Lounatcharski,
un intellectuel parmi les bolchéviques
Le poète
de la révolution
Qui est l'homme qui se définissait comme un "
intellectuel parmi les bolchéviques " et que les
soviets nomment à l'unanimité le 26 octobre 1917
à la tête du Narkompros, " Commissaire du peuple
à l'Instruction publique "? Seul Commissaire avec
Lénine et Trotski à être applaudi par l'assemblée
lors de sa nomination, Lounatcharski montre dans sa politique
éducative et culturelle des prises de position singulières
qui ont donné à ses quelques années de pouvoir
en Russie soviétique un aspect original. On doit à
sa fermeté le sauvetage du patrimoine artistique après
la révolution et à sa tolérance l'émergence
d'un programme de mise en valeur unique et original de l'art
moderne. Mais, pur produit de l'éclectisme russe, si Lounatcharski
parvient un temps à concilier les extrêmes dans
un improbable compromis, il dresse finalement un constat d'échec
de l'art d'avant-garde dont il précipite la fin de l'expérience,
ouvrant la voie au réalisme socialiste avant d'être
lui-même discrédité par le pouvoir stalinien.
Anatoli Vassiliévitch Lounatcharski est né à
Poltava (Ukraine) en 1875. Fils d'un Conseiller d'Etat, il est
élevé après la mort de celui-ci à
Nijni-Novgorod par un beau-père de tendance radicale.
Pendant ses études à Kiev, il entre dans un cercle
marxiste. Les portes de l'Université se ferment. Il part
à Zürich étudier avec Avenarius. Lors de ses
études en Suisse, Lounatcharski, nourri des lectures de
ses philosophes favoris, Avenarius, Spencer, Schopenhauer et
Nietzsche, critique, alors qu'il n'a que 19 ans, les idées
de Plékhanov à qui il reproche de négliger
le côté émotionnel et éthique de l'idéologie
scientifique-socialiste. Après son retour en Russie en
1898, membre d'un groupe social-démocrate, Lounatcharski
est arrêté, emprisonné, puis envoyé
en exil à Kalouga et Vologda où il a l'occasion
de fréquenter de nombreux intellectuels et marxistes comme
Bogdanov , Bazarov, Berdyaev avec lesquels il débat avec
âpreté mais, selon ses propres termes, sans fanatisme:
"Je recevais toujours les arguments des opposants (comme
je le fais maintenant) avec toute mon attention et toute mon
objectivité. A cause de cela, je n'ai encore jamais pris
aucune position avec l'absolue résolution qui est la prérogative
d'un véritable fanatique. "
Lounatcharski rencontre Lénine en 1904 à Paris.
Il rejoint les rangs des bolchéviques. A la demande de
Lénine, il tient en 1905 la rubrique culturelle du quotidien
Novaya Zhizn', " La nouvelle vie ". En 1906, il est
à nouveau arrêté et exilé en 1907.
Sur l'invitation de Gorki, Lounatcharski s'installe à
Capri avec Bogdanov et, à la suite d'une scission avec
les bolchéviques, fonde avec ce dernier en août
1908 un groupe révolutionnaire intitulé "
Vpered ", " En avant ". Cette scission
intervient à la veille de la création début
1909 à Capri d'une école du Parti, chargée
de former les cadres. Alors qu'en Russie l'art est en train de
se modifier en profondeur et de renouer avec un primitivisme
qui sera le tremplin du futurisme, c'est donc en exil, en Italie,
que se trouvent réunies les figures de proue des trois
écoles esthétiques qui s'affronteront plus tard
dans l'arène soviétique: Lounatcharski et sa politique
sociale-démocrate éclectique, soucieuse à
la fois de préserver le patrimoine et d'encourager les
expériences, Bogdanov et sa " science organisationnelle
" recherchant une nouvelle forme d'expression rejetant l'héritage
culturel pré-révolutionnaire et inspirée,
comme les futuristes, par le monde industriel, et Gorki, dont
le concept d'un art politique assujetti à la littérature,
le " réalisme socialiste " connaîtra le
succès que l'on sait.Lounatcharski donne à l'école
de Capri des cours sur le syndicalisme et l'histoire de la social-démocratie
internationale et allemande. Mais il organise également
des visites de musée . Pour Lounatcharski, son amour des
arts n'était pas incompatible avec son rôle de révolutionnaire
professionnel. Ce qui lui avait valu de Lénine l'appréciation
suivante:
"Vous savez je l'aime beaucoup, c'est un excellent camarade!
Il a une sorte d'éclat français. Son ouverture
d'esprit est aussi française: cela vient de ses penchants
esthétiques. "
Peu enclin au calcul et à la tactique, Lounatcharski décrivait
son approche politique comme celle d'un "poète de
la révolution, un amant de la philosophie et des arts"
en contraste avec l'approche utilitaire de Lénine.
