Nouvelle adresse : a http://www.liberation-de-paris.gilles-primout.fr/

 

 

 

Samedi 26 août 1944, le général de Gaulle descend les Champs Elysées pour gagner  la cathédrale Notre Dame et assister à un Te Deum ... Paris est libéré !

Dans la foule en liesse qui l'acclame, Simonne et Paul ....

 

Place de la Concorde

 

 

Paul et Simonne (mai 1940)

 

 

Simonne a dix huit ans, son frère Paul en a vingt.... aujourd'hui Paul fête son anniversaire !

Mais quel anniversaire ! Paris est libéré !!!!

 

 

Frédérique, sa fille qui a bien voulu nous faire partager cette histoire, se souvient qu'à chaque fois que passaient à la télévision des documents d'époque Simonne ne manquait jamais de dire : "J'étais là, quelque part dans la foule ... à crier, à chanter, à rire et à embrasser les soldats qui souriaient ..."

 

Paul et son père Pol (septembre 1939)

Simonne et Paul habitent chez leurs parents à Drancy, 19 rue Charmante. La rue Charmante est parallèle à la rue des Clochettes et perpendiculaire à la rue des Midinettes .... quels jolis noms !

Hélas elle voisine la rue de la Muette qui donne sur le sinistre camp de Drancy d'où partiront tant de juifs pour Pitchi Poï (1)

Paul, par devoir ... par défi ... par compassion ...  apporta souvent quelques vivres aux prisonniers. Il les jetait rapidement par dessus les barbelés et s'enfuyait.

le camp de Drancy

 

Simonne et sa mère Louise (juillet 1944)

 

En juin 1940, sur le chemin de l'exode vers la Bretagne, Pol, leur père, vétéran de la Grande Guerre, a compris l'inutilité de toute fuite. Que faire sur ces routes encombrées de réfugiés, sans argent, sans travail, bientôt sans vivres et surtout sans but. Avec son épouse Louise et ses deux enfants alors âgés de quatorze et seize ans il reprit la route de Drancy en poussant la pauvre charrette à bras où étaient entassés les maigres trésors de la famille.

L'occupation fut dure. Restrictions, rationnement ... Louise avait beau faire des heures de queue devant des magasins presque vides, rapporter des restes de la cantine de l'hôpital Saint Louis (elle était aide-soignante au service pédiatrique) ... les enfants avaient faim.

Combien de fois Pol, son fils et sa fille, ont enfourché leurs vélos pour se rendre du côté d'Arpajon acheter des pommes de terre ou des haricots verts à des paysans pratiquant le marché noir ? Et quand il n'y avait rien à vendre ou que c'était trop cher ... et bien ils chapardaient (Frédérique ne peut se résoudre à utiliser le verbe voler).

Le chemin du retour était semé d'embûches. Les patrouilles allemandes, la police française... plusieurs fois il fallut abandonner le précieux butin.

 

Mais aujourd'hui Simonne ne veut plus penser au froid qu'elle endura dans leur petite maison de deux pièces. Une fois épuisés le quota de charbon et la prime supplémentaire à laquelle Pol, employé des services municipaux, avait droit, on scia l'unique arbre du jardinet puis ce fut le tour de quelques meubles jugés inutiles ... Pol organisa des expéditions nocturnes vers les gares de marchandises du Blanc Mesnil et de Noisy le Sec. Il suffisait de ne pas se faire repérer par les sentinelles allemandes et de récupérer dans les wagons quelques boulets de charbon. Paul n'avait pas son pareil pour se faufiler sous les trains. Un soir de grand froid sa main resta collée au rail gelé ... impossible de hurler sa douleur ... il y laissa quelques lambeaux de peau et de chair mais revint avec son trésor.

Aujourd'hui Simonne veut oublier la peur qu'elle ressentait à chaque bombardement. L'alerte qui la clouait sur place, tandis que son père poussait tout son monde vers le poulailler. Vétéran des tranchées de 14/18, Pol en avait creusé une d'environ un mètre cinquante de profondeur; chacun devait se munir de son couvercle de lessiveuse et courir vers l'abri. Simonne avait peur d'être ensevelie. Elle préférait se réfugier dans le poulailler et se blottir contre les poules affolées.

Mais aujourd'hui Paul a vingt ans. Quel bonheur de fêter cet anniversaire au milieu de centaines de milliers de gens qui hurlent leur joie au passage du cortège ! Paris est libéré ! Ce ne sont que rires, cris, pleurs de joie, embrassades ... Paris est libéré !

Simonne ne veut plus se souvenir de sa peur,  il y a deux ou trois jours quand, se tenant avec des amies au carrefour des Quatre Routes, elle a entendu ce cri "Les revoilà ... les Boches...  Ils reviennent ... Planquez vous !" Les passants se dispersent, Simonne se met à courir pour se précipiter dans un magasin ...Mais elle aperçoit un enfant seul sur le trottoir. Il est pâle, effrayé; manifestement dans la bousculade il a perdu sa mère. Simonne s'arrête, le prend dans ses bras et tente de le rassurer. Il est maintenant trop tard pour s'enfuir. Les Allemands sont là. Ils pourraient tirer. Elle préfère rester immobile, l'enfant en pleurs dans ses bras, et regarde, tremblante, les soldats passer. La frayeur qu'elle ressent alors rassemble en un instant toutes les peurs qu'elle a endurées pendant ces années de guerre. (2)

Mais aujourd'hui c'est la fête. Paul s'en donne à coeur joie avec les Américains. Il finit même par en ramener deux à la maison. Deux beaux spécimens de GI au sourire triomphant. Simonne trouve que les visites des nouveaux amis de son frère sont intéressantes à plus d'un titre : cigarettes blondes, chocolat, chewing-gum et même des bas nylon ! Elle n'aura plus à dessiner sur ses jambes de fines rayures pour simuler des bas introuvables ...

L'un des deux soldats lui déclarera sa flamme et lui proposera de l'épouser. Il désire l'emmener aux Etats Unis, dans une petite ville dont il est le Sheriff ...

Simonne est flattée de la proposition mais elle a promis fidélité à Robert, un jeune homme du quartier qui habitait avant la guerre rue Edouard Liévin, en face du camp. Robert s'est engagé dans les Forces Françaises Libres en 1943, aujourd'hui il est quelque part en Provence où le quinze août dernier l'armée du général de Lattre de Tassigny a débarqué. Mais cela, Simonne l'ignore  ....

 

Robert

 

Au mois de décembre 1945 un télégramme annoncera enfin le retour de Robert.

Simonne mettra son éternelle jupe plissée bleu marine, son unique chemisier blanc et coiffera la masse volumineuse de ses beaux cheveux blonds dans un chignon très "tendance" ... puis se précipitera à la gare de l'Est pour l'accueillir.

Robert a mille choses à raconter, trois années de guerre et d'aventures en Afrique, en France et enfin en Allemagne....

Allez vite les découvrir sur le site de Frédérique, leur fille, Mon père, un Français Libre

 

(1) Pitchi Poï : pays imaginaire (petit village en Yiddish); pour rassurer leurs enfants, les mères déportées disaient : nous partons pour Pitchi Poï

(2) Jeannine a vu ces mêmes soldats allemands; elle nous en parle sur cette page du site.

 

 

retour