Chapitre XXXIV


Et Moogly descendit parmi les hommes


1987

                                                                                       

   On a pu observer au cours de ces souvenirs que mes Parents,- tout en restant parfaitement dans l’actualité,

avait bâtit autour de moi un mode de vie que je puisse suivre sans trop d’importunité. Une vieillesse semblable

les avaient également conduits à souhaiter vivre en paix et tous ensemble, je veux à trois, leurs dernière années.

      De ce fait ils firent de La Glazière, une sorte d’îlot solitaire, fiché en pleine nature. Ils me hissèrent du même

coup sur leur propre nuage de tranquillité. Mais il fallut bien redescendre. C’est l’histoire de ce retour, pour lequel

j’ai fait un emprunt à Rudyard Kipling.1

 

      Dans ces lignes, nous allons connaître le desserrement de cette Mâchoire qui me contraignais, surtout

depuis 1980. Ce ne fut pas sans douleurs...  

 

 

  Une visite sans importance.( particulière )

 

      Nous étions, je l’ai  dit, dans la période des Fêtes et des vœux

.

         Quelques jours avant,-par un jour de pluie2,-je vis la femme du Notaire, Madame Besson, passer devant ma chambre. Elle me lança un amical bonjour « au passage » depuis le vestibule et alla s’installer rapidement auprès de ma Mère. Les visites de Madame Besson intéressait particulièrement, ma Mère, car notre visiteuse était Professeur de musique à l’Ecole César Franck. Qui plus est elle était aussi titulaire des orgues de Saint-Louis

en L’Ille. :

Je la vis revenir à mon chevet. Trop tôt à mon avis.

 

-« Martial, je viens vous voir un peu car Madame de Maindreville me semble fatiguée. Elle me parle de gens que je ne connais pas… Je la laisse se reposer quelques instants. Je retournerai la voir après ».. 

                 

  Nous tînmes quelques bribes de conversations ( à laquelle je ne participai que du bout des lèvres et par automatisme mondain ). Je m’étonnai à part moi de cette fatigue ; - avoué par une personne que ma Mère

appréciait particulièrement. Mais Madame Besson ayant été la seule à me signaler cet incident de durée

notable, je n’y prêtais plus guère attention.     

 

C’était Pendant  l’Horreur d’une  Profonde  Nuit  ( Songe d’Athalie )

 

   Depuis l’époque, en 1955, où mes Parents m’avaient installé une chambre de garçon, les portes, tant à

La Glazière qu’à Paris, étaient ouvertes jour et nuit pour qu’ils puissent entendre mes appels de détresses.

Disons que ces appels n’ont pas retenti souvent,- au moins une fois si je me souviens bien. Ce n’était qu’une

simple précaution.

                Cela dura encore après la mort de mon Père. Qui veillait sur qui ? on peut se le demander. Par une

nuit d’insomnie (eh oui ! j’en avais ! Le plus souvent provoqué par le silence de l’Endroit ). Je me pris à regarder

le trou noir que formait la porte, tenue maintenant inutilement ouverte puisque ma Mère qui ne se levait même

plus le jour, aurait été bien embarrassée de le faire la nuit..                                                                                 

 

Frappé par cet illogisme matériel et psychologique, je fus pris brusquement de panique : j’étais seul, et sans

appel. Sottement, je tentai de me rassurer en appelant pourtant cette autre infirme. Je le fis de plus en plus

fort ; finissant par crier, ce qu’on m’avait toujours formellement appris à ne pas faire, afin de ne  réveiller que

celui de mes deux Parents capable de me venir en aide.

 

 Je criai donc, et la réponse qui me vint était celle qu’on adresse aux enfants :

 

-« Qu’est-ce qu’il y a ? Je dors. Il fait nuit ! dormez ! Je ne peux pas me lever ! Il est de dormir ! »

 

       Quelle autre réponse attendais-je ? Mais peut-être l’escarre dont je devais souffrir dans les 11 mois

suivant trouva-t-il là son origine ;-dès que je pris conscience réellement de « l’horreur de cette profonde

nuit » qui s’appel Solitude.

     Je touchai du doigt la situation. Je n’avais jamais encore découvert la Peur… Lorsque le lendemain

je m’en ouvris à ma Mère, la réponse vint que j’aurais du prévoir :

 

-« Il ne faut pas toujours prévoir le pire. De toute façon, il faut faire confiance à la Providence ».

 

 

        « Madame téléphone trop… »

 

 

             La mort, c’est naturel, allait frapper dès Janvier 1987, les Maindreville ou leurs alliés. Ma Mère,

retirée depuis 25 ans du milieu familial parisien, aimait téléphoner pour se tenir au courant ;- et notamment

des nouveaux ravages de la mort. C’est à l’occasion de cette habitude de téléphoner, que me vint un avertissement supplémentaire.

Il me surprit.

 

      Après la désastreuse dispute de Noël,  les Gavoit s’étaient retirés sous leur tente : le logement  qui leur

avait été affecté, Madame Ringot, tenant à s’excuser de l’attitude partisane qu’elle avait montrée dans le passé

faisait la « soudure » depuis le 1er Février. Ce faisant , elle présentait Jeannine Loth ( aussitôt débaptisée en  Martine, par ma Mère ) et l’accoutumait à notre atmosphère un peu spéciale, il faut l’avouer. Elle avait été

engagée avec son mari pour le 1er Mars 1987. Ils partiçipront tous deux au démâtage du navire quelques

mois plus tard,- période dont je ne sais pratiquement rien. L’annonce de leur démission précipita même un

déménagement que nous comptions étalé sur plusieurs mois.

 

 

   Or trois deuils furent l’occasion de longs coup de téléphones. Oncle Raymond de Laval dernier Beau-Frère

vivant de mon Père, partit le premier. Cette branche de la Famille nous avaient aidés aussi discrètement

qu’efficacement au temps des « vaches maigres » de notre exploitation. Est-ce le joyeux courrier de Fin

d’Année qui retarda, si mes souvenirs sont exacts, l’annonce du second décès à Janvier ? En tout cas

ce ne fut qu’au tout début de l’année que j’eus connaissance du drame qui s’était passé à Chaumes, dans

le Morvan. Il avait eu comme victime et triste petite héroïne, la petite-fille de Tante Jacqueline Résal. L’enfant

Marie je crois, aurait basculé dans un bassin servant de réserve pour l’entretient et l’arrosage de la Propriété.

Elle avait 3 ans. Le poids de cet accident du à l’eau eut, l’effet dans l’esprit de ma Mère, je ne sais quelle malédiction pesant sur la famille fut une occasion supplémentaire de s’attacher à ce douloureux événement.

Les jours se faisaient lourds et menaçants pour ma propre vie ; aussi n’ai-je jamais su avec précision la date

de cette pauvre noyade.

       Et pour finir cette série, il y eut un mystère sur lequel ma Mère s’interrogeait encore lorsqu’elle quitta La

Glazière le 28 Février 87. Il s’agit du mystérieux départ de François Raymond, petit-fils de l’Oncle Robert de

Larminat.. On l’avait retrouvé effondré sur le volant de la voiture qu’il avait empruntée à sa Mère, une arme

encore chaude posée sur le siège de droite…

 

   C’est  donc en me donnant la béqué du soir que Bernadette Ringot me dit à propos de ma Mère qu’elle

entendait téléphoner encore :

 

-Madame donne trop de coup de téléphone le soir. Cela agite ses nuits ! 

 

Pour la génération de mes Parents, qui avait vu l’évolution du téléphone, de 1920 à 1939,  cette idée de

fatigue m’intrigua vraiment beaucoup.

 

-Vous croyez, Madame Ringot ? Ma Mère a du moins bien dormir cette nuit pour une autre raison. Elle a

toujours eu l’habitude de téléphoner… Vraiment.. Je ne crois pas…

 

Si, si, je vous assure…

 

En fait il s’agissait de bien autre chose…

 

            Un certain Mercredi.

            

                              Durant ces tristes événements familiaux, notre vie, à nous continuait tranquillement. J’aurais

aimé à le dire ; mais il n’en était rien. Le train-train allait mais souterrainement les choses changeaient. Des bruits

couraient, chuchotés et pour moi surprenants. Ils concernaient ma Mère. Ils auraient dû me persuader que le

« moteur » boitait. Malheureusement, toujours optimiste, j’attribuais l’état de ma Mère à un mauvais sommeil…

 

   Ils faut nous replacer dans le cadre des « petites vacances » de Février 87.Comme les Mois à peu-près, un

certain Mercredi était réservé aux Jean Schelcher. Petite nouveauté de cette année, Oncle Jean amènerait

Hugo, son petit-Fils. Hugo, sorti de sa lointaine Espagne.  Le jeune Hidalgo serait accompagné de deux

Infantes Saint Remy, Albane et Marie-Hortense.

 

   Le déjeuner se passa sans anicroche, ON s’étonna que je ne connusse point Polo ( Paul-Antoine ), deuxième

et dernier frère des jeunes filles présentes. Promis ! Le petit garçon ferait l’objet d’un voyage et d’une présentation dans les formes. Ah si les femmes savaient…. !

 

Ce fut après le déjeuner que les choses se gâtèrent. Ma Mère d’ordinaire si ouverte aux jeunes, si allante quand

il y en avait autour d’elle, se mit à piquer du nez, par intermittence, malgré le babil soutenu des trois jeunes visiteurs. Tante Jeannine semblait jouer au naturel les Ronds de Tantes qu’on vient voir…

 

Je vois encore dans la ruelle de son lit, Oncle Jean perplexe,- appuyé sur sa canne qu’il avait prise entre ses

Jambes, comme le vieil homme de la campagne qu’il était lui aussi devenu. Et le moment du départ arriva, sans

avancé par l’honorable chauffeur. Les deux sœurs et leur cousin me reconduisirent dans ma chambre, m’allongèrent  même sur mon lit en me prenant l’un par les épaules et l’autre par les pieds. Puis ils me

quittèrent pour retrouver la compagnie des gens actifs. Ils allaient je crois servir une soupe populaire

offerte par leur Paroisse à tous les nécessiteux de leur quartier, ou bien allaient-ils participer à une des

« soirées » des récents Restaurants du Cœur ? Que je regrettais d’être à l’écart….

 

 

   Dans la brumes de mes réminiscences, faut-il encore noter le passage, également mensuel de Dominique

de Maindreville le dimanche suivant ? L’état de Tante Jeannine dut l’inquiéter puisque nous nous retrouvâmes

en tête à tête dans ma chambre :

 

-« Je ne trouve pas ta Mère très bien » tenta-t-il.

Mais entêté je mis encore tout cela sur le compte des mauvaises nuits. Je lui racontai pourtant la rencontre qui

avait   précédé. Elle allait dans le sens de ses craintes. 

Tout cela nous conduisit vite aux derniers jours de Février. Leur récit prendra la forme d’un journal.  

 

Un Départ qui se Fit Sans Chant..

Les Dernières Heures.

 

    Samedi 28 Février. –15 heures. Ma Mère et moi, nous sommes seuls depuis deux heures. Madame Ringot à

comme d’habitude ramené Martine Loth qu’elle héberge en attendant que les Gavoit aient décampé.

Hardeiller termine sa tournée par son habituel visite. Il passe dans ma chambre me dire bonjour, avant d’aller

dans la pièce à côté rendre compte de la vie de la chasse. De loin,  j’entends que le réveil de ma Mère est

pénible, long….Une fois revenue au présent la conversation s’engage et se poursuit normalement,-du moins

est-ce ce qu’il me semble de loin. Une idée me vient et je hèle Hardeiller quand il en a terminer avec ma Mère.

 

-« Cher ami, ma Mère dort beaucoup. Elle ne répond plus correctement qu’à deux voix, celle de Jehanne et

la vôtre. Il n’est pas question de faire venir Jehanne pour si peu, auriez-vous la gentillesse de revenir demain

constater son état, et au besoin l’éveiller. ? »  

   

J’avoue que ces périodes de sommeil dont rien ne la tirer finissent par m’inquiéter.

    Très aimablement il accepte. Il reviendra demain pour voir. Il prendra le prétexte d’un oubli commis la veille

pour  justifier son retour…. Fin de journée et nuit normal. Je me sens apaisé de me sentir aidé dans cette passe

difficile. Début de bronchite, à la suite d’un rhume hérité de Marine Loth. 

     

 

Dimanche 1er Mars – Les Yves viennent pour goûter ; ils se sont annoncer le matin même. Yves m’aide à

                                     venir au salon ; - peut-être pour goûter, mais surtout pour assister à la conversation.

                                        Elle à pour sujet nos  «  réserves » Yves propose de les échanger contre du « papier »,

                                     plus maniable et plus discret.

                                    .

                                     Trop absorbé par cette astreignante bronchite, je ne prête guère attention aux réactions

                                      de ma Mère. Ce sont elles pourtant qui mettront la puce à l’oreille de nos divers  interlocuteurs.
Comme toujours elle tient à garder sa liberté d’action, mais sa façon
d’exprimer son refus surprend.

 

                                        Hardieiller arrive, ignorant tout de la visite Schelcher. Au bout de 10 minutes

                                        d’entretient général, Yves lui propose de le raccompagner à la porte :

                                        

-       « Non, non, Monsieur, vous êtes en famille,  Je connais le chemin.. »

 

Yves péremptoire insiste :

                                            

                                            -Si ! si ! Monsieur Hardieiller, je vous raccompagne..

 

                                              L’absence de mon cousin ne dure que quelques instants. J’imagine seulement

                                              maintenant la teneur de leur conversation.                                        

.

                                           -«  Que se passe-t-il, Monsieur Hardeiller ? J’ai eu une conversation avec ma Tante. Il

                                                me semble d’après ses réponses qu’elle soit tout à fait à côté de la plaque…. Il va

                                                Quand à Martial, ce n’est qu’une petit bronchite sans gravité. »

 

                             

                                          

                                               Que décidèrent-ils en fait ? Je l’ignore. Si j’ai pu reconstituer à peu près le

                                               dialogue, c’est que Hardieiller, plus tard m’en restitua l’esprit. Une fois

                                               installé à Paris. Yves, lui-même me racontera qu’une fois rentrer à Paris

   

                                              il avait téléphoné à Roux pour lui dire ce qu’il pensait de la situation. Mon

                                              interlocuteur  -des années 90, -  compléta son récit en me disant qu’il avait

                                              menacé le Docteur, des plus graves sanctions disciplinaires professionnelles  si                                                                                                                                                                                                                                                                                

                                      jamais nous n’étions pas  Hospitalisés le lendemain à 20 heures. Il retéléphonerai à cette

                                                                 

                                                  à cette même heure, au Châtelet, afin de s’en assirer1 .

                       

                                                 Lorsque revient au salon, il prétendit avoir eu seulement

                                                envie de connaître ce Monsieur Hardieiller dont on lui a tant

                                                 parlé.

 

                                                 En me reconduisant chez moi, Yves me parle encore de ses

                                                 « réserves »                                                

                               

-       Essaye de convaincre ta Mère. Il n’y a que ce moyen- là d’échapper

à l’impôt sur les grandes fortunes.

       

                                                                               

                                             Septique quant à l’effet de ma diplomatie, je le lui promis cependant.

                                             Au vrai, les événements iront si vite à partir de  cet instant qu’il me sera

                                             Impossible de seulement aborder la question avec notre « entêtée ».  

                                             Yves lorsqu’il m’allongea ne se doutait pas que j’allais être séparé

                                             définitivement de ma Mère. Je ne ferais plus que l’entrevoir le

                                              lendemain, dans un brouillard angoissé, mais sans larmes.

 

                                                                                                           

        Lundi 2 Mars 1987. Le Premier de Mars se lève ; - jour sans grande lumière

                                                naturelle ;- en tout semblable au jour précédent. Jour si peu

                                                 fait pour laisser quelque souvenir que ce soit ;- et surtout

                                                 celui de la fin d’une longue pénitence. Mais, cela, je l’ignore

                                                  au lever du jour.

 

                                                    Depuis quelques jours déjà il y a des conciliabules, des

                                                    chuchotements. Après ma toilette, une des deux jeunes

                                                    femmes qui s’en occupent aura la franchise de me

                                                    demander si j’ai déjà eu du sang dans mes Selles.

 

                        -Il faudra que Madame en parle au Docteur quant

        passera…

                 

                                                     Or  Roux vient justement ce lundi-là en fin de matinée.

                                                     Il doit renouveler les Ordonnances. Il passe me voir

Nous nous saluons ; simplement, sans examen particulier. Il réserve ce qu’il à dire à sa cliente et

c’est elle qui se chargera de le mettre directement au courant.  Mais il est d’abord question de sa

santé à elle.

 

 De loin je saisis des bribes de leur dialogues. Les phrases « Avis des confrères » ou « examen général »

me parviennent. L’espace d’un instant je me demande ce que Roux compte faire de moi dans le cas d’un

départ de ma Mère pour l’hôpital restant seul à La Glazière avec Jehanne pour toute compagnie ;-la brave

femme ne vannant  d’ailleurs que 5 heures par jours. Cela posait un problème de solitude complète de 17

heures jusqu’au lendemain. Autrement dit, comment passerais-je les nuits ?                                                                                                             

                                                                                                                                                               
A quelques mètres de moi le ton de la consultation mont et devient pour moi plus net. Ma Mère essaie de protester :

                                                                                                                                                                 

 -« Mais Docteur, j’ai rendez-vous demain avec Maître Besson. Je ne peux pas le remettre » !

 

 

Madame, si le Notaire est vraiment pressé, il vous verra aussi bien la semaine prochaine après cet examen. En tout cas, je veux vous savoir partis à 4 heures, vous et Martial, puisque vous me dite qu’il est souffrant. Je

vous fait une ordonnance pour deux hospitalisation à Melun ».

 

  Devant une décision si froidement exprimée, ma Mère capitula . Ensuite je perds la fin de l’entretient.

Madame Tavier arrive en compagnie de Bernadette Ringot pour jeter un coup d’œil à ce bobo de la fesse

qui se fait trop insistant au gré de tout le monde.                                                                                       

 

-« Oui, dit-elle, il y a bien une petite écorchure, mais bien soignée il ne devrait en rester quand je vous reverrai

dans 15 jours ;- surtout si vous aller à l’hôpital. Je vous mets une compresse, ensuite ils verront ».

                                                                           

    Jehanne est là aussi pour me transférer sur le fauteuil « Everlax » installé dans le salon. Cela me fait

croiser Alain Roux. Je commence à lui parler de la bronchite que l’on sait. Il m’interrompt :

 

-« Oui, oui ! je sais. Ils verront çà à l’hôpital »

 

   Puis il disparut. Ni ma Mère ni moi, nous ne le reverront jamais !

 

                                                                                                                                                                            

             Alors commence pour ma Mère un vrai Marathon téléphonique. Elle le tente et parfois le réussit

malgré l’heure ; il est midi . Ce sont d’abord les Ambulances Ferry qu’il faut prévenir d’urgence pour s’assurer

d’une voiture.(Elle fera troit fois le trajet ). Puis même scénario pour le fameux Notaire qui servit de prétexte.      

pour décommander son rendez-vous. Elle en profite pour lui annoncer :

 

-Je vous ferez porter par Jehanne Thibaut, quelques petites choses auxquelles nous tenons et dont vous connaissez l’existence.

 

Entre chaque coup de fil, elle à Jehanne les plans et les consignes, qu’elle compte appliquer ou faire suivre.

Ainsi :

 

-« Roux, nous envoies à Melun pour y subir des examens. Mais notre présences à Melun ne durera pas tout

ce temps-là. Demain, je téléphone à Cochin pour y faire transporter Martial et moi, comme me l’a promis

Monsieur Menkès. Jehanne ! ce n’est donc pas la peine d’alerter mes frères pour les faire courir ici alors

que nous seront déjà à Paris. Je préfère le faire de Cochin, si l’hospitalisation dure assez » ;

 

-« Comme Madame voudra » fut la réponse de Jehanne.    

 

       Le téléphone sonne aussi chez Daniel Hardeiller. Ma Mère lui demande de passer à la maison avant de

retourner à au bureau ;-La Coopérative pharmaceutique de Seine et  Marne dont il est le collaborateur.

Mais cette fois, ma Mère se fait plus nette et plus précise :

 

-« Allô ! Monsieur Hardieiller, excusez-moi de vous déranger. Roux nous envoie à l’Hôpital à Melun pour

huit jours. Je voulais vous demande de bien vouloir passer avant notre départ. J’ai quelque chose d’important

à vous remettre.

 
   Très complaisamment il promet de revenir, avec diligence,(.pour la troisième fois en trois jours. Ma Mère termine ses coups de fils par mon cousin Dominique pour l’avertir également. Mais sans insister davantage.

. Après quoi, Jehanne étant sortie de la pièce un silence s’établit entre nous, court, mais pesant. Enfin Hardieiller

.arrive et lui explique ce dont il s’agit :

 

-Comme je vous le disait, Roux voudrait que l’on fasse des examens et pour cela, il nous envoie à l’hôpital pour

une semaine.

 

    Et elle demande à son interlocuteur de bien vouloir prendre chez lui sa bague de fiançailles : un saphir, véritable anneau épiscopal.  Et pour décider Hardieiller, elle ajoute qu’elle s’est déchargée sur Jehanne des

autres choses précieuses auxquelles elle tient. Notre pauvre ami est un peu éberlué. S’il jouait la surprise

 devant  la décision de Roux, il la joue bien. Ainsi que Jehanne,  Ils acceptent donc ces dépôts de confiance.

 Mais je sus plus tard que s’étant retrouvé seule Jehanne avait succombé sous le poids des scrupules et avait

pris contact avec Maître Besson pour remettre entre ses mains son « lot » qu’elle pensait ainsi mieux gardé. Il  

s’agissait en effet des fameux lingots dont il a été parlé ici en son temps. Elle le fit dès le soir de ce 28 Février…

Hardieiller, lui, fut plus circonspect. Il attendit quelques jours la confirmation des mauvaises rumeurs concernant

ma Mère, pour remettre lui aussi les bijoux entre ses mains.

 

       13 heures ou 13 heures 15. C’est le moment pour Hardeiller de regagner son bureau. C’est alors que ma

mère lui répète les consignes de silence à l’égard de ses frères qu’elle à déjà donner à Jehanne. Mais il m’avouera plus tard avoir enfreins la consigne, et avoir ( bien heureusement  ) téléphoné le soir même à

Orgeval…..

 

   Hardieiller étant là, Jehanne nous aide pour le repas. Ce sera le dernier repas que je prendrai avec ma

Mère et dans ce cadre… .! Quelques années plus tard, le souvenir de ce dernier repas m’en rappelle un

autre. : Depuis mon enfance on m’avait parlé de « l’Etoile au Grand Large » de Guy de Larrygaudie..  .