" Certainement, entre moi d'un côté et Lénine
d'un autre côté, il y avait de grands disparités.
Il approchait toutes ces questions en homme pratique avec une
conscience extrêmement claire des tactiques, en vrai génie
politique. Je les approchais en philosophe et, je dirais, finalement,
en poète de la révolution. "
Dans les deux tomes de "Religion et socialisme", publiés
en 1908 et 1911, Lounatcharski chercha à résoudre
la question de l'éthique du communisme. Il résolut
cette question en utilisant la métaphore religieuse. Une
connaissance exacte de son raisonnement permet d'éviter
certains contre-sens dans l'interprétation de certaines
déclarations de Lounatcharski comme sa célèbre
phrase " Le Parti doit être partout, comme l'esprit
de Dieu dans la Bible. (..) Notre action passe nécessairement
par l'appareil du Soviet, qui est l'organe de la dictature du
Parti communiste . ". Pour Lounatcharski, la religion était
une forme primitive de lien (religere), une première pulsion
de l'humain vers la communauté, et en ce sens une base
éthique. Il y approfondissait la critique qu'il avait
déjà formulée en Suisse contre Plékhanov.
En développant les aspects scientifiques et rationnels
du marxisme, Engels et Plékhanov auraient négligé
la dimension émotionnelle et éthique que Marx conférait
au communisme. Lounatcharski préconisait donc le principe
d'un marxisme que les bolchéviques propageraient à
la manière d' une religion anthropocentrique dont le dieu
serait l'homme élevé à la puissance de ses
pouvoirs et dont la célébration serait la révolution,
point culminant du processus de "Construction de Dieu"
. Le dieu de l'homme ancien était donc bien l'humanité
des " chercheurs de Dieu ", " bogoïskatéli
", mais ce dieu n'était pas encore né, il
était encore à construire dans le socialisme. La
notion de " constructeurs de Dieu ", " bogostroïtéli
", était apparue dans la nouvelle de Gorki, ami intime
de Lounatcharski, "Confession", publiée en 1908.
Son héros Matvei, le " chercheur de Dieu ",
après avoir rencontré des faux-prophètes,
comprenait grâce à un vrai prophète que l'individu
doit chercher Dieu à travers l'union avec les autres hommes.
Lénine attaque Lounatcharski en 1909 dans "Le matérialisme"
l'accusant de "flirter avec la religion". En fait,
à travers Lounatcharski, Lénine visait surtout
Bogdanov et l'empiriocriticisme de Mach et Avenarius, l'ancien
professeur de Lounatcharski. Ce courant cherchait à établir
une science sociale rationnelle fondée sur la perception
et la connaissance, la "science organisationnelle"
et prônait une autonomie des sphères politiques,
économiques et culturelles. Alors que le point commun
des Vpérédistes était l' opposition à
Lénine, ceux-ci formaient l'essentiel des enseignants
de l'école des cadres du Parti à Capri. Lénine
fit donc pression en débauchant des étudiants qu'il
enrôlait dans des activités de renseignement et
réussit ainsi à faire éclater le groupe
dont la séparation tenait cependant aussi à des
dissensions internes. Un nouveau centre d'études fut créé
à Bologne et fonctionna entre 1910 et 1911. Gorki, qui
s'était entretemps éloigné de Lounatcharski
pour des raisons personnelles, se réconcilie avec Lénine
en 1913. A leurs yeux, Lounatcharski leur apparait à présent
comme un "scientifique mystique" et Lénine le
considère même à l'époque comme un
réel charlatan. De 1911 à 1915, Lounatcharski séjourne
à Paris. Il est correspondant pour des journaux russes
et exerce occasionnellement les fonctions de guide au Louvre
pour les visiteurs russes . Il organise des cercles de culture
prolétarienne et se lie d'amitié avec David Chtérenberg,
un peintre juif russe qui fréquente les milieux cubistes
et familiarise Lounatcharski avec l'art moderne. Après
la révolution d'octobre, c'est Chtérenberg que
Lounatcharski choisira de mettre à la tête de l'IZO,
la section des arts visuels du Narkompros, fonction qu'il occupera
jusqu'en 1921. Leur amitié ne prendra fin qu'à
la mort de Lounatcharski. Après ce séjour en France
pendant lequel il opère un rapprochement avec Trotski,
Lounatcharski retourne en 1915 en Suisse où il se réconcilie
avec Lénine sur la proposition de l'Union des Internationales.
Lounatcharski développe alors l'idée de "culture
prolétarienne", chargée de développer
l'enthousiasme et la conscience du prolétariat. Ce programme
s'inscrivait dans le cadre de la "science organisationnelle"
de Bogdanov que Lénine désapprouvait tant. Cependant,
en l'absence de Bogdanov et de la menace anti-bolchévique,
Lénine avait simplement interprété la proposition
de Lounatcharski comme du dilettantisme politique.
