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S'attaquer à la philo quand on n'y connaît rien, c'est pas facile facile. Ben justement, c'est ça qui me plaît :
entreprendre quelque chose de pas facile facile.
Faire partager avec enthousiasme ce que l'on découvre, ce que l'on vient juste d'apprendre, a une saveur particulière.
Si un peu de cet enthousiasme pouvait filtrer au travers de cette page, elle aurait justifié sa raison d'être.
Tout a commencé en octobre 1995 à Chalon-sur-Saône, en plein championnat de France d'échecs des entreprises. Un
sympathique joueur d'Air France qui plaisantait avec nous, lança : « Vous connaissez
Le monde de Sophie ? C'est génial ! »
Il en parlait bien, trop bien, si bien qu'on l'a tous lu. Pour moi, ce fut le déclic. Peu de temps après, je recevais en cadeau
l'abécédaire de Gilles Deleuze. Il n'y a pas de hasard.
L'affaire était entendue : je me mettrais à la philosophie.
Voici mon projet : dans un premier temps, expliquer succintement ce que je crois avoir compris de la contribution de
chaque philosophe ; dans un second (c'est-à-dire dans un certain temps, voire un temps certain), ajouter éventuellement
mon grain de sel (et là, ça va chier ! ;-).
N.B. « Personnellement, je préfère toujours étudier un philosophe en analysant ses oeuvres, plutôt que de chercher
à dégager un système en extrayant de ses oeuvres des propositions théoriques, séparées de leur contexte. »
[Pierre Hadot, La philosophie comme manière de vivre, Éd. Albin Michel, p. 149].
Ben voilà, les ennuis commencent déjà : je fais ici tout le contraire...
Cette page présente les principaux philosophes de l'Antiquité, de Thalès à Plotin, et les grands traits de leur philosophie.
La question qui turlupinait les premiers philosophes grecs (appelés plus tard « présocratiques » car ils précédèrent Socrate) était de trouver une explication rationnelle du monde. Avant eux, seuls les récits mythologiques expliquaient la naissance du monde et les phénomènes naturels. Ces récits, une fois écrits, ont pu être discutés, décortiqués, critiqués... la philosophie était née !
Thalès
(625 à 545 environ avant J.-C.) est généralement considéré comme le premier
philosophe grec. Il vivait à Milet (aujourd'hui en Turquie). Il fonda vers 600 avant J.-C. la première école de philosophie appelée école
ionienne ou école milésienne. Astronome et ingénieur, il aurait prédit
l'éclipse de 585 avant J.-C. et parvint à détourner les eaux du fleuve Hylas pour permettre à Crésus
d'en franchir le lit. On raconte également qu'il calcula la hauteur d'une pyramide en mesurant l'ombre
de celle-ci au moment où l'ombre de son corps coïncida avec sa taille réelle (cf. Le théorème du perroquet).
Ses recherches l'amenèrent à penser que le monde matériel se réduisait à un seul élément :
l'eau. Selon lui, la Terre était un disque plat qui flottait sur l'océan. Cette flottaison instable lui permettait
d'expliquer les tremblements de terre.
Anaximandre
(611 à 547 environ avant J.-C.), son disciple, est natif lui aussi de Milet. Il fut le premier à dresser une carte du monde.
Considérant la transformation réciproque des quatre éléments (l'eau, l'air, la terre et le feu), il a choisi de prendre comme substrat, non pas
l'un d'eux, mais l'indéfini (apeiron) ou « infini » (les deux notions se
confondent à cette époque), d'où l'univers tirerait son principe. C'est d'ailleurs lui qui nous aurait légué le terme de
« principe » [Simplicius, Physique, 24, 13].
Il pensait que la Terre était en suspens dans l'espace,
soutenue par rien, qu'elle avait la forme d'un cylindre et que nous marchions sur l'une des deux surfaces planes.
Anaximène
(570 à 526 environ avant J.-C.) aurait été l'élève d'Anaximandre. Comme Thalès, il pensait qu'une substance unique était à la base
de toutes les autres : l'air.
