NOVEMBRE 1942 - OCCUPATION ALLEMANDE DE LA ZONE SUD - CREATION DES M.U.R. | ||
Novembre 1942 fut un toumant crucial pour Combat universitaire. Le 27 de ce mois les Allemands, qui avaient franchi la ligne de démarcation, investirent la caserne Assas du 92° RI de Clermont-Ferrand et désarmèrent le Général Codechèvre et ses troupes ; les locaux du 92° RI furent transformés en prison de la Gestapo. L'arrivée des Allemands eut une conséquence, qui de prime abord n'apparaissait pas comme déterminante et qui allait se révéler fatale dans la suite des évènements.
Sturdze voulut quitter la France pour se rendre en Angleterre en passant par l'Espagne ; il fut arrêté en cours de route et mourut en déportation. Cauchi le remplaça par un étudiant en lettres Georges Mathieu. Mathieu était né à Clermont-Ferrand, il était agé de 23 ans. C'était un garçon, grand, osseux, des cheveux blonds gominés avec une raie de côté, des yeux bleux globuleux, de larges dents soulevant les lèvres dans une sorte de rictus, il était souvent coiffé d'un béret basque "très français". II semblait sérieux car il était froid et laconique et comme pour rappeler sa formation militaire, il disait plus volontiers "affirmatif" que "oui". En effet, Mathieu avait préparé et réussit en mai 1940 le concours d'entrée à Saint-Cyr, mais n'avait pas rejoint la 127° promotion "maréchal Pétain". II expliqua à Cauchi, qu'il avait donné sa démission pour pouvoir rejoindre Londres et qu'il n'y était pas encore arrivé, mais qu'il espérait réussir dans un proche avenir, sans doute avec l'aide de sa fiancée Christiane Cuirot, qui travaillait comme secrétaire chez le capitaine Burcez au 4° bureau de l'Etat-Major de l'armée d'Armistice à Vichy. Mathieu apparaissait donc comme un élément de valeur venant rejoindre les rangs de la Résistance Universitaire. Avant novembre 1942 la Résistance Universitaire, parmi les étudiants, malgré les dangers, pouvait encore être considérée comme une sorte de "Grand jeu", après ce fut le drame, 139 morts fusillés, abattus ou décédés en déportation. Au début de l'année 1943 eut lieu la fusion des Mouvements Unis de la Résistance, Combat, Libération, Franc-Tireur, prirent le sigle de M.U.R. avec Henri Ingrand pour chef de la région 6, qui comprenait désormais en plus le département de la Haute-Loire. Cauchi fut également confirmé par Henri Ingrand dans son rô1e de responsable du Mouvement Etudiant de l'Université de Strasbourg. Dans les mois qui suivirent tout alla en s'accélérant. Le Gauleiter Sauckel avait réclamé 250 000 hommes pour l'effort de guerre et les Allemands avaient décrété le service obligatoire du travail. Un premier convoi était parti de Montluçon le 27 novembre 1942. Les réactions furent immédiates ; pour échapper au S.T.O., un certain nombre d'étudiants se réfugièrent dans les campagnes où avec d'autres jeunes gens, ils se regroupèrent en noyaux réfractaires, qui se constituèrent par la suite en Maquis. L'un des premiers de la région fut celui de Fournols. Les directives, que donna alors Cauchi n'eurent plus rien de commun avec les précédentes. Avec la présence allemande et le STO, l'essentiel du travail de la section "Propagande" sous le contrôle de Feuerstein, consista en la fabrication de faux papiers en tout genre. Nous étions les quatre permanents au départ ; par la suite, je suis restée seule avec Feuerstein, Léon Greisammer avait été arrêté le 26 juin à la rafle de la "Gallia" et Joseph Fertig était parti au maquis. II fallut foumir les étudiants Alsaciens-Lorrains, qui étaient considérés comme des traîtres et des déserteurs par les Allemands et par la suite tous les jeunes gens, qui voulaient prendre le maquis pour échapper au STO.
