Dominique BLANC-FRANCARD
J'ai eu l'immense privilège d'avoir un père ingenieur du son.Pendant ma petite enfance,au lieu de jouer au train électrique,j'apprenais a faire des montages sur un gros magnétophone Tolana mono.
Et mon frère Patrice parlait dans un micro Melodium 55A,(il s'entrainait deja pour son futur métier...) Apres quoi nous écoutions nos oeuvres en passant la bande a l'envers et nous pensions avoir découvert le langage secret des Martiens.C'était en 1955.Plus tard j'ai appris la musique,parce que j'avoue que les études me semblaient fastidieuses.Notre meilleur copain jouait du trombone a coulisse,il habitait au 2e etage,nous au 5e,et on faisait des boeufs par la fenêtre,ce qui enchantait les voisins.Surtout en écoutant mes debuts à la trompette.Le soir,on partait a trois sur un scooter pourri pour aller écouter des génies méconnus dans les caves de St Germain des Prés.En 1958,j'ai eu une révélation:je voulais de venir cinéaste.J'étais fasciné par les caméras de cinéma,puis de télévision,avec leur gros viseur en noir et blanc et leur tourelle à 4 objectifs...J'ai dévoré tous les livres sur le sujet.Plus aucun terme technique n'avait de secret pour moi.Plongée,contre plongée,panoramique,raccord dans le mouvement,travelling,plan américain,j'etais incollable.Le seul hic,c'est qu'il fallait entrer à l'IDHEC,et que vu mon assiduité scolaire,je compris vite que je n'aurais jamais la chance de passer l'examen..Vers 1959,j'ai appris le banjo ténor,très Nouvelle Orleans puis la guitare,très Django,et un jour de 1960 j'ai entendu a la radio le premier single d'un groupe de rock qui s'appelait "Les Chaussettes Noires" . Ils ,ou plutôt Eddy Mitchell,chantaient "Tu parles trop".
Ce fut le déclic.Je serai guitariste de rock.Désespoir dans la famille,mon frère me traite de renégat parce que je n'écoute plus Charlie Parker ni Thélonious Monk.Mais cette musique est de mon age (j'ai 16 ans ) et parle en francais.Après diverses rencontres ,je me retrouve dans un groupe monté par la maison de disques Decca ,qui se nomme "Les Pingouins" et je découvre avec stupeur les studios d'enregistrement.
Un technicien en blouse blanche et à pipe me demande gentiment,mais fermement de baisser mon ampli VoxAC30 parce qu'il distord et me promet de mettre une horrible reverb naturelle a la place de ma chambre d'écho Dynacord parce qu'elle souffle....C'est le début de la guerre.
Je prends conscience du décalage entre la "technique" et la musique,celui qui fait qu'on a honte de son disque quand on l'écoute fini a la maison.Et je crois que c'est ce jour la que j'ai décidé qu'il fallait que je comprenne comment tout ca fonctionne,juste pour retrouver le son des répétitions.
En 1962,le rock bizness va mal,tous les groupes se dissolvent pour voir naitre des chanteurs solo.Les cachets se font rares et mon père m'annonce qu'il a rencontré quelqu'un qui cherche un ingénieur du son pour un petit studio qu'il vient de monter à Paris.Et donc me conseille d'aller vite essayer d'avoir la place.M'explique que le matériel est le même que celui avec lequel j'ai cherché le son des martiens pendant des semaines,et que ,de ce fait,je pourrais très bien faire l'affaire.
Ce fut mon premier job.Je ne saurai jamais comment remercier mon père de m'avoir forcé la main ce jour là,car je suis resté 7 ans dans ce studio,ETA rue de l'Abbé Grégoire et j'y ai appris mes bases .J'y ai vu la technologie exploser,passer de mono à stéréo, de 2 a 3 et 4 a 8 pistes.J'ai été obligé de reprendre les cours d'électronique car je devais ,tous les ans,construire de mes mains et avec une simple perceuse et un fer à souder,la console de la rentrée suivante..J'y ai enregistré tout ce qui peut se faire sur terre comme musiques différentes,du jazz à la salsa en passant par la chanson réaliste,l'opérette,le folklore arabe,japonais,espagnol,portugais,on y enregistrait aussi des bandes-son pour des théatres,des patinoires, des strip-teaseuses,des cours d'espéranto dans lesquels il y avait 2 à 300 montages,et après quelques années,j'ai fini par y enregistrer quand même mon premier album commercial,qui est devenu un collector,le "GONG" de Daevid Allen.Nous sommes en 1970.On commence à sentir d'étranges odeurs de plantes,la durée des chansons s'allonge en conséquence et la Pop music pointe son nez à l'horizon.
