On a pu
observer au cours de ces souvenirs que mes Parents,- tout en restant
parfaitement dans l’actualité,
avait bâtit autour de moi un mode de vie que je
puisse suivre sans trop d’importunité. Une vieillesse semblable
les avaient également conduits à souhaiter vivre en
paix et tous ensemble, je veux à trois, leurs dernière années.
De ce
fait ils firent de La Glazière, une sorte d’îlot solitaire, fiché en pleine
nature. Ils me hissèrent du même
coup sur leur propre nuage de tranquillité. Mais il
fallut bien redescendre. C’est l’histoire de ce retour, pour lequel
j’ai fait un emprunt à Rudyard Kipling.1
Dans
ces lignes, nous allons connaître le desserrement de cette Mâchoire qui me
contraignais, surtout
depuis 1980. Ce ne fut pas sans douleurs...
Une visite
sans importance.( particulière )
Nous
étions, je l’ai dit, dans la période
des Fêtes et des vœux
.
Quelques jours avant,-par un jour de pluie2,-je
vis la femme du Notaire, Madame Besson, passer devant ma chambre. Elle me lança
un amical bonjour « au passage » depuis le vestibule et alla
s’installer rapidement auprès de ma Mère. Les visites de Madame Besson
intéressait particulièrement, ma Mère, car notre visiteuse était Professeur de
musique à l’Ecole César Franck. Qui plus est elle était aussi titulaire des
orgues de Saint-Louis
en L’Ille. :
Je la vis revenir à mon chevet. Trop tôt à mon
avis.
-« Martial, je viens vous voir un peu car
Madame de Maindreville me semble fatiguée. Elle me parle de gens que je ne
connais pas… Je la laisse se reposer quelques instants. Je retournerai la voir
après »..
Nous
tînmes quelques bribes de conversations ( à laquelle je ne participai que du
bout des lèvres et par automatisme mondain ). Je m’étonnai à part moi de cette
fatigue ; - avoué par une personne que ma Mère
appréciait particulièrement. Mais Madame Besson
ayant été la seule à me signaler cet incident de durée
notable, je n’y prêtais plus guère attention.
C’était Pendant
l’Horreur d’une Profonde Nuit… ( Songe d’Athalie )
Depuis
l’époque, en 1955, où mes Parents m’avaient installé une chambre de garçon, les
portes, tant à
La Glazière qu’à Paris, étaient ouvertes jour et
nuit pour qu’ils puissent entendre mes appels de détresses.
Disons que ces appels n’ont pas retenti souvent,-
au moins une fois si je me souviens bien. Ce n’était qu’une
simple précaution.
Cela
dura encore après la mort de mon Père. Qui veillait sur qui ? on peut se
le demander. Par une
nuit d’insomnie (eh oui ! j’en avais ! Le
plus souvent provoqué par le silence de l’Endroit ). Je me pris à regarder
le trou noir que formait la porte, tenue maintenant
inutilement ouverte puisque ma Mère qui ne se levait même
plus le jour, aurait été bien embarrassée de le
faire la nuit..
Frappé par cet illogisme matériel et psychologique,
je fus pris brusquement de panique : j’étais seul, et sans
appel. Sottement, je tentai de me rassurer en
appelant pourtant cette autre infirme. Je le fis de plus en plus
fort ; finissant par crier, ce qu’on m’avait
toujours formellement appris à ne pas faire, afin de ne réveiller que
celui de mes deux Parents capable de me venir en
aide.
Je criai
donc, et la réponse qui me vint était celle qu’on adresse aux enfants :
-« Qu’est-ce qu’il y a ? Je dors. Il fait
nuit ! dormez ! Je ne peux pas me lever ! Il est de
dormir ! »
Quelle autre réponse attendais-je ? Mais peut-être l’escarre dont
je devais souffrir dans les 11 mois
suivant trouva-t-il là son origine ;-dès que
je pris conscience réellement de « l’horreur de cette profonde
nuit » qui s’appel Solitude.
Je
touchai du doigt la situation. Je n’avais jamais encore découvert la Peur…
Lorsque le lendemain
je m’en ouvris à ma Mère, la réponse vint que
j’aurais du prévoir :
-« Il ne faut pas toujours prévoir le pire. De
toute façon, il faut faire confiance à la Providence ».