En mai 1917, Lounatcharski rentre en Russie. Il dirige la section
de la culture et de l'éducation de la Douma de Pétrograd
où il constitue autour de lui le noyau originel de la
future équipe dirigeante du Narkompros. Il travaille en
étroite collaboration avec Nadeshda Kroupskaïa ,
la femme de Lénine. En juillet, après son arrestation,
Lounatcharski réintègre les rangs des bolchéviques
et est élu conseiller municipal de Pétrograd. En
septembre, il devient président de la nouvelle Commission
de la Culture et de l'Education du Comité du Parti de
Pétrograd et se rallie à nouveau au bolchévisme
en août 1917. Mais Lounatcharski, qui n'est pas membre
du Comité Central du Parti Communiste, n'y jouera jamais
un rôle important. Il avait un statut particulier, au sens
où il était reconnu comme un spécialiste
du Parti mais pas comme un dirigeant, et à ce titre ne
participera jamais aux réunions internes du Parti. Lounatcharski
était un bolchévique convaincu pour qui la révolution
représentait une victoire de l'éducation sur l'exploitation.
C'était un orateur très prisé par le public
ouvrier et les masses populaires. A la veille de la révolution,
il parlait quotidiennement devant des auditoires de plus de quatre
mille personnes. Lounatcharski est parmi tous les nouveaux membres
du gouvernement, le représentant le plus connu des délégués
provinciaux et des délégués non-bolchéviques.
Sa nomination ne s'était pas faite sur des critères
politiques, parceque Lounatcharski n'était pas un bolchéviste
orthodoxe, mais sur la reconnaissance de ses compétences.
Malgré ses opinions proches de Bogdanov, Lounatcharski
devait à son enthousiasme et à sa chaleur humaine
le soutien personnel de Lénine pour sa politique même
dans les moments de conflit. Le seul domaine où Lénine
mesurait son soutien était le domaine des arts. Lounatcharski
exercera les fonctions de Commissaire à l'Instruction
d'octobre 1917 à 1929. Il quittera le Narkompros en 1929
après l'échec de sa politique de l'éducation
et le transfert des établissements d'enseignement technique
supérieur du Narkompros sous l'autorité de la Vesenkha,
le conseil supérieur de l'économie. Devenu Président
du Comité pour la Direction des Institutions de la Scolarité
et de l'Enseignement entre 1929 et 1930, il sera aussi élu
Membre de l'Académie des Sciences en 1930 et nommé
Directeur de la Maison Pouchkine à Léningrad en
1930. En 1931, il sera nommé directeur de l'Institut de
la Littérature, de l'Art et du Langage, " Liya ".
En butte à des humiliations politiques de la part de Staline,
il sera finalement nommé ambassadeur d'Espagne en 1933
et mourra en route à Menton d'une maladie infectieuse.
Brûler
ou expliquer
Une des premières préoccupations de Lounatcharski
était la préservation du patrimoine:
" La nationalisation des biens artistiques, leur sauvegarde,
l'inventaire des domaines, des châteaux et des trésors
qu'ils recèlent ainsi que leur ouverture au public comptent
parmi les premières mesures prises par Anatoli Lounatcharski
qui se définit comme "un intellectuel parmi les bolcheviks
et non un bolchevik parmi les intellectuels", attire l'attention
de Lénine sur les problèmes de conservation du
patrimoine, après avoir offert sa démission sur
le coup de la rumeur de la mise à sac par les révolutionnaires
de la cathédrale Saint- Basile, rumeur de pillage qui
s'avère sans fondement. " "
En effet, les informations passaient mal, le téléphone
était coupé depuis le 31 octobre 1917 entre Moscou
et Pétrograd. La presse faisait état d'évènements
horribles et de vandalisme. Le 2 novembre 1917, Lounatcharski
apprend la destruction de la Cathédrale Saint-Basile.
Il éclate en sanglots au Conseil des Commissaires du Peuple
et quitte la pièce en s'écriant:
"Je ne peux pas le supporter! Je ne peux pas admettre la
monstrueuse destruction de la beauté et de la tradition.
".
Il décide de donner sa démission:
" Je viens d'apprendre, de témoins oculaires, ce
qui s'est passé à Moscou. Les cathédrales
Saint-Basile et Ouspensky ont été détruites.
Le Kremlin, où les trésors artistiques les plus
importants de Pétrograd et de Moscou sont conservés,
a été bombardé. Il y a des milliers de victimes.
Que va t'il arriver après cela? Que peut-il arriver de
plus? Je ne peux pas le supporter. Je n'en puis plus. Je suis
impuissant à arrêter cette horreur. C'est impossible
de travailler sous la pression de pensées qui me rendent
fou. C'est pourquoi je donne ma démission du Sovnarkom
. Je comprends toute la gravité de cette décision.