Pour lui, la Terre avait la forme d'un plateau, d'une table -- ronde ou rectangulaire ? (les écrits diverges) -- mince soutenue par l'air.
Philosophie et science
ont des points communs. Tout comme le philosophe, l'homme de science cherche la vérité. Les questions qui
peuvent être soumises à l'expérimentation et à l'observation relèvent de la science, les autres incombent
à la philosophie. Rien d'étonnant alors à ce que les philosophes de la nature - ainsi nommés parce qu'ils
cherchaient à percer les secrets de la nature - fussent principalement des hommes de science.
Xénophane
(570 environ avant J.-C.) est né à Colophon. Il fut le premier philosophe à jeter
un regard critique sur les mythes, et disait que chacun façonne ses dieux à son image. Il soutenait que nul
ne peut posséder le savoir certain, car tout n'est que conjecture. Pour lui, le principe de toute chose est
la terre.
Pythagore
(570 à 497 environ avant J.-C.) est né dans l'île de Samos. Il fut le
premier à rapprocher les mathématiques de la philosophie. Ces idées ont été reprises et amplifiées par Platon.
On lui attribue généralement la paternité du mot « philosophie », mais Pierre Hadot conteste
cette origine et considère que la notion d'« activité philosophique »
est peut-être apparue pour la première fois sous la plume d'Hérodote
(cf. « Qu'est-ce que la philosophie antique ? », Folio essais, p. 35).
Il semble que ce soit les pythagoriciens qui soutinrent les premiers que la Terre était ronde et possèdait deux mouvements : la rotation et la translation.
Mais il faudra attendre Ératosthène (276 à 195 environ avant J.-C.) pour en avoir la preuve,
lorsqu'il évalua scientifiquement la circonférence du globe à 250 000 stades, ce qui correspond à 3 ou 4 % près à la mesure exacte (40 041 km) !
Rendre compte de la réalité n'est pas chose aisée : multiplicité, unicité, mouvement, immobilité, temporalité, éternité... Comment expliquer le caractère paradoxal de notre monde ?
Héraclite
(540 à 480 environ avant J.-C.) est né à Éphèse. Ses apophtegmes
abscons lui valurent le surnom d'Obscur. Il mit en avant deux grandes idées, l'union des contraires et le changement perpétuel :
Parménide
(540 à 450 environ avant J.-C.), né à Élée, aurait été le disciple de Xénophane. Il est le premier à avoir opposé la pensée logique à la
pensée empirique. L'école d'Élée s'oppose à la théorie du multiple et du changement perpétuel d'Héraclite.
On rattache généralement à cette école Parménide, Zénon et Mélissos de Samos.
Selon Diogène Laërce, il y aurait pour Parménide deux éléments : le feu (créateur) et la terre (matière).
Il proclamait que tout ce qui est a nécessairement toujours existé. L'univers est une entité unique et immuable : tout est un.
Pour lui, il n'existe rien d'autre que l'-tre ; celui-ci est inengendré, éternellement présent, de nature parfaitement homogène, sans
vide ni discontinuité. Il est fini et parfait, exclut tout mouvement et tout devenir et ressemble à la masse d'une sphère indivisible.
Zénon d'Élée
(né vers 490 environ avant J.-C.) fut élève de Parménide. Il excellait à inventer des paradoxes, et montrait
ainsi qu'il était possible, à partir de prémisses indiscutables, d'aboutir à une conclusion erronée.
Selon Aristote, il serait l'inventeur de la dialectique.
C'est Empédocle
(490 à 430 environ avant J.-C.), né à Agrigente, qui mit fin à la divergence de vue entre Héraclite et Parménide.
Comme Héraclite, il convenait de la perpétuelle mutation des éléments.
Comme Parménide, il estimait que la matière n'était pas née de rien et ne disparaissait pas dans le néant.
Mais, pour lui, tout n'était pas un. Il avança que l'univers se composait de quatre éléments, le feu (Zeus),
la terre (Héra), l'air (Aidôneus) et l'eau (Nestis),
et deux forces primitives (ou principes) mises en oeuvre par la nécessité : l'Amour et la Haine, l'une qui unit, l'autre qui sépare.