« Madame téléphone trop… »
La mort, c’est naturel, allait frapper dès Janvier 1987, les
Maindreville ou leurs alliés. Ma Mère,
retirée depuis 25 ans du milieu familial parisien,
aimait téléphoner pour se tenir au courant ;- et notamment
des nouveaux ravages de la mort. C’est à l’occasion
de cette habitude de téléphoner, que me vint un avertissement supplémentaire.
Il me surprit.
Après
la désastreuse dispute de Noël, les
Gavoit s’étaient retirés sous leur tente : le logement qui leur
avait été affecté, Madame Ringot, tenant à
s’excuser de l’attitude partisane qu’elle avait montrée dans le passé
faisait la « soudure » depuis le 1er
Février. Ce faisant , elle présentait Jeannine Loth ( aussitôt débaptisée
en Martine, par ma Mère ) et
l’accoutumait à notre atmosphère un peu spéciale, il faut l’avouer. Elle avait
été
engagée avec son mari pour le 1er Mars
1987. Ils partiçipront tous deux au démâtage du navire quelques
mois plus tard,- période dont je ne sais
pratiquement rien. L’annonce de leur démission précipita même un
déménagement que nous comptions étalé sur plusieurs
mois.
Or trois deuils furent l’occasion de longs
coup de téléphones. Oncle Raymond de Laval dernier Beau-Frère
vivant de mon Père, partit le premier. Cette
branche de la Famille nous avaient aidés aussi discrètement
qu’efficacement au temps des « vaches maigres »
de notre exploitation. Est-ce le joyeux courrier de Fin
d’Année qui retarda, si mes souvenirs sont exacts,
l’annonce du second décès à Janvier ? En tout cas
ce ne fut qu’au tout début de l’année que j’eus
connaissance du drame qui s’était passé à Chaumes, dans
le Morvan. Il avait eu comme victime et triste
petite héroïne, la petite-fille de Tante Jacqueline Résal. L’enfant
Marie je crois, aurait basculé dans un bassin
servant de réserve pour l’entretient et l’arrosage de la Propriété.
Elle avait 3 ans. Le poids de cet accident du à
l’eau eut, l’effet dans l’esprit de ma Mère, je ne sais quelle malédiction
pesant sur la famille fut une occasion supplémentaire de s’attacher à ce
douloureux événement.
Les jours se faisaient lourds et menaçants pour ma
propre vie ; aussi n’ai-je jamais su avec précision la date
de cette pauvre noyade.
Et
pour finir cette série, il y eut un mystère sur lequel ma Mère s’interrogeait
encore lorsqu’elle quitta La
Glazière le 28 Février 87. Il s’agit du mystérieux
départ de François Raymond, petit-fils de l’Oncle Robert de
Larminat.. On l’avait retrouvé effondré sur le
volant de la voiture qu’il avait empruntée à sa Mère, une arme
encore chaude posée sur le siège de droite…
C’est donc en me donnant la
béqué du soir que Bernadette Ringot me dit à propos de ma Mère qu’elle
entendait téléphoner encore :
-Madame donne trop de coup de téléphone le soir.
Cela agite ses nuits !
Pour la génération de mes Parents, qui avait vu
l’évolution du téléphone, de 1920 à 1939,
cette idée de
fatigue m’intrigua vraiment beaucoup.
-Vous croyez, Madame Ringot ? Ma Mère a du
moins bien dormir cette nuit pour une autre raison. Elle a
toujours eu l’habitude de téléphoner… Vraiment.. Je
ne crois pas…
Si, si, je vous assure…
En fait il s’agissait de
bien autre chose…
Un certain Mercredi.
Durant ces tristes événements
familiaux, notre vie, à nous continuait tranquillement. J’aurais
aimé à le dire ; mais il n’en était rien.
Le train-train allait mais souterrainement les choses changeaient. Des bruits
couraient, chuchotés et pour moi surprenants. Ils
concernaient ma Mère. Ils auraient dû me persuader que le
« moteur » boitait. Malheureusement,
toujours optimiste, j’attribuais l’état de ma Mère à un mauvais sommeil…
Ils faut
nous replacer dans le cadre des « petites vacances » de Février
87.Comme les Mois à peu-près, un
certain Mercredi était réservé aux Jean Schelcher.
Petite nouveauté de cette année, Oncle Jean amènerait
Hugo, son petit-Fils. Hugo, sorti de sa lointaine
Espagne. Le jeune Hidalgo serait
accompagné de deux
Infantes Saint Remy, Albane et Marie-Hortense.
