2005 - Dossier n°1 - par Kupper
Metal Gear Solid 2 – Sons of Liberty: Une
œuvre du 21ème siècle
Alors que les fervents détracteurs des jeux vidéo
connaissent les noms de tous les jeux polémiques, trop peu
ont déjà entendu parler des œuvres véritables
de cet univers, de ces jeux d’une richesse inouïe et
que l’on peut sans avoir honte comparer aux plus grandes œuvres
artistiques. Metal Gear Solid 2 est de ceux-là. Véritable
chef d’œuvre du maître Hideo Kojima, il propose
plus qu’un divertissement vidéo-ludique, mais bel et
bien une expérience interactive unique en son genre qui en
fait ainsi littéralement une œuvre du XXIème
siècle...
Avertissement:
Pas besoin d’aimer les jeux vidéo pour s’arrêter
sur ce dossier, mais il contient nombre de spoilers, aussi, si d’une
quelconque manière, vous comptez vous intéresser à
la série Metal Gear, il est préférable de ne
pas lire ce qui va suivre, au péril de votre vie. (...)
Sommaire
Introduction
Chapitre I : Au commencement...
Chapitre II : Il y a 2 ans, sur le pont de l’Hudson
River…
Chapitre III : La Big Shell...
Chapitre IV : Qu’est-ce que les Patriotes ?
Chapitre V : La violence, c’est mal !
Chapitre VI : Un soldat n’est qu’un outil
politique, rien de plus…
Chapitre VII : La guerre n’est pas un jeu...
Chapitre VIII : Un jeu dont VOUS êtes le héros
!
Chapitre IX : Parallélismes et déjà-vu...
Chapitre X : Réalité ou virtuel ?
Chapitre XI : L’illusion de la liberté...
Chapitre XII : Simulacre et simulation...
Chapitre XIII : Une lumière au bout du tunnel...
Chapitre XIV : Le flot d’information...
Chapitre XV : Le libre-arbitre...
Chapitre XVI : Liberté...
Chapitre XVII : Qui suis-je vraiment ?
Chapitre XVIII : I can’t say goodbye to yesterday…
Chapitre XIX : Epilogue...
Introduction :
Ici, point de test du jeu vidéo vous ne trouverez, car
c’est de l’œuvre dont nous allons parler. En effet,
le soft d’Hideo Kojima est bien plus qu’un simple jeu
vidéo, il recèle de nombreuses facettes, de nombreux
sens, et dispose de nombreux niveaux de lecture mais, et surtout,
c’est une œuvre totalement unique dans l’histoire
de la civilisation humaine, car il propose pour la première
fois une réflexion basé sur l’interconnectivité
entre le spectateur et le média, chose que seul le jeu vidéo,
jusqu’à présent, peut proposer.
Chapitre I : Au
commencement...
Il me parait indispensable de faire une petite présentation,
dans les règles de l’art, de l’univers de Metal
Gear Solid (MGS). Tout débute alors qu’un groupe de
terroristes nommé Fox Hound, une ancienne troupe d’élite
des services d’interventions américains, a pris en
otage une base militaire désaffectée sur l’île
de Shadow Moses, dans le détroit de la mer de Béring,
au large de l’Alaska, et que ses membres réclament
un milliard de dollars de rançon, ainsi que les restes d’un
certain Big Boss, sous peine de faire sauter une ogive nucléaire.
Solid Snake, loup solitaire et ancien membre de Fox Hound est dépêché
afin de contrecarrer les plans des terroristes. Tout ne se passera
évidemment pas comme prévu, et le leader de Fox Hound,
Liquid Snake, se révèlera n’être autre
que le frère jumeau de Solid. Tiré par les cheveux
tout ça ? Oui et non car si cela semble abracadabrantesque,
ça n’en demeure pas moins parfaitement logique et surtout
dans l’esprit de l’œuvre. Solid et Liquid, sont
en effet les deux seuls survivants d’une expérience
(le projet Les Enfants Terribles, en français dans le texte),
qui consistait à faire naître des clones de Big Boss,
le combattant suprême, tué par… Solid Snake,
à la fin de Metal Gear 2 ! Si vous avez suivi, vous aurez
compris que Liquid Snake (le méchant donc) tenait à
récupérer les cendres de son père mais plus
que pour sa satisfaction personnelle, c’était aussi
et surtout pour prolonger l’expérience et faire naître
une armée de clones, et ainsi faire ce que son père
n’a jamais pu faire : règner en maître sur la
Terre en imposant sa toute puissance.
L’idée de clone et de génétique est
très présente dans Metal Gear Solid . En effet, tous
les soldats que l’on rencontre sont eux aussi issus d’une
expérience génétique, et ont pour joli nom
les soldats génomes. Une des premières idées
de Kojima dans cet épisode était de faire le parallèle
entre des faits réels et son histoire, afin de rendre le
scénario plus acceptable, car encré dans la réalité,
malgré l’invraisemblance de ce qui s’y produit.
Par exemple, les soldats génomes, imparfaits, ont été
victimes de crises et de maux durant la guerre du Golfe, que l’état
américain aurait camouflé sous le nom de syndrome
de la guerre du Golf, syndrôme que l’on sait désormais
dû à une fuite d’uranium appauvri des missiles
anti-char.
Je vous épargnerai le message politico-écolo du premier
épisode de la trilogie Metal Gear Solid qui n’a qu’une
importance mineure sur la suite pour passer directement au final,
qui nous intéresse beaucoup plus. Comme dans toute bonne
œuvre du genre, le jeu fini sur un duel entre Liquid et Solid,
les deux frères, sur la carcasse du Metal Gear Rex, un tank
mobile capable de projeter des missiles nucléaires à
très longue portée et ce sans réacteur sur
le missile (ce qui le rend donc indétectable, les missiles
étant repérés à la chaleur qu’ils
émettent lorsque le carburant qui les propulse se consume).
Le Metal Gear Rex n’est autre que le descendant du Metal Gear,
source de la mégalomanie de leur père génétique,
Big Boss. Nous avons donc un duel symbolique entre les deux frères
pour la succession du père, un duel oedipien entre le fort
et le faible. Oui, car, et j’avais oublié de le préciser,
si deux des 7 frères de la portée ont été
conservés, c’est par nécessité. En effet,
afin de rendre l’un très fort, à l’aide
des gênes dominants, il fallait qu’un autre soit créé
avec les gênes récessifs. Loi cruellement darwinienne,
les faibles sont nécessaires afin que les forts survivent.
Ce qui est intéressant, c’est que Liquid se croyait
être le faible, alors qu’il était le fort (il
est victime d’un gros complexe d’infériorité),
et ainsi, en étant vaincu par son frère, la logique
n’est pas respectée et Solid, a su se dépasser,
et passer outre sa destinée. On a là un message fort
sur la volonté, sur le fait de ne pas se résigner
et surtout de ne pas être esclave de ce qu’on nous prédestinait.
Voilà, ici s’achève l’histoire de Metal
Gear Solid, mais comme toute œuvre qui se doit, le jeu s’achève
sur un joli cliffhanger histoire d’annoncer la suite, car
contrairement à ce qu’on croyait, il n’y a pas
deux frères mais 3, le 3ème étant sobrement
appelé Solidus Snake, et ayant pour fonction la présidence
des Etats-Unis d’Amérique sous le sobriquet de George.
Chapitre II
: Il y a 2 ans, sur le pont de l’Hudson River…
Tout commence alors qu’Otacon et Solid Snake, tous deux
rescapés de l’incident de Shadow Moses, reçoivent
un tuyau anonyme concernant un Metal Gear Ray, qui serait camouflé
dans un tanker au large de New York. Depuis la fin des évènements
en Alaska, Otacon (qui est le concepteur du Metal Gear Rex) et Snake
se sont engagés auprès de l’ONU dans le groupe
fantôme Philanthropy, qui livre une lutte anti-Metal Gear
depuis que Revolver Ocelot, rescapé lui aussi de Shadow Moses,
a mis en vente les plans du Metal Gear Rex, permettant à
a peu près tous les gouvernements de disposer de leurs propres
unités MGR.
Snake a donc pour mission d’infiltrer le tanker gardé
par des marines et de prendre des photos de ce Metal Gear Ray (un
model anti Metal Gear Rex) afin de rendre son existence publique
! Malheureusement, à peine arrivé, un commando russe,
les spetsnaz, dirigé par le colonel Gurlukovich, prend d’assaut
le tanker. Le colonel Gurlukovitch n’est en fait que l’allié
de Revolver Ocelot (il a fourni notamment du matériel et
des armes lors de l’incident de Shadow Moses), ce dernier
étant d’ailleurs impliqué dans ce détournement.