Grâce à un copain producteur de jazz ,Pierre Lattès, je rencontre Michel Magne au Château d'Hérouville ,endroit délirant près de Pontoise dans lequel il vient de construire un studio 8 pistes. Il me demande de venir travailler chez lui.J'hésite quelques semaines,puis j'y fonce.Pendant les trois années passées dans cette épuisante et passionnante aventure,j'aurai eu la chance de rencontrer, d'admirer et d'enregistrer des talents mondiaux tels que Pink Floyd,Elton John,David Bowie,Cat Stevens,T.Rex,,des producteurs brillants comme Paul Samwell-Smith , Gus Dudgeon et Tony Visconti, qui m'a montré enfin ce qu'était un vrai son de rock'n'roll.
J'y ai fait mon premier et unique album solo,chez Barclay,"Ailleurs",dans lequel je jouais de presque tous les instruments.Une vraie histoire,Hérouville;le premier studio francais qui réussit à se faire connaitre dans le monde entier.Aujourd'hui encore,quand on parle de la France aux Etats-unis ou en Angleterre,le seul nom qui revient est"le Chateau".Mais les folies dépensières de Michel Magne ont raison de l'endroit. Début 1974,faillite à la clef,le Chateau ferme,et avec lui ses nuits folles,ses débauches et son succes.
Je me retrouve largué a Paris,sans vraiment comprendre ce qui m'est arrivé pendant ces trois annees.La Pop est encore reine mais sans le Chateau,la musique francaise a un gout fade et futile.Je décide de devenir le premier ingénieur du son free-lance Francais.Difficile besogne car a cette époque,il y a encore peu de standardisation dans les studios.Beaucoup de consoles maison,de cablages perso,de pièges divers.Mais vu la réputation glanée à Hérouville et beaucoup de travail,l'idée est acceptée.Je cours de studios en studios ,de Paris à Londres j'assimile des dizaines de configurations différentes,d'écoutes bizarres,je commence a hurler pour une maintenance réelle,des magnétophones alignés,des bandes test,bref je me fais détester par une profession entière mais les hits finissent par arriver.
Drôle d'ambiance,de passer du Top de la production anglo-saxonne au gratin de la variété Francaise.C'est très different,surtout au niveau de la compétence artistique et l'envie de produire me demange sérieusement.
Je dois avouer humblement qu'a cette époque une seule obsession m'envahit : Etre le numéro un mondial. Vaste programme,et aujourd'hui je me rends compte de l'inintéret de cette volonté,mais la seule positivité de cette envie est de m'avoir donné le courage nécessaire pour affronter les diverses épreuves que la vie a jeté en travers de mon chemin.Mes connaissances techniques sont importantes,j'ai déja construit plusieurs studios qui ont fait des tubes,et je passe mes nuits a écouter des disques,à réecouter mes mix en les trouvant infects,à lire Studio Sound et Record Engineer/Producer.
Nous sommes déja en 1975,le Disco envahit les ondes mais la production Californienne aussi.Je suis en train de reconstruire AQUARIUM,un studio qui marquera son temps par ses qualités techniques et acoustiques. Un defilé de la production francaise,une vingtaine d'heures par jour,et enfin un tube mondial,numéro1 au Billboard,"POP MUZIK",du groupe M de Robin Scott.Manque de chance,Pour des raisons qui lui sont personnelles,Robin ne créditera pas mon nom sur le disque et personne ne saura jamais que j'ai été co-realisateur et ingénieur de ce succès planétaire... Une expérience de plus prouvant qu'une bonne parole ne vaut jamais un bon contrat.