Le
déjeuner se passa sans anicroche, ON s’étonna que je ne connusse point Polo (
Paul-Antoine ), deuxième
et dernier frère des jeunes filles présentes.
Promis ! Le petit garçon ferait l’objet d’un voyage et d’une présentation
dans les formes. Ah si les femmes savaient…. !
Ce fut après le déjeuner que les choses se
gâtèrent. Ma Mère d’ordinaire si ouverte aux jeunes, si allante quand
il y en avait autour d’elle, se mit à piquer du
nez, par intermittence, malgré le babil soutenu des trois jeunes visiteurs.
Tante Jeannine semblait jouer au naturel les Ronds de Tantes qu’on vient voir…
Je vois encore dans la ruelle de son lit, Oncle
Jean perplexe,- appuyé sur sa canne qu’il avait prise entre ses
Jambes, comme le vieil homme de la campagne qu’il
était lui aussi devenu. Et le moment du départ arriva, sans
avancé par l’honorable chauffeur. Les deux sœurs et
leur cousin me reconduisirent dans ma chambre, m’allongèrent même sur mon lit en me prenant l’un par les
épaules et l’autre par les pieds. Puis ils me
quittèrent pour retrouver la compagnie des gens
actifs. Ils allaient je crois servir une soupe populaire
offerte par leur Paroisse à tous les nécessiteux de
leur quartier, ou bien allaient-ils participer à une des
« soirées » des récents Restaurants du
Cœur ? Que je regrettais d’être à l’écart….
Dans la
brumes de mes réminiscences, faut-il encore noter le passage, également mensuel
de Dominique
de Maindreville le dimanche suivant ? L’état
de Tante Jeannine dut l’inquiéter puisque nous nous retrouvâmes
en tête à tête dans ma chambre :
-« Je ne trouve pas ta Mère très bien »
tenta-t-il.
Mais entêté je mis encore tout cela sur le compte
des mauvaises nuits. Je lui racontai pourtant la rencontre qui
avait
précédé. Elle allait dans le sens de ses craintes.
Tout cela nous conduisit vite aux derniers jours de
Février. Leur récit prendra la forme d’un journal.
Un Départ qui se Fit Sans Chant..
Les Dernières Heures.
Samedi
28 Février. –15 heures. Ma Mère et moi, nous sommes seuls depuis
deux heures. Madame Ringot à
comme d’habitude ramené Martine Loth qu’elle
héberge en attendant que les Gavoit aient décampé.
Hardeiller termine sa tournée par son habituel
visite. Il passe dans ma chambre me dire bonjour, avant d’aller
dans la pièce à côté rendre compte de la vie de la
chasse. De loin, j’entends que le
réveil de ma Mère est
pénible, long….Une fois revenue au présent la
conversation s’engage et se poursuit normalement,-du moins
est-ce ce qu’il me semble de loin. Une idée me
vient et je hèle Hardeiller quand il en a terminer avec ma Mère.
-« Cher ami, ma Mère dort beaucoup. Elle ne
répond plus correctement qu’à deux voix, celle de Jehanne et
la vôtre. Il n’est pas question de faire venir
Jehanne pour si peu, auriez-vous la gentillesse de revenir demain
constater son état, et au besoin
l’éveiller. ? »
J’avoue que ces périodes de sommeil dont rien ne la
tirer finissent par m’inquiéter.
Très
aimablement il accepte. Il reviendra demain pour voir. Il prendra le prétexte
d’un oubli commis la veille
pour
justifier son retour…. Fin de journée et nuit normal. Je me sens apaisé
de me sentir aidé dans cette passe
difficile. Début de bronchite, à la suite d’un
rhume hérité de Marine Loth.
Dimanche 1er Mars
– Les Yves viennent pour goûter ; ils se sont annoncer le matin même. Yves
m’aide à
venir au salon ; -
peut-être pour goûter, mais surtout pour assister à la conversation.
Elle à pour sujet nos «
réserves » Yves propose de les échanger contre du « papier »,
plus maniable et plus discret.
.
Trop absorbé par cette
astreignante bronchite, je ne prête guère attention aux réactions
de ma Mère. Ce sont elles pourtant
qui mettront la puce à l’oreille de nos divers interlocuteurs.
Comme toujours elle tient à garder sa liberté d’action, mais sa façon d’exprimer son refus surprend.