Cette théorie sera reprise par Aristote et jouera un rôle important jusqu'à la Renaissance.
Il serait mort en se jetant dans le cratère de l'Etna.
Anaxagore de Clazomènes
(500 à 428 environ avant J.-C.) fut l'auditeur d'Anaximène. Selon lui, l'univers était composé de minuscules éléments, les
homéoméries (que nous apparenterions aux molécules), invisibles à
l'oeil, chacun contenant une fraction du tout. Ces particules étaient unies par une force appelée noûs (l'Esprit).
Passionné d'astronomie, il remarqua que la Lune était éclairée par la Terre et expliqua le phénomène des
éclipses solaires. Il fut chassé d'Athènes pour avoir prétendu que le soleil n'était pas un dieu, mais une
gigantesque pierre chauffée à blanc. Comme Pythagore, il pensait que l'âme est immortelle. Contrairement à Démocrite, il affirmait que le vide
n'existait pas, et que les homéoméries étaient divisibles à l'infini (contrairement aux atomes). Selon lui, la Terre était plate.
C'est à Anaxagore, et non à Lavoisier, que l'on devrait la célèbre maxime : « Rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme. »
La citation exacte serait la suivante :
« Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau.
Pour parler juste, il faudrait donc appeler le commencement des choses une composition et leur fin une décomposition »
(cf. « Les penseurs grecs avant Socrate », De Thalès de Milet à Prodicos, de Jean Voilquin, Éd. GF-Flammarion, 1964, p. 150,
fragment 17).
Leucippe
(460 à 370 environ avant J.-C.), disciple de Zénon d'Élée, serait né à Milet. Selon lui, tout était constitué d'atomes,
ce qui est, qui se déplacent dans le vide, ce qui n'est pas (mais qui serait aussi réel que ce qui est).
Démocrite
(460 à 370 environ avant J.-C.), disciple de Leucippe, est né à Abdère. Il reprit et développa l'idée de
son maître sur les atomes, insécables et éternels, et le vide. L'âme elle-même est constituée d'atomes
ronds et lisses et est périssable. À la mort d'une personne, ces atomes se séparent et se rassemblent -- grâce à leur crochet, d'où
l'expression « atomes crochus » que nous devons à Démocrite -- pour former une nouvelle âme. Cette idée sera
reprise par Épicure. Pour lui, l'univers, formé d'atomes illimités, avait toujours existé ;
il développe ainsi la première physique matérialiste qui exclut l'intervention des dieux dans l'explication
de l'univers. Il a été le premier à observer que le volume d'un cône est le tiers de celui d'un cylindre
de même base et de même hauteur et que le volume d'une pyramide est le tiers de celui d'un prisme de même
base et de même hauteur.
Le souverain bien est pour lui le bonheur ou euthymie, attitude proche de l'ataraxie qu'il appelle « bonne humeur ».
On lui attribue cette citation : « Je préfère découvrir une cause plutôt que d'obtenir le royaume de Perse ».
Aétius rapporte que Démocrite aurait dit que la Terre est en forme de disque dans sa largeur, mais concave au milieu.
Athènes devint à partir de 450 avant Jésus-Christ la capitale culturelle de la Grèce. Si les philosophes présocratiques se donnèrent pour but l'explication de l'univers et des phénomènes naturels, les socratiques s'intéressèrent à l'homme et à la société.
Socrate
(470 à 399 environ avant J.-C.) est né à Athènes et y vécut jusqu'à sa mort. On dit de lui que c'est le plus
énigmatique des philosophes. Il n'a laissé aucun écrit. Ce que nous savons à son sujet provient
essentiellement des écrits d'autres auteurs, et notamment de Platon. Contrairement aux sophistes qui
enseignaient la philosophie -- l'art de la rhétorique en fait --, Socrate, lui, n'enseignait rien ;
il ne cherchait pas à inculquer un quelconque (c'est rigolo à prononcer) savoir,
mais à éveiller chez ses interlocuteurs un esprit critique.