1980,l'Aquarium plonge pour des raisons obscures qui me coûtent encore aujourd'hui,et je reprends le chemin sinueux du Free-Lance.En 1981,avec mon copain Didier Lozahic ,un génie de l'electronique nomme Claude Prevost (qui travaille aujourd'hui pour la société 44.1) et un jeune ingénieur débutant,Hervé Le Guil,qui par la suite montera l'excellent studio GIMMICK,nous nous lancons dans une autre étonnante aventure qui consiste a reprendre en location un studio a l'abandon rue des Martyrs,dans le 18° qui s'appelait Stars Music et qui deviendra Continental Studios.
Nous nous y installons et décidons de franchir le pas qui nous mène a être l'un des premiers studios numériques de la planète,a l'aide du mythique 32 pistes digital 3M.En quelques mois le studio se remplit et produit un nombre considérable de hits.Jeanne Mas,Herve Cristiani,Chagrin d'amour,Alain Souchon,Etienne Daho,jusqu'a Robert Palmer,le disque sera digital,et ce avec l'apparition timide mais convaincante du Compact Disc.Nous essuyons les plâtres de ces toutes nouvelles techniques,18 heures par jour,mais les charmes du numérique ne font pas oublier la dure réalite de la gestion et l'aventure Continental s'achève à l'été1984.
Retour à la case départ, avec en prime une vie privée en pieces détachées.Tant pis,la musique sera le moteur de la survie,l'égo a subi une forte attaque bénéfique,et une grande période de mixages,activité passionnante mais difficile,traverse mon quotidien.Le mixage étant l'aboutissement de la carrière de l'ingénieur du son,reunissant toutes les connaissance et synthétisant toutes les difficultés,étant le dernier maillon du passage en studio.Je ne m'en sors pas trop mal,car 4 ans après,la liste les premieres places du Top 50 obtenues est considérable.Mais la volonté d'être responsable de l'artistique est toujours plus forte.Honnètement,il me reste peu de problèmes techniques à affronter et le fait d'avoir démonté pendant toutes ces années les productions des autres pour les remettre en état me donne encore plus envies de les construire du départ.Il me faudra attendre jusqu'en 1992 pour avoir ma première récompense en qualite de réalisateur,avec "ENGELBERG" de Stephan Eicher,qui dépassera le million d'exemplaires.Suivi par de nombreuses autres réussites,et un plaisir grandissant a enfin atteindre un but convoité depuis plus de 20 années.
Pendant ce temps la les enfants grandissent et c'est avec joie que je découvre l'ainé devenir directeur artistique .Il decouvrira Mc Solaar avec lequel il fera aussi ses premiers succès de compositeur/arrangeur .Hubert Blanc-Francard devient "Boom Bass".Pendant ce temps ,le cadet,lassé de faire des covers de George Michael,puis de Stevie Wonder,se met enfin a chanter en Francais et signe chez Virgin. Mathieu Blanc-Francard devient "Sinclair".
En 1996 nous décidons de nous associer pour reprendre un studio en commun, et y installer la tonne de matériel que nous avons depuis des années dans nos appartements respectifs,ce qui,je l'avoue,va enchanter nos voisins.Nous emménageons dans l'ancien Studio 10,alors devenu Studios de L'Oncle Sam que Mathieu baptisera "Labomatic",peut-être a cause de la machine a laver illustrant la pochette de son premier album...
En 1998 , arrivee de Bénedicte Schmitt . Un ingénieur du son,féminin de surcroit,integre l'equipe du Labo. Ses compétences techniques et artistiques,son humour,lui vaudront d'être intégrée rapidement a cette structure peu banale.Dorenavant, les préamplis a tubes, les consoles et le fer a souder vont prendre une autre dimension.Nos connaissances complémentaires vont faire avancer les choses beaucoup plus rapidement. C'est très confortable pour un réalisateur de pouvoir se reposer en toute confiance sur un ingénieur et de n'avoir a se concentrer que sur l'artistique.