Livre de réflexion où il évoque, entre autre le dernier dîner qu’il prit sur ses terres en 1939. 

Dîner un peu fantomatique et élégant : il s’était changé pour ce dîner et avait mis son Smoking. Il

avait fait éteindre l’électricité et avait dîné solitairement à la lumière de deux candélabres ;-noires- dit-on

C’était là ses adieux à un mode de vie qu’il avait pressenti ne pouvoir conserver après les évènements

menaçants qui s’annonçaient. Il fut tué, je crois dès 1940. Le récit de cet adieux fut noté par lui le soir

même de sa célébration. Ce panache et cette délicatesse m’avait séduit. 

 

            Rien de semblable dans notre cas. Ni l’heure, ni le nombre de convives. Il était seul et nous étions deux.

Mais comme lui, nous ignorions ce que serait demain. Il partait pour une guerre qui serait perdu ;- il le devinai1.

Moi, je partais vers une bataille qu’il me faudrait gagner.     

 

       Pour notre déjeuner de départ de ce 28 Février, l’atmosphère est assez grave devant cette hospitalisation

générale. Aussi notre Chef de Famille fait-il déboucher un petit vin du Rhin dont il reste quelques bouteilles. En

bonne gestionnaire, elle s’enquiert de leur nombre :

 

-Il en reste 11, Madame, répond Jehanne.

 

-Eh bien, nous en boirons une autre lundi. Au bon résultat de nos analyses !

 

       Mais c’était là une tout autre affaire…                                                                                                                           

                                                                                                                                                          
15 heures.  L’ambulance arrive. Mais étant données la soudaineté de la décision médicale et la

promptitude de sa mise à exécution, on n’a pu mettre à notre disposition qu’une seule voiture. Elle

fera donc deux voyages et ma Mère quittera La Glazière la première « pour mieux m’accueillir, » dit-elle 

dans cette ambiance carrément inconnue pour moi. J’assiste au départ de cette vieille châtelaine qui

embarque avec une insouciance  optimiste, quoique préoccupé par ce nouvel épisode de notre vie ordonné

par Roux.  Ma Mère prend congé de Jehanne gaiement :

 

-Alors, Jehanne à lundi !

:                                                                                                                                                                

Suivent quelques recommandations touchant l’entretien de la maison. Déchargée des soins de la cuisine,  Jehanne pourra s’y consacrer pendant ces 8 jours.

 

Madame peut partir tranquille, elle retrouvera la maison toute propre.

 

Et notre fidèle assistante tient à accompagner le brancard jusqu’à la voiture. Cette première « Charrette » partie

Jehanne me laisse seul et passe à la cuisine pour vaquer à ses occupations habituelles. Ces quelques moments

de solitude, qui seront les premiers d’une longue série, ne diminuent pas mon anxiété et le jour commence à

baisser lorsque « mon ambulance » vient me prendre. Et comme elle l’avait fait pour ma Mère, Jehanne tient

à être la dernière à me souhaiter bon courage. Aussi es-ce elle qui ferme le hayon de l’ambulance, puis la

grille : cette Herse qui s’était ouverte devant moi il y a tant d’années !

 

   Notre Glazière était visible de loin, que l’on y arrive ou qu’on s’en aille. En la voyant cette fois-ci disparaître à

mes yeux, un sentiment de surprise se mêle à mon appréhension.  Ainsi, quelqu’un avait osé et pu nous faire

sortir de ces murs qui nous prodiguaient calme et tranquillité. La Doctoresse Faine en son temps avait bien réussit à nous éloigné quelques jours de La Glazière, ma Mère et moi, chacun en des occasions diverses :

moi ,en 1954 pour une appendicite qui m’avait retenu un mois à la clinique de Fontainebleau,- ma Mère

plusieurs fois pour Cochin. Mais la Maison demeurait habitée ; aucune précaution n’avait dû être prise

comme en ce jour-là. Le départ avait une allure de mystère et d’adieux que je ne parvenait pas à analyser.

Etais-ce un éloignement ou un adieu ?

 

    J’en voulais obscurément à Roux d’avoir brutalement franchi un pas que Faine avait toujours hésité à

franchir.  Même désarroi en passant devant Mimouche, si souvent ouvert pour un repos ou un relais où

le fardeau de nos soucis. Je ne doutais pas de la continuelle et affectueuse attention de ses hôtes, mais

quand aurait notre prochaine rencontre ? Oui, vraiment, je redoutais tout de cette hospitalisation ordonnée,

me semblait-il, avec une précipitation suspècte..1 

  ( Seule la solennité de ce départ m’incitaient-ils à une inquiétude auxquelles se joignait les mauvaises rumeurs

 sur une aggravation de la santé de ma Mère ).                                                                                                                                                                                    

 

   L’heure était aux chiens et aux loups,  lorsque la voiture passa la porte automatique de l’Hôpital. On me fit

entrer dans une petite pièce où occupé par un Interne en conversation probablement avec ma Mère. Dès mon

apparition, ma Mère se tut, me laissant expliquer tout seul les raisons pour lesquelles je l’accompagnait..

Ma Mère se taisait donc, intervenant beaucoup moins que d’habitude lorsqu’il s’agissait de son fils.

 

 -Vous venez donc nous voir parce que vous avez du sang dans les selles ?                                           

 

     J’étais assez gêné pour entrer dans détails ; me contentent  de « raconter » sans faire l’exégèse de la

chose comme on m’avait toujours appris à le faire. Le reste de l’interrogatoire roula sur des points techniques

sans doute intéressants mais avaient dû être évoqués avent mon arrivée. Mais pourquoi donc ma Mère

demeurait-elle muette ?                                                                                                                      

 


   Rédigeant ces notes quelques années plus tard,  je me demandais si ma Mère ne commença pas

ce jour-là ce trajet vers ce monde ouaté, où on ne s’appartient plus et où rien ne nos appartient plus ;

monde impénétrable aux autres :- on devient un « malade » . Dans un silence incommunicable..

Ce devait être le sien pour les prochaines semaines….

 

.  L’entretint terminé, je quittais la pièce le premier. L’émotion et l’énervement avaient raison pour une

fois les calmants ; à présents je payais la note. Installé dans une chambre à deux, l’autre était occupé

par un brave homme en traitement antialcoolique. Par la porte  restée entrouverte je vis passer un convoi :

un brancard dont l’occupant avait le dos surélevé. Bêtement  j’imaginais que s’était ma Mère qui montait à

son étage. Je la saluais donc d’un In petto :  « Bonsoir Maman, à demain ».  Et je m’endormis en me répètent

la vague promesse des Médecins « Demain, on vous mettra avec votre Maman »

 

    Les évènements ne devaient plus me permettre de la voir qu(‘à travers mon imagination.—jusqu’au 15

Mars où je devait l’apercevoir une dernière fois ; - mais à travers d’un brouillard  cette fois salé.

 

 

Mardi 3r Mars 87. ( fin du journal ). C’est le réveil, le brouhaha habituel aux hôpitaux. Quel contraste

avec la paix du jardin à laquelle j’étais accoutumé !  Une fois les soins expédiés et le petit déjeuner pris

( pour moi une simple tasse de thé ) je me mets à attendre ma Mère,- dans l’imbécile espoir qu’un

changement aussi rapide aura également tout changé pour elle.

 

En arrivent la veille au soir, on m’a mis d’office les « barres » ainsi qu’une « poche » automatiquement

décernées par la Patronne d’étage, une Madame Chevalier… Elle veut ainsi épargner temps et fatigue

à son personnel. Ce nom commun de Chevalier est à retenir, car avant la fin de la matinée, je rencontrerai

une demoiselle Chevalier, fille sans doute de la précédente qui jouera un rôle éphémère mais important dans

cette journée très remarquable pour moi qui avait tout à apprendre.      

    

       Vers 11 heures, je vois déboucher trois blouses blanches portées par deux hommes et une femme. J’ai

déjà rencontré l’un des deux hommes qui est le Médecin d’étage, l’autre a les cheveux gris et ressemble au

bon vieux Médecins des familles. C’était je crois rien moins que le Directeur de l’Hôpital. J’apprendrais plus

tard par Nicole Arnouat que la jeune femme n’est autre que l’Assistante Sociale de l’Etablissement. C’est

elle qui parlera presque uniquement, cherchant à me faire saisir diplomatiquement la gravité de la situation. 

  Je repense souvent à l’importance qu’aurait  pu avoir cette entrevue et aux veines recherches que mes

réponses allaient provoquer. J’aurais du évidemment me souvenir de Menkès et le nommer. Mais j’étais

si peu préparé aux coups qui étaient portés de l’autre côté du mur de cette chambre !

 Après les salutations d’usage, voici ce que j’entendis :

 

-Monsieur, nous voudrions savoir si vous avez correspondant ou un tuteur avec lequel nous puissions nous

entretenir ?

 

-Mais, je ne comprend pas…Ma Mère a dû vous dire…

 

-Oui, elle nous a dis que vous n’aviez plus votre Papa, mais votre Mère est très fatiguée…Nous n’avons pu

en savoir davantage…

 

-Oui, il est possible qu’elle soit un peu fatiguée. Elle a évidemment beaucoup travaillé ces derniers temps. Mais

laissez-la se reposer deux ou trois jours. Ensuite elle pourra répondre à vos questions.

Oui, je sais, elle est très impressionnante quand elle est dans cet état.

 

    Je pensais aux crises de sommeil qui avaient surpris ma Mère au lendemain de l’enterrement de son

Beau-Frère Paul du Vignaux, et qui s’étaient prolongées durant 48 heures sans désemparer ou presque,-à

la grande inquiétude de son proche entourage. ( C’est à dire mon Père et moi-même ) Ceci datai de 1961.

Cette histoire était bien longue. à raconter à une interlocutrice pressée d’obtenir un résultat.

 

-Vraiment, Vous ne voyez personne ?…

 

Il y avait bien Jehanne, mais brusquement Madame Ringot me parut, je ne sais pourquoi, plus évoluée et plus

apte à correspondre aux critères demandés. En quoi, je me trompais d’ailleurs. L’Assistante Sociale n’était pas

non plus, croyais-je, le genre de personne avec qui on pouvait discuter. Je m’enferrai donc dans mon raisonnement :

 

-Vous verrez ce que je vous dis : dans deux ou trois jours elle ira mieux.

 

Je crus alors percevoir l’Assistante Sociale murmurer entre ses dents :

 

-Ca m’étonnerai. Votre Mère est vraiment au bout du rouleau.

 

Malgré tout je lui répétai le peu de choses que je savais sur Madame Ringot. Voyant qu’elle n’obtiendrait  de plus

et après un sommaire examen, ou ils commentèrent que j’étais équipé comme le souhaitait l’Hôpital, le trio me

quitta.

 

    Sûr de mon pronostic, je déjeunai gaiement, commençant même à plaisanter avec le Personnel. Je fus surpris

de voir arriver vers 15 heures les Oncles Jean et Rémi Schelcher, ce dernier les mains chargées d’une boite de

« Calissons» que j’ouvre tandis qu’ils vont faire une reconnaissance dans la chambre d’à-côté..  Et décidément     

c’est la journée des Frères. Les Oncles Pierre et Jacques de Dreuzy pénètrent dans ma chambre. Ils n’iront qu’en suite dans celle de ma Mère où ils retrouveront les frères de ma Mère. Comment tout ce monde-là

a-t-il été prévenu ?

 

Me revient en mémoire un commentaire d’Oncle Pierre au bord de mon lit :

 

-Mon pauvre vieux ! si ta Mère te voyait couvert comme cela !

 

En effet, dans la chambre,  il fait 25°, et mon lit couvert comme celui d‘un grand frileux ; mais j e n’ose demander

aux infirmières de me découvrir un peu ;- de crainte de leurs commentaires…

 

       Ces Messieurs resteront jusqu’à 6 heures environ, heure des repas dans les Hôpitaux. O y sert une omelette

qui restera la dernière histoire drôle entre Chantal de Pange et moi.. Elle passe en effet vers 7 heures et insiste

pour que j’interrompe la dégustation de ce « plat de résistance ». J’ai quelque chose comme 39 ou 40°. Puis elle

cède la place à Hardieiller qui viendra presque chaque soir pour me faire boire un tilleul attendu avec autant d’impatience que de reconnaissance.  

 

   Et maintenant mon récit quittant la forme «  Journal » va reprendre sa forme habituelle.

 

                A partir du Mercredi 2 Mars, la vie hospitalière prend son cours « s’embourbant » dans sa routine habituelle dans laquelle tout se confond. Ce ne sera que vers la période du 12 au 15 que je reviendrai à la

forme « journal ». Ces trois jours resteront gravés pour toujours dans mon souvenir, et seront dans droit fil

de ceux que j’ai déjà racontés et en seront l’achèvement. En attendant ces tris jours-là, les jours que je vis

se résument dans quelques phrases qui toutes ensembles ne seront qu’un long et même avertissement :

 

-Votre Mère est très gravement et profondément atteinte… .

 

  Mais comme il y a quelques à peine à La Glazière, j’ai du mal à en croire mes oreilles. Peu à peu une certaine

Vérité de dessine en moi. Mais elle sera bien vite oublier au moment où il fallait se rappeler l’image ainsi fumée.

 

 
   Pour l’instant je reste sourd à ces mies en garde, si délicates qu’elle fussent. Depuis le « coup de l’omelette »,

m’avoue ne rien entendre à tout ce qui se dit dans la chambre d’à-côté. Je retint surtout de mon informatrice

qu’on assistait maintenant à de brusques assauts de sommeil chez ma précieuse voisine. Quelqu’un m’avouera

ne pouvoir satisfaire les désirs téléphoniques de ma Mère car elle voulait appeler Madame Victor Thiébaut morte

en Février 1968. Ma Mère parla à ses visiteurs de Madame Thiébaut,- sa Grand’ Mère- morte le soir de Noël 1930 etc.  

 

   Puis c’est l’affaire de « la Bibliothèque ». Ma Mère nous avait fait admettre, elle et moi, dans les circuits d’une

Bibliothèque de prêts dans laquelle elle puisait son aliments intellectuel  Madame Besson nous y avaient rejoints.

Il y eut donc dans ma chambre, un entretient ,(entre Chantal de Pange et Madame Besson ) pour savoir ce que

nous ferions des trois livres qui étaient en notre possession,- et en panne…Madame Besson n’étant pas encore

très sûr de la durée de notre hospitalisation, hésitait à les prendre. Chantal de Pange l’y encouragea pourtant.

Je crus comprendre ;- d’après la réponse assez net et ferme de Chantal,- qu’il ne fallait pas faire attendre les

les abonnés suivants ; je crus mettre ces Dames à l’aise en leur disant que bien souvent ma Mère ne touchait

même pas au lot qui venait d’arriver. Comment s ‘apercevrait-elle qu’elle ne les avaient pas lus ? Il n’y avait donc

qu’à faire suivre…  Il ne s’agissait pas du tout de cela ! Pour Madame Besson il s’agissait de savoir qui prendrait

notre place !

 

-« De toute façon, dit Chantal de Pange, Madame de Maindreville ne lira plus…

 

Elle entrait déjà dans le monde des  disparus ! J’aurais dû comprendre. Je ne compris pas. De surprise je

tressaillis  fortement su mon lit.

 

-Mais, Martial, il ne faut pas vous faire d’illusion, me dit Chantal, je vous déjà ai dit l’autre jour que votre Mère

est très fatiguée…

 

Ces différents constats de « fatigues » proprement dite ne me renseignait guère, ma Mère ayant toujours traîné

depuis 1939, un arrière fond de fatigue générale. Il eut fallut que l’un de mes interlocuteurs ou interlocutrice soit

beaucoup plus précis.  Ils n’osèrent provoquer chez moi un abattement plus grand. Mais ce jour—là c’est sur

les livres qu’on discutait.

C’est d’ailleurs moi qui ajoute cette fin de phrase, car Chantal s’apercevant que je n’avait pas encore « atterri » noya rapidement le poisson. Pourtant cette fois-ci je demeurai perplexe. Mais une nuit, mauvaise comme toujours

à l’Hôpital, effaça cette méchante impression. Par ailleurs je souffrais de nouveau cruellement de la soif, pour la

seconde fois de ma vie. Cela tournait à l’obsession. Et me tournait aussi dans la tête ces mots de Tante Geneviève de Dreuzy :

 

-Mon pauvre vieux, il ne faut pas te faire d’illusion. Il faut que tu te prépare à faire un virage à 180 degrés :

La Glazière, c’est fini ! y es-tu prêt ?

 

Avouerai-je que souterrainement une partie de ce discourt me plaisait :c’en était fini de cette Glazière ! Mais

mesurai-je le prix qu’il me faudrait payer pour « changer de vie » ? Mesurai-je que ce serait désormais sans

ma Mère ? Pourtant cela rendait plus pressantes les questions qui me tourmentaient depuis si longtemps

sur ce pourraient être ces nouvelles « formes de vie ». Mais je ne réalisai pas encore cette réalité :

La Mort de ma Mère.

 
   On le voit, j’étai tourbillon et imprécision. Je ne comprenais pas encore.

 

           Un certain jour, le vendredi 4 Mars je crois, le Personnel s’avisa, pour s’en inquiéter, que j’étais

constamment alité. On entreprit donc de me « mettre au fauteuil » selon le langage hospitalier. Et

cependant mon « bobo » à la fesse évoluait mal. Je le traînais depuis le départ de La Glazière ; et

même un peu avent. Cette éphémère installation en position assise s’accommodait mal du matériel

dont disposait l’Hôpital.. Le « bobo » en souffrait et les soins qu’il exigeait se prêtais mal au matériel

offert.. Or siudaint  deux visiteurs firent leur apparition : le jeune Médecin d’Etage que j’apercevais à

peu près tous les jours et le Docteur aux cheveux gris entrevu au début de la semaine :

 

-Il n’est pas encore avec sa Mère celui-là ?

 

-Non.. Je vous expliquerai, répond l’autre

 

Et il l’entraîne rapidement vers la suite de la Visite.

 

Et le plus âgé de me jeter avent de disparaître :

 

-On va voir ce qu’on peut faire pour vous !

 

Et je l’avais remercié tout à l’espoir de cette promesse. Cette espérance fut déçue. Mais puis-je en vouloir à ces

Messieurs ? Non certes. Je leur garde plutôt un sentiment de gratitude pour avoir voulu m’épargner le voisinage et la vue de la débâcle qui se déroulait de l’autre côté du mur. Je n’y étais en aucune manière préparé. Je n’avais

et n’ait encore jamais vu mourir personne.

 

    Et l’on rencontre là une des préoccupation majeures de ma Famille à mon sujet.  Il ne fallait en aucune manière m’inquiéter en me révélant la gravité de l’état de ma Mère,-et le processus d’une mort en marche.

       Cela durera et explique l’irréalité de l’atmosphère dans laquelle vont se dérouler nos deux existences.

Un simple mur nous séparait. Mais la distance qui séparait était immense. Nos deux existences durant toutes

ces semaines qui nous conduiront à la mort de ma Mère, étant localement si proches mais si profondément

séparées ! C’était presque surréaliste !- On ne dira rien du détail des épreuves subies par elle. Je ne les appendrai que lorsque tout sera terminé. Je ne pus au jour le jour participer au calvaire qu’elle gravissait,

ni prévoir que le terme était proche…

 

   Qu’on ne l’oublie pas en lisant les pages qui vont suivre.

 

 

          Pourtant, mon attention fut alertée par une conversation avec mon cousin Dominique de Maindreville,

et dans tout autre domaine que celui de nos santés.. Cet entretient me laissa apercevoir d’autres perspectives.

 

     La veille de la visite des deux Médecins  Dominique m’avait conseillé de prendre une aide

Pour gérer nos modeste revenus. Quant à lui, il se récusait devant cette tâche. Il arguait de son manque

d’expérience financière comparée à celle de la famille de ma Mère. Il m’avouait aussi son grand désir de

tenter une nouvelle tentative de vie religieuse et de surcroît contemplative.

                                                                                                                                                                                                                                                         

L’état de santé des Oncles Schelcher laissait prévoir une moins grande disponibilité à plus ou court terme.

Oncle Rémi s’acheminait vers prochaine cécité. Il me recommandait de m’adresser aux Oncles Dreuzy. Ils

étaient cousins germains de mon Père. Des deux frères, Dominique penchait  pour Oncle Jacques. Il habitait

le plus couramment près de la région parisienne. C’est donc lui qu’on dérangerait le moins en lui demandant

ce secourable service.  

 

   Je demeurai perplexe,- aussi tenterai-je de reconstituer les mots mêmes de cet entretien. Cela

permettra peut-être de comprendre ce qui se passait dans l’esprit de ma Mère.             

 

-Voilà, me dit Dominique : ta Mère est fatiguée. Elle voudrait trouver quelqu’un qui l’aide à gérer

votre fortune. Personnellement, je ne peux pas à cause de mon âge. Et ma compétence ne peut

se comparer à celle de tes Oncles Schelcher. En outre j’ai le projet de rentrer au couvent Tante

Jeannine m’a demander de voir avec toi, pour que nous trouvions la personne le plus à même

de t’aider dans l’avenir.

 

                Je l’interrompis en lui citant le nom de celui auquel ma Mère pensait depuis 1980, année

du décès de Christian Droulers dont elle avait espérer qu’il pourrait être mon mentor dans la gestion

de La Glazière.

     Il s’agissait de mon Oncle Pierre de Dreuzy dont l’expérience terrienne et campagnarde pourrait

m’être d’un précieux secours pour cette même exploitation. Elle continuait à privilégier pour moi la

vie fermière. Elle ne se départit jamais de ce rêve. Elle estimait que le plus clair de mes revenus

viendrait non de capitaux mobiliers, mais de revenus agricoles…   

 

     Nous tombâmes d’accord, Dominique et moi, que La Turpinère était trop éloignée . Ma Mère avait

déjà pressenti cet inconvénient. Mais l’évolution des santés de ses deux frères semblait exclure pour

eux les déplacements qu’aurait exigés leur « sponsorisation » de ma gestion. D’ailleurs, ils étaient

plus « financiers » qu’agriculteurs. Restait Oncle Jacques de Dreuzy qui pourrait plus facilement veiller

sur moi. Et ajoutait Dominique, habitant le même quartier que lui, je pourrais, sous sa tutelle t’assister,

du moins dans les premiers temps. Et Dominique de conclure par ces mots :

 

-Réfléchi à tout ce que je viens de te dire. Je reviendrai dimanche vous voir tous deux, ta Mère rt toi.

Nous pourrons en reparler ensemble.

                                                                                                                                                                 

                               Tout cela était étrange : ma Mère, demandant de l’aide en matière  financière !

domaine qu’elle avait toujours jalousement conservé pour elle seule !