Il avait coutume d'interpeller les Athéniens pour l'aider à définir ce qu'est véritablement la justice, la beauté
ou le bien. Le grand mérite de Socrate est d'avoir mis en évidence que, par un travail en commun basé sur
le dialogue, on peut parvenir à un discours juste. Son art s'appellait la
maïeutique ; il consistait à faire accoucher les esprits de pensées justes,
d'où sa maxime « Connais-toi toi-même ». Il disait être guidé par une voix intérieure
qu'il appelait son démon (sa conscience ?).
L'oracle de Delphes déclara que Socrate était l'homme le plus sage de la cité, parce qu'il savait... qu'il ne savait rien.
Il fut accusé d'introduire de nouveaux dieux à Athènes et de corrompre la jeunesse et fut
condamné à mort.
Désintéressé, remettant sans cesse en cause nos certitudes, Socrate est le philosophe par excellence.
Platon
(427 à 347 avant J.-C.) rencontra Socrate, de 43 ans son aîné, à 20 ans et fut son élève pendant 8 ans.
Selon lui, la réalité abritait deux mondes : le monde sensible, que nous percevons, matériel et visible,
où tout est soumis au changement (les apparences), et le monde des
« Idées » (ou « Formes » idéales, eidos), uniquement
accessible par l'intellect, où se trouvent les essences des choses. Au-delà du monde éternel et immuable des
Idées, il y a le Bien, unique fondement de toutes
choses -- perceptibles et intelligibles -- qui est la quête ultime du philosophe.
En gros, ce qui est perçu par nos sens (le corps) peut être différent d'un individu à l'autre,
mais ce qui est dicté par la raison (l'esprit) est immuable et fiable. C'est pour cela qu'il
pensait qu'un État idéal devait être gouverné par des philosophes.
Soit, mais à quoi peut bien servir ce concept d'Idée ? Selon Gilles Deleuze,
Platon avance ainsi une réponse au problème des prétendants, problème crucial dans la Grèce antique.
Comment sélectionner les prétendants au pouvoir politique ? Comment distinguer le digne représentant
du peuple de l'arriviste ? le philosophe du sophiste ? la bonne conduite de la mauvaise ?
Le concept d'Idée -- la chose en tant que pure --, en proposant en quelque sorte un référentiel idéal, devait aider les Grecs anciens dans
leurs choix, les guider dans leurs décisions pour sélectionner les prétendants.
Platon fonda la première Académie où l'on enseignait la philosophie, les mathématiques et la gymnastique.
L'Académie sera active pendant plus de neuf siècles (de 387 avant J.-C. à 529).
Ce que nous appelons aujourd'hui sciences faisait alors partie de la philosophie.
Il est le premier philosophe occidental dont la plupart des oeuvres complètes sont parvenues jusqu'à nous.
Ces écrits ont dominé la philosophie européenne pendant sept siècles, jusqu'à l'émergence du christianisme.
Parmi la trentaine de dialogues que Platon nous a laissé et qui mettent en scène Socrate, citons L'apologie de Socrate, le Phédon (sur l'âme), le Ménon (sur la vertu)
et le Phèdre (sur l'amour, l'âme, l'écriture, la rhétorique).
La République -- où l'on trouve l'allégorie de la caverne --
nous donne un aperçu général de sa philosophie tandis que Le Banquet nous livre ses idées sur l'amour.
La théorie des Idées est notamment abordée dans
le Timée (51 c), La République (X), le Phédon (103 c) et le Parménide (130 c).
On doit également à Platon la célèbre légende de l'Atlantide (dans le Timée et le Critias).
C'est aussi dans le Timée que Platon nous explique sa cosmogonie, et notamment ses cinq solides parfaits :
le tétraèdre (le feu), le cube (la terre), l'octaèdre (l'air), l'icosaèdre (l'eau), le dodécaèdre (le cosmos).