Le Labomatic Studio, qui au depart devait n'être qu'un home studio nous permettant de faire des expériences et de travailler sur nos projets avec le confort du temps qui ne compte pas, a grandi très vite.En 10 ans,il est passé d'une Yamaha 02R avec 2 DA 88 à 2 cabines avec 2 ProTools HD Accel 3 64 in/out et une console Euphonix System 5,qui nous a fait le même effet quand nous l'avons vue la première fois au Satis 99 que le première SSL en 1980. Une ergonomie parfaite,un son numérique enfin adulte,et surtout le plaisir de s'en servir,que je commencais à avoir perdu avec l'ultra-normalisation de l'ensemble des studios: Neve ou SSL,sur l'ensemble de la planète...
Fin 2006,le Studio 2 se retrouve lui aussi équipé d'une deuxieme console Euphonix System 5 et les deux studios sont en réseau,partagent leurs ressources...Ce qui va nous permettre d'optimiser encore notre facon inhabituelle de travailler.Bénédicte pourrait commencer une prod dans le studio 2 pendant que j'en mixe une autre dans le 1,ou nous pourrions aussi travailler sur la même dans les 2 studios en même temps,ce qui réduirait d'autant le temps global de la production.Le travail en réseau,technique déja largement éprouvée en video,peut devenir un précieux allié dans la production musicale également.
Aujourd'hui, en 2007 , j'ai la chance de rester intact , d'avoir toujours les mêmes rèves d'enfant , encore des disques d'or et toujours cette passion pour la technologie qui pousse à tout essayer avant même que le résultat ne soit utile sur le moment . J'espère avoir appris en 40 ans que l'avenir est déja demain matin , qu'il ne faut pas attendre que les choses existent pour les faire et que les derniers resteront les derniers.Internet,le tout numérique,les Mac et les PC,le DVD ne sont que des technologies.
Un petit tour sur la page Vintage du site vous montrera que l'évolution a été longue,et que ceux qui furent des pionniers ont rarement été respectés a leur époque. Trop en avance coûte cher,trop en retard ruine.
La machine n'est qu'un moyen d'expression.L'expérience acquise ne permet que d'éviter des erreurs, et donc d'améliorer le resultat,d'éviter les doutes,de préciser les idées .
Et sans idées,les machines restent inertes.
Dominique Blanc-Francard
J'ai eu l'immense privilège d'avoir un père ingenieur du son.Pendant ma petite enfance,au lieu de jouer au train électrique,j'apprenais a faire des montages sur un gros magnétophone Tolana mono.
Et mon frère Patrice parlait dans un micro Melodium 55A,(il s'entrainait deja pour son futur métier...) Apres quoi nous écoutions nos oeuvres en passant la bande a l'envers et nous pensions avoir découvert le langage secret des Martiens.C'était en 1955.Plus tard j'ai appris la musique,parce que j'avoue que les études me semblaient fastidieuses.Notre meilleur copain jouait du trombone a coulisse,il habitait au 2e etage,nous au 5e,et on faisait des boeufs par la fenêtre,ce qui enchantait les voisins.Surtout en écoutant mes debuts à la trompette.Le soir,on partait a trois sur un scooter pourri pour aller écouter des génies méconnus dans les caves de St Germain des Prés.En 1958,j'ai eu une révélation:je voulais de venir cinéaste.J'étais fasciné par les caméras de cinéma,puis de télévision,avec leur gros viseur en noir et blanc et leur tourelle à 4 objectifs...J'ai dévoré tous les livres sur le sujet.Plus aucun terme technique n'avait de secret pour moi.Plongée,contre plongée,panoramique,raccord dans le mouvement,travelling,plan américain,j'etais incollable.Le seul hic,c'est qu'il fallait entrer à l'IDHEC,et que vu mon assiduité scolaire,je compris vite que je n'aurais jamais la chance de passer l'examen..Vers 1959,j'ai appris le banjo ténor,très Nouvelle Orleans puis la guitare,très Django,et un jour de 1960 j'ai entendu a la radio le premier single d'un groupe de rock qui s'appelait "Les Chaussettes Noires" . Ils ,ou plutôt Eddy Mitchell,chantaient "Tu parles trop".
