CONCLUSION


ET POURTANT ILS MAINTINRENT



Au début de ces souvenirs, j’ai présenté les quatre personnages de notre histoire : mon Père, ma Mère moi-même et La Glazière. Mais alors, je ne présentai que leur curriculum vitae.Maintenant, je  voudrais dire ce que La Glazière en à fait. Car ce quatrième personnage de notre aventure humaine se révéla terrible creuset ; celui dont parle l’Ecriture :  « fournaise qui purifie l’Or et  l’Argent ».Et ce dernier survol du temps que j’ai passé là avec mes Parents serait en effet incomplet
s’il n’était rien dit de ces neuf ans d’exploitation directe et fermage. Ils furent un véritable piège – une sorte de contrat mafieux – dans

lequel mes Parents et moi-même nous fumes pris.Comme je l’ai raconté dans ces pages, il y eut double piège, l’un fut tendu par la nature elle-même et

l’autre par les hommes.

 

Pour le premier, mes Parents se jetèrent avec une joie aveugle et au mépris de tous les risques et de tous les

dangers. Parmi les risques je compte les aléas dues aux saisons. Parmi les dangers je compte je compte les

risques physiques auxquels mon Père s’exposa sans retenue, et qui ne furent pas les moindres des soucis de

ceux qui l’entouraient.

         Et comment ne pas y ajouter l’inexpérience de mon Père et de ma Mère lorsqu’ils abordèrent  à cette

planète qui leur était complètement étranger

re qu’était l’AGRICULTURE1 !  J’ai déjà raconté au cours de se récit

comment mes Parents avaient été faussement attirés par le mythe des nuits rafraîchissantes et des horizons

paisibles et verdoyants alors qu’ils voulaient fuir un Paris surchauffé et politiquement déphasé.

 

 

 Un  second piège guettais mon Père Je le découvris au hasard des conversations privées que j’eus avec ma Mère quelques années avant que mon Père ne nous quitte2 . Plusieurs en effet j’ai demandé à ma  Mère quelle

rasons secrètes avaient pu les conduire l’un et l’autre à se ralliée à l’hypothétique ( oh combien ) solution

agricole. Chaque fois la réponse fut identique : c’étaient les difficultés d’affaires  que mon Père avaient

rencontrées dans ces « milieux d’affaires » directement issus de la Libération en 1944-1945. Mon Père

avait un recul insctntif devant les «  combinaisons ». Par ailleurs il avait cru au Maréchal et admiré ses

efforts pour assurer la survie de la France dans son désastre ;-et il n’était homme à le cacher.

Devant cette impossibilité parisienne, ma Mère pensa flatté le goût d’indépendance naturelle de mon Père

en lui présentant les clefs de la ferme.

     De plus, dans son nouveau milieu agricole, il n’était pas accoutumé au langage, à la logique, à son esprit

calculateur qui lui paraissait des ruses.. Il aimait une façon plus directe. Il fut désarçonné. 

                 

   Tout  ceci pesa non seulement sur le quotidien,  mais atteignit son être profond.. Ce temps agricole fut

de grande et profonde conséquence.                                                                                                          

                                                                                                                                                                                 

   Dès que qu’eurent été consommés les Neuf Ans légaux du bail, je crus mon Père singulièrement soulagé

d’un poids devenu intolérable. Il parut en effet retrouver la gaieté qui lui était si coutumière, qui avait charmé

mon enfance et qu’il m’avait enseignée . Malheureusement il était trop tard. L’aventure paysanne tombait sans

qu’on le sût sur un organisme déjà fatigué. Déjà deux Mois avant la Guerre, ma difficile naissance en Juin

1939, avait pesé comme une lourde hypothèque et installé en lui une grande anxiété. La Guerre, et le raid

foudroyant des Allemands, l’avait très profondément marqué. Mais c’était en Août 1940 ! il était encore jeune

- la quarantaine – et son âge autorisa une guérison rapide, me permettant de jouir d’une enfance heureuse

auprès d’un Père plein de gaieté. ( Fut-il bien traiter à fond en 40, les évènements et leur précipitation autorise

le doute ) !

 

   A partir de 1954, il en allait autrement ! En arrivant à La Glazière, il y trouva trop de soucis , trop de

déceptions. Ce fut un fruit empoisonné qu’il y récolta.

 

               Mon Père y vit-il une sorte de malédiction qui le poursuivait dans toutes ses entreprises ? Dans

sa délicatesse se culpabilisa-t-il ? Qui peut sonder le mystère des cœurs ? ( Il est à peu près certain que

l’Agriculture le mit comme l’on dit « à genoux » ) !

