’y visite le musée et l’ossuaire et je reviens tout impressionné de tous ces souvenirs patriotiques si récents, en cette circonstance plus impressionnants encore. »

Louis Leseux, 10 août

Carnet de guerre

 

«  En toute, on rencontre le général Pau qui fait arrêter le convoi, il cause aux officiers « boches » et leur fait remettre leur sabre en leur disant qu’en 1870 on lui avait fait rendre le sien ; puis nous touchons notre pain. »

Thomas Gaston, 20 août

Carnet de guerre

 

« Visite sommaire de Sedan avec le lieutenant-colonel. Petite ville quelconque assez bien bâtie ; nulles traces de la guerre de 1870 pour un œil non averti. »

Pierre Mercier, 20 août,

Carnet de guerre

 

« Mais tu ne sais donc pas ? Tu ne comprends donc pas ? Paris ne se défendra même pas, Paris brûle (…) La France est écrasée et nous ne nous sommes pas battus ! Et puis nous l’avons bien mérité !... Nous sommes envahis encore plus vite qu’en 70. Voilà où nous a conduits l’absurdité de notre politique, nos luttes de partis… »

Desaubliaux (Robert), 26 août

La Ruée, journal d’un Poilu

 

« Donc rien d’extraordinaire sinon cette vie mouvementée et que les nerfs seuls nous aident à supporter. Certains jours c’est la famine, rien à se mettre sous la dent, d’autres jours l’opulence !

Une chose répugnante voir c’est la mise à sac des habitations par le soldat français. Il est probable qu’un de ces jours ci un exemple violent aura lieu. Jusqu’à présent, nos alpins se sont bien conduits et à part quelques uns, de véritables apaches, on a réussi les maintenir.
Mais les artilleurs et certains Rts d’Infanterie se sont conduits pire que des barbares. Ils arrivent dans les maisons,disant aux habitants de fuir car il y a du danger. Tous partent affolés, laissant tout ouvert, et ces dégoûtants personnages pilent, saccagent, ne respectant rien, déposant les pires ordures la » Forstner » etc…

Des paysans ayant vu 1870 disaient hier que même de la part des allemands ils n’avaient vu pire chose. C’est désolant et préserve encore une fois de plus la crise du Commandement qui sévit en France et qui est une plaie mortelle.

Heureusement les choses sont de telle sorte que l’on peut avoir bon espoir. »

Sosthène Fabre de la Maurelle, 1er septembre

lettre

 

 

« Au bazar, je trouve des « gros frères » (des cuirassiers)

-          Avez-vous beaucoup de pertes dans votre régiment ? me demande un lieutenant.

-          Hélas ! Les trois quart de l’effectif. Et vous ?

-          Oh ! nous, nous n’avons aucune perte. Il est vrai que lorsque nous donnons, il ne reste plus personne.

Ah ça ! est-ce qu’il se figure qu’on va encore les faire charger comme à Reichshoffen ? Devant des mitrailleuses. »

Charles Delvert, 3 septembre 1914

Carnets d’un fantassin.

 

« Je suis évacué à Senart, là nous faisons trois prisonniers, qui ma foi n’avaient pas l’ai mécontent d’en être quittés à si bon compte. C’est là qu’une brave femme, vint nous apporter des œufs, elle me fit loger chez elle, et me racontât comment la nuit précédente, elle avait couché un général prussien et quelques autres officiers, et leur fuite précipitée au milieu de la nuit. Ces jobards lui avaient dit que maintenant elle pouvait se considérer allemande et que dans dix jours, ils seraient devant Paris. Il lui fut facile de juger de leur défaite, quand ils furent obligés de décamper, la rage au cœur ils lui démolirent sa pendule, Oh Ironie ! »

Fernand Dumoulinneuf, 13 septembre

Carnet de guerre

 

« Il faut nous résigner à faire notre devoir qui est humble : accomplir notre tâche préventive, jour par jour, nous garder nous-mêmes et nos hommes en bon état physique et moral (…) nous avons vécu des heures dures, poignantes (…) nous avons vu des régiments décimés revenir de la bataille (…) et surtout la nouvelle de l’avance irrésistible des Prussiens (…) Alors les récriminations ont commencé, les uns commençant déjà à accuser ou la République et les socialistes, ou les « généraux de salon », etc. Le blasphème courait : « c’est pire qu’en 70 ». Heureusement, je n’ai jamais lâché pied, même aux heures les plus sombres (…) Les vieux doutes sur notre force, sur notre droit à la victoire m’assaillaient. Et j’entrevoyais déjà un sombre avenir (…) Puis, cela a été le prodigieux revirement, l’espérance reprenant son essor (…) les douteurs sont rentrés sous terre (…) nous venons de voir passer de braves gars qui se battent depuis six jours (…) ils étaient fatigués, certes, mais marchaient hardiment d’une belle allure (…) ceux-là sont des héros et nous les envions (…) »

 

Robert Hertz, 15 septembre 1914


 

[1] Ami de Drieu La Rochelle

 

 

NB : si vous avez connaissance de carnets ou lettres proposant d'autres témoignages du même type, je vous serai obligé de me les signaler. D'avance, merci.

 

 

à suivre.....

 

 

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