Aristote
(384 à 322 avant J.-C.) est né à Stagire en Macédoine. Il fut l'élève de Platon (de 43 ans son aîné ; eh oui, la même différence d'âge qu'entre Platon et Socrate !) durant 20 ans, puis le précepteur du jeune Alexandre le Grand. En 335, il
fonda sa propre école, le Lycée. Comme il a l’habitude de dispenser ses cours en marchant dans les allées
des jardins du gymnase, ses élèves prennent le nom de péripatéticiens (promeneurs).
Aristote a donné leur nom aux disciplines auxquelles il s'est consacré :
physique, éthique, météorologie, rhétorique, entre autres. Il a porté au rang de science la logique (qu'il nommait analytique),
qui allait être enseignée pendant plus de 2000 ans sur ses seuls concepts. Il s'efforça de fonder ses théories sur les faits.
À la théorie platonicienne (existence de deux mondes : l'un sensible et l'autre intelligible), il oppose l'idée qu'il
n'existe qu'un monde, celui dans lequel nous vivons. Notre monde est la seule base solide pour
l'expérimentation et la recherche du savoir.
À la différence de Platon, Aristote garde les pieds sur terre, comme l'illustre le fameux tableau de Raphaël.
Ces deux approches philosophiques continuent encore de nos jours à inspirer les penseurs.
Aristote essaya de répondre à la question : « Qu'est-ce que l'être ? »
Selon lui, toute chose comporte deux aspects :
la matière (ce qui constitue l'objet ou l'être) et
la forme (ou eidos, ce qui détermine l'objet ou l'être).
La matière est essentiellement indéterminée (elle peut changer d'aspect) : un bloc
de marbre (matière) peut devenir (est en puissance) une statue d'animal, de personnage, etc.
ou est (en acte) la statue de Zeus (forme).
Aristote, dont la pensée est profondément finaliste, avance que quatre causes permettent d'expliquer l'existence
des choses ou des êtres : la cause matérielle (le marbre), la cause formelle (celle qui donne sa forme à la sculpture),
la cause efficiente (le marteau et le ciseau) et la cause finale (l'intention, le but du sculpteur). [Physique, livre II, chap. 3 et 7]
Dans L'Éthique à Nicomaque, Aristote prône la théorie de la juste mesure pour atteindre le bonheur :
la vertu se situe à égale distance de deux extrêmes que sont les vices. Dans La Politique, il
indique que « L'homme est par nature un animal politique » et que le bonheur de l'homme
est indissociable de sa capacité à vivre en société. Le rôle de l'État consiste alors à rendre possible
cette harmonie.
Aristote ne fut pas seulement philosophe, mais le premier grand biologiste en Europe ; ses travaux
conservèrent leur valeur jusqu'au XIXe siècle. Penseur encyclopédique, père de la logique et de la
métaphysique, il a totalisé le savoir de son temps et a érigé en un système les connaissances de
son époque.
À la mort d'Alexandre le Grand (323 av. J.-C.), plusieurs écoles se réclamèrent de Socrate. Pendant la période hellénistique, qui s'étend de la chute des cités grecques jusqu'à la conquête romaine, quatre écoles s'épanouirent : celles des cyniques, des sceptiques, des stoïciens et des épicuriens. D'autres courants moins connus furent appelés socratiques mineurs. La principale question à laquelle ces écoles tentaient d'apporter une réponse était : comment doit-on vivre en ce bas monde ?
Antisthène
(444 à 371 environ avant J.-C.), élève de Socrate, jeta les bases de cette philosophie. Les cyniques (du mot
chien) prônaient une vie détachée des choses matérielles, méprisant honneurs et richesses. Ils pensaient qu'il ne fallait se préoccuper
ni de sa santé, ni de la souffrance, ni de la mort.
Diogène
(413 à 327 environ avant J.-C.). Né à Sinope, élève d'Antisthène, il fut le plus célèbre des
cyniques et vivait dans un tonneau (une jarre en fait). On dit qu'il se promenait dans les rues,
une lanterne allumée à la main en plein jour, en répétant : « Je cherche un homme ».