Nous avons ainsi fabriqué plusieurs centaines de fausses cartes d'identité durant le printemps 1943. J'en ai apporté un lot pour des enfants juifs, que j'ai remis a un de leurs responsables à Saint-Etienne. Les cartes elles-mêmes et les fausses cartes d'alimentation nous parvenaient le plus souvent par le canal de Serge Fischer, bibliothécaire de l'université et qui était le chef régional du Front National. Par divers moyens, nous étions fournis en cachets et tampons ; il y en avait des vrais et des faux. Par ailleurs Cauchi avait fait la connaissance grâce au réseau Mithridate, d'un rédacteur des services du STO local, Alphonse Aubertin et celui-ci nous avait procuré un certain nombre de cartes d'exemption du travail obligatoire. Pour les membres du groupe "Action" de Combat Universitaire, l'évolution fut encore plus radicale. Cependant, à partir du 27 novembre 1942, date à laquelle les Allemands avaient franchi la ligne de démarcation, Combat représenté par Emile Coulodon et Combat Etudiants avaient eu des contacts plus étroits avec certains réseaux de renseignements. Dans les mois qui suivirent l'Armistice, des réseaux en contact avec Londres s'étaient implantés en Auvergne. II y avait notamment le réseau Alibi de Georges Charaudeau, le réseau Phalanx de Christian Pineau, le réseau Kléber du colonel Rivet... Dès le début de l'année 1943, certains réseaux notamment Mithridate, l'ORA et les Ardents voulurent s'adjoindre des étudiants Alsaciens-Lorrains, dont ils connaissaient le patriotisme et qui, grâce à leur bilinguisme pourraient leurs rendre de grands services en matière de renseignements. Mithridate avait été créé dès août 1940 par le Colonel Herbinger, qui avait pour adjoint un Alsacien André Aalberg et comme chef de secteur Paul Gaubin. Cauchi entra alors en relation avec les représentants de Mithridate et fut recruté comme agent chargé de monter une antenne. II accompli parfaitement cette tache et quelques mois plus tard travailla également pour le réseau Navarre. L'ORA, sigle pour Organisation Résistance de l'Armée, était représentée sur le plan régional par le Lientenant-Colonel Jacques Boutet, assisté du Lieutenant-Colonel Jean Carcie et du Commandant Madelin. En accord avec l'ORA le docteur Fric assumait la direction de l'organisation militaire du Mouvement de la Résistance des Prisonniers de Guerre de François Mitterrand. Les étudiants en Droit François Marzolff et Henri Weibacher se mirent au service de l'ORA. Les Ardents s'étaient constitués courant 1941 a Chamalières, lorsqu'au groupement du général Coche s'était adjoint Roger Lazard qui se fit appeler Général François. Ils avaient pour symbole la flamme du bûcher de Jeanne d'Arc et entreprenaient diverses formes d'actions : manifestations de masse, commandos et renseignements. L'étudiant en Droit, Alfred Klein, qui était aussi instituteur à Chamalières rejoignit leur rang. Je n'ai pas fait partie du groupe "Action" de Combat Etudiant. Mathieu, que je rencontrais parfois, lorsqu'il venait réclamer de fausses cartes d'identité, ne me disait jamais rien. Cauchi lui circulait beaucoup pour Mithridate et Navarre. Je le voyais de temps en temps, lorsqu'il venait déposer pour quelques jours un paquet chez moi ou me demander de transporter une serviette en me faisant jurer de ne pas l'ouvrir. Je l'ai également, comme couverture, accompagné deux fois a Lyon. Cauchi ne répondait jamais aux questions, mais parfois il se laissait aller à quelques confidences. Un jour, il m'a dit et cela me parait résumer parfaitement l'objectif du groupe "Action de Combat Etudiant : "Je suis devenu le "bureau de placement" de l'Université, pour réseaux, corps francs et maquis en tout genre". Et il avait ajouté : "Je ne rencontre jamais moi-même celui qui désire entrer dans la Résistance, il passe par deux ou trois filtres suivant la personne à laquelle il s'est adressé en premier. Je ne veux pas me faire connaître". |
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CHAPITRE
DEUX |
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