Lors de cette mission, Snake « rencontrera » Olga, fille
du colonel, et accessoirement enceinte. Alors que tout semble bien
se passer, et que Snake arrive à prendre les photos du Metal
Gear Ray, protégé par quelques dizaines de marines,
le Commandant Scott Dolph, en charge de l’exercice Metal Gear
Ray, donne ses dernières directives.
Ocelot fait malheureusement irruption au plus mauvais moment et
à l’aide des hommes de Gurlukovich prend le contrôle
du tanker, en menaçant de faire sauter l’appareil a
l’aide de semtex, disposé un peu partout, si les marines
ne coopèrent pas. Shalashaska (l’autre nom de Revolver
Ocelot) n’a, comme à son habitude, pas décidé
de jouer franc jeu, et trahit Gurlukovitch, avant de s’emparer
de Ray, provoquant ainsi la destruction du tanker, mais aussi la
mort de tous ceux qui s’y trouvaient, Snake y compris. Fin
de l’histoire ?
Chapitre III :
La Big Shell...
29 Avril. Deux ans se sont écoulés depuis que le
tanker a sombré dans les flots, provoquant une soit disant
marée noire, obligeant la construction d’une immense
station de retraitement des eaux, fleuron et symbole technologique
de l’écologie moderne : La Big Shell. Mais comme d’habitude,
ce n’est pas l’écologie qui va nous intéresser,
mais un nouveau détournement, une prise d’otage pour
être exact, orchestrée par la Dead Cell, et leur mystérieux
leader… Solid Snake ! Et il ne s’agit pas de n’importe
quelle prise d’otage, puisque le Président est dans
le lot, et que la Dead Cell réclame une rançon de
30 milliards de dollars sous peine d’envoyer une ogive nucléaire
au-dessus de Manhattan, plus précisément au-dessus
de Wall Street. Rajoutons que Solid Snake, photographié par
un Cypher (une unité volante motorisé sans pilote)
sur le tanker, a été accusé à tort de
l’incident et que son comparse, Otacon, est toujours recherché
pour les faits (autant dire que tout va pour le mieux dans le meilleur
des mondes possibles).
La Dead Cell n’est autre qu’un ancien groupe anti-terroriste
des Navy Seal qui a depuis retourné sa veste, afin de poursuivre
d’autres idéaux, plus extrémistes. On y trouve
Fatman, un maniaque des explosifs, Vamp, un vampire, et Fortune,
la fille du Commandant Scott Dolph (mort sur le tanker), et accessoirement
appelée ainsi car sa chance la rend invulnérable aux
armes ennemies. Afin de que tout rentre dans l’ordre sont
dépêchés deux commandos de Navy Seal mais aussi
un certain Snake, envoyé de manière totalement non
officielle et sous l’égide du commandant Roy Cambell,
qui était l’officier en charge de l’opération
de sauvetage à Shadow Moses. A sa demande, Snake se verra
d’ailleurs attribué d’un nouveau nom de code
: Raiden, afin qu’aucune confusion ne soit faite avec le leader
de la prise d’otage.
Vous avez réussi à suivre ? J’espère,
parce que maintenant ça se complique. Lors de son incursion,
Raiden fera la connaissance d’un certain Pliskin (toute ressemblance
avec le nom Snake Plisken de New-York 1997 est purement fortuite,
évidemment), qui se révèlera être en
fait le vrai Solid Snake. Il rencontrera aussi Otacon, présent
car sa sœur, Emma Emmerich, fait partie d’un projet top
secret concernant un nouveau Metal Gear développé
au sein de la Big Shell. Il rencontrera aussi un mystérieux
Ninja, se faisant appeler Deepthroat (comme le ninja présent
dans le premier Metal Gear Solid), puis Mister X. Il apprendra que
le leader de la Dead Cell n’est autre que Solidus Snake, l’ancien
président des USA. Il apprendra que le président Johnson
sert en fait de sécurité pour le lancement d’une
bombe à hydrogène purifiée (un nouveau prototype
de Bombe H, censé imiter la fusion nucléaire), que
ce dernier n’est qu’un pion des Patriotes (nous y reviendrons)
et que la prise d’otage n’est en fait qu’une tentative
désespérée de sa part d’échapper
à leur contrôle. Vous arrivez toujours à suivre
? Raiden saura ensuite que le Ninja n’est autre qu’Olga
Gurlukovitch, qui a elle aussi survécu, et que celle-ci est
à la solde des Patriotes qui ont enlevé son enfant
à sa naissance. Raiden apprendra qu’il est lui aussi
envoyé par les Patriotes (l’organisation étant
aussi connue sous le nom de La-Li-Lu-Le-Lo).
Raiden fera aussi la connaissance de Peter Stillman, ancien mentor
de Fatman, et accessoirement démineur de son état,
il rencontrera aussi David Ames, un des otages, envoyé par
les Patriotes afin d’espionner Solidus et Ocelot (qui est
définitivement dans tous les mauvais coups, puisqu’il
est lui aussi embarqué dans l’affaire Big Shell). Raiden
apprendra que Fortune, persuadée que son père est
mort à cause de Solid Snake, n’est là que pour
se venger. Il sauvera Emma (la sœur de Hal Emmerich, alias
Otacon).Entre temps, Raiden se révèlera n’être
autre qu’un ex enfant soldat, formé par Solidus lui-même
et le pion d’une gigantesque mise en scène, à
savoir la Big Shell. Car en réalité, la Big Shell,
vaste fumisterie, sert, en plus de cacher l’Arsenal Gear (le
nouveau Metal Gear), à un projet bien plus tordu, connu sous
le nom de « S3 » pour « Simulation de Solid Snake
». En quoi cela consiste ? Tout simplement à récréer
les évènements de Shadow Moses afin de former de nouveaux
guerriers, aussi doués que Solid Snake, le combattant parfait.
Oui mais ce n’est pas tout, car Solidus, lui aussi ancien
pion des Patriotes, apprendra à Raiden que son but ultime
est en fait de détruire les Patriotes, afin de recouvrer,
pour lui et pour les autres, la liberté. Vous suivez toujours
? Mais non ne partez pas ! Promis, je vais tout vous expliquer quand
le moment sera opportun ! Ici ce n’est qu’une présentation
brève et incomplète du scénario, histoire de
vous familiariser avec sa complexité.
Chapitre IV :
Qu’est-ce que les Patriotes ?
Difficile question… C’est à la fois personne
et tout le monde, ils n’ont pas de visage, pourtant ils sont
là quand vous payez vos factures, quand vous allez à
l’église, ou quand vous regardez la télévision
! Ils sont le monde, que l’on a mis devant vos yeux afin de
vous cacher la vérité… Le fait que vous êtes
des esclaves, asservis par une puissance occulte dont vous ignorez
jusqu’à l’existence. Pour connaître les
Patriotes, vous devrez les voir par vous-même !
Si je fais un parallèle avec Matrix, c’est parce que
de toute évidence, la saga Metal Gear Solid et la trilogie
Matrix, vont de pair ! L’une influençant l’autre
et inversement. Les Wachowski, ne se cachent pas de leur attachement
à l’œuvre d’Hideo Kojima, et de son côté,
Kojima-san ne nie par être inspiré par les films des
deux frères. Il est d’ailleurs étonnant (tout
autant qu’amusant) de voir que la compréhension de
l’une, aide à comprendre l’autre, que les deux
œuvres se nourrissent l’une de l’autre, et s’enrichissent
si on les connaît. Aussi tout au long de ce dossier, je ferais
des parallèles avec Matrix, aussi ne vous en étonnez
pas. Ce n’est pas (seulement) un manque d’imagination.
Que sont réellement les Patriotes ? Une assemblée
de 12 hommes, dont l’identité n’est connue de
personne, et qui contrôle tout et tout le monde. Ils sont
la tête pensante du monde, le manipule, le manie. Ils sont
au-dessus de la présidence, au-dessus des lois. Tout ce que
nous sommes, nous le leur devons. Ils sont le contrôle absolu,
car personne ne sait qui ils sont. Une sorte de mafia sans visage,
mais qui n’utilise ni la violence, ni l’argent, simplement
ce qui nous caractérise : L’information. Je ne vais
pas m’avancer plus là dessus, car vous n’êtes
pas encore prêt. Longue est la route qui se dresse devant
l’homme pour le conduire à la vérité,
et cette route de bien des embûches est parsemée. Suite,
plus tard donc…
Chapitre V : La
violence, c’est mal !
