Les relevés topographiques du corps expéditionnaire français au Mexique - 1862-1867
Article qui aurait du paraître 2ème trimestre 1988 dans la "Revue d'histoire contemporaine". Malheureusement, ce projet n'a pu être finalisé et le texte est resté inédit. Il présente l'une des principales sources utilisées dans le cadre de mes recherches sur l'Intervention française au Mexique.
L’Intervention française
au Mexique entre 1862 et 1867 fut l’occasion d’ une rédaction imposante de
documents, correspondances, rapports et journaux de marche ... aujourd’hui
conservés aux archives historiques de 1’armée de terre à Vincennes (SHAT).
Près de 250 cartons d’archives répertoriés sous la numérotation G7 réunissent
toute cette documentation au sein de laquelle on peut trouver pêle-mêle,
rapports généraux, rapports de divisions (quotidiens), journaux de marche,
correspondance de la contre-guérilla, situations militaires, documents de
justice militaire, rôle, journaux mexicains de l’époque.
C’est dans l’ampleur
quantitative de ces archives que se trouvent une quinzaine de cartons intitulés
“relevés topographiques” méritant, à titres divers, d’être soumis aux
chercheurs.
Ces 15 cartons recèlent
tous les rapports, enquêtes, relevés, dessins et plans réalisés par les
officiers du corps expéditionnaire pour répondre à 1’ordre du 12 novembre
1862 qui commandait que “dans chaque corps de troupe “un officier soit chargé
de faire des levées topographiques et de recueillir “des renseignements
statistiques”. L’état-major s’intéressait notamment à 1’état des
routes, les distances et les difficultés de communication, les ressources des
localités traversées (en eau, maïs, bétail, logements et autres bâtiments)
ainsi que par l’état d’esprit des populations. Cette documentation se
classe par États à peu près de la manière suivante
G7 185 Divers :
Mexico, Morelos, Puebla, Veracruz, Huasteca et Tamaulipas...
G7 186
Vera Cruz, Puebla, San Luis Potosi
G7 187
Vera Cruz
G7 188 Bulletins de la société de géographie de Mexico 1850 - 1862
G7 189 Sinaloa - Sonora — Durango.
G7 190 Divers
G7 191 Guerrero — Sinaloa — Sonora, Yucatan
G7 192 Jalisco — Colima — Michoacán
G7 193 Puebla
G7 194 Durango - Chihuahua - Zacatecas ...
G7 195 Guanajuato — Hidalgo — Querétaro ...
G7 196 Zacatecas, Aguas Calientes ...
G7 197 Tamaulipas - coahuila - Nuevo Léon...
G7 198 Oaxaca
G7 199
Divers Guanajuato — Queretaro - Puebla — Michoacan — Durango ...
Mais que peut-on concrètement
trouver dans ces cartons ? Quelle utilisation avoir de ces archives ?
Avant toute chose nous y découvrons
les relevés topographiques et cartes correspondantes établies par les spécialistes
du corps expéditionnaire, des brouillons de profils routiers, des plans de
villes et de leurs fortifications, des fortins ou bastions, des tracés de
routes ... L’état de ces cartes et relevés est très varié qu’il
s’agisse d’originaux levés sur le terrain ou de cartes dessinées dans le
calme des garnisons, de plans polychromes sur papier calque ou feuilles cartonnées,
d’esquisses au crayon ou de documents imprimés... Les relevés se présentent
le plus souvent à des échelles comprises entre le 1/40.000ème et le
1/500.000, rarement davantage ce qui leur attribue une précision parfois
remarquable. Certains ont la particularité de s’accompagner de légendes ou
d’indications plus ou moins approfondies, du genre commentaires sur les
ressources, état des routes ou des villages, état d’esprit des populations,
procédure d’enquête ... (Voir documents joints).