Mais je ne peux faire plus. Signé: Lounatcharski. "
Il la retire le 4 novembre lorsqu'il apprend que la rumeur est
infondée. La nouvellle de sa démission avait été
accueillie avec condescendance par l'intelligentsia et Gorki
avait traité Lounatcharski de " lyrique mais confus"
dans la presse. Un poème satirique faisait référence
à Lounatcharski comme "notre Anatoly au coeur tendre".
Cette démission avait été considérée
par Trostski la rapportant au Soviet de Petrograd, comme une
preuve que Lounatcharski n'était pas un militant politique.
Lénine comprenait mal que dans une époque révolutionnaire,
on puisse s'attacher à la conservation du patrimoine:
" Comment pouvez-vous [..] attacher de l'importance à
ces vieux bâtiments, aussi beaux soient-ils, alors que
nous sommes à la veille d'introduire un ordre social capable
d'engendrer une beauté infiniment supérieure à
ce que le peuple , dans le passé, ne pouvait qu'imaginer?
"
La question de la destruction, qui avait hanté les débats
futuristes et se concrétisait maintenant dans des actes
politiques et non pas artistiques, nécessitait une nouvelle
interprétation. Pour le poète Alexandre Blok, dont
le symbolisme s'était mué dans les années
dix en " scythisme ", skifstvo, et qui voyait
dans les destructions révolutionnaires un triomphe de
l'Orient babare sur l'Occident décadent, c'est la dimension
de l'absence d'explication des oeuvres d'art qui justifiait l'iconoclasme
et rendait admissible à ses yeux la volonté populaire
de détruire des oeuvres. Car tant que cette dernière
opération d'explication n'était pas accomplie,
l'oeuvre n'étant pas légitimée, pouvait
donc être détruite:
" Ne craignez donc pas la destruction des kremlins, des
palais, des tableaux et des livres. Il faut les préserver
pour le peuple: mais le peuple en les perdant ne perd pas tout.
Le palais qu'on détruit n'est pas un palais. Le kremlin
qu'on fait disparaître de la terre n'est pas un palais.
"
Cette conviction que la destruction d'une oeuvre est légitimée
par le simple fait qu'elle n'ait pas été présentée
et expliquée au public était aussi partagée
par Trotski:
" Il est difficile, bien sûr, d'attendre des gens
qui forgent leur destinée à travers la révolution
qu'ils se soucient d'objets dont leurs anciens maîtres
ne prirent pas la peine de leur expliquer la signification, l'importance
et la beauté. "
Maïakovksi tentera lui aussi, mais pour défendre
le futurisme, de démontrer à Lounatcharski que
la preuve de l'incompréhension de l'art ancien était
fournie par le fait qu'il était attaqué physiquement
par les masses:
" Et l'art d'autrefois, est-il compréhensible? Est-ce
la raison pour laquelle les gens ont déchiré les
tapisseries du Palais d'Hiver et s'en sont fait des chaussons?
"
La propension à brûler ses propres créations
était profondément inscrite dans la culture russe
comme le prouvaient au 19ème siècle déjà
les propos du " père spirituel " du futurisme
russe Léonide Andréiev:
" Il faut que l'homme d'aujourd'hui reste nu sur la terre
nue.(...) Il faut tout anéantir ... Nous ferons un bon
bûcher.. ".
Trotski regrettait cet aspect fugitif de la civilisation russe
fondé sur un renouvellement permanent de ses ouvrages:
" Toute notre culture est construite en bois et brûle
chaque année. Qu'est-ce que cette culture? "
Malévitch adhérait également à cette
conception slave d'un présent constamment reconstruit
à neuf et fondé sur une destruction permanente
des traces du passé:
" Il faut procéder ainsi avec l'ancien: plus que
pour toujours l'enterrer dans un cimetière, il est indispensable
de balayer sa ressemblance et de le rayer de son horizon."
Il y avait à l'époque chez Malévitch la
croyance que le passé exerçait une puissance sur
un présent qu'il hantait sans cesse à la recherche
d'une réincarnation. Seul l'effacement des traces du passé
pouvait empêcher l'éclectisme:
"Je suis convaincu que si le style russe avait été
détruit à temps, au lieu d'ériger l'hospice
de la gare de Kazan, une véritable structure contemporaine
aurait émergé. "
Cette économie de destruction/création se changera
plus tard en une économie de conservation/explication.
L' approche de type scientifique que choisira Malévitch
se fondera sur une observation des uvres pour dégager
leur élément formateur. Le matériel d'observation
étant l'uvre d'art elle-même, sa conservation ira
désormais de soi.
Les traditionnalistes comme Benois et le Comte Zubov, voyant
dans le Narkompros une instance capable de préserver le
patrimoine, lançaient des opérations de conservation
et proposaient leur contribution. Zubov avait sauvé l'Institut
d' Histoire de l' Art de Petrograd de la confiscation. Benois
s'opposait à la nationalisation de oeuvres d'art privées.