Hardieiller arrive,
ignorant tout de la visite Schelcher. Au bout de 10 minutes
d’entretient général, Yves
lui propose de le raccompagner à la porte :
-
« Non, non, Monsieur, vous êtes en famille, Je connais le chemin.. »
Yves péremptoire
insiste :
-Si ! si !
Monsieur Hardieiller, je vous raccompagne..
L’absence de mon
cousin ne dure que quelques instants. J’imagine seulement
maintenant la teneur
de leur conversation.
.
-« Que se
passe-t-il, Monsieur Hardeiller ? J’ai eu une conversation avec ma Tante.
Il
me semble d’après
ses réponses qu’elle soit tout à fait à côté de la plaque…. Il va
Quand à Martial, ce
n’est qu’une petit bronchite sans gravité. »
Que décidèrent-ils
en fait ? Je l’ignore. Si j’ai pu reconstituer à peu près le
dialogue, c’est que
Hardieiller, plus tard m’en restitua l’esprit. Une fois
installé à Paris.
Yves, lui-même me racontera qu’une fois rentrer à Paris
il avait téléphoné à
Roux pour lui dire ce qu’il pensait de la situation. Mon
interlocuteur -des années 90, - compléta son récit en me disant qu’il avait
menacé le Docteur,
des plus graves sanctions disciplinaires professionnelles si
jamais nous n’étions pas Hospitalisés le lendemain à 20 heures. Il
retéléphonerai à cette
à cette même
heure, au Châtelet, afin de s’en assirer1
.
Lorsque revient au
salon, il prétendit avoir eu seulement
envie de connaître
ce Monsieur Hardieiller dont on lui a tant
parlé.
En me reconduisant
chez moi, Yves me parle encore de ses
« réserves »
-
Essaye de convaincre ta Mère. Il n’y a que ce
moyen- là d’échapper
à l’impôt sur les grandes
fortunes.
Septique quant à l’effet de ma diplomatie, je le
lui promis cependant.
Au vrai, les
événements iront si vite à partir de
cet instant qu’il me sera
Impossible de
seulement aborder la question avec notre « entêtée ».
Yves lorsqu’il
m’allongea ne se doutait pas que j’allais être séparé
définitivement de ma
Mère. Je ne ferais plus que l’entrevoir le
lendemain, dans un
brouillard angoissé, mais sans larmes.
Lundi
2 Mars 1987. Le Premier de Mars se lève ; - jour sans grande lumière
naturelle ;- en tout semblable au jour
précédent. Jour si peu
fait pour laisser
quelque souvenir que ce soit ;- et surtout
celui de la fin
d’une longue pénitence. Mais, cela, je l’ignore
au lever du jour.
Depuis quelques
jours déjà il y a des conciliabules, des
chuchotements. Après ma toilette, une
des deux jeunes
femmes qui s’en
occupent aura la franchise de me
demander si
j’ai déjà eu du sang dans mes Selles.
-Il faudra que Madame
en parle au Docteur quant
passera…
Or Roux vient justement ce lundi-là en fin de
matinée.
Il doit renouveler les Ordonnances. Il passe
me voir
Nous nous saluons ; simplement, sans examen
particulier. Il réserve ce qu’il à dire à sa cliente et
c’est elle qui se chargera de le mettre directement
au courant. Mais il est d’abord
question de sa
santé à elle.
De loin je
saisis des bribes de leur dialogues. Les phrases « Avis des
confrères » ou « examen général »
me parviennent. L’espace d’un instant je me demande
ce que Roux compte faire de moi dans le cas d’un
départ de ma Mère pour l’hôpital restant seul à La
Glazière avec Jehanne pour toute compagnie ;-la brave
femme ne vannant
d’ailleurs que 5 heures par jours. Cela posait un problème de solitude
complète de 17
heures jusqu’au lendemain. Autrement dit, comment
passerais-je les nuits ?
A quelques mètres de moi le ton de la consultation
mont et devient pour moi plus net. Ma Mère
-« Mais Docteur, j’ai rendez-vous demain avec Maître Besson.
Je ne peux pas le remettre » !
Madame, si le Notaire est vraiment pressé, il vous
verra aussi bien la semaine prochaine après cet examen. En tout cas, je veux
vous savoir partis à 4 heures, vous et Martial, puisque vous me dite qu’il est
souffrant. Je
vous fait une ordonnance pour deux hospitalisation
à Melun ».