Voici en somme, le premier plan de lecture de ce jeu, car comme
dans le premier Metal Gear Solid, Kojima-san nous propose avant
tout une fable anti-militariste. Il y a évidemment la menace
nucléaire, qui plane toujours, à chaque fois plus
avancée, plus dangereuse. La menace, dans Metal Gear Solid,
vient toujours, ainsi, du nucléaire et le Metal Gear Rex
lui-même était un engin nucléaire au même
titre que l’Arsenal Gear dispose lui aussi d’ogives
nucléaires. On a aussi les discours disséminés
tout au long du jeu, pour nous rappeler que tuer n’est pas
un jeu, qu’un champ de bataille c’est des vrais mort
et du vrai sang. Ainsi on a à la fois une annonce faite aux
joueurs, mais aussi à ceux, seulement spectateurs, qui voient
d’un mauvais œil la violence dans les jeux vidéo,
sujet toujours plus d’actualité. Voilà un détail
important. Car si d’ordinaire, les gens voient en ce média,
encore jeune, une apologie de la violence, ce jeu la dénonce.
Evidemment, certains, cyniquement, noteront que si le jeu la dénonce,
il la rend tout de même accessible à tout le monde,
puisque chacun peut s’amuser à jouer juste pour tuer
du méchant. Certes, mais au cinéma, qui s’offusque
de la violence montrée dans les films anti-militaristes ?
Bien sur, le jeu vidéo n’est pas le cinéma,
mais là où d’ordinaire on encourage la violence,
par son concept, le jeu au contraire pousse le joueur à l’éviter.
Metal Gear Solid est un jeu d’infiltration, qui privilégie
ainsi la discrétion à la barbarie, et qui la récompense
même. Le but du jeu, est justement de ne pas être repéré,
et si possible d’éviter de tuer. Ainsi, sans interdire
la violence, le jeu oriente le joueur et le pousse à ne pas
l’être, mais dans un souci de liberté, et de
réalisme, s’interdit de l’interdire. Il y a un
exemple concret à mettre en évidence, celui des mouettes.
En effet, nous sommes au-dessus de la mer, il y a donc des mouettes
qui volent au-dessus de la Big Shell ! Tout un chacun a du s’amuser
au moins une fois à abattre un pauvre oiseau qui n’avait
rien fait à personne. C’est amusant certes, mais recommencez
plusieurs fois, et vous aurez la surprise de recevoir un appel par
codec (système de nano-communication, une sorte de téléphone
mais dans la tête) de votre chef de mission, s’offusquant
de votre « safari », remontrance a la clé ! On
a bien là l’idée de laisser au joueur le choix,
mais de ne jamais l’encourager à être violent.
Après tout, si dans la réalité je me retrouvais
dans cette situation, qu’est-ce qui m’empêcherait
réellement de m’acharner sur ces pauvres bêtes
?
Dans le jeu, l’idée de terrorisme est aussi très
souvent évoquée, et ce de manière non manichéenne.
Oui car si les méchants sont toujours des terroristes, les
gentils aussi, puisque la quête anti-Metal Gear du groupe
Philanthropy, classe définitivement Solid Snake comme un
terroriste. Aussi, nous n'avons pas banalement une dénonciation
du terrorisme, mais bien une présentation aussi bien des
fins que des moyens. Ainsi le jeu tente bien de faire la distinction
entre terrorisme idéologique et humaniste, et celui purement
mégalomane, tout comme il fait la distinction entre le fait
de détruire une machine, et être prêt à
sacrifier des milliers d’innocents. Le jeu est donc très
clair, il ne condamne pas le terrorisme, il condamne les fins et
les moyens des actes terroristes.
Le dernier point, sur la violence (et qui s’étalera
aussi sur le prochain chapitre) est inévitablement l’utilisation,
à des fins bellicistes, de la technologie. Toute nouvelle
technologie est utilisée ou conçue directement à
des fins militaires, à des fins destructrices. Que ce soit
le premier Metal Gear, puis le Metal Gear Rex, puis le Metal Gear
Ray et enfin l’Arsenal Gear, ou encore lorsqu’elle est
évoqué, l’évolution de l’arme atomique,
l’utilisation de la technologie n’est jamais, dans MGS,
à des fins pacifistes. La science, à vertu humaniste
à la base, ne sert jamais ce pour quoi elle a été
créée.
Chapitre VI :
Un soldat n’est qu’un outil politique, rien de plus…
Voila un second plan dans Metal Gear Solid 2, l’aspect politique.
Le fait que tout se situe dans un contexte actuel (les parallèles
avec l’actualité internationale sont légions),
et aux USA, n’est pas anodin. Dans toute la saga, est évoqué
de manière constante le duel russo-américain de la
guerre froide. Loin des clichés du cinéma US où
les Russes se contentent de jouer les méchants (même
si on pourrait le croire, en ne regardant Metal Gear Solid 2 qu’en
surface), le jeu dépeint surtout un monde, qui n’en
a pas fini avec cette guerre qui voyait deux nations s’affronter
pour le contrôle de la planète et qui, pour cela, usaient
énormément de l’intimidation grâce à
leurs nouvelles trouvailles militaires. On peut donc voir là
une interprétation géopolitique de ce besoin, toujours
présent, de se sentir plus fort et plus puissant que l’autre,
à travers l’avancée technologique militaire
(et les USA sont un exemple pour tous dans le domaine). Ce n’est
d’ailleurs pas pour rien que le 3ème volet, qui vient
juste de sortir aux USA, se passe en URSS en pleine guerre froide.
Ce n’est tout simplement qu’une extension de la saga,
un retour à l’origine, à la cause de ce qui
conduit notre monde et par extension celui de Metal Gear Solid.
L’autre aspect politique mis en évidence, c’est
donc comme je l’évoquais dans le chapitre précédent,
la technologie militaire. Fer de lance de l’économie
américaine, mais aussi de sa politique. Combien de présidents
se sont appuyés sur des projets militaires pour leur campagne
? Combien de fois elle fut un argument pour les élections
? Cette mégalomanie est vivement critiquée dans Metal
Gear Solid 2, et mise en exergue par l’implication quasi constante
des hommes politiques dans les projets militaires top secret, et
en premier lieu les présidents américains (George
Sears donc, puis James Johnson). L’arme militaire devient
ainsi un outil dans les mains de puissants qui, pour leur propre
bien être, jouent avec sans prendre aucunement conscience
de ce que cela implique sur un plan plus général.
Le plus effrayant reste justement de voir que nous ne sommes pas
si loin de la réalité entre la vraie utilité
du fameux projet « star wars » et le côté
plutôt gadget d’un gosse dont le rêve se réaliserait…
Il n’y a qu’un pas (bien trop mince) entre les deux.
Et évidemment, pendant ce temps, les industries militaires,
elles, se frottent les mains car peu importe les raisons, quand
l’argent est là.
L’autre aspect politico-militaire, se situe sur un plan beaucoup
plus humain : les soldats. Combien ont reproché aux autorités
d’envoyer les soldats à la boucherie sans même
y songer, et d’utiliser les militaires comme de vulgaires
pions ? On aurait presque l’impression qu’ils jouent
à un jeu de société quand ils déclenchent
une guerre, et cet aspect là est très présent
dans MGS2 à travers la distance entre l’homme de terrain
(Raiden/le joueur) et son chef (le colonel Campbell). Ce dernier
semble donner des ordres comme une machine, alors que Raiden, bien
conscient de ce qu’il vit, se rebelle à plusieurs reprises
contre son chef en prétextant que lui est sur le champ de
bataille, lui meurt, lui tue, lui voit du sang, et que sa propre
vie, ce n’est pas un numéro de série sur une
feuille. Et pour une fois, on se retrouve (même fictivement)
à l’intérieur de la mission, et le fait que
le héros soit, par obligation, le joueur, l’aide à
prendre parti pour la cause du soldat, du pion. Après une
guerre en Irak qui a été vivement critiquée,
notamment pour le mépris total des politiciens vis-à-vis
des américains qui sont allés mourir là-bas,
cet aspect du jeu semble d’autant plus d’actualité.
Chapitre VII :
La guerre n’est pas un jeu...