Igor Grabar, qui était directeur de la Galerie Trétiakov,
montera en collaboration avec le Narkompros un service des musées
à Moscou en 1918. Grabar gardera le contrôle de
la galerie Trétiakov, usant de sa position pour rendre
en 1922 à leurs propriétaires des oeuvres confisquées
et conservées dans la galerie. Il s'opposera également
avec succès à l'abolition des fonctions de directeur
dans les musées et leur remplacement par des "soviets
artistiques" créés spécialement à
cet effet.
C'est ainsi que le 12 novembre 1917, dans les jours qui suivent
la prise du pouvoir par les bolchéviques, un artiste comme
Malévitch est nommé par le Comité militaire-révolutionnaire
administrant Moscou, Commissaire pour la préservation
des Monuments et Antiquités. Il est également membre
de la Commission pour la Protection des Valeurs Artistiques et
Historiques. Le jour suivant, la presse fait état pour
lui de responsabilités personnelles " temporaires
" de Commissaire pour la protection des valeurs du Kremlin
où on lui avait attribué un bureau . La première
fonction officielle de Malévitch dans le nouvel état
soviétique fut donc la conservation du patrimoine.
Les futuristes russes, qui pendant la période démocratique,
étaient habitués à la tolérance de
leurs mécènes devant leurs provocations, continuent
avec leur nouveau mécène d'Etat la même politique
conflictuelle et bouffonne. Le 15 décembre 1918, deux
jours après l'inauguration par Lounatcharski des Svomas,
les Ateliers libres artistiques Pounine, pourtant nommé
depuis fin 1917 Commissaire du Musée national russe à
Pétrograd, propose dans un article incendiaire de la revue
" L'Art de la Commune " intitulé "Jeter
des bombes et organiser":
" Faire sauter, détruire, effacer de la surface de
la terre les vieilles formes d'art, n'est-ce pas le rêve
de l'artiste nouveau, de l'artiste prolétarien, de l'homme
nouveau. "
Dans les colonnes de la même revue, Maïakovski reprend
de plus belle les incitations à la destruction suivies
pas les agitateurs du groupe des " Communistes Futuristes
", les Komfuts:
"Il est temps/ Que les balles/ Crépitent sur les
cimaises des musées ".
Lénine avait demandé sans succès à
Lounatcharski de tronquer certains articles futuristes dans "L'Art
de la Commune" dont la publication sera d'ailleurs arrêtée
4 mois plus tard. Plutôt que de censurer les articles comme
Lénine le lui avait demandé, Lounatcharski était
en faveur de la liberté d'expression et faisait confiance
à la libre appréciation du public:
"Certainement, l'état doit en faire un principe de
donner à la masse des lecteurs accès à tout
ce qui est nouveau et frais. C'est mieux de faire une erreur
et d'offrir aux gens quelque chose qui actuellement n'est pas
en mesure de susciter leur sympathie que de laisser une oeuvre
qui est riche de possibilités futures cachées,
parceque ce n'est pas du goût de quelqu'un... Laissons
le travailleur écouter et évaluer chaque chose,
l'ancien et le nouveau. Nous ne lui imposerons rien; nous lui
montrerons tout. "
Il avait choisi d'engager un débat contre la volonté
destructrice des communistes futuristes en leur répondant
dans un article de décembre 1918 intitulé "Une
cuillerée d'antidote" où il s'était
dit effrayé par :
"..la propension à détruire ce qui regarde
le passé et la tendance, en parlant au nom d'une école
précise, d'évoquer en même temps le nom du
pouvoir. (..) Que toutes les personnalités et tous les
groupes artistiques aient la possibilité de se développer
en toute liberté! Qu'il ne soit pas permis à une
seule tendance d'en effacer une autre, en s'armant soit d'une
gloire traditionnelle acquise, soit d'un succès tenant
à la mode. "
Lounatcharski saura être convaincant auprès des
avant-gardes, et malgré les déclarations incendiaires,
aucun iconoclaste, aussi radical soit-il, ne passera jamais à
l'acte.
Les efforts de Lounatcharski pour concilier les différentes
tendances et garder une pluralité artistique n'étaient
guère appréciés des futuristes. En effet,
à cette époque, beaucoup d' artistes de gauche
espéraient établir l'art de gauche comme l'art
officiel du nouvel Etat soviétique. Lounatcharski n'était
pas hostile aux révolutionnaires artistiques aussi longtemps
que leurs expériences ne conduisaient pas au sacrifice
des autres groupes artistiques. La pluralité en art était
à cette époque seulement défendue par les
artistes traditionnalistes, les "réactionnaires"
et par Lounatcharski. Bien qu'ils aient désapprouvé
le nouveau gouvernement, beaucoup d'artistes et d'intellectuels
de l'ancien régime acceptaient maintenant de collaborer
avec Lounatcharski parcequ'ils lui faisaient confiance personnellement.