 

    Le coup final lui fut porté lorsque après être revenus à Paris pour prodiguer nos soins à ma Grand’Mère

durant sept ans, la mort de celle-ci nous chassa de l’Avenue de Messine. Elle nous contraignit à une

retraite précipité à La Glazière. Celle-ci s’accomplit dans l’impréparation la plus surprenante,  la plus

totale et la plus douloureuse. Ce choix fait obstinément par ma Mère, brisa tout à fait mon Père.            

 

C’était en 1972. On eut alors la douleur de voir l’âge automnal frapper à ses portes les plus secrètes. Son

départ pour l’Hôpital, en 1980, m’épargna de vivre un hiver encore plus pénible et privé de tout secours

possible. Ce départ fut pour ma Mère une déchirure profonde.

 

         Mais dans le Cœur de mon Père, il y eut une blessure plus profonde encore car elle toucha l’âme ;

elle laissa profondément désemparé et le priva des secours spirituels qui auraient dû l’accompagner et le

soutenir au milieu de ses épreuves humaines.

   Il avait fait toutes ses études auprès de Religieux. Il fut bouleversé par  le Concile ( Vatican II ). Il plaça

l’ancienne liturgie à un sommet à peine imaginable. Mais cela allait plus loin encore que l’attachement à

des formes qui avaient entouré son enfance. Il était au fond pleinement militaire et avait une conception

très stricte de la loyauté. Il aurait pu faire sienne la célèbre formule : « Catholique et Français toujours ».

La défaite de 1940 avait rompu la vieille France. Le Concile lui  parut rompre la continuité catholique.

Il se mit à l’écart, dans un respect étonné et navré. L’isolement où nous plaçait La Glazière ne lui permit

pas de s’ouvrir aux perspectives nouvelles que le Concile découvrait.

 

    Ma Mère quant à elle ne fut pas moins surprise. Mais elle avait le goût des idées et lisait beaucoup.

Elle aimait la discussion et sans se laisser convaincre, elle écoutait. . L’Abbé Jeantet me disait l’intérêt

de la Conversation avec elle. Quoiqu’elle en pensa, ma Mère, en fille soumise de l’Eglise éternelle, se

glissa plus aisément semble-t-il dans l’armure des exigences voulue par l’époque et façonnées pour

 ce qui concerne l’Eglise par Paul VI et ses successeurs.

  .   .

     Mais tout cela n’est qu’anticipation.

Lorsqu’en 1954 ma Mère passa avec nous la grille de La Glazière, elle n’avait qu’un souci de sa

rééducation à la mobilité. Elle sortait de deux périodes chirurgicales éprouvantes et allait mettre à

profit ce court répit pour se préparer à l’effort de la double gestion que mon Père et elle allait devoir

endosser. Je crois dire que cette intervention osseuse pratiquée par les deux célèbres frères Robert

et Jean Judet, amoindrit ses souffrances durant une quinzaine d’année. De ce temps je garde personnellement

une impression assez heureuse. Ma Mère retrouva fugitivement un peu plus de vaillance. Quelque peu

libérée de ses soucis de santé, elle se remit au volant. Elle pu aussi assurer également une partie de

nos repas à trois.

 

      Mais le Temps comme toujours travaillait et usait. Septembre 1967, une certaine fatigue générale

jointes à l’état  cette fois préoccupant de Grand’Mère, tout cela toucha ce fragile équilibre et sonna le

naufrage dans une véritable Mer des Sargasses.. Ayant vécu en liaison particulièrement étroite avec

mes Parents au courts de leur 30 dernières années, je peut dire que cette fois livra à ma Mère de

terribles assauts. Grâce au courage de la malade ces assauts furent contenus dans de certaines

limites.    

   Malgré cette lutte incessante – ou à cause d’elle – le comportement général de ma Mère se durcit.

Elle-même sembla se pétrifier, se figer dans une seule attitude : celle du courage. Et reconnaissons

bien honnêtement , qu’il en fallait beaucoup pour assure le tonus général quotidien de la maison.

 

   Quant elle mourut, ses proches pouvaient lui appliquer les mots de Saint Paul :  « J’ai combat….  » Mon

Père ne l’avait-il pas mené lui aussi ? Et à chacun d’eux pouvait convenir cette célèbre « Prière des Agonisants »

que ma Mère m’avait apprise « Accueillez, Seigneur notre Dieu, dans votre miséricorde cette âme qui va se

présenter devant Vous….. »

 

                 Oserai-je maintenant parler de moi.. ?