Dans le prolongement des ces deux idées se trouve une troisième,
qui vient s’imbriquer dans les deux premières : celle
de la guerre vidéo ludique. Dans un premier temps, elle concerne
avant tout le joueur. Le jeu tente bien de faire la distinction
entre le réel et le virtuel ! Tuer dans un jeu ce n’est
pas tuer dans la vie, il faut bien savoir différencier. Le
joueur lui, voit ça évidemment comme une mise en garde
sur sa condition de joueur, pour qu’il ne fasse pas d’amalgame
absurde entre être un militaire dans un jeu, et l’être
en réalité. Si Hideo Kojima prend un regard moralisateur,
ce n’est pas pour blâmer le joueur, mais bien le prévenir.
Le prévenir de quoi ? De l’utilisation du jeu vidéo
pour enrôler des jeunes dans l’armée. La guerre
vidéo ludique est devenue une réalité. Depuis
quelques années déjà, beaucoup de programmes
de jeux sont utilisés pour l’entraînement des
troupes, ainsi utiliser un tank devient un jeu. De la même
manière, l’armée US a été jusqu’à
créer un jeu à sa gloire, et la Kojima attaque les
institutions, qui tentent de manipuler un certain public, en lui
faisant miroiter que la guerre ce n’est ni plus ni moins qu’un
jeu vidéo grandeur nature ! D’ailleurs, depuis quelques
temps aussi, l’armée américaine utilise des
casques à réalité virtuelle pour l’entraînement
des fantassins, et de cette même manière, la méthode
consiste à faire passer la guerre pour un jeu de rôle,
occultant de cette façon ce qu’est vraiment la guerre.
Raiden, dans le jeu, est d’ailleurs au départ un petit
jeunot inexpérimenté qui n’a jamais été
sur le terrain. Il n’a connu la guerre qu’a travers
les mission VR (pour Virtual Reality ; on pourra noter, à
ce titre, que les mission VR, simple gadget dans le premier MGS
- elles ne servaient qu’à l’entraînement
du joueur afin de maîtriser les commandes et les subtilités
du jeu - ont une place de choix dans la réflexion de ce second
épisode). Solid Snake lui fait d’ailleurs le reproche
de n’être que le produit d’une génération
formée par la virtualité des simulations militaires.
Raiden, en ce sens, n’est que l’américain lambda
qui croit connaître la guerre parce qu’il l’a
« jouée ». Une guerre dénuée d’émotions,
de peurs, d’angoisses, de tristesses, ou tout n’est
que numérique et factice. Ce n’est pas la guerre, c’est
un simulacre de guerre, et de plus en plus, toutes les nations s’acheminent
vers ce genre de formation. Bien évidemment, si Raiden est
l’américain moyen, c’est aussi et donc le joueur.
Le joueur qui croit faire la guerre à travers sa console,
au même titre que Raiden croit l’avoir fait à
travers son entraînement VR. Il y a bien un parallèle
entre le joueur et le héros, qui est poussé de manière
encore plus complexe ; mais je le mettrai en évidence après.
Chapitre VIII
: Un jeu dont VOUS êtes le héros !
Un des principes fondamentaux du jeu vidéo, c’est
de faire du joueur le héros. Ce n’est pas nouveau,
cela s’opère notamment par une projection. Quand je
joue, je ne suis plus moi, je suis le personnage. Le concept, propre
aux jeux vidéo (ainsi qu’aux jeux de rôles),
permet d’accentuer les émotions, de les rendre plus
vivantes, plus palpables ! Dans un film, si le héros meurt,
je le vois mourir ; dans un jeu, si le héros meurt, c’est
« moi » qui meurt. Ainsi, par cette méthode de
projection, on peu décupler les sensations, de peur, d’angoisse,
de joie ou de tristesse (même si ce dernier point n’a
encore été que peu exploité jusqu’à
présent). Il n’est pas rare de voir des joueurs s’énerver,
stresser, ou sauter de joie en jouant, car évidemment, le
concept est à double tranchant, car s’il décuple
les émotions positives, il décuple aussi les émotions
négatives.
Ce qui est intéressant dans MGS2, c’est que Kojima,
au contraire, va essayer de créer une barrière entre
joueur et héros, tout en créant un parallélisme.
Le héros ce ne sera plus nous, ce sera notre alter ego virtuel,
notre prolongement dans un monde virtuel. Je vous vois déjà
vous trémousser d’impatience quant à la suite,
n’est-ce pas ?
L’exemple à prendre, pour bien comprendre la chose,
c’est L’Histoire Sans Fin. Tout le monde se souvient
de ce superbe film de Wolfgang Petersen. C’est l’histoire
d’un gamin, Bastien, qui va découvrir un livre, et
petit à petit, il va s’apercevoir qu’en lisant
le livre, il interagit avec celui-ci. L’histoire se produit,
non pas parce qu’elle est écrite, mais parce qu’il
la lit, la lire fait vivre les protagonistes, tant et si bien qu’à
un moment, les protagonistes, en viennent même à communiquer
avec Bastien. Voilà, simplement, ce que propose ce jeu. Vous
devenez le penchant réel de Raiden, vous vivez de votre côté,
en le contrôlant, et c’est parce que vous jouez, que
le jeu vit. Mais bien évidemment, tout ceci n’est qu’une
illusion (un chapitre sera consacré à ça).
Détail important à noter, Raiden a un visage androgyne.
Evidemment, faire un personnage très marqué, vu les
limites du jeu vidéo, est assez difficile, aussi les visages
tendent à tous se ressembler, mais plus qu’une simple
coïncidence, c’est une volonté artistique. C’est
mis en évidence lorsque le président Johnson, tâte
les parties intimes de Raiden et s’étonne de voir que
c’est un homme. Quelle utilité ? L’auteur nous
dit clairement que s’il est androgyne, c’est à
dessein, ce n’est pas un hasard. Mais quel dessein ? Celui
de rendre Raiden le plus impersonnel possible, de manière
a ce qu’on puisse s’identifier assez facilement. Une
femme aurait sans doute du mal à se mettre dans la peau du
très viril et charismatique Solid Snake, alors que Raiden,
parce qu’il a un caractère très peu affirmé
(au début essentiellement), parce qu’il n’a aucun
charisme, parce qu’il est androgyne, est plus universel, plus
passe-partout, plus assimilable par chacun.
J’ai déjà parlé, du parallélisme
entre Raiden, le bleu qui ne connaît que la guerre virtuelle,
et le joueur, qui ne la connaît que de cette manière
aussi, et bien j’ai volontairement omis un détail,
celui du fait qu’avant d’être envoyé sur
la Big Shell, l’entraînement virtuel qu’a subi
Raiden n’est autre que…la reconstitution de l’incident
de Shadow Moses ! Ainsi, lui aussi jouait à Metal Gear Solid
premier du nom…comme le joueur ! On voit là clairement
la mise en évidence que Raiden n’est ni plus ni moins
que le double virtuel du joueur. Là où les autres
jeux tentent de nous faire entrer dans la peau d’un personnage
inventé, MGS2 nous propose de nous retrouver nous même,
notre doublure numérique… Et si MGS2 ne nous refaisait
pas vivre une vie fantasmée, à travers notre propre
vision du jeu vidéo ?
Chapitre IX :
Parallélismes et déjà-vu...
Ce que l’on pourrait reprocher dans un premier temps au
jeu, et qui se révèle avoir une importance capitale,
c’est l’impression de déjà-vu… En
effet, nombre de scènes ne sont ni plus ni moins que des
copiés-collés de scène du premier Metal Gear
Solid, parallélisme réutilisé aussi dans les
suites de Matrix. La première idée qui nous vient
à l’esprit, c’est le manque d’originalité.
On peut noter, pêle-mêle, le duel final familiale, la
séquence de la route barrée par un sol électrifié,
une scène dans un couloir où des soldats ont été
massacrés, la mort brutale de deux personnes dans des conditions
douteuses, le virus (l’un biologique, l’autre numérique),
la séquence de torture, et aussi, la présence d’un
ninja ! Kojima joue d’ailleurs sur ce parallélisme,
puisque dans le premier épisode, le ninja se faisait appeler
Deepthroat, et lorsque le ninja dans le second opus dit aussi s’appeler
Deepthroat, et que Raiden le lui fait remarquer, le ninja décide
de se renommer Mister X… Deepthroat, le nom du premier informateur
de Mulder dans X-Files… Et Mister X ? Le nom du second informateur
de Mulder dans X-Files… Le ninja jouera d’ailleurs à
chaque fois le rôle de l’ange gardien et de l’informateur,
et comme à chaque fois, viendra pour sauver le héros
juste avant de combattre le Metal Gear (respectivement Rex et Ray).