Lounatcharski finit donc par être attaqué de tous
côtés, aussi bien par la droite, parcequ' il tolérait
la gauche, que par la gauche parcequ'il soutenait des formes
traditionnelles d'art, et que par la Pravda, l'organe officiel
du gouvernement, à cause de son manque d'orthodoxie bolchévique.
Les attaques communistes contre le Narkompros visaient moins
son organisation irrationnelle que son impartialité. Alors
qu'en 1919, Zinoviev parlait du futurisme en termes d'absurdité,
en 1920, le Comité Central le traitera de dénaturé.
L'iconoclasme et l'exigence de privilèges des artistes
de gauche sont condamnés dans une lettre du Comité
Central sur les Proletkults parue le 1er décembre 1920
dans la Pravda. Le 6 mai 1921, Lénine enverra une note
au remplaçant de Lounatcharski, M.N. Pokrovski, pour obtenir
le soutien d'un artiste réaliste et une politique anti-futuriste:
"Kiselis, dont on me dit qu'il est un artiste réaliste,
a une fois de plus essuyé une rebuffade de la part de
Lounatcharski, qui soutient directement et indirectement les
futuristes. Est-il impossible de trouver des anti-futuristes
sur qui on puisse compter? "
Lounatcharski condamne le futurisme dans des termes assez durs
pour deux raisons. Le futurisme n'avait pas réussi à
convaincre le public populaire et l'affirmation qu'il fallait
délivrer le peuple de l'esthétique ancienne était
selon Lounatcharski sans fondement puisque, selon lui, le peuple
avait été très peu touché par la
culture précédente, réservée aux
bourgeois et aux aristocrates. Lounatcharski s'opposait également
aux communistes futuristes qui voulaient, pour des raisons politiques,
discipliner les arts, ce qui, selon lui, amènerait à
une baisse de créativité. Dans un débat
public le 26 novembre 1920 Lounatcharski répondait ainsi
aux accusations de Maïakovski de persécuter les futuristes:
"Moi, en tant que Commissaire du Peuple, je n'ai rien interdit
aux futuristes: je dis qu'il doit y avoir de la liberté
dans le domaine culturel. Les autres communistes imaginent faussement
que nous sommes des censeurs, la police. Non, nous sommes obligés
de ne pas permettre la liberté de la presse parceque nous
sommes en pleine guerre civile; (...) Kerzhentsev sait que nous
établissons une dictature de l'Etat pour envoyer l'Etat
lui-même au diable. Ainsi, nous ne devrions pas être
arrêtés par des activités de police et je
combattrai leurs excès de toutes les manières possibles.
"
Lounatcharski était accusé par Kerzhentsev , le
futur dirigeant de la propagande du Comité Central, de
suivre la ligne de la moindre résistance qui mêle
des éléments communistes et bourgeois. Ce à
quoi Lounatcharski avait répondu:
"Peut-être ai-je péché, mais je refuse
obstinément de me repentir ".
Lounatcharski s'expliquera dans les années 20 sur les
raisons de ce savant dosage des différentes tendances
artistiques. L'art et l'Etat sont dans un rapport de réciprocité.
Les artistes ont besoin de la révolution qui leur procure
un nouveau contenu, et la révolution,elle, a besoin de
l'art. Mais cette réciprocité n'a pas pu se réaliser
pleinement jusqu'ici:
" L'Art est une arme puissante pour l'agitation, et la Révolution
aspire à adapter l'art à ses objectifs agitationnels.
Cependant, une telle combinaison de forces agitationnelles et
de profondeur artistique authentique a été assez
rarement réalisée. "
La fusion art moderne/révolution n'a pas fonctionné.
Même si la révolution a motivé les artistes
novateurs, selon Lounatcharski, elle n'a pas réussi à
influencer en profondeur les nouvelles formes d'art. C'est un
échec. La raison en est la suivante: l'âme profonde
de la révolution est émotionnelle, idéologique,
et sa forme de prédilection est donc l'art figuratif et
non pas l'art non-objectif. La question de Lounatcharski était
désormais: comment récupérer d'une part
pour la propagande les artistes réalistes, par tradition
moins enclins à servir la révolution, et comment
réorienter d'autre part vers les arts appliqués
comme l'industrie et la décoration, les arts non-objectifs
moins adaptés à la propagande?