       Et cette source d’étonnement : elle terminait maintenant chaque entretien sérieux en demandant

à son interlocuteur du moment quel était mon avis sur la question discutée ! Je n’en croyais pas mes

oreilles ! Certes, elle avait déjà au moment du décès de mon Père signé les papiers nécessaires pour

établir un « Compte-Joint » entre nous au Crédit Agricole. Mais jamais l’occasion ne s’était présenté de

profiter de cette faculté. Que penser alors de ce « Qu’en pense Martial ? » posé comme préalable

maintenant à toute prise de décision ?

                                                          

   Cet entretien eut lieu le 5 Mars. On comprend pourquoi j’accessits l’éventualité évoqué par les Médecins

de nous réunir avec un mélange de joie et de réserve. J’aurais été heureux de pouvoir échanger avec ma

Mère nos impressions du moment, mais les changements que je pressentais dans son comportement

n’étaient-ils pas le signe de changements plus encore plus importants dans personne même ? La

Providence résolut le problème en redent impossible notre réunion. J’aurais beaucoup aimer conserver

d’elle le visage et me référer à la puissance cérébrale que je lui ait toujours connu, préservé de toute

marque de déchéance.

 

   Et maintenant, la forme  « Journal » va reprendre dans mon récit. A quelques heures près il sera complet   

et recouvrira totalité de ces 15 derniers jours fatidiques.

 

      Samedi 7 Mars. – Voici que je sombre en plein tourbillon intérieur, mon esprit éveiller 1 voyage d’un problème

à l’autre, - les mélangeant, -les entremêlant au gré du trouble qui m’emporte.

 

Je suis placé devant une énigme et une alternative à trancher.

 

     L’énigme était le silence de ma Mère sur certains bruits qui me revenaient. Avaient-ils l’approbation de ma Mère ? Certains détails me trouvaient indécis. Que signifiait cette rumeur d’installation dans le village même

d’Orgeval dont les bruits circulaient de plus en plus à mon sujet ? Avait-elle l’approbation même muette de ma

Mère ? Son silence était pour moi une énigme et m’inquiétait devant l’alternative qui m’était proposer. Il fallait

choisir entre deux perspectives d’avenir : La Glazière ou quoi ? J’avais été imprégné d’une certaine conception

et on me proposait une autre manière de voir. L’alternative était pour moi le choix entre deux direction.

 

          Par ailleurs, il y avait une autre alternative : elle allait au choix fait entre les deux frères Dreuzy mes

Oncles. L’idée première venait de ma Mère et, surtout depuis le printemps 80. Elle désignait comme guide

pour moi Oncle Pierre : il était de la campagne,- de plus il avait donné asile à mon Père à La Turpinière pour

qu’elle serve de cadre à sa messe d’enterrement. De plus Oncle Pierre avait meublé tout mon horizon de

petit garçon à Paris lorsque mes Parents lui avait offert de partager notre appartement aux premier et

second trimestre de 1946, pour lui permettre de préparer plus aisément son Concourt du Conseil d’Etat.        

Par contre, Oncle Jacques brillait à mes yeux de tout le prestige d’un glorieux passé militaire. En proposant

à Dominique d’échanger frère pour l’autre pour m’entourer, n’avais-pas manqué au vrai choix de ma Mère ?

Telle était l’énigme. N’étai-je pas coupable envers elle ?

                                                                                                                                                                                                                                                                                                       

   J’allais d’un problème à l’autre. Et ma Mère ne pouvait plus prononcer le mot libérateur….

 

  En ce samedi, j’allais recevoir deux visites

 

En début d’après-midi , je vois le ménage de Laval s’encadrer dans ma porte. Ils sont « effrayés de l’état dans lequel ils trouvent Tante Jeannine ». Yvonne me laisse entendre qu’un retour commun à La Glazière est fort

compromis. Quel solution envisagent-elle ? Elle parle pour moi d’une « mise en Foyer ». Mais pour l’instant,

il n’en existe aucun dans Paris. Si la situation s’aggravait et l’exigeait, il faudrait songer à Laval ( sans mauvais

jeu de mot sur leur nom ). Là seulement on trouverait un Service d’Urgences capable de me récupérer. 

…Je les partir dans la plus grande perplexité.. Je ne situe pas géographiquement cet endroit… Mais

c’est sûrement au diable vauvert…

 

   Ils sont remplacer par Yves Schelcher, seul, je lui confie ma nouvelle anxiété et il tente de me

rasséréné :

 

-« Mais non, mon vieux ! on va t’installer à Paris avec nous ».

 

   Pour quitter ce terrain aventureux,  il me parle de cet Hydroglisseur qui a eut hier un accident spectaculaire

sur la ligne Douvres-Calais. Puis il me laisse à peine ragaillardi,- mais toujours inquiet.

 

       Ainsi s’achève ma première semaine d’Hôpital. La vérité sur mes problèmes ne se s’est toujours pas

montrée  à moi, ni nue ni revêtue….

 

   Tous ces examens que nous subissons sont bien longs à révéler leur secrets !

 

Dimanche 8 Mars.- Malgré ces heures dominicales qu’à La Glazière nous consacrions à Dieu, on

refait le pansement de mon escarre et on m’annonce un désagrément : au lieu de diminuer, la plaie

s’est élargie. On pose un nouveau Garent qui doit hâter la cicatrisation, .. son maxime d’efficacité est

de 5 jours, je n’ai pas le souvenir qu’il y ait eu une suite… Une fois ces « chirurgiennes » passées » je

les entends clamer à travers la porte :

 

-« Et maintenant, il ne reste plus que le pansement de Madame de Maindreville ».

 

Et l’autre de répondre :

 

-« Oui, mais il faut d’abord lui faire sa piqûre ! ».

 

Un pansement, à ma Mère, avant un pansement ? Comme c’est bizarre ! Et maintenant, un petit détail qui finit

par avoir son importance : Je meurs de soif ! Chacun de mes visiteurs est taxé de deux verres d’eau, avant

tout entretien. Ce qui n’arrange rien c’est que j’étouffe dans cette chambre où il fait au moins 25°. Alors qu’à

la maison, la température intérieure varie entre 10 et 12°.

Le Personnel de l’Hôpital recommande è la cantonade qu’il faut boire. Mais il ne fait pour y aider. Les fenêtres

sont pertinemment fermés ,-mon cochambriste étant frileux  Curieux bonhomme que ce voisin. Il est entrer ici

je crois, pour cause d’éthylisme naissant. Il avoua un jour au Médecin d’Etage qu’il buvait un à chaque repas

un demi-litre de vin. Le Médecin remarqua calmement :

 

-« ça fait un litre par jour,  ça il va falloir vous modérer. D’ailleurs, ici, vous ne boirez que de l’eau !

 

   Et le type de ronchonner !.

Il me flanqua un soir la plus belle peur de ma vie, ayant prit, je pense un des médicament déposé sur

son plateau. Cette drogue ne sembla convenir à son organisme. Voici mon bonhomme en lutte ouverte

contre le « bonbon » qu’il venait d’avaler ;-qui devait être un soporifique. Il arpenta notre chambre en

maugréant des mots sans suite ; jusqu’à ce que la fatigue le fasse tomber à terre le dos appuyé à lit

et les pieds presque sous le mien. Très impressionné, j’enfonce littéralement la sonnette pour appeler

le Service de Nuit. Le bonhomme est rebordé dans son lit avec les mots appropriés :

 

-« Allons, Monsieur Dolet ! Il est temps de dormir, il fait nuit » !

 

L’incident eut lieu, je crois, dans la nuit du samedi  5 au Dimanche  6 Mars. Et c’est à travers un brouillard de

soif et un état anormalement fébrile que j’entrevois la silhouette de Dominique, venu comme promis prendre

des nouvelles. Il passe un long moment auprès de moi, à écouter mes préoccupations. La lumière ne se fait

pas pour autant dans mon esprit. En fait, je n’ai pas souvenir que la lumière définitive se soit faite en moi  

le soir de ce Dimanche-là.          

             

   Il écouta donc avec patience le défilé de mes préoccupations du moment et que l’on connaît. Parmi

celle-ci il en est pourtant une que j’ai oublié de joindre aux autres. Elle me vient directement de l’Hôpital.

Le 1er Mars, le Médecin avait constaté des lacunes dans les renseignements qu’il tentait de réunir.

 

Sachant que mon séjour à l’Hôpital serait éphémère, les Services avaient entrepris d’organiser mon avenir

en mes lieu et places. La tâche se révéla ardue.. J’avais prononcé le nom des Ringot devant la première

enquêteuse. La Standardiste de l’Etablissement se mit donc à piocher les Annuaires pour tenter de les

retrouver. Elle ne trouva rien à la lettre R. Ce ne fut qu’ensuite que le souvenir me revint de leur situations.

Ils étaient employés par le Directeur des Nouvelles Galeries comme gardiens de sa résidence secondaire.

Le téléphone était donc à son nom. Et pourtant  j’avais pensé à eux comme sauveurs de la situation…

 
   La Standardiste céda la place au Médecin d ‘étage que j’avais vu. Il avait l’air  d’un de ces récents

scientifiques, humain, jeune et ouvert,-compte tenu responsabilités qu’il assumait. Le voici donc qui

arrive tenant  en main un formulaire de Curriculum Vitae, en vue de mon inscription à Brie Comte Robert

où il y aurait un lit d’attente capable de me recevoir..

   Il m’aide à le remplir, et nous pagayons tous deux pour l’établir au plus juste. Mais je n’ai jamais eu en

mémoire aucun numéro de Sécurité Sociale, et j’ai toujours ignoré quel nom les Augures avaient donné

 à ma situation. Tant bien que mal nous trouvons réponse à ces questions et il me tend à signer ce Curriculum

Vitae Or me revient à l’esprit que depuis quelques jours j’entends parler comme en un rêve d’un transfert à

plus familial à Orgeval. (J’ai le  « Bic » à la main, il est encore en l’air ) .Un sursaut providentiel me fait

demander au Médecin de surseoir à la signature du papier.

 

-Il me semble Docteur, que ma famille prépare de son côté pour moi quelque chose. Si vous pouviez

attendre qu’on en sache plus…

 

-Ah bon, je ne savait pas…. En fait d’ailleurs cela ne presse pas…. Tant qu’on ne se sera pas occupé

de votre Colon.

 

     Cela se passait, si mes souvenirs sont exacts la veille,- le samedi après-midi. Je me souvient de ce

détail car je m’étonnais qu’un tel jour serve à ‘établissement de papiers administratifs.

 

   Nous étions aujourd’hui dimanche et cette journée dominicale ne s’acheva pas sans la visite de nos

deux Garde du Cops habituels  Hardieiller et Jehanne. Chaque fois qu’ils viennent ils me font boire…

Qui du tilleul, qui du vin ( camouflé dans une cannette de bière ).

 

-« Monsieur ! c’est du vin de table, celui de la maison. Cela remettra Monsieur » !

 

Et l’un et l’autre liquide passent aussi facilement l’un que l’autre, sans autre distinction de goût ni de

couleur..

 

 

Lundi 9 Mars : la peur qu’inspira un tailleur vert (Et surtout sa propriétaire ) Ce jour-là commença dans

la monotonie habituelle aux matinées d’Hôpital.

   Les Oncles Schelcher m’avaient annoncé dès la semaine dernière le prochain passage de Chantal de

Saint Remy, fille aînée d’Oncle Jean. Ce devait être pour un de ces lundis car Chantal gérante pour Saint

Germain en laye d’une chaîne de Pâtisseries, ne disposait que de ce jour de congé professionnel. Les

Oncles venant à peu près chaque Mois à La Glazière, s’étaient battus avec ma Mère pour faire coïncider

les jours et les horaires de Chantal, avec ceux de Jehanne qui ne prolongeait sa présence auprès de nous

que deux par semaine, les Mercredi et Vendredi.

 

             L’annonce de cette visite je l’avoue, avait disparue dans la touffeur de mes jours de soif. Ce qui

fit que son apparition me prit au dépourvu et m’inquiéta. Mon mauvais état de santé me fit mal interpréter

cette première visite de ma Cousine.

 

              Elle avait d’ailleurs à mes yeux un caractère de nouveauté. En effet Chantal tenue par son travail

et par les évènements était resté longtemps absente de La Glazière alors que nous étions bien portant,-

ou presque. ( Cette « Franchise » ayant tous son temps libre à partir de Septembre 1984, d’après ce qu’elle

m’a dit ).

        Ce fut d’ailleurs le cas de beaucoup d’autre parents et amis. La Glazière était si loin ! Une visite cela

voulait dire une journée entière.. ! Les meilleures volontés pouvaient broncher.. où remette à demain.. Il

faut avouer aussi qu’avec l’âge, les caractères quant à eux se durcissent ; chacun devient sans le vouloir

prisonnier de ses manières de voir les choses ;- d’où des incompréhensions mutuelles. Ma Mère d’ailleurs

n’échappait pas à la règle et devenait peu à peu assez intraitable. Bref les liens se distendaient. Des

brouillards s’étendaient. Des nuages quelques fois pouvaient passer.. Et puis l’urgence talonnait chacun

et faisait désirer des décisions…

      En un mot, je fut surpris et plein de crainte. Que se passait-il donc qui devint brusquement pressant ?

 

Me cachait-on quelque chose ? Tous ces parents qui accouraient venaient-ils au secours d’un désastre

imminent ? Et maintenant Chantal, indélogeable, il y a quelques semaines encore ? Venait-elle à son

tour « en reconnaissance » ?

 

         Ma belle confiance n’était pas encore troublée. Mais…

 

         En réalité les choses se passèrent bien. Chantal fit plusieurs fois l’aller-retour de ma chambre à la

Salle de Garde. Puis, avant de partir, elle se pencha sur la feuille de température et y trouva quelques

« clochers ».

 

-« Tu as encore fait des folies de ton corps à ce que je voie » ?

 

Je ne répondis que par un rire, paraît-il (ce que j’ai totalement oublié) et Chantal sortit sans rien ajouter d’autre que la ferme promesse de me faire sortir de ce Sahara étouffant.

   Cette promesse et la personne qui l’avait faite étaient-elle réalité ? Ou était-ce le rêve d’un esprit et d’un corps

sous-alimentés ? Quoi qu’il en soit j’oubliais assez rapidement cette visite,-absorbé que j’étais par les mille

problèmes quotidiens de la vie d’Hôpital. Et trois jours passèrent sans présenter rien de remarquable.

 

 

Vendredi 13 Mars   Je ne me souviens pas du détail, mais le choix de l’Oncle Jacques de Dreuzy était accepté

par les deux hospitalisés. Il ne restait que des formalités à remplir. Dans la « Purée de Poix » intellectuelle où je

me trouvais, un mot commençait à faire son chemin en moi. Le mot « Procuration ». Dominique m’en avait parlé

au début de semaine et les frères de ma Mère avaient dû continuer à le faire. J’oubliais d’ailleurs régulièrement

le contenu de ces conversations car chacun chaque visiteur m’entraînait sur un terrain différent.

 

    Mais qu’était-ce donc qu’une Procuration ? C’était parait-il un document qui me permettrait une certaine

liberté financière tout en m’évitant le poids et les contraintes d’un conseil de Famille. L’état intellectuel que

l’on me connaissait pour bon le permettait.

 

  Le seul problème du moment résidait dans la présence obligatoire d’un Notaire qui établirait ce papier au nom

du mandataire que je désignerait. Or si ce projet prenait forme, le problème était de savoir comment me transporter jusqu’à l’étude d’un Notaire. Ce fut l’Etude qui se transporta jusqu’à moi en la personne de Maître Besson. Il vint donc dans ma chambre et y rencontra Peggy Aubé et Yves Schelcher. Chacun d’eux avait à jouer

 

un rôle primordial dans l’affaire en servant de Témoins. Je dictais péniblement au Notaire le brouillon de la

Grosse donnant procuration à Monsieur Jacques de Dreuzy. Je parvins difficilement à décliner son identité

ayant brusquement un trou de mémoire : Etait-ce Aubépin ou Aupépin de Lamothe Dreuzy ? Je finis par trouver

la bonne identité qui est Aupépin, et ceci me fit réaliser une fois de plus le degré de fatigue où j’étais arrivé…       Maître Besson voulait surtout tenir de moi coordonnées exactes du  Mandataire. Mais la chose avait dû être

préparé par Dominique, qui avait probablement déjà donné au Notaire ces précisions.

Une fois le nom enregistré, il n’y eut plus qu’à échanger les signatures.           Peggy Aubé et Yves Schelcher, mes

visiteurs du jour, remplirent l’office de témoins

 

Nous étions le Vendredi 11 et pendant les 36 prochaines heures mon étonnement du lundi précédent n’allait

pas me quitter jusqu’au lundi 14 à 18 heures exactement.

Pourquoi se pressait-on  tellement autour de moi ? Pourquoi tant de « mondanités » et à un rythme si précipité ?

Y avait-il une telle urgence et ne pouvait-on pas prendre son temps ? En effet aucune sortie d’Hôpital ne m’étais

annoncée comme imminente..  

 

                                                                                                                          

 

    Quand je dis ne pas être au courant du changement d’orientation  de ma vie, c’est faut. Des

bruits relatifs à mon éventuel départ avaient fini par percer le rideau et l’écran de fumée commençait

à se dissiper, les Médecins ayant diminué d’autorité mon habituel menu pharmaceutique. Seule subsistait

donc cette soif qui jouait sur moi le rôle de loupe déformante.                                                               

 

   Comme on le voit, je craignais et souhaitais tout à la fois ce 14 Mars promis par Oncle Jean comme date de

sortie de cette Hôpital.

Mais pouvait-on faire que j’en sorte seul alors que nous y étions entrés deux ? La crainte et l’impatience se

disputaient en moi la première place.

 

    Samedi 14 Mars. Arrêtons un moment ces réflexions et passons au stricte déroulement de ce Samedi. Sa

matinée fut entièrement occupée par la Médecine et la chirurgie ; celle-ci devait me débarrasser de ces parasites

intestinaux – des Polypes- qui avaient provoqué une trop apparition de sang après mes ablutions.

Sans doute gêné ou trop pressé, le Praticien oublia complètement l’injection  calmante. Il me travailla donc

« au corps » et à vif, si j’ose dire. S’apercevant un peu tard de sa bévue, il me proposa le calmant. L’intervention

étant largement commencée et les instruments chirurgicaux placés depuis longtemps, stoïquement je déclinai son calmant. Ce qui ne m’empêcha pas de mouiller abondamment par ma transpiration la jeune « carabine »

Antillaise qui de son bras me voilait les yeux, juste à l’opposé du « bourreau ». Cet acte d’endurance me valut

de voir remonter mes actions de quelques points parmi le Personnel.

  Il avait eu de plus la désagréable surprise de constater que l’embouchure du « Pennylex » prévu pour tout

nouvel arrivant me blessait, après 5 jours ininterrompus,  à l’endroit que l’on suppose. Il fallut donc recourir au bon vieux « pistolet » que nouvel instrument devait remplacer radicalement.. Bien entendu, il fallut changer ma

« chemise américaine »,-vêtement avec lequel je vivais depuis mon entrée dans l’Etablissement.  .

Le reste de la journée fut consacrée à reprendre mon soulte que la matinée avait un peu entrecoupé…

 

    Une mise au point :arrivé à ce point de mon récit, il me paraît utile de faire ( ou de répéter ) une mise au point

 

Les faits, les évènements, les prises de position de chacun, je les ai vécus, vus, entendus et enregistrés d’une

manière très prosaïque. J’étais intellectuellement dépendant du seul entourage qui constitua durant plus de 40

ans, (47 exactement ), mon unique horizon. J’étais très dépendant vraiment et lorsque disparut cet unique entourage j’ai dû évoluer très vite, peut-être trop.

Si quelques réflexions parsèmes ces pages, c’est qu’elles sont nées de nombreuses années de réflexions . Mon

seul désir en écrivant ces pages, longtemps après l’événement, c’est dans le désir de recréer l’atmosphère dans

laquelle j’ai traversé toutes ces heures.

           C’est dit, poursuivons notre chemin sur l’insensible pente où nous glissions.

 

En sortant de la Salle d’Opération, il me fallut 24 heures pour récupérer complètement. Peut-être Roselyne

Schelcher passa-t-elle.. mais peut-être est-ce un rêve ? Tout en entrevoyant  que je passais mes dernières

heures d’Hôpital, je m’efforçais de ne pas y penser.

 

 

   Dimanche 14 Mars – 15 heures.. Mais qu’avaient donc tous fidèles voisins à venir envahir ma chambre

ce même dimanche ? Tous par groupe, en se mettant mutuellement à la porte. Et leur discours.. Si curieux..

Ne d’agissait-il pas d’adieux que je sentais devoir se prolonger. Ces scènes me semblaient étonnantes. Si

l’idée d’un départ de l’Hôpital s’était finalement logée dans tête, ce ne pouvait être que pour un retour à

La Glazière !

 

   Le temps passé à l’Hôpital ainsi que le flot des idées et des évènements qui s’étaient abattus sur moi

m’avait fait déformer le sens véritable du message apporté par Oncle Jean au cours de ces deux dernières

semaines. Je l’avais reçu dans un vrai brouhaha intellectuel et physique.                                                 

 

   J’en étais donc arrivé à imaginer ce dimanche-là qu’en accord avec ma Mère, Chantal de Saint

Rémy allait prendre pour un temps la direction de notre Maison-Mère.. Pourtant une réflexion éveilla

mon attention. Elle vint de Jehanne. Arrivé plus tôt que d’habitude, elle me donnait la dernière des

fausse canettes de vrai Cramoisay et me glissa à l’oreille :   

 

 

-Même si Monsieur quitte la Seine et Marne, ça ne l’empêchera pas de venir respirer le bon air à La

Glazière. Si vous pouvez la garder…

 

Je répondis par un « peut-être » plein d’espérance en cette perspective rafraîchissante.

Retenons aussi le passage amical de Hardeiller et du ménage Thibaut. Ils étaient arrivés tout troit plus tôt

que d’habitude. Ils croisèrent (ou amenèrent,-je ne me le rappelle plus Daniel Giraud. .Celui-ci suscita vraiment

mon inquiétude car je n’avait fait que l’apercevoir en Juin 1978, lors d’un échange de terrain. Il était  ancien

d’Oncle Jean qui lui avait cédé La Miroderie qu’il exploitait maintenant pour son compte. Giraut se retira pour

laisser la place à Bernadette Ringot, revêtue du Blazer des Dimanches et portant un sac qui pendait au bout

d’une chaîne de métal jaune. Elle venait elle aussi me jurer un prochain revoir et une fidélité dont je suis encore

certain.