Et comme à chaque fois, le ninja se révèlera
être une personne qui voulait, à l’origine, liquider
Solid Snake…
Mais où cela nous mène t-il ? Quel intérêt
? Et bien, l’intérêt est dans le « S3 »,
la fameuse Simulation de Solid Snake, cette simulation qui cherche
à créer le guerrier parfait, digne héritier
de Solid Snake ! L’intérêt n’était
donc que de récréer (mais de manière réel
pour les protagonistes) les évènements de Shadow Moses…
De la même manière, la Dead Cell remplace la Fox Hound,
et Solidus, vient remplacer Liquid. En fait, tout ça n’était
qu’une mascarade, une vulgaire re-création de ce qui
existait déjà. Pour Raiden, ce n’est que revivre
en vrai la mission qu’il a faite en VR, mais pour le joueur
? C’est bien plus complexe en fait. Pour le joueur, il s’agit
de faire exactement la même chose, comme si les jeux vidéo,
le virtuel, n’était que reproduction, copie de copie
de copie… En jouant à MGS2, on ne fait que jouer à
MGS1, on reproduit le même schéma, on n’évolue
pas, on stagne.
Chapitre X :
Réalité ou virtuel ?
Nous entrons enfin dans le fameux parallèle Matrix/Metal
Gear Solid. La différence entre réel et virtuel était
le sujet central du premier Matrix, mais alors que tout ce qui était
réel, et/ou virtuel, demeurait dans le film, l’intérêt
de ce jeu est de faire en sorte que le virtuel reste (plus ou moins)
dans le jeu et qu’à l’inverse, le réel
soit (plus ou moins) à l’extérieur du jeu. Qu’est-ce
que cela veut dire ? Simplement que dans le jeu, ce qui s’y
passe est fictif et que le jeu prend en compte l’extérieur
! En clair, on a, principe du jeu vidéo oblige, un univers
créé, mais cet univers n’est pas clos, il prend
en compte (sans l’englober) l’univers réel. Ainsi,
de la même manière que Raiden était un parallèle
au joueur, alors qu’habituellement, le joueur devient le héros,
le jeu vidéo, habituellement, nous intègre à
un univers. Il ne fait plus qu’un avec la réalité,
nous n’avons pas deux univers, quand nous sommes dans un jeu
vidéo, nous sommes dans un seul univers. Principe classique,
puisque de la même manière pour permettre à
quelqu’un d’entrer dans un film ou un livre, il faut
que le spectateur/lecteur entre dans l’univers. Là
on a tout l’inverse, Kojima dresse des barrières pour
indiquer de manière nette où est le virtuel et où
est le réel, alors que le joueur, lui, fait tout pour entrer
dans cet univers.
Un des moyens employés pour cela est l’invraisemblance.
Dans le jeu, relativement hollywoodien, nous sommes dans un univers,
certes assez prématuré (dans le sens où, s’il
se passe à peu près de nos jours, ce n’est pas
demain la veille qu’on verra un Metal Gear Ray), mais réaliste.
On reste dans un univers assimilé/réalité.
On a une gestion politique réaliste, on a des parallèles
à des évènements réels, on a un environnement
lui aussi très commun (au large de New-York, de l’Alaska),
et à l’inverse, on a des éléments totalement
fantasques, qui coupent définitivement le cordon avec l’aspect
réaliste du jeu. Je pense notamment au vampire (qui en a
toutes les caractéristiques, il marche sur l’eau, bois
du sang, est rapide comme l’éclair…), à
Fortune, que les balles ne peuvent atteindre, comme si la magie
la protégeait, ou encore Psycho Mantis dans MGS1 qui avait
des pouvoirs psychiques, et pouvait lire dans les pensées
notamment (les Wachowki ont d’ailleurs utilisé ce concept,
notamment avec les jumeaux fantômes de Matrix Reloaded)..
Ca rompt tellement avec le réalisme du reste que même
les protagonistes viennent à s’interroger sur la réalité
des faits, Raiden en premier lieu (l’alter ego du joueur donc).
Comment nous faire croire à un univers réaliste si
on le saupoudre d’aspects purement fantastiques ? Une des
règles, dans l’art, c’est de créer un
univers, et de s’y tenir. Un univers doit être crédible,
non pas par rapport à l’univers réel, mais par
rapport à l’univers qu’il crée. Si je
vois Superman voler, ça ne me dérange pas, car c’est
en accord avec l’univers du film, maintenant, malgré
l’aspect totalement fictif, si Luke Skywalker se mettait à
voler dans Star Wars, ce serait ridicule, car en désaccord
avec l’univers créé. Et bien cette règle
basique, Kojima la brise, justement pour ne pas qu’on puisse
trop s’intégrer à l’univers.
Dans Matrix, on avait un questionnement, sur la réalité,
sur qu’est-ce que le réel, sur suis-je bien dans le
réel ? Des questions directement liées au doute cartésien,
à son doute absolu sur la réalité des choses,
et sur la différentiation entre les voir, les sentir, les
toucher, et le fait qu’elles existent. On se retrouve donc
dans le même schéma, Raiden, le héros, venant
à se demander « Mais est-ce que cela est bien réel
? » mettant lui-même en doute son propre univers. Il
en arrive même à se demander s’il existe, parce
que suite à un petit incident il va apprendre quelque chose
de très surprenant. En effet, alors que l’on se dirige
vers la fin du jeu, celui-ci se met carrément à dérailler,
de manière totalement absurde. On se met, à déambuler
tout nu (véridique) dans les couloirs de l’Arsenal
Gear, alors que par codec le chef se met à divaguer. Il donne
des ordres correspondant aux précédents Metal Gear
(« tu dois sauver Meryl » « Il faut que tu t’infiltres
dans la base d’Outer Heaven » etc…), ou à
délirer sur sa vie antérieur, où il aurait
été un vers de terre (sic)… Puis d’un
seul coup, comme avec un éclair de génie, il nous
dit « ce n’est qu’un jeu, juste un jeu, éteins
ta console »… Oui mais et si ? C’est vrai, ce
n’est qu’un jeu vidéo, si ça devient n’importe
quoi, je l’éteins, où est le problème
! Mais qui m’en a donné l’ordre ? Un personnage
dans le jeu, une suite de 1 et de 0 ! Incroyable, la personne la
plus sensé qui m’ait parlé, se révèle
être un personnage fictif ! Si j’éteins ma console,
je n’aurais fais qu’obéir à quelque chose
qui n’existe pas, si à l’inverse je joue encore,
j’en reviens à ne pas suivre ce qui me parait le plus
logique… Quel dilemme ! Mais, au fait, comment ce truc a fait
pour savoir que ce n’est qu’un jeu ? Comment diable
l’a-t-il su ? Moi qui ai tout fait pour rentrer dans le jeu,
m’en voilà éjecté, par la prise de conscience
que ce n’est qu’un jeu, et ce grâce à un
personnage, qui ne vit qu’à travers le jeu ?
La voilà la prise de conscience, la différence entre
le réel et le virtuel. Elle me crevait les yeux, et il a
fallu que ce soit un personnage du jeu qui dans un élan de
folie, sorte de sa condition, et tutoie le monde réel (en
en ayant conscience), et vienne me sortir de ma condition, où
je prenais le jeu pour la réalité. Malgré tous
les efforts de Kojima, on est rentré dans son jeu, on l’a
pris pour réalité, et il a fallu que ce soit le jeu
lui-même qui tente de nous faire sortir. Oui mais voila, malgré
ce que m’a dit ce personnage, cette suite de chiffre, je n’ai
pas réussi à en sortir, malgré tous les efforts
pour que je prenne conscience de ma condition, ça n’a
pas pris. Pourtant l’évidence est là, tout est
faux, tout est absurde, rien n'est vrai, pourtant j’ai décidé
de suivre ce qui n’a pas de logique, je suis ce qui est absurde,
je descends au fond du terrier, tenter de trouver un lapin blanc
qui est tout le temps en retard…
Mais quel intérêt à cela me demanderez vous…
Et bien l’intérêt, il est simple : faire prendre
conscience au joueur de la distinction entre réel et virtuel,
qu’il ne fasse pas d’assimilation entre les deux, pour
diverses raisons, et notamment une évoquée plus haut,
concernant la guerre virtuelle. Mais il y a bien plus que ça
évidemment, cependant je tiens à garder le meilleur
pour la fin aussi je ne vous en dirais pas plus maintenant.
Chapitre XI
: L’illusion de la liberté...
