OCTOBRE 1941 - IMPLANTATION DE DIFFERENTS MOUVEMENTS DE RESISTANCE A CLERMONT-FERRAND

Lorsque Strasbourg fut évacuée, j'ai d'abord habité avec ma famille à Rennes, où j'ai passé mes 2 premières années de Droit. En 1941, j'ai franchi clandestinement la ligne de démarcation pour rejoindre l'Université française de Strasbourg.

J'ai été admise en troisième année de droit à titre de "numerus clausus". Cette situation particulière eut pour conséquence, que le jour même de la rentrée, des camarades de Droit me firent connaître à la cantine de la place Gaillard un étudiant en lettres, Jean Paul Cauchi. II avait 20 ans et était originaire de Mulhouse. C'était un garçon très grand, un peu voûté, les cheveux noirs plaqués, le nez corbin chaussé de grosses lunettes derrière lesquelles ses yeux pétillaient de malice.

II était "Gergoviote" et animait un petit groupe d'étudiants dans lequel je fus immédiatement intégrée. Nous étions tous très motivés par l'annexion de l'Alsace-Lorraine et on cherchait à montrer toute la résistance possible contre les Allemands. A vrai dire dans les premiers temps, les moyens étaient plus que faibles et relevaient du folklore étudiant : chants dans les rues, graffitis et petits papiers collés aux murs sur le thème "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine" et bombes puantes, jetées dans les réunions d'associations de Jacques Doriot.

Vers la fin de 1941, les Mouvements de Résistance : Combat, Libération et Franc Tireur commencèrent à publier des journaux clandestins et par différents contacts, notamment de professeurs nous demandèrent de les diffuser.
Celui de Combat était né de la fusion de "Vérité" d'Henri Frenay et de "Liberté" publié par un groupe de professeurs de Droit, dont notamment Alfred Coste Floret. Nous avons distribué le premier numéro dès sa sortie, lorsqu'il fût imprimé à Clermont-Ferrand en décembre 1941.
A Libération le premier numéro avait été tiré en juillet 1941 à la Bourboule et il arrivait à l'Université par le truchement de Jean Cavailles, professeur à la Faculté de Lettres.
Quant à Franc Tireur son premier numéro avait également paru en décembre 1941 et il était diffusé dans le milieu étudiants par Marc Gerschel.

Chacun des trois Mouvements tentèrent alors de créer une section purement estudiantine au sein de l'université.
Mais comme Jean Cavailles et Marc Genshel avaient du quitter Clermont-Ferrand, Libération et Franc-Tireur mirent fin à leur projet.
A partir de janvier 1942, seule subsista et se structura la section universitaire de Combat. Celle-ci avait été crée fin 1941 par Alfred Coste-Floret, qui avait demandé â Cauchi d'organiser un groupement d'étudiants rattaché à Combat.

Cauchi avait conçu l'ossature de son groupement universitaire en le calquant un peu sur le schéma de l'organisation mère Combat, c'est-à-dire à la fois structuré et cloisonné. II avait crée une section destinée à l' "Action" par ses groupes francs, pour laquelle il se faisait assister par Sturdzé, un étudiant en lettres et une autre dite de "Propagande" qu'il avait confié à Feuerstein dit Faillot un étudiant de droit.
Cauchi m'avait également demandé d'être son agent de liaison.

 
Groupe d'étudiants (l'auteur est le 2ème en partant de la gauche)

Ces nominations furent confirmées en novembre 1942 par Henri Ingrand, qui venait d'être désigné par Combat comme le Chef de la Région 6, Cantal, Puy-de-Dôme, Allier.

A la section "Propagande", notre rôle consistait surtout à entretenir le moral, en faisant diffuser les différents jouneaux de la Résistance, plus quelques libelles imprimés deci delà. Pour les collecter et les distribuer, nous étions quatre permanents, tous étudiants en droit (Jacques Feuerstein, Léon Greisammer, Joseph Fertig et moi-même), auxquels étaient adjoints des occasionnels, que nous recrutions facilement parmi nos camarades de cours Alsaciens Lorrains et Clermontois. Deux d'entre eux se firent remarquer par leur trop grand zèle par la police de Vichy et ils passèrent la nuit au commissariat.
La section "Action" avait des contacts avec les organisations paramilitaires de Combat, établies suivant les directives d'Henri Frenay. Il y avait d'une part l'Armée Secrète de Pierre Marie Dejussieu et Jean Chappat, dont les participants se préparaient en secret pour une mobilisation générale et d'autre part les Groupes Francs de Jean Renouvin et Pierre Thiebaut, dont l'objectif était de pratiquer des opérations ponctuelles et spectaculaires. Ainsi vola en éclats la vitrine d'un magasin de la place de Jaude, où était exposé le Moniteur ; le premier explosif artisanal fabriqué par Guibert un assistant de l'institut de chimie fut lancé par l'étudiant Teddy Piat contre l'immeuble du responsable Doriotiste dans la nuit du 30 avril au ler mai 1942.   

3° PERIODE
:   NOVEMBRE 1942 - OCCUPATION ALLEMANDE DE LA ZONE SUD - CREATION DES M.U.R.

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