 

        Quatre autre personnes se rencontrèrent également à mon chevet : le ménage Pange et celui de Marc

Schelcher. Après avoir questionné celui-ci  sur l’état de ma Mère, qui était sa Marraine, j’entendis Marc me dire :

 

-Alors, c’est demain que Chantal vient te chercher bien… C’est bien ça !

 

Cette fois-ci, c’était clair et net : il me fallait partir…et sans ma Mère…                                                     

 

    Depuis ma naissance, jamais mes Parents ne m’avaient laissé une grande autonomie personnelle.

Il y avait eu l’expérience de l’hiver 62-63 où l’on avait vu ma Mère séjourner à Tours. Elle n’avait pas eu

de lendemains sinon celle d’exclure sévèrement  l’idée de se renouveler. Et je ne parlerai que pour

mémoire du fameux mois d’août 64 que je passais à Tonnens. Il favorisa une récupération magistrale

si totale….1.   A la crainte du saut dans l’inconnu,  en somme bien naturelle, s’ajoutait une autre

appréhension pour mes Parents plus personnelle.

 

   C’est une longe histoire. Certes les six petits enfants de Mr et de Madame Xavier  Schelcher avaient

tous été élevés à Paris. Mais l’accaparement des études, les obligations de la vie mondaine avaient

insensiblement tenus écartés les cousins les uns des autres. En outre une distance notable séparait

les résidences secondaires et accroissait encore cette situation durant le temps des vacances. Mesdames

Mennesson et Schelcher avaient attribué La Glazière et Orgeval à chacune de leurs filles aînées. Ainsi

La Glazière se trouvait en Seine et Marne, Orgeval dans les Yvelines. Oncle Rémi avait acquis un domaine

à La Loupe en Eure et Loire ! Les occasions de rencontres n’en étaient pas facilitées. Fatalement une distance

ne pouvait ne pas s’établir.

 

C’est pourquoi, Grand ‘Mère Schelcher avait farouchement tenu à ce Mois de Septembre où elle recevait

à La Glazière tout son monde. Cela cimenta certainement les sentiments familiaux, des uns et des autres.

Malheureusement la fatigue de Grand’Mère grandit la défection de son vieux PersonneL porta un coup

fatal à cette bienheureuse coutume. La tradition fut donc interrompue dès 1963…

 

Dès lors chaque ménage se replia sur sa propre maison familiale.                                                                                                                              

. ,                           

 

             
    Et maintenant nous étions en 1987 ; 24 ans avaient passé. J’avais quitté de très jeunes gens, et j’allais

être confié à des hommes et à des femmes que de trop rares apparitions à La Glazière ne m’avaient pas

permis de connaître comme je l’aurais souhaité. Sans pour autant que leur affection à mon égard ne fut

pas douteuse…

 

     Et surtout, en dimanche 13 Mars, se rompait ou se distendaient toutes les attaches qui m’unissait à mon

passé et à celui que j’avais partagé avec ma Mère : d’années en années, de jours en jours, d’heures en heures,

dans les bons jours et les mauvais jours…Avec qui désormais le revivre, même en silence, dans l’échange

silencieux d’un simple regard.

 

     Si un photographe avait pu assister à cette journée ! Il aurait pu fixer l’image de deux amis de longue

date, Chantal de Pange et moi, s’entretenant de ses choses.  Elle me promit de me suivre des yeux autant

qu’elle le pourrait, elle s’engagea même à téléphoner dès son retour à Mimouche, à Oncle Jacques de

Dreuzy, pour parler un peu avec lui de la situation.

     Les barres qu’ignorant mon véritable état on avait mises de part et d’autre du lit empêchèrent cette

embrassade d’adieux, que permettaient 39 ans d’une déjà longue et sincère amitié. 

 

    Je regardai donc s’éloigner le célèbre manteau bleu, agrémenté cette fois d’un foulard de chez Hermès

avec un vague à l’âme qui me fouaillait le cœur.

 

 

A quelque chose malheur est bon. Les adieux de Madame de Pange avait eu me mérite de me faire prendre

conscience d’un changement radical dans mon mode de vie. Se pouvait-il en effet que ce temps de tête à tête

et d’isolement prévu semblait-il pour durer mille ans prenne fin si rapidement ! Je n’avais jamais pensé à la mort

comme libératrice. Seule ma Mère devait ordonner, programmer, organiser ! surtout dans un tel changement qui

était il y a quinze jours encore, si, loin des projets les plus proches ! Il me semblait qu’en aucun cas je ne devais

prendre une responsabilité aussi grande, puisque ma Mère avait toujours prévu pour moi un avenir campagnard !

 

    La nuit suivante fut pour moi plus grise que vraiment noire. Ainsi l’échéance de notre séparation était là !

Certainement, elle ne serait que temporaire ! Elle restait tout de même un heurt, un coup de butoir donné à

ce moteur qui depuis 7 ans ronronnait si bien à La Glazière entre ma Mère et moi !

 

     Nos derniers entretiens concernant l’avenir et la sorte d’engagement qu’il exigeait repassaient sans cesse dans ma Mémoire. Il en était comme de ces films d’Actualités continuellement représentés et faisant suite aux

Publicités et précédant naturellement le « grand film » le tout en circuit fermé.                                               

 

 

     Le jour qui succéda à cette nuit fut une jolie journée du petit printemps. Durant ces dernières heures, j’attendis

anxieusement, sans doute sous la forme d’un court billet, le mot de réconfort et d’encouragement que mon Père ou ma Mère avaient toujours su me dire devant la barre de l’effort à fournir.

Ce billet ne vint pas ! on verra tout à l’heure comment j’eus la triste preuve et l’accablante confirmation de cet

étonnant silence.

 

   Une imaginaire haie d’Honneur. Depuis quinze jours devant le fourmillement des nouvelles dont j’entendais

les échos, je réclamais des preuves. Le Destin allait me les donner.

 

Lundi 15 Mars. 14 heures 45. Je vois un groupe entrer dans ma chambre. Il est grave et rit peu.. Il y a là les deux Oncles Schelcher, Chantal de Saint Remy,-qui porte un tailleur Ecossai à dominante verte, il sera sa tenue

de sortie des deux années a venir, je le verrai et reverrai souvent cette année. A ma grande surprise il y a là a là

aussi Oncle Jacques de Dreuzy et Tante Monique sa Sœur, tous deux plus grave encore que les autres.. La présence des deux Oncles Schelcher me surprend un peu. Celle d’Oncle Jean ne suffisait-elle pas ?…De toute

façon, c’est gentil à Oncle Rémi de s’être dérangé aussi…Daniel Hardeiller arrive également pour me dire un

dernier adieu. Il sera le dernier témoin Seine et Marnais de mon long séjour dans le pays.

 

D’une manière générale les présentations sont mondaines :                                                                                                    

-Mon Père et mon Oncle Rémi, dit Chantal à l’intention d’Oncle Jacques de Dreuzy qui a pourtant rentré

les Oncles Schelcher il y a 15 jours dans la chambre de ma Mère. Ils sont d’ailleurs à peu près contemporains.                    

 

-Il faut qu’on se vois, ajoute Chantal à l’adresse d’Oncle Jacques.[1] Quand pouvez-vous ?

 

-Madame à telle ou telle date…Je ne sas pas, répond Oncle Jacques. Quand..                        

 

-De toute façon, on se téléphonera, reprend Chantal.

 

Une infirmière s’approche :

 

-Messieurs, vous êtes attendus par le Docteur, dans son bureau

 

-Oui,  répond Oncle Rémi, Nous assistons au départ de notre neveux et nous arrivons tout de suite après. 

 

Mais en fait, ces trois Messieurs avec Tante Monique, nous abandonnerons Chantal et moi, pour ne pas faire attendre. En effet, l’ambulance commandée par Chantal se fait exagérément désirer.

 

               Est-ce vraiment l’atmosphère de cette chambre, ou un peu de température nerveuse qui me font trouver

brusquement la chaleur insupportable ? Chantal entrouvre la fenêtre, mais le voisin se plaint immédiatement de

« cailler » ! Après un coup de  téléphone au Siège des Ambulances Sainte Marie, nous voyons enfin arriver le

brancard et un brancardier accompagné par Madame Chevalier qui insistera beaucoup – comme Chantal pour

me faire passer par la chambre de ma Mère avent de partir. D’amblée je trouve cette sortie d’Hôpital bien solennelle pour une séparation de trois semaines au plus.. Cela vaut-il la peine de déranger la malade ? Et

voici que je me trouve dans sa chambre. Ma mémoire me restitue exactement la phrase qu’elle prononce :

 

-Qui est ce Monsieur qui est sur le brancard ?

 

Certes l’arrivée d’un nouvel arrivent dans une chambre excite la curiosité. Certes le nouvel occupant est

difficile à identifier quand il est sur un brancard. Mais l’émotion qui monte en moi depuis un très moment moment,  

me fit réagir vivement à la question de ma Mère.

Comment, ma propre Mère n’avait pas reconnu son fils, ni ses contractures qu’elle connaissait pourtant si bien,

si la voix qui lui avait jeter un « Bonjour Maman » respectueux et joyeux….. .Tout cela me fit toucher du doigt

l’ampleur du désastre intellectuel que l’on essayait depuis 15 jours de faire entrevoir.

 

Certes, la « reconnaissance » fini par se faire tant bien que mal. Mais ma Mère s’intéressa moins au brancard

qui se trouvait pourtant au pieds de son lit, qu’à l’intervention de sa nièce Chantal.       

 

-Tante Jeannine, j’emmène Martial à Orgeval en pendant que vous vous remettez. Il y sera beaucoup mieux avec

nous qu’ici, où ils n’y a plus rien à faire pour lui.

 

-Qu’est-ce tu dis ? J’entend mal. Depuis que je prends de la Cortisone. J’entends mal. Mes oreilles ont beaucoup

baissé.. Et puis je suis très vieille ce qui n’arrange

 

-Je vous dis que…etc., etc….répète Chantal….   

 
La malade finit par percevoir qu’il allait y avoir un changement…Mais lequel ?

 

-Ah oui, tu va emmener Martial à Orgeval pour prendre le thé…C’est très bien. Mais soyez de retour bien 

exactement à 7 heures parce qu’ici on est très exact.

 

Elle se croyait encore maîtresse de maison – ou de quelque chose..

 

    Pendant ce dialogue, ma poitrine se gonflait de quelque chose de comparable à un nuage atomique de

chagrin. Si ce champignon avait éclaté, on l’aurait entendu de tous les coins de France. Il était urgent de

dégager. Le brave garçon-bracardier le comprit plus vite que ma cousine. Ce fut lui qui prit l’initiative de

rompre. Je traversai le long couloir dans état respiratoire proche du spasme, plus proche de l’évanouissement,

et d’un déluge de larmes. Le pousseur trottait heureusement bon train ; je sentais Chantal me tapoter vaguement

la joue, probablement un peu inquiète du résultat de cette entrevue.

 

   La porte de l’Hôpital fut enfin atteinte, les premières bouffées d’air frais me permirent de respirer plus largement. C’était fini. La Grande Epreuve de ma vie semblait passée. Je ne devais pas revoir ma Mère ;

elle qui depuis son veuvage m’avais consacré le meilleurs de sa longue et douloureuse existence.

 

         La haie d’Honneur.

 
                   Ce 14 Mars 1987, une trappe s’est ouverte sous mes pieds. Avec la disparition de ma Mère de mon

Horizon, c’est tout un bagage de souvenirs et d’évocations qui s’envolait d’un seul coup.

 

               Tout à l’heure j’ai parlé d’une sorte de Haie d’Honneur. Elle était faite de ces réminiscences qui ce jour-là m’offraient un dernier accompagnement. Ce n’est qu’après mûre réflexion que m’est venue à l’esprit l’idée d’une telle évocation.

               

                Adieu à Tante de Dreuzy, Tante Vette, qui fut ma première lectrice et m’initia à « Babar » durant tout

les dimanches de l’occupation Allemande.  Un certain dimanche de cette triste période, Elle manifesta un

étonnement indigné parce que je lui demandais qu’étai-ce qu’un « Croissant » ? Déguster par Babar d’avant

la Guerre. Le cri de surprise de la vieille demoiselle, résonna à travers l’appartement :                                                                 

 

-Jeannine ! le « Cocos » ne sait pas ce qu’est un croissant !                                                                            

 

Mademoiselle de Dreuzy, était la dernière sœur de ma Grand’ Mère Paternelle. Elle est morte en Décembre

1952, après avoir assuré durant une douzaine d’années ce « Baby-Sitting » familial1.

         

 

     Adieu à « Bon Papa ».Monsieur Xavier Schelcher, qui fut inviolablement la cause d’un de mes premiers

cauchemars d’enfant. On m’avait emmené, sans doute trop jeune m’incliner devant son cercueil drapé de

noir et orné d’une croix blanche, comme c’était alors la coutume. Le sinistre objet m’avait paru d’autant plus

frappant qu’il était surélevé sur des tréteaux d’une grandeur impressionnante. Il est vrai que le défunt, de son

vivant, mesurait 2 mètres quand il portait son chapeau de soirées. Cette affreuse vision datait du 16 Mars

1948. Il avait paraît-il  81 ans. 

 

          Plus loin encore dans ce couloir, nous passerons près de Saint louis des invalides. Dans la Chapelle  nous verrons son autel au pied duquel repose derechef un cercueil familial. C’est Jean-Michel de

Maindreville mort pour la France en Indochine et que l’on va inhumer tout à l’heure en terre métropolitaine.


Il est pour l’instant entouré par ses compagnons d’armes- comme il se doit, le pommeau de l’épée au

niveau des lèvres. La cérémonie me laissera un souvenir de photo en couleur qui lui ôte son caractère

de tristesse.. C’est le premier enterrement auquel j’ai assisté, le 7 Mai 1955.

 

                Passons pour le saluer près de l’Oncle Paul du Vignaud, car ce fut lui qui donna le triste signal

du départ à toute la génération de défunts qui de 1961 à 1969 marquera rt inquiétera toute ma jeunesse.    

En redire le détail serait fastidieux.

 

    Dans ce cortège, faisons bien sûr, une place éminente à mon Père. Dans cette haie que j’ai imaginée,

il occupe l’une des dernières places ( ou l’une des premières selon le sens que l’on suit pour passer devant

cette chaîne familiale. En tout cas, dans l’esprit de l’auteur de ces lignes et qui le descend, mon Père étant

le dernier décès durement ressenti, il se trouve à la porte même de l’Hôpital. Il a son air particulièrement

distingué et son sourire toujours affable. Peut-être s’apprête-t-il à accueillir quelqu’un… ?

 

   Tous m’ont murmuré leur salut au passage et leur encouragements. J’ai envie de leur lancer l’exondation

suivante :

 

-Famille, amis, je vous laisse ma Mère ; elle a bien servi votre mémoire. Veillez sur elle, comme elle a

veillé à entretenir chacun de vos souvenirs.                                                                                                

 

 

Ainsi s’achève la Haie d’Honneur.

 

 

Une Explication Nécessaire.

 

         J’entends d’ici les censeurs ! Ils m’accusent de m’être laissé aller à un genre littéraire désuet. J’en

accepte le risque. Il était tentant, et voici pourquoi.

 

     Cette rêverie m’a été inspirée par une lecture de « La famille Boussardelle » de Philippe Hériat que au printemps 1972, quelques semaines avant notre installations définitive à La Glazière. Philippe Hériat évoque

Les derniers moments de Ramelot qui fut d’abord femme à tout faire du premier Boussardelle, père de la

tribu, avant devenir, on le présume du  moins, l’amie inséparable. Ce personnage dont le prénom m échappe,

savait que la mourante avait participer à la grande Révolution. Il fait dans sa chambre les quelques survivants

de l’Evénement qu’il a entendu raconter par sa vieille amie. Et c’est le défilé de ces vieux témoins, serrant contre

eux les armes les plus hétéroclites et arborant les coiffures les plus fantaisistes qui m’avait paru saisissant – vrai

jeu d’ombres chinoises. Il nous avait beaucoup frappé, ma Mère et moi. Nous avion lu et relu cette saga – que j’ai

adaptée aux sentiments qui étaient les miens dans ce couloir d’Hôpital qui me faisait passer d’hier à demain…

Serai-je jeter aux bêtes pour cela… ?

 

   Ma fuite désordonnée de cette chambre d’Hôpital reste, elle, réelle.    

         Le soudain passage à l’air libre me permit de débloquer ma respiration ; avant d’être à nouveau enfermé, mais, cette fois, dans l’ambulance.

Une fois sur la route des Yvelines, je fus obligé à des mondanités dont 15 jours d’Hôpital m’avaient fait  oublier la

nécessité. Pendant que Chantal m’exposait les affaires de famille, je pensais davantage à cette part de ma vie

que j’abandonnais en Seine et Marne, aux amis que j’y avais rencontrés et auxquels je disais adieu.  

       Arrivés à Orgeval, ce fut la périlleuse montée des  escaliers de la chère Madame Forin (Marie). Les deux

ambulanciers nous quittèrent,( mais sont presque immédiatement remplacés par Oncle Jean venu voir, malgré

une journée émouvante, comment c’est effectuer le transfert de son  Filleul ). Le départ des ambulanciers

consoomât la rupture avec le passé car, après tout, il m’aurait été facile, il y a quelques jours  de refuser ce

secours-là.

 

   

                Comme le  dit le Poète « le combat  changea d’âme.. » le combat  que j’avais mené dan cet

Hôpital était une espèce  de « contre la montre » ; et maintenant il fallait s’occuper de La Glazière livrée

depuis 15 jours aux seuls deux chiens. Jehanne avait à tout hasard maintenu le rythme de présence que

ma Mère avait instauré et qu’elle jugeait déjà bien  insuffisant pour assuré la sécurité des lieux alors que

nous habitions sur place. J’appris donc qu’il ne fallait plus vivre dans l’illusoire où j’avais vécus. Il fallait

en particulier préserver le patrimoine familial,- et de ce fait mettre en sûreté les quelques meubles de

style qui composait le décor de la maison. J’avais baptisé « rezzou » le déménagement qu’il fallait

concevoir et exécuter. Il fallait entre autres choses, établir un acte officiel autorisant Oncle Jacques

de Dreuzy ainsi que tout autres de ses accompagnateurs, à effectuer ce transfert de mobilier, en

attendant le retour à La Glazière qui ne faisait aucun doute dans mon esprit. Ce déménagement

n’était donc pour moi que purement conservatoire. C’est avec stupéfaction que j’apposai un M

tremblant,- devant mon oncle, sur ce blanc-seing à lui dicté. Encore trop fatigué je ne devais pas

participer à ce déménagement. Seule le jeune Paul-Antoine fut le témoin de ce début de changement

effectué sous le toit de son arrière Grand ‘ Mère.

 

C’était le Jeudi 19 Mars 1987.

 

 

Orgeval et la maison Forin.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          

            C’est pendant l’établissement de cet acte sous seing privé que mon Oncle me parla en confidence

d’une opération chirurgicale qui concernait  ma Mère. Tout en me mettant succinctement au courant de cette

intervention, il tint absolument à m’en tenir secrète la nature….

 

                En entrant dans la maison Forin, je refis connaissance avec la cuisine saine, fine et équilibrée que

pratiquent les cuisinières à l’intention de ceux qui peuvent se bien tenir à table ! On m’excusera de mettre

ainsi en tête ces données alimentaires. Peut-être, sous alimenté m’ouvrirent-elles de nouveau à la vie.

 

Cette première approche de ma nouvelle vie n’est pourtant que secondaire. Ce qui compte, ce

fut l’accueil et l’accompagnement de ces premiers jours,- et de ceux qui suivirent.. On soigna le grand

que j’étais et on le réhabituait à un présent plus souriant. Marie Forin et Chantal y réussirent parfaitement.

Notamment, elles me dépassèrent de ce cocon pharmaceutique dans lequel je me trouvais depuis 1978

et plus. Adieu donc Equanil ordonné en 1962 ! adieu au N’Oblivon ordonné en 1966 ! au revoir au Temesta

qui m’avait fait prendre certains  tournants ! Pour prendre d’autorité cette décision, Chantal se trouvait aidée

par Madame Forin qui, femme de Médecin, pouvait éventuellement en parler à son mari et palier ainsi à tout

changement inadéquat.

    Mais pour l’instant j’étais un peu hébété par ces changements trop répétés et trop précipités qui m’avait

en quelques jours emmené de La Glazière à l’Hôpital, et de l’Hôpital à Orgeval.

Je regarde ces Dames faire mon lit d’un oille interrogateur : « Où donc cela s’arrêtera-t-il ? »      .  

C’est allongé que je vois Oncle Jean nous rejoindre. Il a probablement suivi l’ambulance et bifurqué vers Paris

pour y déposer Oncle Rémi ; car il vient seul aux nouvelles :

 

-« Alors, comment va-t-il ? »

 

-« ça va, » répond Chantal à son Père.

 

Sans doute pour dire qu’elle remettait à plus tard les détails sur son « Trot d’Escorte » accompli, dans

l’après-midI. Oncle Jean comprend à demi mot et n’insiste pas. A vrai dire j’interprète, car questions et

réponses ne furent exprimées que par une mimique appropriée ;--presque en cachette de l’intéressé….  

qui pourtant en saisit le sens.

      Avant de se retirer mon Parain me confirma que la maison d’Orgeval me serait ouverte chaque week-end.

Chantal m’avais d’ailleurs expliqué pendant le trajet ce que seraient ces fins de semaines. Je dirai toute à l’heure

comment devaient s’effectuer ces transports. Ils  m’auraient semblé pittoresques si j’avais eu alors l’esprit sensibles aux aventures.  Puis mes parents se retirèrent et Chantal promit de revenir dès le lendemain

prendre des nouvelles de la première nuit de son récent adopté.   

   Qu’on excuse l’incohérence des lignes qu’on va lire. J’étais en plein tumulte et roulé par les évènements. La

confusion même de ce que je vais essayer d’écrire n’est que l’image de mon trouble intérieure.  

 

   Mes parents se retirent donc et il me sembla pour la seconde fois que se rompait encore un des liens qui mer attachaient à ma Mère. Certes les Schelcher reviendraient, jour après jour. Ils m’entouraient à qui mieux  mieux.

Mais ils demeuraient extérieure alors que ma Mère m’était intérieur.

                               

   Ils avaient été témoins avec moi, dans cette dernière entrevue de la vie de ma Mère encore vivante. Je ne

savais pas que je ne la reverrai pas. Mon espoir en une amélioration restait intacte,  malgré le choc reçu,- et

avec lui l’espérance que tout allait un jour recommencer,-comme avant. Mais en attendant, il me faudrait

 comme on dit, « faire avec », c’est-à-dire soutenir le choc, faire face au doute, à sa sœur l’Incertitude. Jamais

durant cette fin de  Carême et jusqu’à la Vigile de la prochaine Pentecôte, je ne crus à la réelle gravité de

l’état de santé de ma Mère.