Le jeu vidéo, c’est exactement ça : l’illusion
de la liberté. Chaque partie est différente, à
l’inverse d’un livre que l'on relit, d’un film
que l'on revoit, ou d’une musique qu’on réécoute
et qui ne changent jamais, deux parties de jeu vidéo ne seront
pas pareil. Pas pareil certes, mais dans une certaine mesure évidemment,
car, la liberté n’y est qu’illusoire ! Disons
que le jeu vidéo, c’est une longue suite de couloirs
; alors oui on peut s’arrêter, oui on peut zigzaguer,
oui on peut ralentir et accélérer, mais les choix
restent très limités. Un jeu vidéo, c’est
donner l’impression de liberté, nous faire croire qu’on
a un quelconque pouvoir sur le monde où l’on s’exprime.
Se dire que ce qu’on fait, on le fait parce qu’on en
a envie. Pourtant tout n’est que script, tout est dirigé.
On a des couloirs à la place de rails, mais il n’y
a pas de liberté. Le déroulement reste toujours le
même les événements ne varient pas (ou rarement)
la fin et le début sont les mêmes, l’histoire
aussi, les héros aussi, tous les protagonistes voient leurs
rôles rester identiques… Tel une pièce de théâtre,
chaque représentation est pourtant différente, mais
l’intéressant dans le jeu vidéo demeure bien
évidemment le fait qu’on ne soit pas passif, que les
différences, ce soit nous qui les choisissions. Voilà
pourquoi tout l’intérêt du jeu vidéo reste
dans son interactivité, de faire sentir au joueur qu’il
a du pouvoir, une certaine forme de contrôle. C’est
évidemment une des bases du jeu vidéo et c’est
ce qui fait sa popularité. Mais si ce n’était
pas le seul cas de figure ?
Car Hideo Kojima a choisi une approche radicalement différente,
et même opposé. Le jeu est ultra scripté, mais
aussi très bavard. On n’a en réalité
que très peu de phases de jeu jouable, on a presque affaire
à un film interactif, mais le voir de cette manière
serait limiter la vision de l’homme qui a poussé le
vice beaucoup plus loin. Il sait que le jeu vidéo est dirigiste,
il sait que le sien l’est encore plus, et il sait qu’un
jeu vidéo permet de s’évader en donnant l’illusion
de la liberté. Lui va faire exactement l’inverse, il
va rendre son jeu emprisonnant, étouffant, liberticide, et
va l’annoncer clairement. Oui je vous ai manipulé,
oui je vous ai contrôlé, oui vous n’avez fait
que suivre le fil d’Ariane, et je m’en félicite.
Voilà l’arrogance de Kojima-san. Ils nous annoncent
qu’il va faire exactement l’inverse de ce pour quoi
on joue aux jeux vidéo, et va s’en servir contre nous,
pour briser nos espoirs, nos illusions de liberté, et évidemment
le héros étant toujours connecté au joueur,
si l’un n’est pas libre, l’autre ne l’est
pas plus…
Chapitre XII
: Simulacre et simulation...
Laissez moi vous raconter une petite histoire : Au 19ème
siècle, un certain professeur Charles Lutwidge Dodgson tenta
de prouver que l’on pouvait, à partir de quelque chose
d’absurde, à partir d’une proposition fausse,
construire un univers cohérent, et le rendre plausible aux
yeux des gens, malgré son absurdité évidente…
C’est le principe de logique absurde. Ce fameux professeur
eu l’idée d’utiliser ce principe en littérature,
et lorsqu’il eut un peu de temps libre, il écrivit,
sous le pseudonyme de Lewis Carroll (auteur de Alice au pays des
merveilles et A travers le miroir).
Voilà ce qui nous intéresse. La logique absurde.
On est en plein dans l’absurdité de l’histoire
de MGS2, dans ce qu’elle à de moins logique, pourtant,
on est pris, manipulé… On le sait, on nous le dit,
et pourtant on y va quand même. Quelle bien étrange
mécanique que le cerveau humain. Hideo Kojima va donc, et
ce par le même procédé que les frères
Wachowski qui nous faisaient gober l’absurde et nous manipulaient
au travers de leur trilogie, diriger le joueur, en faire ce qu’il
veut, le diriger là où le bon sens ne devrait pas
le mener.
Ce qui est faux va être pris pour vrai, non pas parce que
c’est vrai, mais parce que c’est la seule réalité
disponible. Parce qu’on n'a pas d’autre « point
de vue », parce qu’on n'a finalement pas de quoi comparer,
alors l’image qu’on nous offre d’une réalité
devient ce qu’on admet comme vrai et se substitue à
la réalité, quelle qu’elle soit. C’est
ça un simulacre. Et on est en plein dedans. De la même
manière que les Wachowski utilisaient les idées de
Beaudrillard pour leur trilogie, Hideo Kojima les utilise lui aussi
mais en transcende le principe, par l’utilisation ET de la
réalité, ET du virtuel (alors que chez les Wachowski,
média cinématographique oblige, le tout tenait dans
le même univers). Rien n'a changé depuis tout à
l’heure. Raiden est toujours notre alter ego virtuel, et le
joueur est toujours le sien dans la réalité. Pourtant,
alors que cette virtualité tombe dans un puis sans fin, on
ne fait pas sortir Raiden de sa condition, on se perd dans la sienne,
en sombrant avec lui. Le virtuel a-t-il réellement autant
de pouvoir pour faire ça ? Assurément oui, puisque
je suis en plein dedans, j’ai admis ce qui était absurde,
j’ai brisé toutes les barrières, malgré
les avertissements. Désormais, Raiden ce n’est plus
moi, je suis Raiden, et son monde est désormais le mien.
A travers lui, je suis devenu lui, une suite de 1 et de 0, je suis
virtuel, je n’existe plus dans la réalité.
Chapitre XIII
: Une lumière au bout du tunnel...
On est plus dans la réalité, c’est un fait,
on admet tout, rien n’est impossible, on croit à l’incroyable.
Oui mais rien n’est fini, tant que l’auteur ne l’a
pas dit. Et rien n’est encore joué. Voici la phase
finale, Solidus Snake, le 3ème enfant de Big Boss, est face
à nous. Il voulait détruire le monde ? Et bien soit,
on est là pour l’en empêcher. Mais pour quoi
? Pour qui ? Le président Johnson nous a appris que lui-même
n’était qu’un pion des Patriotes, et que sa traîtrise,
qui a permis à Solidus de s’emparer de l’Arsenal,
n’avais pour but que d’obliger les Patriotes à
négocier avec lui et en faire un membre à part entière.
Malheureusement, Solidus lui, a décidé que la destruction
des Patriotes serait son seul objectif. Les Patriotes, eux qui lui
ont fait quitter la présidence, eux qui ont juré sa
mort, eux qui ont renié l’incident de Shadow Moses,
provoqué par Solidus, eux qui vous ont envoyé, vous
Raiden (il n’y a plus de vous, vous n’existez plus),
pour tuer Solidus… Je ne suis qu’un vulgaire pion moi
aussi. J’avais en ma possession un virus, censé détruire
le système GW de l’Arsenal Gear, son IA, malheureusement
je n’ai fait que détruire toutes les preuves de l’existence
des Patriotes. Olga ? Olga, autrement dit la rescapée du
tanker, mais aussi le ninja, le fameux Mister X, envoyé par
les mêmes Patriotes pour me protéger, m’aider,
car si je meurs, son bébé meurt, ainsi ma vie est
liée à son destin. Et ce fameux « S3 »,
suis-je devenu Solid Snake ? Pourtant il est là, je peux
le voir… Mais le voir est-il une preuve ? Et mon chef ? Le
colonel Roy Campbell ? Ce n’était autre qu’une
IA, lui aussi, et le virus injecté dans le système
GW l’a altéré, c’est pour ça qu’il
délirait. Il n’a pas pris conscience, bien au contraire,
il était fou, il n’a jamais été plus
insensé qu’à ce moment là.
Oui mais voilà, c’est quand on croit que tout est
fini que vient le miracle, et il se prénomme Shalashaska,
alias Revolver Ocelot, traître parmi les traîtres…
Il avoue tout, il est responsable de l’incident du tanker,
de Shadow Moses, de la manipulation, de tout. Fortune sait maintenant
que c’est lui le responsable de la mort de son père,
elle va le tuer mais… Ocelot tire et… Elle est touchée
? Comment est-ce possible ? Ocelot a réponse à tout,
pas de magie, pas de miracle, pas de don, si les balles ne la touchaient
pas, c’est parce qu’elle était équipée
d’une protection électromagnétique, rien de
plus. Quelle douce illusion. Mais ça ne s’arrête
pas là, dans un grand élan de prose, Ocelot reconnaît
aussi qu’il travail pour les Patriotes, et qu’il n’a
jamais eu l’intention d’aider Solidus… Traître
! Traître… Pourtant nous sommes dans le même camp
! Sauf que je suis manipulé, lui est le manipulateur.