Ce fut le déclic.Je serai guitariste de rock.Désespoir dans la famille,mon frère me traite de renégat parce que je n'écoute plus Charlie Parker ni Thélonious Monk.Mais cette musique est de mon age (j'ai 16 ans ) et parle en francais.Après diverses rencontres ,je me retrouve dans un groupe monté par la maison de disques Decca ,qui se nomme "Les Pingouins" et je découvre avec stupeur les studios d'enregistrement.
Un technicien en blouse blanche et à pipe me demande gentiment,mais fermement de baisser mon ampli VoxAC30 parce qu'il distord et me promet de mettre une horrible reverb naturelle a la place de ma chambre d'écho Dynacord parce qu'elle souffle....C'est le début de la guerre.
Je prends conscience du décalage entre la "technique" et la musique,celui qui fait qu'on a honte de son disque quand on l'écoute fini a la maison.Et je crois que c'est ce jour la que j'ai décidé qu'il fallait que je comprenne comment tout ca fonctionne,juste pour retrouver le son des répétitions.
En 1962,le rock bizness va mal,tous les groupes se dissolvent pour voir naitre des chanteurs solo.Les cachets se font rares et mon père m'annonce qu'il a rencontré quelqu'un qui cherche un ingénieur du son pour un petit studio qu'il vient de monter à Paris.Et donc me conseille d'aller vite essayer d'avoir la place.M'explique que le matériel est le même que celui avec lequel j'ai cherché le son des martiens pendant des semaines,et que ,de ce fait,je pourrais très bien faire l'affaire.
Ce fut mon premier job.Je ne saurai jamais comment remercier mon père de m'avoir forcé la main ce jour là,car je suis resté 7 ans dans ce studio,ETA rue de l'Abbé Grégoire et j'y ai appris mes bases .J'y ai vu la technologie exploser,passer de mono à stéréo, de 2 a 3 et 4 a 8 pistes.J'ai été obligé de reprendre les cours d'électronique car je devais ,tous les ans,construire de mes mains et avec une simple perceuse et un fer à souder,la console de la rentrée suivante..J'y ai enregistré tout ce qui peut se faire sur terre comme musiques différentes,du jazz à la salsa en passant par la chanson réaliste,l'opérette,le folklore arabe,japonais,espagnol,portugais,on y enregistrait aussi des bandes-son pour des théatres,des patinoires, des strip-teaseuses,des cours d'espéranto dans lesquels il y avait 2 à 300 montages,et après quelques années,j'ai fini par y enregistrer quand même mon premier album commercial,qui est devenu un collector,le "GONG" de Daevid Allen.Nous sommes en 1970.On commence à sentir d'étranges odeurs de plantes,la durée des chansons s'allonge en conséquence et la Pop music pointe son nez à l'horizon.
Grâce à un copain producteur de jazz ,Pierre Lattès, je rencontre Michel Magne au Château d'Hérouville ,endroit délirant près de Pontoise dans lequel il vient de construire un studio 8 pistes. Il me demande de venir travailler chez lui.J'hésite quelques semaines,puis j'y fonce.Pendant les trois années passées dans cette épuisante et passionnante aventure,j'aurai eu la chance de rencontrer, d'admirer et d'enregistrer des talents mondiaux tels que Pink Floyd,Elton John,David Bowie,Cat Stevens,T.Rex,,des producteurs brillants comme Paul Samwell-Smith , Gus Dudgeon et Tony Visconti, qui m'a montré enfin ce qu'était un vrai son de rock'n'roll.
J'y ai fait mon premier et unique album solo,chez Barclay,"Ailleurs",dans lequel je jouais de presque tous les instruments.Une vraie histoire,Hérouville;le premier studio francais qui réussit à se faire connaitre dans le monde entier.Aujourd'hui encore,quand on parle de la France aux Etats-unis ou en Angleterre,le seul nom qui revient est"le Chateau".Mais les folies dépensières de Michel Magne ont raison de l'endroit. Début 1974,faillite à la clef,le Chateau ferme,et avec lui ses nuits folles,ses débauches et son succes.