 

 Que ce passa-t-il ensuite dans la chambre au papier fleuri de la maison Forin, comme nous l’appellerons

plus tard, Chantal et moi.

 

   C’est seulement 48 heures après mon arriver que Chantal au de sa visite régulière me proposa une chose

aberrante :

 

-« Ecoute Martialou, Tu n’est plus le Martial que j’ai connus, tu est trop endormi. On va essayer de diminuer

les doses de tes médicaments. Si ça ne va pas on recommencera, mais il faudrait arriver à t’en passer ».

 

J’étais abasourdis. Voulant donner une leçon à cette « Révolutionnaire » incorrigible je gromelaii :

 

- « Faits comme tu veut, moi je paris que ça ne marchera pas ! »

 

         On essaya. Je perdis mon paris. Comme Chantal le dira plus tard, Marie Forin, et elle donnèrent un grand

coup de pied dans la pharmacie dont j’ai  parlé tout à l’heure. Je devais retrouver le Témesta –vers 1990 sous une dose beaucoup plus raisonnable..

     Pour ne pas perturber le Terrain nerveux du moment.. On me donna un traitement de Myolestan et de

Tégrétol. Il semble que ce double traitement ne fit grand effet. Le souvenir en tout cas ne m’en est pas rester

il est vrai que j’étais profondément habituer à des potions plus magique encore..   

 

Ii fallait d’abord s’occuper de cet escarre qui rendait une fois de plus pénible la position assise. Dès lendemain de

notre « cavalcade » on me fit connaître Madame Briand, Infirmière Rurale, réplique pour ce coin des Yvelines de

ce qu’avait été pour nous Marie-Andrée de Montbelle. Anne-Sophie Briand s’acharna d’abord à conjurer cet escarre que mon séjour à l’Hôpital n’avait fait que confirmer.. Ses premières observations nous amenèrent à

la fin de la première des 2 semaines que j’ai passés Place de l’Eglise à Orgeval.

 

     J’occupais la chambre du fils de la famille, pendant que celui-ci poursuivait à ses études à Paris durant la

semaine. Il fallait, pour les week-end déblayer la place pour quelques heures, - et ceci vers 11 heures. Ma

cousine avais donc passé un arrangement avec les Pompiers d’Orgeval pour qu’ils me transportent régulièrement rue de Feucherolles.(Chez Tante Denise et Oncle Jean).

   J’appris à cette occasion à connaître les « gens du week--end ». Tous les samedis matins Madame Forin

Autrement dit Marie,-voyait arriver le « Tube » Citroën rouge de la section conduit par « l’Officier » responsable

plus un homme. Pour ma part je me sentais embarqué dans les bras de ce Supérieur  Gustave dit « Tatave »   

pour descendre les deux escaliers et parcourir en voiture au plus un kilomètre. Malheureusement, atteint dans

mon « fondement » le plus continuel, j’ai toujours mal profité de ces transports qui auraient pu être amusants.

En effet, le véhicule était destiné par nature à l’assistance technique des sinistres ; il ne possédait donc aucun

confort.. Si je compte bien. Il me permit cependant de rejoindre ma famille pendant trois week-end consécutifs. 

 
   De cette première rencontre –maintenant déjà ancienne –avec le haut Orgeval, que reste-t-il 

dans mon souvenir ? Peut-être d’abord la chaleur de l’accueil reçu, plus particulièrement ce jour-là.

Mais peut-être aussi l’épaisseur du silence qu’après le café la maîtresse de maison opposa à une

allusion à La Glazière,- suivie d’une réponse évasive de Parain , et enfin de sa détermination finale.

 

- Ecoute Denise, attendons lundi. Chantal doit aller à La Glazière avec Madame Forin. On verra bien

ce qu’elle dirons après ».

 

Etonnante réplique. Ainsi, Chantal allait montrer La Glazière à Madame Forin.. dans quel but ? Le ménage

Forin était-il destiné à jouer un rôle quelconque dans notre vie à ma Mère et moi ? Par ailleurs fallait-il

envisager de passer tout seul ce lundi ?…dans une habitation que je ne connaissais que de quelques

jours ; cela me paraissait vraiment impossible.

s’impose

                   Une petite parenthèse pour éclairer ma façon quotidienne le quotidien. La Mairie,

alors sous la conduite de Monsieur Gayet, avait décidé la création d’un groupe de bénévoles habilités à

dispenser les soins élémentaires non médicaux aux personnes âgées dont ne nécessitait pas une

 hospitalisation continue..

     Ce service était long et astreignant. Le groupe, généralement composé de femmes, comptait une

dizaine de membres. Ils passaient deux fois par jours, pour les toilettes et les levers du matin. Ils

revenaient entre 16 et 19 heures pour rafraîchir et allonger les malades et les convalescents. C’était 

en quelque sorte une espèce d’hospitalisation de jour,  allégé et peut-être amélioré. Avant mon départ

de Melun, Chantal avait pris soins de m’inscrire parmi les clients de ce Groupe, qui n’émanait que la

seule Municipalité. J’eus la chance de voire ces dames me suivre également chez  Oncle Jean, durant

les trois week-end dont j’ai parlé. Et qui seront bientôt encore d’actualité.

 

   Ceci dit, revenons à nos réunions familiales. L’Infirmière, Madame Briand, avait observé cette manière

de faire et constaté que les trajets n’arrangeaient en rien la cicatrisation de ma Plaie  Elle s’arrangea pour

avoir avec Chantal un rapide entretien dont voici à peu près le thème :

 

-« Madame, l’escarre de votre cousin n’est pas beau du tout…Pour le soigner avec des soins uniquement

médicaux, il faudra du temps. Vous me dites que Martial devra, dans un avenir plus ou moins proche être

debout. Avez-vous sous la main un chirurgien ? Je ne peux en effet garantir la durée de mes soins. Il y a

d’autre part de vilaines peaux mortes qu’il faudra de toute façon enlever.. Je risquerais de lui faire très mal

en les lui enlevant une à une ».

 

    Chantal demanda sans doute à réfléchir et s’engagea tout de même à trouver l’homme providentiel ; mais

cela devait demander une dizaine de jours, si j’ai bonne mémoire.

 

Nous étions le 21 Mars.

 

J’ajouterai pour les spécialistes que ces lignes pourraient intéresser, que Madame Briand et moi, nous nous

trouvions devant l’exacte répétition de l’escarre guéri, il y avait moins de 7 ans, par les soins de Marie-Andrée

de Montbelle sans exiger de sa part d’autres efforts que la régularité, ni présenter de complications. Et  sans

doute avait-elle dû pousser un soupire de soulagement devant cette fin rapide et heureuse.            

A vrai dire, peut-être notre amie Montbelle souhaita-t-elle, comme le Docteur Roux, pendant l’été 1981 le

recours à une solution chirurgicale. Mais baignant quotidiennement dans l’atmosphère de notre tête à tête

-ma Mère et moi- elle préféra alors se taire tout en me laissant prévoir cependant le renouvellement de ce

genre d’ennui.                                                                                                                                                           

 

     Refermons cette longue parenthèse, revenons à ce premier week-end vécu à Orgeval dans un beau matin de

printemps. Si l’après-midi que je viens de longuement évoqué fut sérieux, la matinée dominicale qui suivit

s’est   implantée dans ma mémoire de manière frappante. Vers 11 heures, la Messe télévisée avait réuni

devant l’écran, l’Oncle, la Tante et le Neveu. Le fait en lui-même aurait sans relief extraordinaire si cette

Messe n’avait été rendue plus religieuse par la  Communion que nous apporta Monsieur Michel Foisil.

J’avoue n’avoir reçue cette Communion que dans une  certaine confusion d’esprit, et une ferveur toute

faite d’interrogations : que se passait-il en Seine et Marne ? L’atmosphère de lourd silence et le court

dialogue entre les deux époux, la veille m’avait laissé inquiet. Les premières heures de la soirée puis

de la nuit, je les avaient passées à réfléchir au changement qui peut-être s’annonçait. Enfin, l’attitude

profondément respectueuse et pleine de Foi de Michel Foisil –Frère de Tante Jacqueline Thiébaut

avait approfondi mon émotion.

 

       Je ne devais recevoir d’éclaircissement sur tout cela que le lendemain – et encore ne furent -t-ils que

partiels. Ce fut Chantal (toujours en vert), qui me les donna. Vers 10 heures 30, le lendemain le lendemain

le fameux « Tube » vint me reprendre afin de me réinstaller dans mon pigeonnier de la Place de l’Eglise.

J’eus la surprise d’y trouver ma Cousine, déjà en conversation avec Madame Forin. Elle mit fin à son

passage en me donnant quelques explications sur un certain nombres de choses qui m’avaient paru

invraisemblables, et avaient surpris et troublé  mon bref séjour. Ces explications furent écoutées avec

une particulière attention qui m’éclairent. C’était une mise au point familiale et seuls les détails que me

donna Chantal me manquaient. En effet, quoique mentalement moins présent à beaucoup de choses

depuis une dizaine d’années, j’avais reçu de ma Mère quelques explications – grosso modo – sur notre

actualité familiale.

 

  Mais restait le problème crucial à mes yeux : quel était l’état de ma Mère ? Quand, où et comment la

reverrais-je ?       

 

Ces dames se donnèrent rendez-vous l’après-midi- même pour ce mystérieux voyage en Seine et  Marne

dont j’avais entendu parler l’avant- veille.

 

Quant à moi je ne devais pas rester seul, le ménage Michel de Laval s’étant annoncé pour le courant de

l’après-midi. Ils passèrent en effet, et la gravité de leur conversation me donna matière à méditer pour

bien après leur départ. Et c’est avec plaisir que je vis revenir Marie Forin, 3 bonnes heures plus tard.

Il était malheureusement trop tard pour que Chantal puisse monter. J’aurais bien aimé survoler avec

elle la visite que j’avais reçue il y a un moment. Sans m’enquérir davantage de l’état dans lequel elle

avait trouver ma Mère, je m’inquiétais davantage polarisé sur ce que m’avais laissé entrevoir Michel.

C’est donc dans un esprit   troublé que je perçus à peine les novelles de Melun que donnait Madame

Forin. Et pourtant elles étaient importantes. Je retins qu’on parlais d’une amputation. .

 

-Mais non, Marie. Si c’était vrai je l’aurais su !

 

 Devant tant d’inconsciente incrédulité, Marie Forin brouilla immédiatement le jeu. Elle fut subitement consciente

qu’elle trahissait une chose qui pour la Famille et pour quelques initiés avait valeur de secret d’état. Heureusement pour elle, noyé que j’étais dans mes problèmes de la journée, je ne gardais ce jour-là

et les jours suivants que peu de souvenirs de ce que je venais d’apprendre et des problèmes que Michel

de Laval m’avais laissé entrevoir.. Tout  cela me paraissais dénué de sens.

 

   Que Madame Forin trouve ici l’expression de ma très profond reconnaissance pour sa présence à mes côtés

à cette époque de mon existence, et de toute mon indulgence pour son bavardage peut-être exagéré de ce

soir-là. J’avais encore devant les yeux ce que j’avais pu entrevoir de ma Mère.

 

 

           Quel que soit notre état à ma Mère et à moi, l’entourage d’Orgeval jugeait impossible la simple idée d’un

retour à La Glazière. Aussi, dans la semaine du 22 au 27 Mars, Chantal vint-elle prendre auprès de moi une sorte

de « déposition » sur ce que je savais de mon état physique depuis 1939. Et ceci en vue de la constitution d’un

Dossier Médical, pour le cas où il faudrait m’expédier vers quelques Foyer d’attente en Province. La bienheureuse hospitalité de Marie Forin ne pouvant se prolonger au-delà des 2 ou 3 semaines à venir.

 

   Ce résumé médical – une page seulement. -   fut rédigée vers la fin de ma deuxième semaine de séjour..

et cette simple feuille faite avec  mes pauvres connaissances servit pendant longtemps – pratiquement presque

toute l’année 1987, d’unique référence médicale. Les Médecins qui m’entourent n’ayant jamais eu le temps

d’actualisé leur rapport avec celui fait à ma sortie de la Pédiatrie. Ma Mère était par ailleurs très préoccupée

par la santé de son époux et ne songea guère à attirer l’attention du Docteur Roux –dernier médecin traitant

rencontrer en Seine et  Marne, -sur moi. D’autre part, je peut témoigné qu’elle crut « dur cumin fer » à un

entretien entre le Praticien d’hier et celui d’aujourd’hui. Et puis elle pensait « avoir le temps ». . …

Elle pensait aussi que je resterais à La Glazière dans la suite. Les occasions de rencontres ne mourraient

certainement pas…La tension nerveuse qu’engendrait la santé nerveuse de mon Père était notre souci à

nous deux, ma Mère et moi, on verrait après..

 

         La dictée de ce rapport médical nous avait amené à la veille de mon second séjour familial au  «  haut Orgeval ». Ce nouveau week-end s’annonçait moins nimbé de « non dits ». Il eut cependant une importance

que je dirai administrative ou épistolaire par une lettre qu’écrivit Tante Denise au Professeur Menkès… En

effet, la date du rendez-vous de printemps prévu au sujet de ma Mère approchait. Il était fixé au lundi 22 Mars

prochain. Il était bien entendu hors de question pour elle de s’y présenter et j’avais trouvé plus courtois d’en

avertir le Médecin. Ma Mère appréciait pourtant tellement cette rencontre pour la bouffé d’air qu’elle lui

apportait… En même temps cette lettre devait permettre de faire connaître au Professeur l’évolution de la

situation – au moins dans la mesure où je la connaissais moi-même – c’est à dire rien ou presque.

 

   Qu’est devenue cette lettre ? Fut-elle même envoyée ? Afin de ne pas m’effrayer ma famille avait

décidé de me cacher la vérité le plus longtemps possible. Eut-elle peur qu’une réponse du Médecin

ne me dévoile trop tôt au roses ? Les raisons de la défection maternelle furent-elles jugées trop éloignées

de la vérité pour être  sur le moment transmises à ce Maître de Faculté ? Mon texte fut-il modifié par ma

dactylo du moment ? Je parlais d’escarre. Le destinataire voulut-il avant de répondre voir la situation se

clarifier ? Il ne connaissait notre situation que de façon ponctuel ; il ne pouvait répondre à toutes nos lettres.

   Il le fera une fois pour toutes quelques mois plus tard, lorsque je lui annoncerai le décès de ma Mère.

 

 La chose est sans importance, me dira-t-on. Je le sais, mais elle restait irritante quant on sait tout  le respectueux mystère dont s’entourait pour moi ce printemps.

 

 

Ce deuxième séjour chez les Schelcher – durant les tout derniers jours de Mars,- me permit de  recueillir

les dernières paroles officielles de ma Mère, ainsi  que des nouvelles très fragmentaire de sa santé. Par

les Yves, de passage en famille le dimanche, j’appris avec effarement qu’il fallait maintenant lutter contre

elle pour lui faire prendre la moindre nourriture.  Les enfantillage auxquelles elle se livraient indiquaient

pour une fois une mauvaise réaction à la vie d’Hôpital. Elle aurait eu aussi devant une réflexion

défaitiste et surprenante dans sa bouche sur l’avenir de La Glazière :

 

-« Les Médecins me défendent de retourner à La Glazière. Il faut la louer, qu’en pense Martial ? »

 
Et qu’aurai-je pu lui dire puisqu’elle n’était plus là pour m’indiquer la bonne voie à suivre ? J’étais à la

fois atterré et étonné : que signifiait cette référence pratiquement constante maintenant, à son fils ? Elle

ne m’avais jamais accoutumé à lui servir de conseil. J’en étais à la fois flatté et  inquiet.                 

 

  Une chose encore m’intriguait. Elle suggérait de louer. Avait-elle oublié les sages précautions prises par

Bernard Cochelin, et les accords passés entre lui et la firme allemande Wolf et son représentant en France,

puisqu’elle souhaitait un autre arrangement – bien hypothétique – auquel elle travaillait avec l’aide  indulgente

de Dominique quand le mal la surprit ? Il semble qu’elle avait tout oublié.

Fallait-il conclure à un naufrage intellectuel définitif ? comme on le chuchotait autour de moi depuis quelque

temps .

 

       Pour la dernière fois, les Pompiers me réinstallèrent dans « ma chambre de semaine » de la maison Forin. C’était 30 Mars. Dans la pré-soirée quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver Oncle Jacques de Dreuzy et

Tante Monique sa sœur. Ils venaient  me dirent-ils assister au dîner prévu il y avait 15 jours lors de ma sortie

d’Hôpital.   

Qu’on se souvienne de la phrase de Chantal :

 

-« Il faut qu’on se voit… »

 

   De bonne foi, je croyais la chose faite depuis longtemps, sans que j’en sois fatalement averti. Cette prise de

contact, véritable « Breafing » fut à mes yeux confirmée par l’apparition des Yves. ¨Pendant ce temps, Marie

et moi, nous partagions  tranquillement la tarte aux fruits de mer également offerte aux dîneurs du 50 Rue de

Feucherolles.

 

      -« On va s’occuper de ton cas, mon grand »,, me dit Roselyne avant d’aller s’attabler.

 

On se rappelle l’entretien de Chantal avec l’infirmière Rurale. S’il eut bien lieu  à la date où je l’ai rapporté, je

n’en eus connaissance que bien plus tard. Nous étions de nouveau vendredi et je me réjouissais à l’idée de

passer une bonne fin de semaine en famille. Bien inconsciemment mon hôtesse se chargea de doucher mon

euphorie en m’annonçant ;

 

-« Chantal doit passer en fin de matinée avec un…Chirurgien pour lui montrer votre escarre ».

 

   Qu’on imagine la tête du client. En effet l’évocation d’une intervention chirurgicale ou sa simple proposition

me jetais toujours dans état mental proche de la panique. Pour calmer cette angoisse, enfantine que l’âge n’avait

pas tempérer ma Mère avait dû me jurer que l’opération de l’appendicite que j’ai évoquée,  en son temps, netterrait un point final à ce genre d’exercice.. Et pour éradiquer tout à fait l’obsession qui m’habitait, ma Mère

prenait l’engagement qu’elle vivante aucun Chirurgien – j’écris bien aucun ! – ne se livrerait sur moi à son art. !

 

-« Eh quoi , pensais-je, il suffit donc qu’une simple fatigue détourne un tant soit peu une Mère de son Fils, pour

que sans prendre d’autre avis, on livre une victime ignorante à ses ennemis ! »

 

    La guérison assez douce du premier escarre avait achevé de me tranquilliser : un bon génie veillerait à ce

qu’aucun fer ne trouble mes jours ! et le bon génie semblait m’avoir abandonné ! Pourquoi ne m’avait-on

 pas prévenu ? Nous aurions  pu Chantal et moi et tout autre discuter du pour et du contre ! D’ailleurs

n’y avait il pas un danger pathologique à m’anesthésier ? 

l’accueil réservé au Docteur Albert Badault, fut pour cette raison des plus froid.

 
-« Martial, je te présente le Docteur Badault qui va regarder ton escarre et nous dire ce qu’on peut y faire ».

En retour, il ne reçut de moi qu’un glacial et très mondain :

 

-« Docteur… »

 

Par horreur de la discussion en public, je ne pouvais et ne voulais rien dire des pesées que je viens d’exposer.

Je me tus. Et l’examinateur conclut à la nécessité d’exiser la plaie afin de l’assainir. Le sort en était jeté. On prit

Sur-le-champ des arrangements pour mon entrée à la Clinique Louis XIV à Saint-Germain en Laye le lundi

suivant….. 

 

   Mes visiteurs de ce vendredi 3 Avril remarquèrent certainement que quelque chose n’allait pas chez Martial.

Eh non ! il n’était pas partant pour un expérience du genre de celle qu’on lui avait pratiquement imposée le

matin ! Le mot excision sonne mal ! Il n’était pas propre à le rapprocher de la gent chirurgicale !

 

     Chantal vint donc comme on dit en jargon militaire « aux résultats ». Le souvenir détaillé de son passage

m’a échappé depuis. Mais ma pauvre cousine dut en entendre de toutes les couleurs ! Pour me calmer en guise

de consolation, elle m’avoua qu’elle préférait encore être « charcutée » par l’ami Badault que de monter dans un

avion de quelque Compagnie que ce soit…Elle m’assura qu’elle serait à mon côté… mais cela ne calma guère

mon appréhension..

 

        Finalement un peu décontenancer mais tenant ferme à son idée, elle me laissa aussi peu convaincu qu’à

son arrivée.

 

    Le Docteur Badault avait estimé à 15 jours la durée des soins post-opératoires. Je devais donc passer un dernier week-end au milieu des Jean Schelcher. Ensuite il me faudrait prendre congé de mon hôtesse qui ne

pouvait m’héberger davantage, devant se rendre pour des raison personnelle à l’Ile de Batz.  

 

 

   Ce dernier week-end auprès de mon Oncle et de ma Tante Jean Schelcher fut une étape supplémentaire

vers la prise de conscience de ma vie future.. Une vieille comptine me trottait dans la tête, sans rapport aucun

avec la situation : « Papa est en haut, Maman est en bas. Fais dodo Colas mon p’tit frère etc.… » Un coup de

téléphone d’avertissement à Jehanne, pour ma prochaine « affectation » était dans l’air. Oncle le voulait ; Tante

Denise ne jugeait pas la chose ni primordiale ni même urgente. Oncle Jean l’emporta :

 

-« Allô, Jehanne ! Nous vous téléphonons pour dire que notre fille, Madame de Saint Rémy, va mettre

Monsieur Martial dans la Clinique d’un ami chirurgien, pour qu’on soigne son escarre. Voulez-vous parlé à

Monsieur Martial ? »

 

      Malgré mes dénégations, craignant une émotivité gênante, on me tendit le combiné :

 

     -Allô Jehanne…Suivit une formule de politesse habituelle..

    

      -Il paraît que Monsieur entre à l’Hôpital pour se soigner…

 

      -Pas à l’Hôpital. Jehanne, dans une Clinique. J’espère que ce ne sera pas trop long ! Et à La Glazière, Jehanne, comment çà va-t-il ?

 

Mon interlocutrice prit alors une voix un peu aigrelette pour me répondre :                     

 

-Oh je ne sais pas. Il y a longtemps que je ne vais plus à la maison. Monsieur de Dreuzy m’a demandé de lui

rendre les clefs. Pour moi, La Glazière, c’est fini !

 

Je me récriai :

 

-Allons Jehanne, ne dites pas cela. Madame va guérir et nous reviendrons tous les deux à la maison !

 

Ainsi j’oubliais totalement les derniers décrets des Médecins de Melun….