Il disait également : « Je suis un citoyen du monde ». Apparemment, il n'avait pas sa
langue dans sa poche : lorsque Alexandre le Grand lui rendit visite et lui demanda si lui, le maître du
monde, pouvait faire quelque chose en sa faveur, il répondit : « Ôte-toi de mon soleil ! »
Alexandre aurait dit plus tard : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène. »
Le recherche de la certitude a été un objectif majeur de la philosophie. Les sceptiques auront joué un
rôle important dans cette quête.
Pyrrhon
(365 à 270 avant J.-C.) fut le fondateur du scepticisme. Comme il avait beaucoup voyagé, il s'est rendu compte que ce qui était considéré
comme vrai dans un pays ne l'était pas forcément dans un autre, et que chacun avait de bons arguments.
Dés lors, refuser de croire en quoi que ce soit est devenu son credo. Cette suspension du jugement (ou épochê en grec)
devait permettre d'atteindre la paix de l'âme (ou ataraxie).
Timon de Phlionte
(320 à 230 avant J.-C.), son disciple, repris cette thèse et prétendait que toute argumentation s'appuie sur
des prémisses non établies.
Carnéade
(214 à 129 avant J.-C.), qui prit la direction de l'Académie de Platon, fit une visite mémorable à Rome où
il donna deux conférences. Dans la première, il exposa les théories de Platon et d'Aristote sur la justice,
et dans la seconde il réfuta tout ce qu'il avait dit précédemment.
Trois textes de Sextus Empiricus sont les plus représentatives du scepticisme : Esquisses pyrrhoniennes,
Contre les dogmatiques et Contre les professeurs.
Le stoïcisme fut la philosophie dominante sous l'empire romain et dura environ cinq siècles.
Zénon de Kition
(ou Citium - 334 à 262 environ avant J.-C.), disciple de Cratès le Cynique. Fondateur du stoïcisme, il avait l'habitude
de réunir ses disciples sous un portique (stoa en grec). Aucun de ses écrits ne nous est parvenu.
Le stoïcisme repose sur l'idée qu'il n'y a rien au-dessus de la raison (logos) et que nous ne faisons qu'un
avec la nature. La nature étant régie par des principes rationnels, tout est écrit à l'avance ;
l'attitude du stoïcien doit donc être l'impassibilité face aux événements.
Épictète
(50 à 130) est né en Phrygie (Asie Mineure) et fut esclave (épiktétos signifie esclave en grec). Affranchi, il enseigna la doctrine
stoïcienne à Rome, puis à Nicopolis (Épire) où il attira de très nombreux disciples en enseignant un véritable art de vivre :
« Ne demande point que les choses arrivent comme tu le désires, mais désire qu'elles arrivent comme elles arrivent,
et tu prospéreras toujours ».
« Entre toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, et les autres ne dépendent point de nous. Celles qui
dépendent de nous sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinations, nos aversions ; en un mot, toutes nos actions.
Celles qui ne dépendent point de nous sont le corps, les biens, la réputation, les dignités ; en un mot, toutes les choses qui ne sont
pas du nombre de nos actions. »
De son enseignement, seuls nous restent un Manuel
et quatre recueils (sur huit) intitulés Entretiens.
Les Lettres à Lucilius et les Entretiens de Sénèque (2 avant J.-C., 65 après J.-C.) et les
Pensées de Marc-Aurèle
(empereur romain de 121 à 180 après J.-C.) sont les principaux ouvrages sur le stoïcisme.
Contrairement au cyniques et aux stoïciens qui acceptaient l'idée de souffrir, les épicuriens
prônaient un art de vivre bannissant toute forme de souffrance.
Épicure
(341 à 270 environ avant J.-C.) voulait libérer les hommes de la peur de la mort et de celle des dieux.
Vers 300 avant Jésus-Christ, il fonda sa propre école à Athènes, ouverte à tous, y compris aux femmes et
aux esclaves. Comme les épicuriens se réunissaient dans un jardin, on les appelaient « les philosophes du jardin ».