"Pendant les premières années de la Révolution,
son influence sur l'art n'a, dans ce sens, pas été
notoire (...) beaucoup de belles affiches , une certaine quantité
de bons monuments ont été produits, mais tout ceci
ne correspondait en aucune façon à la Révolution
elle-même. Peut-être que dans une grande mesure on
peut expliquer cela par le fait que la Révolution, avec
son vaste contenu idéologique et émotionnel, requiert
une expression plus ou moins réaliste, évidente,
saturée d'idées et de sentiments. Alors que les
artistes réalistes et ceux qui suivaient des courants
similaires - comme je l'ai fait remarquer plus haut- , étaient
moins enclins à agréer la révolution que
ceux qui suivaient des courants nouveaux, ces derniers - dont
les méthodes non-représentationnelles étaient
très appropriées pour l'industrie artistique et
la décoration- s'avérèrent être impuissantes
à donner une expression psychologique au nouveau contenu
de la Révolution. "
Lounatcharski s'était fait une idée précise
de l'art moderne, un standard élevé qu' il reprochait
aux artistes de ne pas atteindre. Dans un texte de 1920, il se
moquait ouvertement du nouvel art en recourant à une comparaison
peu flatteuse avec les sauvages qui se font une idée magique
de la culture:
"Que ce soit Archipenko ou Tatline, Malévitch ou
Altman, ou que ce soit finalement Meyerhold et ses metteurs en
scène, tous sont obsédés par les pelleteuses,
mais en savent aussi peu sur l'essence réelle des machines
que ce sauvage qui pensait que les gens lisent les journaux comme
une forme de traitement médical pour leurs yeux."
La métaphore médicale utilisée par Lounatcharski
sera reprise plus tard par Malévitch dans sa " théorie
de l'élément additionnel " qu'on peut considérer
comme une réponse circonstanciée, dans le même
registre, à cette attaque contre l'interprétation
de la modernité en art. Les constructivistes réagiront
différemment et déploieront d'immenses efforts
pour palier leurs carences en matière de technique. Pour
Lounatcharski, tout le développement du nouvel art (néo-impressionisme,
cubisme, futurisme, suprématisme), est un phénomène
naturel qui s'explique par la prévalence de formes de
plus en plus analytiques en art. En amenant la couleur et la
forme à l'expression de ses plus simples éléments,
les artistes ont démontré leur aspiration à
la construction, à la synthèse. Mais il se sont
limités à utiliser les éléments qu'ils
avaient trouvés.
"Tout ce travail, aussi consciencieux et important soit-il,
a le caractère d'une recherche de laboratoire."
Selon Lounatcharski les futuristes ne seraient donc pas en prise
avec la réalité sociale. Les stades de l'art ne
recouperaient nullement les stades de développement du
prolétariat et de la paysannerie et resteraient à
l'état d'expériences de laboratoire:
"Je ne fais pas partie de ceux qui dénigrent les
peintres futuristes en les traitant de fous....mais je crois
que cette oeuvre est une sorte de laboratoire, une cuisine, à
laquelle il était nécessaire de se référer
pour sortir de l'air fétide de l'art réaliste académique....Les
futuristes disent "Le prolétariat n'est pas encore
adulte"...Mais il y a différentes voies de développement...
Le prolétariat continuera aussi l'art du passé,
mais il partiront d'un stade sain, peut-être directement
de la Renaissance. "
Il faut savoir que dans l'esprit de Lounatcharski, l'esprit de
la Renaissance signifiait un artiste qui peint mais qui ne pense
pas. C'est ce qu'il entend par "un stade sain". Son
grand reproche à l'art moderne est sa propension à
théoriser:
"Lorsqu'il y avait une floraison remarquable de l'art au
temps de la Renaissance ou quand il y avait un art universellement
admiré de réalisme bourgeois ou populiste, la quantité
d'oeuvres théoriques était relativement petite.
Et maintenant, ce n'est pas seulement toute une série
de théoriciens qui écrivent des livres abscons
, mais aussi les artistes eux-mêmes -de Metzinger à
Malévitch- qui écrivent des livres et des pamphlets
qui sont assez exceptionnellement profonds! "
Ce texte de 1923 attaque directement Malévitch, probablement
pour son texte très contesté: "Dieu n'est
pas détrôné". Lounatcharski n'accorde
pas de crédit à l'oeuvre théorique de l'avant-garde
sur laquelle il ironise:
"Ils traitent leur oeuvre comme une matière de grande
profondeur, et le problème, c'est que beaucoup de gens
les prennent au sérieux."