Je restai surpris et inquiet. Enfermé dans mon rêve de retour, je ne pouvais concevoir La Glazière sans

Jehanne ! Elle était la vie de la maison ! comment pourrions-nous reconstruire cette vie à laquelle je

continuais de croire ?                                                                                                                                                    

 

Je fus détourné de cette surprise par l’arrivée des Ambulanciers de Saint Germain,(et non plus les

Pompiers) qui allaient m’emmené vers ce qui me paraissait la première étape de ma vie d’Homme,

 

 

seul et désormais responsable…. 

 

     A la réflexion et rédigeant ces souvenirs longtemps après l’événement, je pense que mes trois week-ends

dans une branche de notre famille autre que celle qui formait jusqu’alors tout mon horizon, fut pour moi

presque une naissance. J’entendais d’autres jugements, je voyais le monde avec d’autres yeux ;- et pourtant

dans le sein de ma propre famille, je découvrais une autre famille dont les échos ne me parvenaient que

lointains auparavant. : une autre logique, d’autres points de vue sur les problèmes qui m’étaient pourtant

familiers.

Par ailleurs, je commençais à toucher du doigt ce qui n’était auparavant qu’une hypothèse à échéance plus

ou moins lointaine.  L’irréel devenait réalité, et à court terme. Loin de La Glazière, il ma fallait commencer à

reconstruire un monde. Et cela à court terme. Que seraient mes journées désormais ?…

    Oserai-je dire que le cordon ombilical se rompait ?

 
     4 Place Louis XIV.     

 

                          Saint Germain en laye vers quoi on me conduisait, ce lundi 6 Avril, m’ouvrait des perspectives à

la fois précises et obscures. Il y aurait les 15 jours médicaux et chirurgicaux : le programme journalier en était

précis et échappait à ma décision. Mais que serait la suite ?

                    

   Serai-ce pour moi le Foyer de Laval (Mayenne) ? Et que recouvrait ce nom ? Qu’y faisait-on à longueur de jour ? J’en étais inquiet….

 

          De Saint Germain, que dire ? Détailler mon installation n’offre guère d’intérêt. Un Détaille pourra peut-être

faire sourire. J’occupais la chambre 24 et la sonnette d’appel me paraissait fort dure. La Salle de Garde des

Infirmières étant juste en face, on décida que je signalerais par un « Hou ! Hou ! » aussi sonore que possible

mes moindres nécessitées. Malheureusement pour mes infirmières ce moyen qui pouvait convenir à quelques

jours devait durer 6 Mois…Ce  truc finit par les faire rire elle-mêmes.  Ni le changement  de cadre, ni le changement d’atmosphère n’avaient rien changé à mon caractère et je demeurais sous le coup de la peur

que l’on sait. Cela s’était su. Et je quittais Orgeval emportant le souvenir d’un coup de téléphone alarmé de

la famille de Paris. Je  ne saurai que plus tard qu’impressionné par ma réaction pessimiste, Chantal elle-même

avait fini par être ébranlée et avait faillit décommander l’interven

                En attendant le jour « sanglant » les visites continuaient ; Chantal intensifiait les siennes. Elle

rencontra ainsi Madame von Breitenstein( née Sonia de Belloy) elle s’intéressa à connaître le chemin 

qui m’avait  amené à croiser le sien. Bien entendu, elles évoquèrent à mots couverts mon avenir ; - avec

ce qui semblait inexorable, le passage à Laval.

Chantal interrompit la conversation pour me dire :

 

-Dans le fond ce qui serait le mieux c’est qu’Albert,( le Docteur Badault ) puisse te garder un bout de temps,

en attendant qu’on y voit plus clair.

 

Et se tournant vers Sonia :

 

  -Je vous laisse  tous deux un instant pour aller voir ça avec mon ami Médecin.

 

               Un moment après la chose était faite ou en bonne voie. Le Docteur Badault se chargeait de me

garder quelque temps après ma guérison, pourvu que nous ne flânions pas trop et cherchions une solution

plus définitive et plus souhaitable. Voilà donc un bout d’épine tiré de notre pied. Mais duquel : celui de Chantal

ou du mien ?    

 

De la Famille.

 

                        Pour l’heureuse clarté des faits à venir, un coup de projecteur sur le récent passé est encore

nécessaire. 

 

   Lors de mon premier bain de famille, le 20 Mars, j’arrivais à la maison aveuglé par l’épais et affectueux brouillard dont entourait pour moi l’état de ma Mère. J’étais bien décidé à percer quelque peu cette brume

opaque. Je n’en eus pas le loisir. Installé à la romaine autour de la table familial à cause de cet escarre qui

m’empêchait de mander coup sur coup une pensée affectueuse

pour son neveu Hubert Mennesson bousculé paraît-il dans un transport public, et pour Martine Géliot dot le

cancer progressait avec une certitude implacable. Mentalement je priais Tante Denise de ne plus « en jeter davantage ». Je trouvais ma cour bien pleine. ¨Poliment, je promis cependant quelques pensés plus instantes

auprès du Ciel ;- quoique pour moi le chemin qui y conduisit soit déjà passablement encombré par le problème

que l’on sait….

 

       A 20 heures, à l’heure du dîner que nous prenions dans le petit salon devant l’écran familial, Paris appela.

C’était Maître Bernard Mennesson qui signalait à sa sœur la funeste irréversibilité de l’état d’Hubert. Le jeune

homme était sous oxygène. Le temps toujours  inexorable passa et Hubert mourut au début de la semaine de

Pâques. Les obsèques ramenèrent les vacanciers autour de la maison et ses occupants habituels.

 

Le lendemain Chantal vint me dire le détail de l’événement.

 

Elle me dit aussi quel part du fardeau Mennesson avait prise Marie-Hélène Mathieu,- décidément présente sur

tous les fronts des peines familiales :

 

-D’ailleurs,  me précisa Chantal, il y aura une messe à Paris où Mademoiselle Mathieu a promis de venir. Et

ce jour-là, j’ai bien l’intention de lui parler de toi.

 

    Je fis alors à Chantal un bref résumé de nos dernières années, et comment nous les avions vécus en

partie à l’ombre de l’Office Chrétien des Handicapés ( O.C.H ). Je terminai en lui décrivant Marie-Hélène, telle

au moins que mon souvenir l’avait conservée après un repas pris avec nous peu après la mort de ma

Grand’Mère. Parler à Chantal du samedi de Pentecôte 1977, me parut prématuré – la chose avait été trop

discrète et trop intime. Ce serait pour la suite.     

   Ce portrait-robot étant fait, nous prîmes immédiatement rendez-vous pour le moment de la Messe « célébrée

ultérieurement » - selon le langage reçu – afin de parler de façon plus constructive de cet obsédant avenir.

 

Chantal ! Vous êtes un Ange ! ( Nous Sommes Bien d’Accords là Dessus ).1

         

   Cette explication m’a fait anticiper un peu. Revenons donc au début d’Avril 1987. Je m’étais promis de ne pas

m’étendre sur des souvenirs hospitaliers de peu d’intérêt, mais pris par ma narration me voici en quelque sorte

contraint de le faire.

    Qu’on excuse la sorte d’esclavage que je me suis imposé de suivre l’ordre des jours de ce début de

printemps 1987. Mais le « grand événement » de mon opération était dans mon esprit si tyrannique qu’il

accaparait tout mon esprit. Loyalement, je dois, je, pense le faire partager,-et mon récit y trouvera une

meilleure cohésion.

 

   L’opération- un simple grattage, disait Chantal pour m’encourager ,- devait avoir lieu le jeudi 9 Avril. J’étais

sûr de mon fait : ma mort était proche ! J’avais donc demandé à Chantal d’être présente à mes derniers

instants.. A moins que ce soit à ma sortie des Limbes. Promesse faite, promesse tenue !

 

   Et quelle ne fut pas ma surprise d’entendre du fond de ma nuit la voix d’Oncle Jacques qui disait à Chantal :

 

  …Vous… un Ange…

 

J’étais donc vivant ! J’en étais pour mon ridicule ! « Laudetour Jesus Christus » Il n’y donc plus que quelques 

pansements à supporter mais ça je connaissais !

Ce préoccupant jeudi étant passé, mes angoisses m’abandonneront, - même si une certaine gène physique mit

plus longtemps à céder la place.    

                                                                                                                                                                                        

 

     Et voilà qu’une autre anncdote me revient à l’esprit  une amie Saint Germinoise de longue date

vint me voir dès le lendemain du fameux jour. Elle parle fort bien et se pique de n’employer jamais

que le terme propre ( dans tous les sens du mot ) même dans les plus terre à terre et pratique.

La partie de mon corps sur on avait opéré posait un délicat problème quel synonyme « convenable »

peut bien entrer dans son vocabulaire ?… Avec un air gêné elle me demanda :

                    

- Alors, Martial, comment va votre « jambe » ?

-        

Faussement complice et pour ne pas descendre à des détails trop réaliste, je répondis :

 

- Ma « jambe » va bien, chère amie, je vous. remercie.

 

Nous passâmes à des sujets moins glissants, soulagés de n’avoir pas à employer des mots trop abrupts

quoiqu’ils évoquent des rondeurs. Voici qu’on frappe à la porte.  C’est le Docteur Badault qui effectue sa

première visite sérieuse après opération. Il me jette rondement :

 

-Alors ! ta fesse ! mon pauvre vieux, elle  ne te fait pas trop mal ?…..

 

et sa grimace montre qu’il la croit encore très sensible..

Tête de la jeune femme à laquelle l’impétuosité de la visite n’a pas laissé  le temps de sortir !

 

La Semaine Sainte 1987 .

                                                           

                        Ce souvenir qui n’est que taquin se situait au jour de la vigile des Rameaux. Malgré le

le charme et la gentillesse de ceux et de celle qui m’entourent, ils ne peuvent effacer l’impression de

« Marche Aveugle » que je ressens. On me parle de beaucoup de choses à régler. Et spontanément

je remets à plus tard.. je décharge inconsciemment sur ma Mère qui aura le soin de décider….

 

Or j’ignore pratiquement tout d’elle depuis un bon Mois et demi …

Peut-être vais-je en apprendre davantage par l’Abbé Jeantet qui doit venir me voir mercredi. Naturellement,

nous parlâmes de la situation, mais sans évoquer rien de trop précis – notamment sur la santé de ma Mère…

Pour fini, il me jette :

 

-« Tout valait mieux que cette Glazière ! Enfin c’est fini ! » (Il ne l’énonça pas, mais je crus entendre un

qualificatif réservé aux Saints Offices ).

                                                                                               

Et je n’arrivais pas encore à croire tout à fait que je n’y finisse pas mes jours. On me l’avait tellement répété.

-         

 

Le Temps va vite ! le Temps Court !

 

     Sautons de ce 15 Avril au lundi 20 – les fêtes de Pâques n’ajoutant rien de significatif au récit. Sinon

peut-être, l’étonnent de vivre cette journée de Pâques dans une joie et une paix sincèrement éprouvé

depuis pas mal de temps.

                Les Orgevalais étaient partis se détendre au bord de l’eau, à Meulan. Ce vieux nom avait bercé

mon enfance car mon Grand-Père et ses fils en avaient faits leur lieu de détente. Ils pratiquaient la voile

et le firent très régulièrement jusqu’à la déclaration de guerre de 1939. En 1987, j’avais la tête pleine

d’autres soucis et je ne pus me joindre aux promeneurs du dimanche de Pâques. Ainsi j’aurais pu voir

de mes yeux cet endroit, vieux rêve qui datait de mon enfance.

   Mais peut-être fut-ce providentiel.

           

           « Au petit des oiseaux, Dieu donne leur pâture », dit le Psaume. J’allais la recevoir. Cette pâture était

pour moi des nouvelles tant désirées de ma Mère.

Elles étaient rares et fragmentaires. Aussi est-ce avec joie que je vis paraître en ce lundi férié Tante Monique

du Boutiez, sœur des deux Oncles de Dreuzy. Pierre et Jacques. Elle était peut-être moins habituée au langage

diplomatique qu’avait adopté mon entourage dans les compte-rendus qu’il me faisait de la situation de ma Mère.

 

     En picorant çà et là, j’’avais appris qu’on l’avait transportée de Melun à Paris, dans une Maison de Repos située Boulevard de Charonne. Oncle Rémi s’occupait de sa gestion. On m’avait laissé espérer que ma

Mère, une fois installée dans cette maison, pourraient y poursuivre une convalescence apaisante. Mes Oncles,

eux, la voyant bien installée à « Charonne » comme nous commencions à dire, pour tout de bon. Quant à moi,

je me posais deux questions : comment une campagnarde-née telle qu’elle l’était devenue, pouvait-elle supporter

un si grand changement d’habitude et d’environnement.

 

    Enfin.. il fallait faire confiance aux  Oncles. Ils semblaient quant à eux si heureux de voir leur sœur se rapprocher géographiquement d’eux ! . Oncle Rémi s’occupait activement de meubler et d’orner le nouveau

« home » de sa sœur ! Même le secrétaire « dos d’âne » placé devant ma fenêtre aujourd’hui, et sur lequel

ma Mère s’était effondrée en 1977,devait être transporté de La Glazière à Paris.

 

   Hélas, il n’eut pas le temps d’arriver… C’était le lundi 20 Avril et nous n’en étions pas encore à la nouvelle

déception qui allait surgire.

 

 Ce lundi, Tante Monique vint donc me confirmer l’installation de ma Mère à Paris, et le branchement d’une

ligne téléphonique, destiné pour l’instant au simple décor. Cet appareil était destiné à rompre éventuellement

toute sensation d’isolement ou à lui offrir la ressource de rompre son isolement en appelant autrui.. ce qui

aurait été légitime.

  

   Mais pour le moment on me recommandait de ne surtout pas déranger sa convalescence. Celle-ci se

compliquait, paraît-il, d’escarre apparus cette fois-ci sur les bras. Enfin on me parlais d’un état d’extrême

fatigue qui l’empêchait de soulever le combiné téléphonique. Et pour préserver sa tranquillité j’ignorerais

toujours son numéro de téléphone.

 

 

Deux Jours Vraiment Curieux.

    

    

Ce furent les 30 Avril et 1er Mai.

    Dès mes premières heures chez Madame Forin, on avait progressivement entrepris de m’éclairer sur

l’état de ma Mère en abattant les illusions optimistes que je m’étais forgés, dans la précipitation de la

fuite que l’on sait.    

 

      J’avais eu alors un court de défaillance et je m’en remis en me persuadant que le fond de santé de

ma Mère – plus solide qu’il ne paraissait – triompherait de ce nouvel accroc. Il suffisait, me disais-je,

d’attendre le Mois de Septembre,- au plus ! Et nous rirons tous de ce coup de boutoir nouveau !

 

     Dans les « Grand Moments de l’Histoire », il y a généralement deux courants de pensée qui s’entremêlent.

L’un , réaliste, représenté pour moi par Chantal, qui tentait de me sortir de mes rêves, -  l’autre représenté par

Oncle Jacques de Dreuzy, faisait davantage crédit au temps :  « festina lente » disaient les Anciens,

« Hâte toi Lentement »… Et pourtant, ce fut lui qui me parla le premier d’une intervention chirurgicale

pour ma Mère,- mais sens m’en révélé la vraie nature. Ce qui me fit d’une part sous-estimer la gravité

de la chose, et d’autre part m’égara sur vraie nature.

Je me lançai sur l’hypothèse d’une de ces interventions qui sont parfois nécessaires aux dames. Oncle

Jacques me détrompa :

 

-Non, ce n’est pas ce à quoi tu pense. Mais je ne t’en dirai pas plus.

 

 

Et je demeurai soucieux. Il ne semblait pas attendre de cette intervention un vrai soulagement pour ma Mère… Que me cachait-on ? Quelle hypothèque cette intervention jetait-elle sur l’avenir ? Chantal, elle, avait été toujours

plus directe et pourtant je ne la croyais pas entièrement. Au scepticisme que j’affichais, elle répondit :

 

-Mais mon pauvre vieux, ne te souviens-tu pas de l’état dans lequel nous l’avons laissé ? As-tu oublié l’état

dans lequel cela t’a mis ?

 

-Mais non, rétorquai-je. Tu ne la connais pas réellement. Ta Tante remonte aussi vite qu’elle s’effondre ! Mais

je sais comme c’est impressionnant…

 

-Comme tu voudra, conclut-elle résignée – et peut-être découragée…

 

Peut-être hésitait-elle à porter la responsabilité de révélations plus précises…Faisant confiance à d’autres pour

débrider la plaie. Quant à moi, peut-être avais-je la mentalité du gosse qui veut avoir raison : « ils verront ce qu’ils

verront ».

 

   J’étais un obstiné. Une  histoire me reviens en mémoire. C’était en Mars 1987 . Sans lassé de mon incompréhension de la réalité, Chantal voulut gagner du temps (préparer l’avenir). Elle entrepris donc de

me faire apprendre par cœur mon Numéro de Sécurité Sociale. J’y mis une mauvaise volonté aussi grande

qu’évidente.

Pourquoi me faire apprendre ça ? On trouvera tous ces papiers auprès de ma Mère. Elle n’a jamais éprouvé le

besoin ni de me fatiguer la mémoire avec de pareils chiffres, ni même de m’en enseigner le mécanisme.

 

    Décidément, je ne voulais rien comprendre.. Devant tant de mauvais vouloir, mon « Importune » céda

complètement le terrain, laissant à l’avenir le soin de me révéler la brutalité des faits. Mais ce devait être

dans d’autres lieux que ceux de ma puérilité.

 

   Il n’est pas douteux que mon entrée à la Clinique Louis XIV ne m’ait été très profitable du point de vue

de la réflexion et de l’intelligence des faits. Entouré de personnes qui ne m’étaient rien familialement,

j’entendis parler par elles de choses et d’autres,- sur leur environnement professionnel. Cela m’ouvrit

l’esprit1. Je ne me souviens pas pourtant qu’elles aient fait allusion à l’état de ma Mère durant cette

période. Mais le peu de nouvelles qui me parvenaient devenaient de plus en plus empreintes de

pessimisme. Le temps même passé par ma Mère à l’hôpital finissait par être inquiétant. Il me semblait

que cette longue période ainsi sacrifiée ne faisait rien pour une heureuse évolution de son état.

 

   Un jour les Cousines Monique Droulers et Nicole Godest étant près de moi elles se croisèrent avec

Oncle Jean qui passait. Elles lui demandèrent des nouvelles de « Tante Jeannine ».

 

-Les nouvelles ne sont pas bonnes, dit-il à mi-voix pour ne pas m’effrayer….

 

 Tout cela nous a emmené loin de ce 20 Avril, Lundi de Pâques. Il faut y revenir car à partir de cette date les

changements vont se succéder de dix jours en dix jours.              

 

    En effet, c’est le lundi 30 Avril qu’une nouvelle alerte très sérieuse me fut donnée. Les Jacques de Dreuzy

passèrent me voir dans la soirée. Oncle Jacques portait un veston clair décoré de la Rosette sur canapé de

l’Ordre National du Mérite. Et c’est ce soir-là que j’entendis qualifier de « Bébêtes » les « Réserves » que ma

Mère avait confiée à Jehanne, qui s’était empresser de les déposer chez le Notaire.

L’entretien me troubla car j’entendis évoquer l’idée d’une vente de certains objets jugés définitivement trop encombrants, étant donné le nouvel état de santé de la malade. Il fur même question de négocier l’argenterie

qui nous avait servis jusqu’à la dernière semaine de notre  séjour avenue de Messine. Et Tante Geneviève

conclut :

 

-Le seul inconvénient de cette vente c’est qu’elle te privera de ton argenterie personnelle y est tu prêt ?

 

      Et de nouveau je me trouvai pris entre le réalisme qui comprenait bien le sens et la nécessité des sacrifices

proposés, et ‘optimisme indéracinable qui me faisait souhaiter qu’on attendit un peu… Pour voir venir…                   

 

    Depuis quelque temps déjà, l’idée d’une installation dans une collectivité d’handicapé flottait autour de

moi. Je répondis que ce projet retenait toujours l’attention le sacrifice qu’on me demandais se révélerait

assez léger. Là encore se fut un « comme tu voudra » qui servit de conclusion sur le sujet. On frappait

à la porte. C’était Chantal de Saint Rémy. La conversation s’élargit. On poursuivit pourtant sur le sujet

du négoce puis il s’agit ensuite du plus proche avenir de …La Glazière.

 

Madame Forin ou l’Infirmière Rurale d’Orgeval qui avaient intéressées un moment par la propriété

déclaraient renoncer devant l’organisation déjà prise. Et mes trois visiteurs me quittèrent ensemble

 sans autre commentaire des Dreuzy. Je ne devais les revoir qu’au début du Mois de Juin, - mais

je ne le savais pas encore.                                                                                                             

 

 Vendredi 1er Mai.

 

      Le passage de Dominique de Maindreville, quelques heures plus tard, rendit à peu près le même

son,-mais à une octave moins grave. Il me confirma qu’il y avait chez ma Mère un état de fatigue

irrémédiable. Mais quant à nos biens, il soutenait le principe d’une estimation préalable ;-vocable

plus doux à mes oreilles encore inhabituées à ces choses, et peu ouvertes à elles. Il proposait

même le secours d’un ami, en stage auprès d’un Comissaire-Priseur en renom.

 

 

    Comme il était arrivé auparavant, il se croisa avec Chantal à qui il n’eut aucune peine à faire

partager son point de vue.

 

-Nous nous eûmes, dit-elle joliment comme s’il parlant sans doute d’une conversation téléphonique

qu’ils avaient eu ensemble avant cette rencontre.

 

  On tira même des plans.. théoriques.. de l’avenir. Et ainsi se termina réunion de trois cousins que

rien ne prédisposait à se rencontrer. Et ce fut le dernier vendredi de notre insouciance avant longtemps …

                                                                                                                                                                        

 

 

Ou en étais-je ?

 

 A partir des premiers jours du Mois de Mai, mon propre état va subir un accroc qui troublera ma

 tranquillité immédiate. Ma convalescence semblait se dérouler normalement ; pansements et

examens se déroulaient régulièrement. Nous sauterons donc du 2 au 9 Mai. Ce jour-là la

« zone douloureuse » très intentionnellement montrée au Médecin, il s’aperçut qu’un os

empêchait une bonne cicatrisation en pointant hors de la plaie. Badault rendit son jugement

immédiatement : il fallait « abraser », c’est à dire ramener l’indiscret à une juste mesure.

Les examens préliminaires ; Cœur, Sang, Poumons ayant été exécutés  trois semaines

auparavant, ils ne furent pas renouvelés et la date du prochain passage sur le billard fut

rapidement trouvé. Ce fut j’en suis certain maintenant, le lundi 11.