Je me retrouve largué a Paris,sans vraiment comprendre ce qui m'est arrivé pendant ces trois annees.La Pop est encore reine mais sans le Chateau,la musique francaise a un gout fade et futile.Je décide de devenir le premier ingénieur du son free-lance Francais.Difficile besogne car a cette époque,il y a encore peu de standardisation dans les studios.Beaucoup de consoles maison,de cablages perso,de pièges divers.Mais vu la réputation glanée à Hérouville et beaucoup de travail,l'idée est acceptée.Je cours de studios en studios ,de Paris à Londres j'assimile des dizaines de configurations différentes,d'écoutes bizarres,je commence a hurler pour une maintenance réelle,des magnétophones alignés,des bandes test,bref je me fais détester par une profession entière mais les hits finissent par arriver.
Drôle d'ambiance,de passer du Top de la production anglo-saxonne au gratin de la variété Francaise.C'est très different,surtout au niveau de la compétence artistique et l'envie de produire me demange sérieusement.
Je dois avouer humblement qu'a cette époque une seule obsession m'envahit : Etre le numéro un mondial. Vaste programme,et aujourd'hui je me rends compte de l'inintéret de cette volonté,mais la seule positivité de cette envie est de m'avoir donné le courage nécessaire pour affronter les diverses épreuves que la vie a jeté en travers de mon chemin.Mes connaissances techniques sont importantes,j'ai déja construit plusieurs studios qui ont fait des tubes,et je passe mes nuits a écouter des disques,à réecouter mes mix en les trouvant infects,à lire Studio Sound et Record Engineer/Producer.
Nous sommes déja en 1975,le Disco envahit les ondes mais la production Californienne aussi.Je suis en train de reconstruire AQUARIUM,un studio qui marquera son temps par ses qualités techniques et acoustiques. Un defilé de la production francaise,une vingtaine d'heures par jour,et enfin un tube mondial,numéro1 au Billboard,"POP MUZIK",du groupe M de Robin Scott.Manque de chance,Pour des raisons qui lui sont personnelles,Robin ne créditera pas mon nom sur le disque et personne ne saura jamais que j'ai été co-realisateur et ingénieur de ce succès planétaire... Une expérience de plus prouvant qu'une bonne parole ne vaut jamais un bon contrat.
1980,l'Aquarium plonge pour des raisons obscures qui me coûtent encore aujourd'hui,et je reprends le chemin sinueux du Free-Lance.En 1981,avec mon copain Didier Lozahic ,un génie de l'electronique nomme Claude Prevost (qui travaille aujourd'hui pour la société 44.1) et un jeune ingénieur débutant,Hervé Le Guil,qui par la suite montera l'excellent studio GIMMICK,nous nous lancons dans une autre étonnante aventure qui consiste a reprendre en location un studio a l'abandon rue des Martyrs,dans le 18° qui s'appelait Stars Music et qui deviendra Continental Studios.
Nous nous y installons et décidons de franchir le pas qui nous mène a être l'un des premiers studios numériques de la planète,a l'aide du mythique 32 pistes digital 3M.En quelques mois le studio se remplit et produit un nombre considérable de hits.Jeanne Mas,Herve Cristiani,Chagrin d'amour,Alain Souchon,Etienne Daho,jusqu'a Robert Palmer,le disque sera digital,et ce avec l'apparition timide mais convaincante du Compact Disc.Nous essuyons les plâtres de ces toutes nouvelles techniques,18 heures par jour,mais les charmes du numérique ne font pas oublier la dure réalite de la gestion et l'aventure Continental s'achève à l'été1984.
Retour à la case départ, avec en prime une vie privée en pieces détachées.Tant pis,la musique sera le moteur de la survie,l'égo a subi une forte attaque bénéfique,et une grande période de mixages,activité passionnante mais difficile,traverse mon quotidien.Le mixage étant l'aboutissement de la carrière de l'ingénieur du son,reunissant toutes les connaissance et synthétisant toutes les difficultés,étant le dernier maillon du passage en studio.Je ne m'en sors pas trop mal,car 4 ans après,la liste les premieres places du Top 50 obtenues est considérable.Mais la volonté d'être responsable de l'artistique est toujours plus forte.Honnètement,il me reste peu de problèmes techniques à affronter et le fait d'avoir démonté pendant toutes ces années les productions des autres pour les remettre en état me donne encore plus envies de les construire du départ.Il me faudra attendre jusqu'en 1992 pour avoir ma première récompense en qualite de réalisateur,avec "ENGELBERG" de Stephan Eicher,qui dépassera le million d'exemplaires.Suivi par de nombreuses autres réussites,et un plaisir grandissant a enfin atteindre un but convoité depuis plus de 20 années.
