17 NOVEMBRE 1944 - 12 DECEMBRE 1944
LE PROCES MATHIEU - JUGEMENT - EXECUTION
J'avais passé les derniers mois de guerre en contact avec un petit maquis du Montet aux confins du Cher et de la Creuse. Je suis retournée à Clermont-Ferrand en septembre 1944. Je n'ai retrouvé personne. J'ai appris, que Cauchi avait été arrêté en avril 1944 à Paris et déporté à Buchenwald et que Feuerstein avait été arrêté à Lyon et déporté à Auschwitz.
Le vendredi 17 novembre 1944, à quelques jours près un an après la Grande Rafle, commença devant la Cour de Justice le procès de Georges
Mathieu, auquel j'assistais. Ceux de nos camarades, qu'il avait fait arrêter le jour de la Grande Rafle étaient toujours dans des camps de concentration, et les survivants ne devaient revenir qu'en mai 1945.

Une foule nombreuse, composée en grande partie d'étudiants et de familles de déportés se pressait dans la lère chambre du Palais de Justice de Clermont-Ferrand, lorsque Mathieu apparut, les menottes aux poignées, le teint gris, l'oeil vitreux. Plus rien n'évoquait l'attitude qui était autrefois la sienne ; celle d'un chef militaire, un peu hautain, qui nous rencontrait brièvement Feuerstein et moi-même pour demander d'un ton laconique, qu'on lui fournisse le plus rapidement possible des cartes d'identité et de ravitaillement.

Dès son entrée, la foule se mit à hurler et voulut l'écharper ; des gendarmes durent protéger Mathieu, dont les lèvres se mirent à trembler d'un mouvement saccadé, qui ne le quitta plus durant tout le procès.
L'interrogatoire fut très long, Les chefs d'accusation étant d'importance, nombreux, détaillés et permettaient pour l'essentiel de reconstituer tout l'itinéraire de Mathieu, depuis le 23 octobre 1943, date de son arrestation par les Allemands à Rochefort Montagne, un mois avant la Grande Rafle. Mathieu bredouillait des réponses inaudibles, ponctuées par les cris de fureur de la salle et le Président Vialatte, non sans mal, finissait par rétablir l'ordre.

Les seules paroles de Mathieu, que l'on arriva à entendre d'une façon distincte furent celles-ci : "j'ai accepté de travailler pour les allemands par peur de représailles contre ma fiancée, qui était enceinte et qui avait été arrêtée un jour avant moi, mais j'ai toujours fait le moins de mal possible".

Ces dernières allégations furent réduites à néant, lors du défilé des témoins, qui furent tous plus accablants, les uns que les autres.
Lors de la Grande Rafle, Mathieu avait dénoncé des camarades, qui avaient échappé au contrôle de la Gestapo, grâce à de faux papiers d'identité. Tel fut notamment le témoignage de Madame Dumas, qui déclara, que son fils ayant reçu une fausse carte d'identité de Mathieu. Celui-ci le fit arrêter en disant devant les Allemands, qui ne se doutaient de rien "tu sais bien qu'elle est fausse, c'est moi qui l'ai faite".
D'autres témoins rapportèrent les exactions et les pillages commis par Mathieu et ses acolytes du Sonderkommando français lors des perquisitions et des arrestations et insistèrent sur la violence et le sadisme avec lequel Mathieu s'achamait contre ses victimes, lors des interrogatoires.
C'est ainsi que Charles Caudron (commandant Bengali) du réseau Mithridate rapporta que Geissler, chef de la Gestapo de Vichy avait été lui même stupéfait de la violence et de la cruauté de l'interrogatoire que Mathieu avait fait subir au Lieutenant-Colonel Jacques Boutet de l'O.R.A. et avait dit "J'ai rarement vu un homme, qui se dit officier s'acharner autant contre un officier français "
Le réquisitoire fut prononcé par le Commissaire Chaudoye, qui conclut à la peine de mort, en déclarant que ce châtiment était trop faible pour Mathieu. Des bravos et des applaudissements nourris soulignèrent cette conclusion.

Ce fut maître Planche, qui assuma la lourde tâche de défendre Mathieu. C'était le bâtonnier de Clermont-Ferrand et il s'était lui-même commis d'office, car aucun avocat n'avait voulu se charger du dossier Mathieu. Maître Planche était un avocat d'expérience, d'une bonne cinquantaine d'années ; il arborait une épaisse moustache grise et gardait encore l'usage de  porter sur la tête une toque.

Maître Planche plaida la déficience mentale. Mathieu selon lui était un déséquilibré  psychologique, qui aurait du faire l'objet d'une expertise mentale et il termina en réclamant  pour Mathieu "le bagne rédemptoire plus terrible, que la mort". Le jury se retira pour delibérer et revint en ayant répondu oui aux 99 questions : Mathieu était condamné à mort.

Le verdict fut accueilli par les applaudissements et les cris de joie de la salle. Mathieu fut fusillé le 12 décembre 1944.

La montagne
La Montagne (samedi 18 novembre 1944)
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Vernières, Bresson et Sautarel dans des procès ultérieurs, devant la Cour de Justice, furent  également condamnés à mort et executés.

Mesdames Mathieu et Bresson furent elles aussi traduites devant la Cour de Justice.
Condamnées à mort, leur peine fut commuée en travaux forcés a perpétuité.
Elles furent libérées en 1951.

EPILOGUE
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