 

Dans la soirée du 9, j’avertis Chantal de cette petite anicroche. Elle promit, comme la première

fois d’assister à mon retour dans la chambre. L’intervention dut être courte et l’anesthésie légère.

Je me sentis pousser hors de la salle d’opération dans un demi-sommeil. Il me semblait pourtant

y être à peine entré… Revenu dans la chambre, je fus désappointé de n’y pas trouver Chantal. Il

fallait s’armer de patience..   Malgré mon assoupissement, je perçus deux chuchotement autour de

moi qui me surprirent. En début d’après-midi une messagère du standard m’apprit que ma « visiteuse

serait en retard », mais qu’elle passerait à peu-près à l’heure du dîner.. J’encaissais sans mot dire,

mais progressivement de plus en plus inquiet de ce retard si peu dans les habitudes de Chantal,-

mais soucieux de n’en rien montrer. Puis pour la troisième et dernière fois, on m’annonça non

seulement un retard, mais que Chantal ne pourrait venir. 

 

 

Une douce soirée.

 

                      C’est une règle, on dîne tôt dans établissements hospitaliers. Or la Clinique Louis XIV

échappait, ce me semble à cette règle. On servait le repas à 19 heures. Mais il fallait que le Personnel

soit libre pour 20 heures. En conséquence,  durant la soudure avec le personnel de nuit, je demeurai

seul vers l’heure indiquée.

 

C’est à cette heure-là que Victoire Arhenchiagues me surpris dans ma silencieuse méditation. Je ne l’avait

 

pas revue depuis le 24 Juin 19861 sans oublier non plus le Sacre de Monseigneur Gaucher à Meaux. Elle

se montra ( faussement je l’espère ) piquée d’avoir été, elle et sa famille, tenue dans l’ignorance de nos

tribulations, à ma Mère et à moi. C’était Dominique qui incidemment avait révélé la chose.. Excuses faites

sur le trouble des esprits, nous fîmes un large tour d’horizon de l’actualité de nos deux familles. Victoire me

quitta peu avant la fermeture des portes et je m’endormis réellement heureux d’avoir retrouvé cette vieille

affection qui avait aidé notre trio durant tant d’années.

 

            Dernier Signal… Mais cette fois le bon..                                                                                                                                                   

        .      Jusqu’ici, on l’a vu j’avais été assez optimiste envers et contre tout. L’anxiété pour ma Mère ne

commença à me visiter – et encore fugitivement – qu’à partir soir du 12.

 

    Mon espérée du 11 ne vint que le 12, avant le dîner. Ce fut elle qui alluma enfin ! chez moi une réelle préoccupation. Elle s’excusa d’abord pour son absence d’hier. Elle avait dû conduire un habitant du Haut

Orgeval vers d’autres praticiens et attendre d’eux le verdict. Je savais que cette excuse était des plus

fondées. Mais l’actualité familiale me hantait :

 

-Et de Melun as-tu des nouvelles ?

 

-Oui, et mauvaises. Le Notaire Maître Besson devait faire signer une pièce à ta Mère. Mais il a refusé de

le faire en voyant l’état dans lequel elle se trouve.

 

Nous savions tous deux la raison de cette attitude, mais je formulais à mi-voix ma conclusion comme pour

Moi-même :

 

-Pour qu’on ne puisse pas dire ensuite qu’il a arracher une signature à quelqu’un sur son lit de mort.

 

-Oui, c’est ça, concéda Chantal.

 

Cette reculade du Notaire me parut pleine de sens. Quel intérêt aurait-il pu avoir à demander puis à

différer une signature, si la situation ne lui avait parue extrême ? cette situation était-elle donc si

désespérée ?

 

-Est-ce que par hasard elle ne sortirait pas vivante de cet Hôpital ?

 

-Mais non, elle n’en sortira pas vivante ! et tu le sait bien – protesta la Cousine Conscience !- Je te l’ai dit

cent fois !

 

       Je ne fus pas dupe. J’étais maintenant au courant. Et pourtant, comme chaque fois, je ne croirais pas

la brûlante acuité de la situation ! De jour en jour, l’inquiétude refusait de s’installer en moi ; et  j’accueillais

les informations avec une inconscience non feinte… !                                                                                     

 

 

Mercredi 13 Mai

                                                                          

     Je reprendrai maintenant la forme « journal ». Elle nous conduira à cette matinée du 16 Mai qui

devait être si importante pour moi.

 

         Ce mercredi 13 Mai, Dominique vint me voir et le thème de notre conversation fut le même.

Mais l’expression m’en parut plus dynamique, faussement d’ailleurs. Depuis quelques temps il avait

remis à sa taille le personnage du Courrier Grec. Il courait de son bureau à Melun, sans oublier de

passer à Saint-Germain renseigner son cousin, dès le lendemain et vive-voix.

 

Ce soir-là, il m’annonça que la tension de la malade était plutôt bonne, mais que son manque d’appétit

continuait à embarrasser les Médecins. Les problèmes de famille et les questions administratives

éveillaient encore, paraît-il,  son attention.

 

    Pour me faire sourire et pour illustrer son propos, Dominique me raconta cette histoire. Leur conversation

était tombée sur un groupes qui nous avaient beaucoup entourés à la campagne.  

 

-Il faut marier Une Telle, décréta ma Mère. Elle est en âge de le faire.(Il faut dire que la jeune fille frisait la

trentaine )

 

-Ma Tante, si vous dite qu’elle a vraiment cet âge, il faut la laisser libre de faire son choix. On ne peut lui

imposer le nôtre. Il faut avant tout qu’elle soit heureuse.

 

-Naturellement, concéda ma Mère. Mais je me suis marier très tard ( 31 ans ). Ce qui ne pas empêcher d’être

très heureuse 1.

Et pourtant nous l’avions vus durant 48 ans se débattre dans les difficultés…

 

   Après le départ de mon messager, je m’endormis plus facilement que la veille,- tout heureux de cette remontée

Intellectuelle dont me parvenait l’écho.  

 

 

   Jeudi 14 et Vendredi 15.

 

                Durant ces deux jours il ne se passa rien dans les deux domaines que Dominique et moi avions évoqués. Quant je manifestais un quelconque optimisme, on me répondait par un sourire courtois et des

paroles de la même veine. Il y eut quand même « Salon » dans ma chambre, grâce à Chantal qui y amena

un de ses amis, Eric Paternostre en séjour lui aussi dans l’Etablissement. Je fis en même temps connaissance

de Myriam, son épouse, qui vint ce jour-là rechercher son époux.

 

     Vendredi 15- Sainte Denise. Il y eut, je me le rappelle échange de coup de téléphone avec le Haut Orgeval

pour offrir mes vœux – et sans penser à rien d’autre.                                                 

 

« Je suis fatiguée, bonhomme. J’ai envie de retrouver votre Papa ».

  

        Pour ma Mère, la mort survint dans la nuit du 15 au 16 Mai.

 

   Séparé d’elle depuis deux mois, j’ai imaginé après coup cette plainte et ce départ. Tout deux font

bien partie du vocabulaire que je lui connaissais. Mais j’en suis réduit aux hypothèses : l’heure et la

distance me tenaient loin d’elle, hélas !

Cependant, je gage que si elle l’avait pu elle m’aurait accueilli par ces mots qui sont si bien dans sa

manière. Peut-être fut-ce sa dernière rêveuse pensée, puisqu’elle nous quitta dans son sommeil.

 

 

   Samedi 16 Mai – les Condoléances familiales.

 

               Il est 9 heures 45. Quelqu’un veut entrer. Je vois Oncle Jean s’encadrer dans la porte et faire

le tour du lit pour venir à ma droite. J’observe qu’il cherche aujourd’hui l’appui de sa canne alors qu’il la

porte habituellement dans sa main,- ce qui fait contraste pour moi avec Oncle Rémi qui l’accompagne

souvent mais utilise sa canne blanche de mal-voyant.

 

Sachant que la santé de sa propre famille il était aussi appeler à l’Hôpital de Poissy, je lui demande des

nouvelles.  Je m’enquiers :

 

-Oh Oncle Jean comment va Un Tel ?

 

-Mon pauvre vieux… ta Mère… Et il m’embrasse ce qu’il ne fait jamais.

 

J’avoue avoir eut un sursaut :

 

-Quoi ma Mère ?

 

-…n’a pas souffert, termina-t-il en s’asseyant dans le fauteuil « Club » dont ma chambre est dotée.

 

Soucieux de mettre en pratique la discipline que ma Mère m’a enseigné. Elle m’avait dit en effet, qu’il est

de bon ton de ne pas extérioriser son chagrin quand on est en société. Je me blinde donc. Au hasard, je

me réfugie dans détailles techniques :

 

-Avez-vous prévenus Oncle Jacques ?

 

-On ne peut pas. Il est chez les Kurdes.

 

J’ai un réflexe de hérissement….

 

-Mais Oncle Rémi a pu téléphoner à ton Oncle Pierre. Ils ont parlé en ce concerne la tombe. C’est ce qu’il

y a de plus important pour le moment. D’ailleurs Chantal me suit. Elle te parlera.

 

   Suit un problème de choix dans les urgences. Oncle Jean veut aller tout de suite se recueillir à l’Hôpital,

mais il faudra alors renoncer à la fête du Renouvellement des Promesses du Baptême de Théodore de Saint

Rémy, fils aîné de Chantal.

 

Quant Chantal arriva, elle nous trouva évoquant quelques souvenirs de ma Mère et de son temps. Il fut question

de Daté qui avait rencontré Oncle André Thiébaut à l’Agro. Il était contemporains des trois enfants Schelcher. Cet

Oncle Thiébaut était destiné à reprendre la ferme de Brou, mais il n’avait eut que le temps de déchaumé avant de

partir en Septembre 1939 et d’être tué en Mai 40 sur la Marne,- au courts de la sinistre offensive allemande restée dans les mémoires sous le nom de « Mai 40 ». Il devait être à ma connaissance la seule victime familiale

de cette période de la Guerre.

 

     Chantal, nous avaient donc rejoints, Oncle Jean et moi, je la vois encore dans le Tailleur écossais vert

revêtu pour la Cérémonie de l’après-midi ; - celui-là même qu’elle portait lors de ma « fuite » de Melun et qui,

dans mon esprit, restera toujours à la charnière mon tendre passé et l’avenir qui s’annonçait et qui serait un

avenir d’homme.

Nos effusions furent très chaudes,( la nouvelle venue se livrant à une embrassade très franche ), Chantal

m’assura en même temps que j’avais désormais en elle une Grande Sœur. Nous conclûmes tous trois qu’il

valait mieux préférer une visite de recueillement à Melun auprès de ma Mère, à la Cérémonie de Renouvellement

et Profession de Foi de Théodore….

 

   Oncle Jean était désormais Chef de Famille, il se retira assez ému et Chantal demeura quelques instants auprès de moi. Nous nous  demandâmes comment atteindre les Jacques de Dreuzy. Ce n’étais pas facile :

ils n’avaient laissé aucun point de rencontre postal. Ces réflexions furent interrompus par la venue de deux

infirmières, Christelle de Brandt, responsable médicale de l’étage et Madame Frick, l’anesthésiste qui m’avait

accompagné au moment de mon dernier passage sur le billard lundi.

 Christelle qui me connaissait bien vit tout de suite que quelque chose « clochait » :

 

-Alors, Martial, comment ça va ? ça n’a pas l’air d’aller bien ce matin ?

 

-Pourrait mieux faire Christelle, pourrait mieux faire…  :

 

Craignant que je le prenait trop ironiquement, Chantal rendit à la nouvelle le son plus grave qui convenait :

 

-Martial à perdu sa maman cette nuit…

 

   Et Christelle de s’excuser. Les deux infirmières s’éclipsèrent pour ne pas troubler davantage notre tête à tête

familial. Les minutes coulaient, il était temps pour Chantal de partir. Me promettent de revenir l’après-midi, avec

ses enfants. Elle m

 

e partit sur cette dernière phrase :

 

-Mon grand. C’est la fin du voyage…

 

Je demandais si au contraire il ne commençait pas… ?          

 

Puis, je restai seul, pour la première fois de ma Vie, SEUL, sans recourt direct avec ceux qui m’avaient la

vie et avaient entourés mon existence quotidienne.                           

Seul, tout, tout faux- semblant écarté.

Je restai seul. Seul, avec moi-même et dans un silence abasourdit.

 

Maman était morte !

    

Trop de chose me revenaient dans l’esprit qu’il n’est pas convenable de dire.

 

Maman était morte…..

 

Le Côté Officiel.

                         

                         Il me revenait maintenant d’annoncer moi-même la nouvelle à ceux qui m’entouraient ou

qui nous avaient approchés. La liste en serait fastidieuse. Pourtant une visite mérite mention. Madame

Michel  Germain (Tante Odette, Belle-Fille de la Sœur de ma Grand-Mère Maternelle ),Tante Odette

venait régulièrement me voir, à l’improviste, depuis mon installation le 6 Avril. Un bienheureux hasard

lui fit passer la tête dans l’embrasure de la porte :

 

-Coucou !

 

-Oh, Tante Odette, entrez vite. J’ai quelque chose à vous dire. Et sans doute pendant que nous nous

embrassions dut-elle entendre quelque chose comme :

 

« Maman ne s’est pas réveillée ».

 

-Oh ! mon petit chou ! qu’est-ce que tu me dis là ? J’ai téléphoné hier à Denise, je lui ai demandé des nouvelles.

Pour ta Mère ça allait bien…

 

-Que voulez-vous, Tante Odette, c’est qu’un gros changement a dû se produire dans la nuit. La mort prévient

rarement. « Je viendrai comme un voleur… » dit l’Evangile. 

 

Et s’établit  un long échange entre nous au sujet de la Mort. Et Tante Odette promit de prévenir « Vieux Bourg »

propriété de la sœur de ma Grand-Mère, entre Caen et Trouville……

 Comme promis, Chantal repassa avec ses enfants, un assez impressionnés de adjonction imprévue et un peu

( trop ) solennelle à leur programme du matin même.  

 

     Vers le soir, à l’heure dîner, le ménage Yves et leurs enfants remplacèrent Tante Odette ; et celle-ci me

quitta en s’inquiétant de mon prochain sommeil.. Evidement plus le soir approchait, plus s’imposait à mon

esprit l’image de ce grand corps, maintenant immobile et que je croyais encore intact, abandonné à la solitude

d’un Hôpital…. Mes Parents, et en particulier ma Mère, m’avaient fait jurer dès 1952, de ne pas les laisser à

l’anonymat d’une grande machine à soins… Et cette horreur leur était arrivée ! dans le dénuement physique

et moral qu’avait connu Tante Vette, Geneviève de Dreuzy, propre Tante de mon Père et des Dreuzy actuels.

La solennité de leur requête m’avait impressionné et j’avais juré, sans peut-être accorder à la chose l’importance qu’elle avait… Puis le Temps avait passé…

 

    Pendant ces premières heures de ce deuil tout neuf, je ne pouvait détacher mes yeux de l’apparence

matérielle actuelle de celle que la vie avait désertée… Comment était-elle à l’heure présente ?

 

     Mais revenons aux Yves qui étaient là, en fin de journée. Ils restèrent assez longtemps pour rencontrer les

Hubert de Chergé qui m’apportaient leur chaleureuse affection,- et j’évoquai l’aide qu’ils m’avaient apportée, lors

du Sacre de Monseigneur Gaucher. Il n’y avait que six mois… C’était en Octobre 86. Yves et Hubert échangèrent

des souvenirs de leur scolarités respectives, l’un à Sainte Marie de Monceau et l’autre à Fénelon.  Que de jours

s’étaient écoulés depuis. Mais quelle communauté demeurait !

 

       Un troisième visiteur se présenta : l’infatigable Dominique pour lequel la journée avait commencé tôt.

Prévenu l’un des premiers il avait accouru à Melun pour se recueillir auprès du corps. Il en avait profité pour

organiser en temps que Grand Clerc des Paroisses de Neuilly, la cérémonie des honneurs funèbres. Il fut

remplacé là-bas au début de l’après-midi par les Oncles Schelcher. Prit-il un temps de repos à Paris en y

revenant ? Je l’ignore. Toujours est-il que je le vis arriver aux premières heures du soir pour me consoler..

Après le départ des Chergé, il resta longtemps à côté de moi, redoutant mon absence à l’enterrement –

cérémonie dont Parain m’avait représenté la douloureuse fatigue. Il voulait donc qu’une Messe en union

à la cérémonie soit célébrée dans ma chambre au matin des Obsèques par l’Abbé Jean de Maindreville.

Dominique regretta que je ne m’émeuve pas plus devant cette dernière disparition ; il me cite le passage

de l’évangile où le Christ pleure face au Tombeau de son ami Lazare.

 

 

Je lui répondis

 

-Tu sait Dominique, étant donner quelle souffrait beaucoup cette mort doit être un soulagement pour elle

et pour moi, puisque grâce à l’éducation qu’il m’ont donner tout les deux, je sais où elle est maintenant

et qu’elle y est pleinement heureuse.

 

Je gardai d’autres réflexions sur le même sujet pour moi. J’ai encore en mémoire l’anecdote suivante.

   .

     C’était à l’automne 1952. Ma Grand-Mère se remettait comme elle pouvait d’une petite bronchite (sérieuse     pour l’époque et pour son âge 76 ans ), qui l’avait retenue plus tard que de coutume à La Glazière.

La Doctoresse Faine consultée et reconsultée avait fini par ordonner un retour précautionnaux à Paris

où la malade, obtiendrait une guérison plus complète, étant moins exposé aux changements d’air.

Le service des ambulances étant moins répandu qu’aujourd’hui dans nos campagnes reculées, ce

fut la 203 familiale que mon Père venait d’acheté qui servit de «Véhicule Prioritaire ».

   Ma Grand-Mère sortit de son appartement escortée d’un côté par l’indispensable Calisse et de l’autre

par son Gendre. C’est accompagnée que le Garde-Chasse arrivé trop tard par suite de quelques travaux,

la vit descendre les six marches de son palier. Se croyant nécessaire, Tuhault s’élança avec un « Oh Madame »

très larmoyant qui n’échappa pas au petit garçon que j’étais.

C’était la première fois qu je voyais un adulte céder aux larmes. Après ce départ j’eus l’occasion d’interroger ma

Mère :

 

-Pourquoi, Tuhault s’est-il mis à pleurer ? C’est grave pour Grand-Mère ?         

 

Ma Mère répondit :

 

-Non ce n’est pas grave. Mais peut-être Tuhault est-il spécialement sensible…

 

Et elle en profita pour me donner ses conseils quant à l’attitude qu’elle souhaitait me voir adopter face aux

problèmes graves ou simplement importants qui jalonneraient ma prochaine jeunesse et plus encore ma vie

d’adulte.

Et de me citer la récente et mystérieuse disparition – en mer – d’un frère de mon Père qui, n’avait rien extériorisé

d’aucune peine particulière, malgré une bonne entente avec lui qui était légendaire.

 

    

  Les Pivoines de Mimouche.

 

          Cet exemple de stoïcisme fut-il conté à Dominique ce soir de Mai 87 ? Je ne m’en souviens plus.

Quoiqu’il en soit il me promit de consacrer sa Communion du lendemain à l’ensemble des problèmes qui

naissaient autour de moi. Ce dimanche-là fut d’ailleurs plus calme que le samedi que nous venions de vivre.

 

Deux coups de téléphones le marquèrent. Ce fut d’abord Sonia. Elle m’avertissait un peu surprise sa Sœur

Chantal et son Beau-Frère Charles de Pange viendraient me voir lundi prochain. Elle paraissait ignorer la

raison d’une telle visite, -alors qu’elle- même paraissait ne passer qu’en  second .Sans doute m’appelait-

elle au moment de partir pour la Messe, car elle raccrocha sans aucune curiosité. Je ne pu de mon côté

la rappeler sur le champ, car le téléphone, comme dans les établissements hospitaliers était accroché au

mur et hors de mon atteinte.    

 

Le second appel me viens de Tante Denise désolée de ne pouvoir venir m’embrasser et d ‘en être réduite au

téléphone pour me dire son affection – ce moyen lui paraissait froid et sans visage. Comme je lui demandais

des nouvelles d’Oncle Jean et comment lui-même réagissait à la mort de sa sœur :

 

-Eh figure-toi que ce matin la voiture n’a pas voulu partir. Alors ton Oncle s’est mis derrière pour la pousser

il a dérapé et il est tombé !

Je poussai un «  Oh » alarmé, - pensant un instant à loi des séries..

 

-Il s’est un peu tordu le pied, mais il va mieux et pourra me conduire à l’enterrement de ta Maman.

 

 

Lundi 18 Mai.

 

                      Après le déjeuner je me mis à attendre les chers visiteurs promis. Ces grands amis arrièrent

enfin vers 5 heures et demi ou six heures. Chantal tenait troit pivoines : deux Rouges et une Blanche.

Qui venaient de son jardin. Nous ne nous étions pas revus depuis la mi-mars. Le temps d’échanger

quelques nouvelles et Chantal de Saint  Rémy nous rejoignait ! Et nous reprîmes nos vieilles habitudes

du temps de l’Hôpital de Melun ! Chantal de Pange me fit dîner, en échangeant avec son homonyme

des souvenirs de la propriété que chacune avait vue avec des yeux différents. Monsieur de Pange

piquetait ces réminiscences de son humour si chers aux Maindreville. Ainsi le temps passa paisiblement.

 

               Quant fut venue, les Pange tirèrent la porte sur eux,- mais ne la tirèrent-ils pas aussi sur mon

passé. Certes, nous nous reverrions, mais nos rencontres auraient-elles alors ce même caractère de

calme et de tranquillité ?

 

 

Au ! Ou en étions-nous ?

    

   On se rappelle une réunion à Orgeval que je n’ai fait qu’évoquer car je n’y assistait pas. Elle groupait

un certain nombre de membre de ma famille et avait pour objet  d’envisager mon avenir.                                     

 

   Je n’ai rédiger ces souvenirs quelques années après l’événement, et voici comment maintenant la chose

M’apparaît : Cette réunion faisait suite au troisième passage de Chantal de Saint Rémy à l’Hôpital de Melun,

après mon départ. Cette visite avait eu lieu 48 heures après l’amputation des deux jambes qu’avait subie ma Mère.

-Amputation que je n’appris par l’abbé Jeantet qu’après sa mort-. Cette visite avait achevé de convaincre Chantal

du degré de délabrement où était parvenue sa Tante.