Pendant ce temps la les enfants grandissent et c'est avec joie que je découvre l'ainé devenir directeur artistique .Il decouvrira Mc Solaar avec lequel il fera aussi ses premiers succès de compositeur/arrangeur .Hubert Blanc-Francard devient "Boom Bass".Pendant ce temps ,le cadet,lassé de faire des covers de George Michael,puis de Stevie Wonder,se met enfin a chanter en Francais et signe chez Virgin. Mathieu Blanc-Francard devient "Sinclair".
En 1996 nous décidons de nous associer pour reprendre un studio en commun, et y installer la tonne de matériel que nous avons depuis des années dans nos appartements respectifs,ce qui,je l'avoue,va enchanter nos voisins.Nous emménageons dans l'ancien Studio 10,alors devenu Studios de L'Oncle Sam que Mathieu baptisera "Labomatic",peut-être a cause de la machine a laver illustrant la pochette de son premier album...
En 1998 , arrivee de Bénedicte Schmitt . Un ingénieur du son,féminin de surcroit,integre l'equipe du Labo. Ses compétences techniques et artistiques,son humour,lui vaudront d'être intégrée rapidement a cette structure peu banale.Dorenavant, les préamplis a tubes, les consoles et le fer a souder vont prendre une autre dimension.Nos connaissances complémentaires vont faire avancer les choses beaucoup plus rapidement. C'est très confortable pour un réalisateur de pouvoir se reposer en toute confiance sur un ingénieur et de n'avoir a se concentrer que sur l'artistique.
Le Labomatic Studio, qui au depart devait n'être qu'un home studio nous permettant de faire des expériences et de travailler sur nos projets avec le confort du temps qui ne compte pas, a grandi très vite.En 10 ans,il est passé d'une Yamaha 02R avec 2 DA 88 à 2 cabines avec 2 ProTools HD Accel 3 64 in/out et une console Euphonix System 5,qui nous a fait le même effet quand nous l'avons vue la première fois au Satis 99 que le première SSL en 1980. Une ergonomie parfaite,un son numérique enfin adulte,et surtout le plaisir de s'en servir,que je commencais à avoir perdu avec l'ultra-normalisation de l'ensemble des studios: Neve ou SSL,sur l'ensemble de la planète...
Fin 2006,le Studio 2 se retrouve lui aussi équipé d'une deuxieme console Euphonix System 5 et les deux studios sont en réseau,partagent leurs ressources...Ce qui va nous permettre d'optimiser encore notre facon inhabituelle de travailler.Bénédicte pourrait commencer une prod dans le studio 2 pendant que j'en mixe une autre dans le 1,ou nous pourrions aussi travailler sur la même dans les 2 studios en même temps,ce qui réduirait d'autant le temps global de la production.Le travail en réseau,technique déja largement éprouvée en video,peut devenir un précieux allié dans la production musicale également.
Aujourd'hui, en 2007 , j'ai la chance de rester intact , d'avoir toujours les mêmes rèves d'enfant , encore des disques d'or et toujours cette passion pour la technologie qui pousse à tout essayer avant même que le résultat ne soit utile sur le moment . J'espère avoir appris en 40 ans que l'avenir est déja demain matin , qu'il ne faut pas attendre que les choses existent pour les faire et que les derniers resteront les derniers.Internet,le tout numérique,les Mac et les PC,le DVD ne sont que des technologies.
Un petit tour sur la page Vintage du site vous montrera que l'évolution a été longue,et que ceux qui furent des pionniers ont rarement été respectés a leur époque. Trop en avance coûte cher,trop en retard ruine.
La machine n'est qu'un moyen d'expression.L'expérience acquise ne permet que d'éviter des erreurs, et donc d'améliorer le resultat,d'éviter les doutes,de préciser les idées .
Et sans idées,les machines restent inertes.
Dominique Blanc-Francard