Épicure se servit de la théorie atomiste de Démocrite pour expliquer qu'il n'y avait pas lieu de craindre la
mort car « elle n'est rien pour nous » : l'entité formée par nos atomes cesse simplement d'exister.
Pour combattre les principaux maux qui troublent l'âme et le corps, Épicure préconise le « quadruple remède » suivant :
il n'y a rien à craindre des dieux (car il ne s'intéressent pas aux affaires humaines), la mort n'est pas à craindre (car une fois morts nous
ne sentirons plus rien), on peut atteindre le bonheur facilement (en cherchant simplement à satisfaire nos besoins essentiels avec
modération : manger, boire, dormir, se protéger), la douleur est supportable (car temporaire et affermissant l'âme).
Se tenant à l'écart de la vie publique et de la politique, les épicuriens auraient pu faire leur la devise :
« Pour vivre heureux, vivons cachés ».
La doctrine d'Épicure est exposée par Lucrèce dans son
poème De natura rerum.
Plotin (205 à 270 après J.-C.), né en Égypte, est considéré comme le dernier grand philosophe grec de l'Antiquité. Sa philosophie s'inspire de celle de Platon (les Idées ou Formes idéales), mais Plotin ne sépare pas le corps de l'esprit et affirme que tout est un, car Dieu (ou l'Un, ou le Bien) est tout. On parle de mysticisme. Cette approche présente des similitudes avec le christianisme. Plotin pronaît que ce qui existe véritablement est ce qui appartient au domaine mental. Ainsi, pour qu'une chose existe, il faut qu'elle ait été pensée.
Une question qui revient souvent lorsqu'on débute en philosophie est : « Mais par où commencer ? » Voici donc quelques avis sur la question :
« En effet, pour savoir ce qu'est la philosophie, mieux vaut se faire d'emblée le disciple d'un auteur de prédilection, plutôt que de s'interroger à vide sur l'être de la philosophie ou de se dispercer en dilettante à la surface des doctrines. » [Léon-Louis Grateloup - Les philosophes 1, de Platon à Montesquieu, 1985, p. 11]
« On peut dire que toute grande oeuvre contient tout. Un seul grand penseur suffit pour nous permettre d'atteindre le domaine de la philosophie tout entier. [...] L'étude de cette oeuvre implique toutes les autres. En liaison avec elle on s'oriente dans l'ensemble de l'histoire de la philosophie, on apprend au moins à s'y informer, on subit l'impression d'extraits tirés des textes originaux, on pressent ce qu'il y a encore à découvrir. [...] Un jeune homme voudrait bien sans doute qu'on le conseillât sur le choix du philosophe qu'il élira. Mais chacun doit trouver cela lui-même. [...] C'est un vieux conseil de dire qu'il faut étudier Platon et Kant et qu'on atteint ainsi tout l'essentiel. Je suis d'accord. » [Karl Jaspers - Introduction à la philosophie, 10/18, 1965, p. 181]
« Qui veut entrer dans la philosophie doit passer par le premier chapitre de la Physique [Aristote], qui peut remplacer des bibliothèques entières d'ouvrages philosophiques. » [Martin Heidegger - Questions IV, Gallimard, 1976, p. 219]
« Le meilleur programme d'une vie consacrée à la philosophie consisterait à commencer par Platon pour finir par Aristote. » [Friedrich Schelling - 16e Leçon sur La philosophie de la mythologie]
Parallèlement, je recommande aux débutants la lecture des cinq ouvrages suivants, qui leur seront d'une aide précisieuse :
D'autres en parlent (je sais, c'est dingue...), et mieux que moi... Alors, n'hésitez pas à visiter ces sites sélectionnés avec amour !
Pratiques philosophiques. Ce site a pour but d'informer sur nos échanges et discussions sur l'enseignement, la formation et la recherche concernant toutes les pratiques philosophiques nouvelles qui se développent dans les systèmes de formation : écoles primaires et maternelles, collèges, enseignement spécialisé, lycées professionnels, Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, formation pour adultes, animation socio-culturelle, etc.
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