Par ailleurs les médecins avaient-ils faits part à Chantal de l’interdiction qu’ils opposeraient à tout retour à La

Glazière avec moi ? C’est possible. Je pense donc que c’est de ce « séminaire » familial que date la décision

de rechercher pour moi une solution plus adapté à mon cas. Ce fut donc encore en Mars 19871. Le ferme projet de mon entrée à l’A.P.F. était donc fermement retenu dès le début Avril 1987, - sauf anicroche sérieuse. Elle ne

   Et à présent ?

 

                      Mai 87. Ma Mère est morte. Va suivre tout l’entrelacement des suites habituels à ce genre

d’événement. Hâtons le pas. L’enterrement religieux eu lieu le Mardi 19 en La Chapelle de La Turpinière.

Le Curé étant indisponible, ce fut l’Abbé Jeantet – à la fois notre Aumônier et l’affectueux témoin de tant

d’évènements ! L’ami de longue date-. Mon Père et ma Mère se trouvèrent alors réunis dans le petit cimetière, après sept ans d’attente où ma Mère avait fait face seule courageusement.

 

                       Toute succession peut devenir un champ de mine. Et quand elle ne le devient pas, elle est toujours

Un éprouvant mélange de froides formalités et de peines secrètes. Ce temps éprouvant me fut immensément adouci par l’atmosphère de tranquillité et de compréhension de la Clinique Louis XIV et de son Personnel.

                                          .

 

     La raison médicale de ma présence là s’était estompée en six mois. Ma vie s’était transformée en celle

d’un estivant venu se reposer dans un « 3 *** » un tout petit peu médical.

     Mon quotidien, avait deux faces, qui finissaient par se confondre dans un assez agréable confort. Il y avait

par exemple tel pansement posé avec gaieté…ou les « Curettes-Party » qui consistaient à enlever à vif quelques

vilaines peaux qui avaient ( là où l’on pense ) le mauvais goût de repousser trop vite et trop souvent empêchant

une calme et heureuse cicatrisation. Ces derniers moments appartenaient tout entier au Docteur Badault.

 

                  Ainsi les jours passaient…

 
Et la Famille ?

 

  .                     A la mort de ma Mort de ma Mère, nous étions à six semaines des grands départs de l’été.

Ces semaines comme les suivantes passèrent très vite. Un heureux coup du sort permit que je soit associé

aux vacances de l’Oncle Rémi. Il vint dès les premiers jours d’Août s’installer à l’Orgeval familial. Je crois

pouvoir dire que nous nous entourâmes mutuellement. La Clinique de Saint Germain offrait un but d’excursion

pratique pour les deux frères si désireux de m’entourer.

 

              J ‘ai déjà raconté le départ de certains meubles et objets de La Glazière vers Orgeval où ils trouvèrent

un abri plus sûr que dans cette Maison de Campagne isolée et maintenant laissé dans un demi-abandon. C’était

l’heure de poursuivre le démâtage de notre dernier navire familial…..La période et les vacances professionnelles

offrant moins de ressources techniques et pratiques, on commença par une distribution toute morale,- recherchant qui dans le passé avait marqué un goût plus particulier pour tel ou tel objet ,- et qui pouvait le

recevoir étant donner le cadre dans lequel il vivait.

 J’avais en matière de décor certains souvenirs assez particuliers. Quelle n’avait pas été ma surprise en constatant que le service de table de La Glazière formait une seule série :le service « A l’Abeille » ou

« A la rose » des porcelainiers de Lunéville.

     Je demandais aux deux Oncles s’ils voyaient un inconvénient à envoyer notre  « Platerie » à La

Turpinière pour en orner maintenant la table. Leur accord  fut total et immédiat. D’ailleurs la collation

qui suivi l’enterrement de chacun de mes deux parents devaient avoir montré aux deux Oncles la

justesse de mon désir.

 

 

              Ainsi entouré par mes deux Oncles, l’été évolua rapidement vers l’automne, - sans énorme

transition car ce qu’on appelle les beaux jours avaient été franchement mauvais. Oncle Rémi avait

regagner Paris où une opération de la cataracte devait être tentée.

   

                     

Deux moments marquent pou moi cette période transitoire.

 

   Il y eut d’abord la charmante surprise que me fit Chantal de Saint Rémy de son retour à Saint Germain ;

Il était certes attendu pour ces jours-là, mais sans plus ample précision. Un soir j’entendis des pas s’arrêter

derrière ma porte. Elle s’ouvrit et quelqu’un passa la tête sans dire, attendant que la pénombre me permit de

reconnaître le ou la visiteuse. Croyant quand-même reconnaître une silhouette bien connu je lançai un peu sûr :

  

-C’est toi ?                                                                                                                                                          

 

En effet c’était elle. Ce fut une vrai joie de nous revoir et nous passâmes un long moment à commenter les

expertises et états des lieux réalisés par un autre Maître Couturier, neveu de Philippe Couturier que j’avais rencontrer à La Glazière lors de la succession de Grand’Mère – il y avait de cela un siècle ou presque………

(Très exactement Dix-huit ans ).

                                                                                                                                                                   .

Il y eut ensuite un deuxième moment à retenir Il fut empreint d’une particulière émotion. Dès la fin du printemps,

un courrier affectueux et grave avait submergé mon lit. L’automne n’avait pas interrompu ces arrivées. Je retins

en Septembre une enveloppe, ( Bleue Pervenche ), au contenu rigide qui faisait penser à quelque chose d’officiel. Je l’ouvris. C’était une carte d’invitation aux Noces d’Or d’Oncle Rémi et de Tante Marie-Anne.

Elles seraient célébrées à Brou sur Chantereine le 10 Octobre 1987.

   

Or cette invitation était la première à être rédigé à mon seul nom. Si gravement atteinte que fût ma Mère,

elle aurait été adresser à Madame François de Maindreville et son fils ( ou Monsieur Martial de Maindreville ).

Mais là….. Le dernier survivant du trio Maindreville était donc seul convié à commémorer un mariage auquel

ses Parents avaient assistés il y avait 50 ans !

 

    Cette enveloppe me fit réellement prendre conscience de la mort de ma Mère.

 

 

    Brou ! Cadre en Or.

                                   Pour la deuxième fois au moins en cette fin du xxe  siècle, Brou allait donc servir de

cadre à un jubilé d’Or ! Dans les premières pages de ces Souvenirs, J ‘ai évoqué ces premières Noces d’Or

consacrées au bonheur de mon Grand-Oncle et de ma Grande tante Thiébaut. Un heureux et grave destin me

permettais en 1987 d’être le témoin de celles du propre neveu de ces deux premiers Jubilaires !                                  

 

Etant donné la rareté du fait et sa peu ordinaire répétition au cours de mon existence, je priais instamment Chantal de me conduire à Broui,- si toutefois ses occupations l’y autorisaient. Elle eut la gentillesse de pouvoir

se plier à mon souhait pour que le 10 Octobre nous nous trouvions tous réunis en famille.

 

« Chantal et Martial sont-ils arrivé ? »

 
Comme il arrive toujours dans les groupes sociaux, il y eut des creux et bosses

entre ma Mère et ses frères. Mais aujourd’hui, qu’importait cela ! A peine arrivé je vis venir à moi Oncle Rémi,

fort ému et pressé de me savoir à ses côtés comme représentant de sa sœur qu’il avait perdue il y avait six mois.

La première question qu’il posa à son fils Marc en descendant de voiture, fut :

 

-Chantal et Martial, sont-ils déjà arrivés ?

 

-Oui, Papa, répondit Marc, Ils viennent d’arriver il y a cinq minutes.

 

On me permettra peut-être de donner un autre sens à cette question trop flatteuse pour ma simple personne.

Il y faut entendre cet autre sens :

 

« Le fils de ma sœur est-il là ? »….                                                    

   

Le temps fut maussade, mais cette journée fut pleine de densité : de la gravité, des souvenirs. Cette maison avait

vu le mariage de ma Mère, il me sembla que désormais second Chef de Branche, après Marc Schelcher, cette

première cérémonie était une sorte de coup d’envoi dans la vie.                                      

Aurais-je pu savoir que pour la dernière fois je voyais Oncle Rémi vivant dans un cadre familial qui lui avait été

coutumier. Je devais avoir la joie de partager encore avec lui son dernier Noël. Et en Avril 1988, le 20 Avril, moins d’un an après elle il devait rejoindre sa sœur….

 

Mais de tout cela je ne devinai rien. En ce 10 Octobre ce ménage vécut sous mes yeux une  journée importante.

Tante Marie-Anne soudain raidie dans une soudaine timidité me manifesta sa joie de me voir à ses côtés.

 

 

           Un important Aveu.

 

               Notre retour à Chantal et à moi, compte aussi parmi les grands moments de cette journée.

 

   Pour bien la comprendre, il faut revenir six mois en arrière, c’est à dire au dernier printemps. L’enterrement de

ma Mère avait eu le 19.Mai Le célébrant vint me voir le vendredi 22 et m’apprit la vérité sur l’intervention qu’avait

subie ma Mère in extremis. Ma famille ne m’en avait rien dit. L’Abbé vit mon léger trouble et s’excusa d’avoir

devancé sans le vouloir l’annonce officielle que mes parents m’en feraient à l’heure de leur choix. Puis il me

quitta pour plusieurs Mois, appelé qu’il était à son ministère lointain. L’été se passa pour moi dans la joie et

la gravité que l’on sait. J’étais toujours dans l’ignorance la plus complète des décisions qui me concernaient.

Un seul fait pourtant était certain : mon adhésion à l’ A..P.F. et mon entrée dans un Foyer parisien encore en

construction et dépendant de cette Association. Seules des difficultés techniques retarderaient cette rentrées

parisienne que j’avais tant attendue. Cette attente devait durer jusqu’à la mi-mars 1988, alors que la date

avait été primitivement fixée à Septembre 1987,- et ceci dès Juillet 87. Ce Foyer se trouvait dans le Quartier

du Maine. 

 

    Au soir des Noces d’Or, c’est à dire en Octobre, c’est encore vers la Clinique de Saint Germain-en Laye

que me ramenait Chantal. Malgré de constantes remises de deux mois en deux mois, l’échéance absolue

d’une séparation du groupe familial se précisait, inéluctable, à mes yeux.

       Le silence le plus épais régnait toujours quant à l’intervention qu’avait subie ma Mère. Après avoir longuement le passé ou  l’actualité de chacun des membres de la Famille, un court silence s’établit entre

nous. C’est alors que je me décidais à brûler les étapes :

 

-Chantal, tu sais ce que les Médecins ont fait à Maman : ils lui ont coupé les jambes. ( Je respecte ici  le

phrasé un peu naïf de la question telle que je me souviens l’avoir posé ).

 

-Mais oui, mon grand. Je le sas. Mais toi, comment l’as-tu su ?

 

-Par l’Abbé Jeantet, depuis le mois de Mai..

 

Il fallait que ma conductrice ait une singulière maîtrise de sa voiture. A mon avis on aurait dû se « payer » un arbre, tant était grande sa surprise indigné. Quoiqu’il en soit j’eus à côté de moi une interlocutrice chez qui je

devinai un mélange de surprise agrémenté d’une forte pincée de colère pour n’avoir été prévenue de cette

révélation ;-le tout accompagné d’une certaine admiration- oui j’ose le mot – pour avoir gardé pour moi

seul ce lourd secret. J’appris ainsi que mon entourage avait fait tout  ce qu’il pouvait pour me maintenir

éloigné de la terrible confidence.

 

     De retour à la Clinique, nous convînmes de nous revoir le lendemain soir. Chantal désirant se rendre

compte de l’effet produit par cette éprouvante journée sue son passager occasionnel. A part moi, je résolus

de profiter de cette rencontre pour obtenir quelques «  clefs » sur ce qui me manquaient encore du douloureux

problème. Par exemple pourquoi l’avait-on emmené de Melun à Paris pour ensuite la ramener à son point de

départ, et cela trop peu de temps avant qu’elle ait eu le temps de d’adapter à sa nouvelle installation ?

.             

   Chantal me parla alors de la surcharge des Hôpitaux…. ;redisons aussi que la famille réclamait « l’élargissement » de la malade. Sans doute nourrissaient-on l’espoir de voir le léger rétablissement

constaté se poursuivre mieux encore dans un établissement point trop spécialisé ?  Chantal me dit que

la cicatrisation se montrant peu satisfaisante un retour de ma Mère à Melun s’était avéré nécessaire. Et

cela sans plus de commentaires.

Mais des faits – Mai 87 – un silence embarrassé de l’Oncle Jean, m’avait laissé entendre qu’un nouveau

passage de ma Mère sur le billard était très probable. Je ne demandai pas de quoi il s’agissait. En effet

j’avais promis à mon Oncle Jacques de ne pas percer ce mystère. J’ajoutais valeur « militaire » à cet

engagement et me contraignais à attendre les nouvelles sans les forcer.

                           

J’avoue que in petto je jugeais sévèrement le chirurgien qui avait obligé de s’y reprendre à deux fois

pour délivrer de son mal une vieille dame.

   On connaît la suite :jugée trop faible un nouveau choc opératoire, on tenta sur ma Mère une réalimentation

forcée. C’est pendant cette cure que son cœur céda, à la mi-mai. Puisqu’une fin prochaine était inscrite dans

son horizon. Pourquoi ne pas l’avoir laissée attendre tranquillement l’heure du repos ? Peut-être Madame

Le Docteur Maigret, responsable médicale de l’établissement du Boulevard de Charonne espéra-t-elle conjurer

une fois encore la gangrène de ma Mère par un nouveau transport à Melun ? C’est là le secret d’une correspondance (supposée ) entre elle et les Médecins de Melun.

 


Un instant encore…

 

                  Permettons-nous un dernier sourire. Paul-Antoine de Saint Rémy, le dernier enfant de Chantal,  sera le héros de l’affaire. Ma cousine avait amenée ce jeune homme de 7 ans et son frère aîné Théodore ( 12 ans )

chez l’Ophtalmologue, - qui d’ailleurs consultait à la Clinique Louis XIV  Le trio passa en  fin d’après-midi dans ma chambre. Je ne sais quel brouhaha ou quelle distraction me firent oublier l’aventure Chantal .me la raconta

le lendemain.

Elle avait suggérer de venir jusqu’à mon lit pour m’embrasser (de nouveau ) ;

 

-Va donc embrasser Oncle Martial, il est un peu triste parce qu’il a perdu sa Maman il y a peu de temps !

 

l’enfant regimba :

 

-Oh non ! J’ai trop peur d’être contaminé !  Il est toujours allongé ! Je n’ai pas envie d’être malade ! Il doit être

contagieux ! 

 

Pour tout encouragement le jeune résistant reçut une claque sur le derrière – que je supposai avoir été légère.

Braillant de dépit et d’incompréhension, il piqua un 100 mètres jusqu’à la Salle de Garde des Infirmières, où il

entra en trombe en pleurnichant ;

 

-Maman m’a tapé parce que je ne voulais pas embrasser Oncle Martial ! N’est-ce pas qu’il est contagieux ?

 

Il ne pouvait frapper à meilleure porte pour être détrompé. Madame Canterelle, Aide-Soignante Principale de

l’étage, le prit solennellement par la main, le ramena et le hissa sur mon lit. Et c’est ainsi que le vieil Oncle

grabataire put donner la preuve de sa bonne santé au jeune défenseur de la Prophylaxie. Ceci se passait

en Novembre 1987.     

   
Happy New Year, Ladies and Gentlmen !

 

   Que dire de plus ? L’année allait vers son couchant.  Une de plus dira-t-on ! Sans doute. Mais se sera pour moi

a dernière à avoir toute sa signification. J’aurai en effet la joie de passer Noël en compagnie des deux Grands-

Pères que possède la Famille ! Ils m’entourèrent avec tout leur cœur. Aussi ce Noël reste-t-il parmi les souvenirs

les plus marquants de cette année-là.

 

 

 

              Malgré quelques jours de forte houle, cette année avait glissé avec une relative facilité. Elle avait menacée d’être pire ! Trop habitué sans doute à la charmante atmosphère de gâterie qui avait enveloppé

1987 à partir de la mi-mars,  j’eus tendance à craindre plus rude l’année 1988 qui approchait.

Depuis cette tribune en surplomb que constituait pour moi la table de famille, j’envisageais l’année à venir

avec un mélange de crainte et de scepticisme. Elle se présentait devant mes yeux comme une année

« probatoire », donc nouvelle et excitante mais elle avait un air compact qui me dissimulait ses détailles

et me les rendaient peu clairs et un rien redoutables.

 

          C’est pourquoi je refusai obstinément une invitation de Chantal au repas de famille offert par sa

Belle-Famille en fin d’année. J’avais trop besoin de silence et de calme. Il fallait que je me prépare au

changement, sans précédent pour moi que la nouvelle année annonçait.

 

 La Glazière s’éloigne .

 

           Reste maintenant à dire ce que devint La Glazière. En 1987 notre abri comptait lorsque nous le quittâmes

49 ans de présence dans notre famille.

     Il fallut attendre une vingtaine de Mois avant que sa vente ne devienne effective. Ce fut une vente en viager.

Cochelin n’avait pas pensé à cette solution et ce fut Oncle Jacques de Dreuzy qui  l’imagina et signa l’Acte qui

séparait notre famille de « sa » Glazière, car, comme je l’ai dit au début de ces souvenirs, Elle fut bien ce quatrième personnage vivent qui avait place dans notre Histoire. La Glazière nous appartenait, mais nous

appartenions à La Glazière. Elle se chargea de nous le manifester sans équivoque.

 

Cette maison s’éloignait maintenant de moi jusqu’à n’être plus qu’un point, et pourtant  son atmosphère avait

pesé sur toute mon existence jusqu’à l’avenir utopique qu’on voulait m’y  construire.

 

     Le souvenir de mes deux principaux défunts m’est également présent. Je n’évoque jamais l’un  sans l’autre.

Pourtant le fais-je plus volontiers en Mai, au souvenir de la mort de ma Mère . Pourtant  peut-être Novembre

a-t-il pour moi un caractère plus irrémédiablement douloureux car il est plus profondément lié à ce cadre de

cette Glazière ( haïe ) où me fut annoncer la mort de mon Père. En Novembre 1980. 

 

Conte à la mode allemande.

 

                       C’est qu’il m’arrive d’évoquer une scène purement fantastique, et dans cette manière allemande

que j’ai peut-être héritée de ma Mère qui était d’origine alsacienne. Peut-être est-il tel que l’auraient aimé les

habitants des régions de l’Est.

 

                                                J’imagine donc que vers la mi-mai,- sans doute dans la nuit du 15 au 16, le

dallage de la vieille Salle à Mange briarde s’ouvre, laissant le passage à trois personnages assis – véritable

tableau vivent comme en composaient les enfants de ma génération. Ces trois personnages regardent vers

un point que l’on ne distingue pas. Leur attention est soutenue et on devine la cause de cet intérêt ; La

Télévision. Quelques instants se passent et la Vision s’éteint tout redeviens tranquille et sombre.  Et c’est

ainsi que j’aurais aimé qu’un photographe nous prît et fixât pour longtemps l’image des Etres qui me sont

les plus chers.

      On rira de ce phantasme saxon. Qu’y a-t-il de particulièrement absorbant ou d’extraordinairement prenant,

où regarder cette scène qui évoque la paix d’une famille ? C’est qu’on a point deviné l’énorme point d’interrogation que dissimule cette calme Vision. Il est par nature immatériel. Et  situe cette vison entre les

années 72 à 80. Que de fois j’ai souhaiter voir un jour les murs témoigner de la peine et des conversations

alarmées dont ils étaient bien souvent l’objet indirect. Et de même ces terres qui entouraient ces murs Elles

avaient engendré en leur temps un surcroît d’inquiétudes pour mes Parents, et par contre coup pour moi-même.

 

 

 S’il y eut des moments de gaietés -ils furent rares -, je les situerais dans la première période de notre présence

en Seine et Marne ;-c’est à dire dans notre période Agricole. Il y avait de cela…presque une éternité..20 ou 25

ans. Et encore  les quelques sourires que l’on m’avait arborer à La Glazière étaient-ils oblitéré par le mauvais état de santé de mes Parents.

J’évoquerai de nouveau ces instants en parlant de repos tendus.. inquiets..

J’ai raconté les deux soirées organisées pour me dissimuler, un temps, nos difficultés. Leur ambiances qui se

Voulaient joyeuses n’y parvint pas entièrement. Je n’en veux pour preuve que les interrogations pessimistes

 Offertes par mes deux compagnons de route, spécialement au court de la nuit du Quadrille en Mai 76.  

  

 

                                                                                                                        

Prendre comme photo finale pour ce chapitre la photo de groupe général, prise à la fin du Quadrille. ( Album rouge ).

   



1 Dans son livre de la Jungle.

2 Quand je passer Madame Besson passer elle portait sur la Tête un de ces capuchon en plastique comme on les faits maintenant.

1 J’ai anticiper, car fin Février 87, j’étais loin de tout réalisme.

1 N’avait-il de ceux qui avaient tenté de « secouer » l’Etat-Major français en prédisant l’imminence d’un guerre avec l’Allemagne Nazie ? 

1 Dois-je répéter que j’ignorais tout du coup de téléphone d’Yves au Docteur Roux.

1 Par la diminution des médicaments, pratiqué d’office par mes hôtes passagers..

1 En effet du 28 Août 1964  au 28  Février 1987, je n’ai jamais cesser d’avoir un de mes deux Parents                  

sous les yeux ou à porté de voix.

[1] La présence d’Oncle Jacques était également une surprise pour moi. Elle devait être l’effet de l’entretien que j’avais eu la veille avec Chantal de Pange. A moins que le Médecin n’ai demandé un représentant de l’autre

Famille ?

1 Elle avait avec mes Parents un lien spécial, ayant favorisé leur rencontres, puis leur Mariage en 1932.

1 Le Commentaire est de l’Auteur.

1  Cette fois-ci beaucoup mieux que ne l’avait fait l’expérience dite « sociale » tentée en 1964  à Toninens..

1 24 Juin, jour de la Saint Jean-Baptiste Fête du Saint Patron de ma Mère. La St Jean 86, est la dernière qu’elle passée  sur terre. Toute la famille Arhenchiagues au grand complet se trouva réunis autour d’elle. Ce qui était

une tradition pour ceux qui le pouvaient.       

1 De 1932 à 1939, sans aucun doute…Mais après c’est plus discutable… Note de l’auteur.

 

Devait se réaliser qu’au printemps grâce à Marie-Hélène Matthieu 2.. C’est dire la lucidité avec laquelle ma

famille jugeait des choses – alors que j’en étais encore à des rêveries qui ne prendront fin qu’à l’annonce

finale de mon entrée rue Lebouis 

1 Personnellement je date cette réunion aux 30 Maes 1987.

2 Rencontrée par Chantal, à la Messe dite à Paris pour cousin Hubert Mennesson.


Ouf il nous lachent enfin ! concluez voici la mienne !