Ces cartes plus ou moins précises,
certaines d’une facture cartographique étonnante, sont accompagnées de
rapports répondant aux exigences de 1’ordre de 1862. Leur qualité et précision
reste, hélas, très inégale selon les auteurs, leurs préoccupations, leur sérieux
ou les possibilités offertes à leur perspicacité. L’information la plus
systématique, régulière et pouvant donner lieu à une étude complète
concerne 1’état des routes, leur tracé et les distances à parcourir. Un
historien spécialiste des communications, y trouverait une documentation fort
intéressante. De même les notes d’ordre logistique ou intéressant
1’intendance (disponibilités alimentaires en eau, bétail ou bâtiment) sont
si abondantes, précises ou détaillées qu’elles permettraient sans doute de
brosser un état approximatif de la situation économique du Mexique d’alors.
Pour le reste, nous
disposons dans ces cartons de sources de facture et d’intérêt très inégal.
La disposition préétablie des rapports réserve souvent une colonne
“observations” à la sagacité des enquêteurs. Dans cette colonne
apparaissent de façon particulièrement anarchique des informations diverses
sur l’état d’un village, la nature quantitative, ethnique, sociale ou économique
de la population, plus souvent des synthèses concernant l’état des routes et
leur praticabilité, plus rarement des indications sur 1’état d’esprit des
populations ou leurs convictions politiques. L’irrégularité et 1’inégalité
de 1’information transcrite est telle qu’elle gène toute tentative d’étude
systématique et statistique, mais ces archives peuvent néanmoins fournir des
indications partielles fort utiles.
Il
faut noter cependant que certains territoires du Mexique ont fait
l’objet d’enquêtes plus poussées qui proposent des informations sur 1’état
social, économique ou politique du pays d’une richesse étonnante et
susceptible d’intéresser toutes recherches pour des monographies régionales.
Nous citerons au passage l’existence des documents suivants
- Mémoires sur la Huasteca et le Talnaulipas, anonyme non daté - G7 l85.
- Mémoire sur la Huasteca, partie sud, anonyme, non daté - G7 185.
- Rapport sur les moyens à employer pour la colonisation appliqués spécialement à l’État du Sonora par le lieutenant Le Caron de Fleury, Mexico 1866 - G7 189
- Notions sur 1’Etat de Guerrero, anonyme non daté G7 191.
-
Notes sur le Yucatan anonyme non daté - G7 191.
-
Rapport sur le Tamaulipas, anonyme non daté - G7 197.
- Mémoire sur l’expédition de Oaxaca, 13/10/1804. G7 198
-
Mémoire sur là place d’Orizaba, anonyme, non daté — G7 199.
Telle est le contenu
approximatif des cartons répertoriés sous la rubrique “relevés
topographiques”. Mais peut-on suggérer des orientations d’utilisation
d’une telle documentation ? S’il revient à chaque historien de juger de la
pertinence des sources relativement à ses recherches, il nous semble opportun
de signaler ici 1’utilisation qui pourrait encore être faite de la
documentation que nous présentons.
Elle serait d’abord
directe. Cette documentation peut proposer des informations suffisantes pour
permettre d’établir un état géographique, démographique et économique du
Mexique de Maximilien ou de certaines des régions les mieux visitées par les
soldats du corps expéditionnaires français. Des études régionales pourraient
tirer avantage à consulter ces sources, celles-ci pouvant jouter le rôle tenu
par les récits de voyageurs ou des almanachs géographiques, d’époques antérieures.
Elles pourraient même faire l’objet d’études comparatives qui
permettraient de définir 1’évolution économique, démographique ou autre du
pays.
Ces sources peuvent faire encore 1’objet d’utilisations indirectes. Rappelons qu’elles nous ont été très utiles pour esquisser un état des comportements indiens face à 1’Intervention française. Rien n’interdit de tenter une approche semblable pour définir le comportement de toute autre communauté ethnique, socio-économique, régionale ou autre. A 1’heure actuelle nous les re consultons pour tenter d’affiner la situation politique du Michoacán dans le cadre de 1’Intervention. On peut encore imaginer toutes sortes de recherche sur les méthodes logistiques du corps expéditionnaire, l’implantation rurale et urbaine du Mexique impérial, les structures d’ influences dans ce même espace ... Le champ d’étude reste large et prometteur.
Deux exemples de relevés topographiques : à gauche, de San Miguel à la Hoya (état de Puebla) - carton G7 193
à droite : la région d'Indarapeo à l'ouest de Morelia (état de Michoacan) - carton G7 192.