Désormais, tout est sur le point de s’achever. L’Arsenal
Gear s’est mis en marche, et se dirige droit vers New-York.
C’est la fin… Où sommes nous ? Sur le toit du
Federal Hall ? Là où il y a plus de 200 ans, le 30
avril, comme aujourd’hui, George Washington prêta serment
afin de devenir le premier Président des Etats-Unis, après
que les Américains eurent gagné leur liberté.
Voilà ce que voulais Solidus, mon… père. Mon
père, car quand j’étais plus jeune, j’ai
fait parti d’un groupe d’élite militaire composé
uniquement d’enfants, et c’est lui, Solidus, qui m’a
formé. Ce que Solidus veut, c’est reprendre aux Patriotes
la liberté, les droits de l’homme, le libre-arbitre,
tout ce dont nous privent les Patriotes. Oui mais voilà,
ce sera lui ou moi, je dois tuer Solidus, tels sont les ordres,
et je n’ai pas le choix, sinon le bébé d’Olga
meurt, et Solidus doit me tuer, je ne suis qu’une marionnette
des Patriotes. Un duel, entre le père et le fils, sur le
symbole de la liberté, ainsi nous deviendrons les fils de
la liberté.
Chapitre XIV
: Le flot d’information...
Qui sont les Patriotes ? Des entités mouvantes, nées
de l’information, de nous, de notre histoire, de notre passé,
de notre existence. Ils ne sont rien et pourtant ils sont tout.
Ils gouvernent les USA, le monde. Pourquoi ? Parce Qu’ils
en contrôlent l’afflux informatif. Qui fait notre histoire
? Les livres, ou ce qui est écrit dedans, mais qui contrôle
ce qui y est écrit ? Qui peut dire si ce qui s’y trouve
est vrai ou faux ? Comment vérifier ? On apprend en lisant,
en écoutant, mais si ce qu’on lit et ce qu’on
entend est faux, comment sauront nous où est le réel,
le vrai ? Comment le distinguer, sachant qu’on nous dicte
ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, ce qui est
bon et ce qui est mauvais ? Les Patriotes contrôlent tout,
c’est une évidence, et leur pouvoir est justement qu’on
ne sache pas ce qui est contrôlé, modifié, changé,
effacé, inventé…Si l’histoire fait le
présent, s’ils contrôlent l’histoire, alors
ils font le présent, et si le présent n’est
que la porte vers le futur, alors ils contrôlent le futur
aussi. Comment fait-on le passé ? Pas en le vivant, en l’écrivant
comme on le souhaite, c’est ça contrôler l’information.
L’information nous fait, nous invente. S’ils la contrôlent,
alors ils nous contrôlent tous. La mémoire est trop
vague, trop courte, l’être humain trop éphémère,
pour contenir l’information. Pour la maintenir, il faut l’écrire,
afin de la partager. Mais si ce qu’on écrit n’arrive
jamais aux autres, si se sont ce que les Patriotes écrivent
qui se transmet, alors notre histoire n’est qu’illusion,
notre vérité est la leur, celle qu’ils ont crée
pour faire de nous ce qu’on est.
D’ailleurs c’est ce qu’ils craignent, que l’information
leur échappe. Internet, le peer to peer, voilà bien
leur phobie, une information qui se diffuse en continue, sans moyen
de contrôle, et l’information digitale est virtuellement
éternelle. Elle est trop instable, cette information numérique,
trop rapide, trop mouvante, pour être contrôlé
par les Patriotes, voilà ce qui pourrait nous rendre notre
liberté. L’information numérique, c’est
trop de pouvoir entre nos mains, trop pour des individus d’une
espèce aussi faible, disent-ils, aussi ils ne peuvent se
permettre de la laisser entre nos mains. Mais les Patriotes sont
bien trop malins, et nous encore bien trop faibles. Le bug de l’an
2000, vous savez, cette phobie. Orchestré par les Patriotes.
Pourquoi ? Afin de diffuser un programme de contrôle de l’information
numérique. Ils l’ont distribué gratuitement,
ainsi, la liberté que l’on pouvait retrouver, on la
leur a gentiment rendu, et sans protester. De cette peur pour quelque
chose qui n’a jamais eu lieu, nous avons perdu notre liberté,
qui sait si nous aurons une autre chance de la retrouver ?
Chapitre XV
: Le libre-arbitre...
Pourquoi les Patriotes font-ils ça ? De quel droit ? Selon
eux, l’homme est faible, il ne mérite pas sa liberté.
Il vit dans l’ignorance, et s’en contente. Pourquoi
aurait-il droit à la liberté ? Les Patriotes font
notre histoire, nous font comme ils l’entendent, pour notre
bien disent-ils. Ils ont réussi à codifier la vie
elle-même, à la faire devenir un flux d’information.
Le seul problème, c’est que l’ADN ne transmet
pas tout, nous n’avons pas de mémoire génétique,
ni culture, ni histoire, ni idéaux, rien ne se transmet par
le sang. Aussi, nous somme tous vierge d’informations à
la naissance ; les Patriotes, ont donc décidé de créer
l’information selon un protocole très stricte, afin
de faire non pas ce que l’on voudrait être, mais ce
qui est bon pour nous… Selon eux, si l’information était
libre, elle ralentirait le progrès social, diminuerait le
niveau d’évolution. C’est donc en leur «
âme et conscience » qu’ils ont décidé
de nous formater, afin que nous soyons meilleurs, plus compétitifs.
Pour eux ce n’est pas de la censure, c’est juste un
contrôle dans un but purement humaniste… La société
est selon eux trop contradictoire pour qu’elle puisse se gérer
elle-même. Il n’y a aucune logique à ce que des
gens meurent de faim alors que l’on fait des dons pour des
espèces en voie de disparition, aucune logique quand on sait
que la société affirme qu’on est tous unique,
spécial, et qu’elle prône le fait d’être
meilleur que les autres, il n’y a rien de plus absurde, que
de nous dire d’être gentil avec autrui, et de nous dire
qu’il faut marcher sur les autres pour réussir. Voila
pourquoi ils se donnent le droit de nous contrôler, de manier
à leur guise l’information, afin de filtrer ce qui
n’est pas bon, et de conserver ce qui l’est. Qui s’en
apercevra, puisque l’information manquante n’existera
jamais officiellement ?
Nous avons exercé notre droit à la liberté,
voilà ce que ça a donné. Un échec. Les
gens ont peur des autres, se renferment sur eux-mêmes, fondent
leurs communautés et se retranchent dans celles-ci, créant
leur propres vérités qu’ils croient pouvoir
imposer aux autres. Trop de vérité tue la vérité,
comme personne n’a raison, chacun fini par être en conflit.
Aussi ils sélectionnent les vérités, afin de
stimuler notre évolution, car c’est leur devoir en
tant que dominant, de diriger les dominés. Bien sur, de quel
droit peuvent-ils faire ça ? Décider à notre
place. Parce que d’après eux, parmi toutes les ordures,
seuls eux sont capables de choisir de manière sur ce qui
est bien ou non. Pourtant chacun veut être libre, choisir
sa propre voie et sa propre voix. Etre libre, décider, être
capable de transmettre ce que l’on a choisi. Ce a quoi ils
rétorquent que ces idées, ce ne sont pas nous même
qui nous les donnons, mais les autres, la masse d’information.
Aussi comment savoir si c’est juste ? D’après
eux, ce sont les seuls a discerner le bien du mal, ce qui est bien
pour nous et mal pour nous. Ils veulent créer notre moral.
Puisqu’il n’y a pas réellement de « moi
», que le « moi » n’est jamais qu’un
masque qui couvre ce qu’on est vraiment, puisque le «
moi » fait de fausses vérités, est ce qui nous
contrôle et qu’il est fait uniquement de ce que nous
apportent les autres. Nous avons là démontré
à quel point on est incapable de nous servir de notre libre-arbitre,
d’assumer notre liberté. Dès que nous avons
un problème selon eux, nous renions tout, nous essayons de
nous créer une réalité plus accommodante, afin
de nous sentir mieux ! Ce refus de la réalité est
une preuve qu’on a abusé de notre liberté de
choisir. Nous ne méritons pas d’être libre.