 

 

   Nous étions trois « embarqués sur la même Glazière » si j’ose longue paraphraser le célèbre mot de Molière…

Notre long passé s’ estompe. Il ne m’en reste que le souvenir d’une et excessive contrainte aux

côtés de mes Parents. Elle fut difféante pour chacun. : pour ma Mère, contrainte de devoir faire face

tous les jours et sur tous les fronts,- contrainte pour mon Père de devoir assumer un métier pour lequel

il n’était pas fait et que les circonstances compliquèrent encore, - contrainte pour moi qui devait assister

à tout cela dans une totale impuissance malgré la tendresse que je portais à chacun…

          Et La Glazière était là, pesant de tout son poids…Mais tout est enrichissement pour qui veut recevoir.

La Glazière m’a durement beaucoup apporté en m’ouvrant les yeux sur le vrai visage de Vie.

 

   Avec mes Parents nous partagions des rêves… Pour ma Mère, il y eut le rêve – que je n’ose pas appeler

utopie – de l’installation à Fontainebleau dont on espérait qu’il pourrait allier les ressources de la ville à la Paix

de la vie en province. Il échoua dans la tristesse et  trop tard et dans ce qu’on nommer un scandale

Juridico-Financier. Pour mon Père et pour moi-même, il y eut le rêve constant de Paris : Terre Promise

parée de toutes les promesses.

 

     Ces rêves nous maintinrent longtemps tous les trois. Mais lorsque après en avoir rêvé nous en approchâmes,

ce rêve se révéla soudain plus austère et d’un avenir incertain. Le décès de ma Grand ‘Mère –pourtant prévisible

ouvrit devant nous la porte à une chute comomotionnante puis mortelle ou presque….

 

          Oncle Jacques de Dreuzy et  Chantal de Saint-Rémy furent mes Anges Gardiens ; et je leur Voue une

reconnaissance qui ne finira pas. Oncle Jacques eut de la fin concernant cette aventure Seine et Marnaise et

en m’installant Rue Lebouis :   « Tu est le seul rescapé de La Glazière »…

 

                  Et elle que devient-elle La  Glazière ?

 

Tout à une fin et je voudrait terminer ces pages en indiquant ce que fut son destin.

      Conformément aux accords passés avec Monsieur Cochelin fin Juin 1975, notre « home » alla

aux Wolf de la Firme Wolf à Munich, représentés en France par Monsieur Bédossa1 L’acte de vente

fut signé le 24 Mai 1989 par devant Maître Besson Notaire au Châtelet en Brie. J’allais avoir 50 ans .                

 

   On peut dire que tout au long de ces 51 années, La Glazière excita le ressentiment de tout les

hommes qui l’habitèrent ou l’approchèrent. Seules les femmes de la Famille aimèrent cette maison,

jusqu’à l’idolâtrer.

 

   Mon Grand-Père estima l’avoir acquise trop tard. Il n’y vit que le gouffre financier exigé par la

modernisation dont il rêvait. Il était trop âgé pour l’entretenir. De son côté, mon Père, après en avoir

intellectuellement rêvé, y laissa ses forces vives. Quant à moi, en terminant son histoire, je ne comprends

toujours pas comment ma Mère put  imaginer un seul instant  de rêver m’y installer pour ma vie

d’adulte.

 

  Cet acte de vente en viager fait que pour moi La Glazière ne disparaît pas tout à fait ; elle s’éloigne

petit à petit et s’éoignera peut-être encore jusqu’à n’être plus qu’un point dans mon passé. Et la photo

 que j’en conserve au-dessus de mon bureau tout au bout de la longue perspective de son jardin

symbolise bien son éloignement dans le Temps.

 

 

          Très irrévérencieusement, et en songeant une dernière fois à mon Père, j’ai envie d’écrire, en parodiant l’ancienne liturgie  latine qu’il aimait tant : :

 

                                            

                                                                  ITE  LIBER  EST                                                                                                                                         

                                            

                                                           Allez ! Le  Livre  De la douleur est fini                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

                                                                                      

                                                                                       FIN.

                                                                                         

                                                                                         

                                                                                                         Paris.-2 Juin 1990 30 Juillet 1994.

 

                                                                                                                Martial de MAINDREVILLE                         

 

                                                                                                                Avec l’indulgente Complicité de

                                                                                                                    Monsieur l’Abbé JEANTET

                                                                                                                           

                                                                                                          ( Texte Informatisé de 2002 à 2005 )                                                                                                                         



QUE SONT-ILS DEVENUS ?





1 Il est certain qu’à partir des années 1951 – 1952, je vis traîner sur leur tables de chevet respectives des traités

de petite culture jardinière. Ont-t’ils confondus  les plaisirs et le charme de cette culture d’agrément, avec les

dangers et les risques de l’épuisante agriculture ?     

2 J’ai retenu le millésime et la d’Août 1962.

1 En 2005, lors de l’informatisation de ces pages la situation a changer Mr Bédossa a pris sa retraite. Mais il a reprit les Clauses à sa seule charge.