La critique se fera encore plus acerbe en 1927, lorsque Lounacharski
commentera dans un article du magazine moscovite "Ogonek"
l' oeuvre de Malévitch exposée à la Grosse
Berliner Ausstellung:
" Le problème commence lorsque Malévitch arrête
de peindre des tableaux et commence à écrire des
brochures. J'ai entendu que même les allemands sont amenés
à une perplexité embarassée devant ces écrits
d'artistes. J'ai essayé de lire les oouvrages pleins d'emphase
et théoriquement vagues du chef de file " suprématiste
". Malévitch y essaye d'une certaine manière
de relier ses buts et ses idées et finit par s'empêtrer
à la fois avec la Révolution et avec Dieu. "
L'utilisation du discours religieux chez Malévitch représente
probablement une tentative de dialogue en direction de la pensée
théologico-politique des " constructeurs de Dieu
" de laquelle se réclamait Lounatcharski . La critique
de ce dernier contre Malévitch paraît d'autant plus
injustifiée qu'il mélangeait lui-même les
registres de la politique et de la religion comme dans cette
phrase célèbre prononcée au 10ème
Congrès du Parti communiste en décembre 1920 :
" Le Parti doit être partout, comme l'esprit de Dieu
dans la Bible. (..) Notre action passe nécessairement
par l'appareil du Soviet, qui est l'organe de la dictature du
Parti Communiste . "
Mais, au-delà de ces critiques formelles, la ligne de
fracture qui séparait Malévitch de Lounatcharski
était l'interprétation des signes artistiques.
Le système de Malévitch, qu'il n'avait pas encore
mené à maturité, était hérité
du symbolisme et de sa conception d'une nature secrète
dont il faut déchiffrer les hiéroglyphes. Plékhanov,
en opposition duquel Lounatcharski avait bâti sa propre
théorie, fondait précisément sa réflexion
sur la théorie des hiéroglyphes, cataloguée
comme idéaliste par les marxistes, un idéalisme
qui sera aussi reproché à Malévitch.
Le virage
Les débats dans la Russie pré-révolutionnaires
n'avaient pas fixé de modèle adéquat pour
une présentation de l'art moderne. Le leitmotiv repris
par les membres de l'avant-garde est la nécessité
de détruire l'art ancien. Une partie de l'avant-garde
poursuivit donc après la révolution le débat
entamé et perdit une grande partie de son énergie
à appeler à la destruction, lui ôtant ainsi
le crédit moral qui lui était accordé par
le pouvoir. Les importantes responsabilités que le Narkompros
avaient confiées aux artistes dans la société
post-révolutionnaire se traduisirent par une âpre
lutte pour le pouvoir dont Kandinsky, le père des musées-laboratoires
fit les frais, évincé par les Constructivistes
à Moscou et condamné à l'exil comme Chagall
l'aura été par Malévitch et les suprématistes
à Vitebsk. Ces vainqueurs dans un débat non démocratique
s'affronteront à leur tour pour être bientôt
dépouillés par la classe des artistes la mieux
placée auprès des instances politiques et militaires,
les peintres réalistes de l'AkhRR, de la faible part de
pouvoir qu'ils avaient dérobée.
La critique de Lounatcharski envers l'art de l'AKhRR était
acerbe, et, en 1925, il comparait encore leurs oeuvres à
des photographies vaguement barbouillées de peinture.
Mais l'étau du stalinisme se refermant sur l'Union soviétique
(Trotski a été révoqué de son poste
de Commissaire du Peuple à la Guerre dès janvier
1925), un an plus tard, en 1926, son attitude change et Lounatcharski
se met à justifier l'art réaliste. Malgré
les plaintes de son ami Chtérenberg envers les faveurs
exorbitantes accordées aux peintres réalistes,
Lounatcharski soutient maintenant sans faille l'AKhRR. C'est
en 1932 que Lounatcharski évoque pour la première
fois la notion de " réalisme socialiste ", mais
ce terme est encore assez vague. Lounatcharski n'est plus au
Narkompros depuis 1929 et c'est en qualité de directeur
de l'Institut de la littérature, de l'art et du langage,
LIYA qu'il s'exprime:
" Le réalisme socialiste est un vaste programme;
il comprend plusieurs méthodes différentes - celles
que nous possédons déjà et celle que nous
sommes encore en train d'acquérir ".
Le volte-face opérée par Lounatcharski , qui
après avoir soutenu l'art de l'avant-garde et financé
des institutions artistiques de premier plan proclame un retour
aux Ambulants et appuye les mouvements les plus réactionnaires
est une réaction envers les appels accentués des
futuristes à l'autodafé. En permettant la réalisation
d'un musée d'art moderne, la Révolution d'Octobre
avait réussi à désamorcer la bombe de l'iconoclasme,
mais pas celle de la régression en art. Aux musées-laboratoires
de l'avant-garde constitués pendant la phase bolchévique,
l'ère soviétique substitue le gigantesque laboratoire
social d'un théâtre total. Les peintres réalistes
héritiers de l'art des Ambulants participent à
un processus d'automatisation de l'acte pictural réalisant
le projet d'industrialisation de la culture émis par Lénine
et mené à son terme par Gorki et Staline pour faire
de l'intellectuel et de l'artiste la " petite roue "
et la " petite vis " contribuant au bon fonctionnement
de la machine sociale. Les musées staliniens sont les
vastes entrepôts des décors constamment renouvelés
du grand théâtre héroïque du régime
soviétique. L'architecture elle-même était
assujettie par le grand ingénieur Staline à cette
logique du théâtre du monde.
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