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Madame Touche raconte, alors,
cet après midi du 25 août : 16h00. Depuis une heure déjà un poste de secours avancé a été installé par une équipe volante de la Croix-Rouge (le président du comité du 8ème, le docteur Norbert Vieux, Philippe Hébert, Mlle Hélène de Félice) aux dernières arcades de la rue de Rivoli, à deux pas de la place de la Concorde. Les FFI, appuyés par des hommes de la Division Leclerc, attaquent un des derniers nids de la résistance allemande. Déjà une douzaine de blessés reçoivent les premiers soins dans le hall d'un immeuble. Le chef de poste fait demander au comité du 8ème un renfort de secouristes, en donnant les indications du chemin à suivre pour que ceux-ci parviennent sans encombre au poste. Jean-Claude, arrivant au comité pour prendre son service, part sur le champ avec une infirmière, Mlle Brinet. Après avoir déposé leurs bicyclettes chez des amis, ils parviennent sans encombre sous les dernières arcades. A ce moment, apercevant des corps étendus sur le trottoir d'en face, ils traversent la rue de Rivoli. Cet endroit se trouvait dans le champ de tir d'une mitrailleuse allemande. Au moment où ils arrivent, la mitrailleuse crépite. Mlle Brinet est tuée (1), Jean-Claude blessé. Il repasse la rue et arrive sous la voûte où il rencontre un secouriste. Il avait du sang sur le bras. "Jean-Claude ! Tu es blessé ? Non, c'est le sang d'un camarade. Je suis touché au ventre ..." répond-il d'une voix haletante. Le secouriste l'aida à marcher jusque dans le hall. Le chef de poste l'interpelle : "Ah ! Tu arrives bien, on a besoin de toi". A ce moment Jean-Claude défaille. On l'étend, une infirmière vient à lui pour le soigner. Jean-Claude l'écarte : "Ce n'est rien, occupez-vous des autres". Le poste, à ce moment, était rempli de blessés. Jean-Claude était le quatorzième. C'était un endroit sombre, donnant sur la voûte et sur la cour de l'immeuble. Le bruit de la bataille qui faisait rage parvenait assourdi. Parfois un coup de canon se faisait entendre plus fort que les autres, c'était un char Sherman qui tirait. Pas un des blessés ne se plaignait et pourtant certains souffraient atrocement. Des personnes charitables de l'immeuble avaient donné des couvertures, du café, du rhum pour réconforter ces malheureux. Jean-Claude appelle alors le secouriste : "J'ai soif", lui dit-il. Malheureusement sa blessure à l'abdomen ne lui permettait pas de boire. On lui humecte les lèvres. La fièvre commence à monter. Une ambulance vient l'emporter. Tout cela je ne le sus que plus tard. Le coup de téléphone annonçant : "Jean-Claude blessé est transporté à l'hôpital" fut le glaive qui transperça mon coeur. Je n'avais plus d'enfant. Une voiture de la Croix-Rouge conduisit immédiatement mon mari à l'hôpital; Jean-Claude avait toute sa lucidité et son calme. Il était opéré peu de temps après. A l'hôpital pendant trois jours, il me disait la dernière nuit : "Maman, va voir si mes voisins n'ont besoin de rien, car tu sais ici, on se rend des petits services". Dès le lundi soir nous savions qu'il était perdu. J'espérais cependant un miracle. Le mardi matin, 29 août, dans la lueur blafarde du petit jour, le cher enfant s'était calmé mais il s'affaiblissait..... Le 30 août 1944, le lendemain de sa mort, la Croix-Rouge Française décernait à Jean-Claude à titre posthume la grande médaille d'honneur avec palme et cette citation : Secouriste qui s'est toujours fait remarquer par son zèle et son dévouement. A rempli toutes les missions qui lui ont été confiées avec un esprit de discipline et d'abnégation digne de tous les éloges. Le 25 août 1944, à 16h00, s'est porté courageusement au secours des blessés signalés place de la Concorde, bravant les rafales des mitrailleuses pour remplir sa mission. Blessé d'une balle à l'abdomen est venu au poste de secours de la rue de Rivoli en disant : "Je n'ai rien, occupez-vous des autres". Transporté à l'hôpital, puis opéré, est mort le 29 août avec une sérénité et un courage qui ont fait l'admiration de tous"
Les combats pour la prise de l'hôtel Meurice, PC du général Von Choltitz, du Ministère de la Marine et de l'hôtel Crillon feront de très nombreuses victimes. Lire l'épisode : les combats de la Place de la Concorde (1) Bertrand de Chézal, lieutenant de cavalerie de réserve et chef des FFI de Bonneval, est entré dans Paris avec l'escadron de protection du général Leclerc et a participé à ces combats. Il témoigne, dans son livre "A travers les batailles pour Paris" : Je tombe, à l'entrée de la rue de Mondovi, sur des voitures, des attroupements. Il y a déjà cinquante personnes sorties des maisons. Des cris : "Ils ont tiré sur la Croix-Rouge". Le portail du 250. La concierge. Des infirmiers. Des blessés. Un grand Allemand. Des morts. Un médecin FFI dont la cuisse saigne à gros glouglous. Le corps d'une femme à brassard. A l'instant où je me penche sur elle, quelqu'un soulève la serviette qu'on lui a posée sur le visage. Un hurlement : "C'est Madette !" La camarade infirmière se trouve mal. La morte est toute jeune. De si petites mains, redressées. Et un trou noir, qui lui mange la moitié du front et les yeux. Madeleine Brinet, 29 ans, domiciliée 30 rue de Bellefond dans le 9ème, était aide médico-sociale aux Equipes d'urgence de la Croix-Rouge française. Dans leur ouvrage, "Paris brûle-t-il ?" Dominique Lapierre et Larry Collins écrivent : Un autre spectacle attire maintenant le regard de l'Obergefreiter Karl Froelich, posté derrière sa mitrailleuse sur le toit du Ministère de la Marine. Trois silhouettes en blanc courent dans la mitraille devant la balustrade du métro Concorde, juste à l'entrée de la rue de Rivoli. A cet instant, Froelich entend à ses côtés le crépitement d'une mitrailleuse qui vient d'ouvrir le feu. Il voit alors un marin de dix-neuf ans vider rageusement une bande entière de cartouches sur le petit groupe. Le marin a fauché les trois secouristes dont les corps enchevêtrés font une tache blanc et rouge sur les pavés de la rue.
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