Mais tout ça alors, pourquoi ? Cette simulation, ce simulacre,
à quoi bon ? Tout simplement parce qu’Ocelot n’a
pas dit la vérité. Le plan « S3 » ne voulait
pas dire « Simulation de Solid Snake » mais «
Sélection pour la Santé mentale de la Société
». Ce n’est pas une simulation pour faire de moi un
guerrier, non, c’est tout simplement un protocole, un programme
qui cherche à faire de nous ce que nous sommes, un système
de contrôle en série. Si le programme a recréé
les événements de Shadow Moses, c’est pour la
simple et bonne raison que c’était, par leurs conditions
extrêmes, le test même ! Et si c’est moi qui ai
été choisi pour ce programme, c’est à
cause de ma faiblesse, de mon refus de la réalité,
le fait que je sois malléable, contrôlable…
Chapitre XVI
: Liberté...
Voilà, c’est moi contre Solidus… Il vient de
me l’avouer, il a tué mes parents. Pourquoi ? Pourquoi
! Parce qu’il avait besoin d’avoir un fils, parce qu’il
ne peut pas en avoir, car comme tous les monstres du projet Les
Enfants Terribles, il est stérile. Il a fait de moi ce que
je suis, un monstre entraîné a tué, parce que
c’était pour lui un moyen de me « transmettre
» ce qu’il est. Il m’a artificiellement créé
pour ce jour. Pour ce moment. Là où tout aura un sens.
Il faut que je l’affronte, sous peine de sombrer dans mon
passé, de ne jamais avancer, de rester enfermé dans
ma double spirale. Il faut que je me libère.
Pourtant les Patriotes me disent que je ne suis qu’un pion.
Rex et Ray, deux noms de code d’avions japonais attribués
par les américains. Raiden, c’était aussi le
nom d’un chasseur japonais. Et quel nom lui ont donné
les américains ? Jack… Mon propre prénom. Je
ne suis qu’une arme qu’on utilise, puis qu’on
jette, voilà ce que je suis aux yeux des Patriotes. Mais
une arme a un but, et mon but est de tuer Solidus…
Solidus est mort désormais, mort pour la liberté,
mort en ce 30 Avril, perché sur la statue de George Washington.
Moi je suis libéré, j’ai accompli ma mission,
je suis désormais libre… Tout du moins je l’espère.
Solidus m’aura au moins appris quelque chose : la liberté
est quelque chose qui se gagne, qui se chéri, il faut se
battre pour elle, ne jamais renoncer. Nous nous sommes tous les
deux battus pour elle, chacun dans un camp. Mais ensemble nous avons
gagné, même si c’est moi qui suis devenu le fils
de la liberté.
Chapitre XVII
: Qui suis-je vraiment ?
Snake, qui suis-je vraiment ? Je veux dire, ne suis-je vraiment
que la somme d’informations que les Patriotes m’ont
transmises ? Suis-je donc esclave de ce qu’ils ont bien voulu
me donner ? Suis-je vraiment quelqu’un alors que je ne sais
même pas si ce que je suis est vrai ? Ma mémoire et
mon passé sont deux fardeaux que je dois porter dis-tu ?
Mais comment les assumer, s’ils sont faux ? Peu importe…
Tu crois ? Peu importe la réalité, rien de tout ceci
n’a besoin de l’être. Il n’y a aucune certitude,
la réalité n’est jamais que celle que me dicte
mon cerveau… Tu as raison. Mais en quoi dois-je croire ? Que
dois-je espérer ? Les Patriotes, une illusion eux aussi ?
Peut-être, c’est vrai, étant donné que
ma réalité n’en est pas forcément une.
La foi ? Croire ? Mais en quoi ? Ce que je veux transmettre ? Léguer
? Oui mais quoi ? Ce que je veux apporter au futur, mais comment
savoir ? D’accord, tu as raison, je ne devrais pas tant m’en
faire, ce ne sont que des mots, il faut voir derrière les
mots, y trouver un sens, et décider… Y trouver son
nom, et y trouver son futur. Recommencer à zéro, choisir
mes souvenirs, mes envies, mes désirs, et les vivre.
Quoi ? Ca ? Une plaque d’identification. Non je n’ai
aucune idée à qui elle appartient, pourtant je la
porte depuis le début. Nom… Prénom… Groupe
sanguin… Date de naissance… Sexe… Nationalité…
Rien ne me correspond, je ne vois vraiment pas. D’ailleurs
je ne vais plus la porter, je n’en ai plus besoin, j’ai
ma propre vie à vivre, mon propre futur à construire.
Chapitre XVIII
: I can’t say goodbye to yesterday…
Rosemary était la, à attendre Jack… Qui est
Rosemary ? Personne ne le sait vraiment. Sa fiancé depuis
plus de deux ans, mais aussi une espionne des Patriotes semble t-il.
Mais Rosemary est bien plus que ça, c’est une parcelle
d’humanité, un morceau de réalité dans
tout ce simulacre. Pendant la mission, elle prenait des nouvelles,
elle s’inquiétait, elle ramenait Jack à la réalité.
Elle était la seule a s’intéresser à
lui, et à rien d’autre. Rosemary était la seule
différence entre Jack et le joueur, Rosemary appartenait
à Jack, et à personne d’autre. Rosemary était
la seule à s’intéresser au passé de Jack,
passé qui lui appartient, et qui n’est à personne
d’autre (pas même le joueur). Rosemary est un symbole,
car elle n’a pas d’identité fixée, Jack
ne sait pas réellement qui elle est, mais il l’aime
et c’est tout. Il illustre là tout simplement les propos
de Snake : peu importe la réalité, l’important
c’est de vivre. Et vivre pour Jack, commencera par transmettre
ses gènes à son futur enfant…
Le titre de ce chapitre s’explique par la musique de fin.
Jack a jeté la plaque d’identité au nom du joueur
(en effet, le joueur, au tout début du jeu, entre ses «
coordonnées » en ignorant pourquoi). Il refuse sa vie
dictée par le joueur, par le jeu, par un programme, il est
libre et choisi sa vie. Quoi de plus beau que du jazz ? Le jazz,
symbole de la liberté, par son goût prononcé
pour l’improvisation, exacte opposé de la vie contrôlée
par les Patriotes et promise à Jack. Et quoi de plus beau
que les images de New-York et de ses passants, image même
de la vie et du cosmopolitisme pour illustrer le tout ?
Comme le dis si bien Snake : « La vie ce n’est pas
que transmettre nos gènes. On peut laisser derrière
nous bien plus que notre ADN. Pensées, littérature,
musique, films, ce qu’on a vu, écouté, ressenti,
haine, joie, tristesse… Ce sont les choses que je veux transmettre.
C’est pour ça que je reste en vie. Nous devons transmettre
la flamme, et laisser nos enfants lire nos écrits et voir
notre triste histoire par eux-mêmes. Nous avons toute la magie
de l’âge digital pour nous aider. L'espèce humaine
finira sans doute par disparaître un jour, et d’autres
espèces règneront sur la planète. La Terre
n’est pas immortelle, mais nous avons la responsabilité
de laissez autant de traces de notre existence que possible. Construire
le futur et maintenir en vie le passé est une seule et même
chose. »
Chapitre XIX
: Epilogue...
Voilà, c’est presque tout, Metal Gear Solid 2 –
Sons of Liberty, une œuvre pas comme les autres, réellement
à part dans le milieu du jeu vidéo, mais aussi de
manière générale. Jamais certains concept n’avaient
été poussé aussi loin, certains étaient
même inexistants car impossible sans l’apport d’un
média interactif. Vous êtes manipulé, aussi
bien en tant que joueur qu’en tant que héros. On est
manipulé d’un bout à l’autre, et ce de
manière consentante et surtout transparente, invisible, indicible.
Le plan « S3 » n’était en fait qu’un
plan destiné à fabriquer en série des «
esclaves »… « S3 », Metal Gear Solid 2…
Et si ce fameux plan « S3 », c’était le
jeu ? Après tout, ce qu’a vécu Jack JE l’ai
aussi vécu, ainsi que tous ceux qui ont joué au jeu…
Définitivement, nul n’échappe aux Patriotes.
Désormais, la suite sera dans le passé, car le futur
et le passé son liés. Rendez-vous dans Metal Gear
Solid 3 – Snake Eater, afin de connaître la fin de l’histoire…
Après tout, qui sont réellement les Patriotes et le
La-Li-Lu-Le-Lo…
Kupper
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