Devant une
décision si froidement exprimée, ma Mère capitula . Ensuite je perds la
fin de l’entretient.
Madame Tavier arrive en compagnie de Bernadette
Ringot pour jeter un coup d’œil à ce bobo de la fesse
qui se fait trop insistant au gré de tout le
monde.
-« Oui, dit-elle, il y a bien une petite
écorchure, mais bien soignée il ne devrait en rester quand je vous reverrai
dans 15 jours ;- surtout si vous aller à
l’hôpital. Je vous mets une compresse, ensuite ils verront ».
Jehanne
est là aussi pour me transférer sur le fauteuil « Everlax » installé
dans le salon. Cela me fait
croiser Alain Roux. Je commence à lui parler de la
bronchite que l’on sait. Il m’interrompt :
-« Oui, oui ! je sais. Ils verront çà à
l’hôpital »
Puis il
disparut. Ni ma Mère ni moi, nous ne le reverront jamais !
Alors commence pour ma Mère un vrai Marathon téléphonique. Elle le tente
et parfois le réussit
malgré l’heure ; il est midi . Ce sont d’abord
les Ambulances Ferry qu’il faut prévenir d’urgence pour s’assurer
d’une voiture.(Elle fera troit fois le trajet ).
Puis même scénario pour le fameux Notaire qui servit de prétexte.
pour décommander son rendez-vous. Elle en profite
pour lui annoncer :
-Je vous ferez porter par Jehanne Thibaut, quelques
petites choses auxquelles nous tenons et dont vous connaissez l’existence.
Entre chaque coup de fil, elle à Jehanne les plans
et les consignes, qu’elle compte appliquer ou faire suivre.
Ainsi :
-« Roux, nous envoies à Melun pour y subir des
examens. Mais notre présences à Melun ne durera pas tout
ce temps-là. Demain, je téléphone à Cochin pour y
faire transporter Martial et moi, comme me l’a promis
Monsieur Menkès. Jehanne ! ce n’est donc pas
la peine d’alerter mes frères pour les faire courir ici alors
que nous seront déjà à Paris. Je préfère le faire
de Cochin, si l’hospitalisation dure assez » ;
-« Comme Madame voudra » fut la réponse
de Jehanne.
Le
téléphone sonne aussi chez Daniel Hardeiller. Ma Mère lui demande de passer à
la maison avant de
retourner à au bureau ;-La Coopérative
pharmaceutique de Seine et Marne dont
il est le collaborateur.
Mais cette fois, ma Mère se fait plus nette et plus
précise :
-« Allô ! Monsieur Hardieiller, excusez-moi
de vous déranger. Roux nous envoie à l’Hôpital à Melun pour
huit jours. Je voulais vous demande de bien vouloir
passer avant notre départ. J’ai quelque chose d’important
à vous remettre.
Très complaisamment
il promet de revenir, avec diligence,(.pour la troisième fois en trois jours.
Ma Mère termine ses coups de fils par mon cousin Dominique pour l’avertir
également. Mais sans insister davantage.
. Après quoi, Jehanne étant sortie de la pièce un
silence s’établit entre nous, court, mais pesant. Enfin Hardieiller
.arrive et lui explique ce dont il s’agit :
-Comme je vous le disait, Roux voudrait que l’on
fasse des examens et pour cela, il nous envoie à l’hôpital pour
une semaine.
Et elle
demande à son interlocuteur de bien vouloir prendre chez lui sa bague de
fiançailles : un saphir, véritable anneau épiscopal. Et pour décider Hardieiller, elle ajoute
qu’elle s’est déchargée sur Jehanne des
autres choses précieuses auxquelles elle tient.
Notre pauvre ami est un peu éberlué. S’il jouait la surprise
devant la décision de Roux, il la joue bien. Ainsi
que Jehanne, Ils acceptent donc ces
dépôts de confiance.
Mais je sus
plus tard que s’étant retrouvé seule Jehanne avait succombé sous le poids des
scrupules et avait
pris contact avec Maître Besson pour remettre entre
ses mains son « lot » qu’elle pensait ainsi mieux gardé. Il
s’agissait en effet des fameux lingots dont il a
été parlé ici en son temps. Elle le fit dès le soir de ce 28 Février…
Hardieiller, lui, fut plus circonspect. Il attendit
quelques jours la confirmation des mauvaises rumeurs concernant
ma Mère, pour remettre lui aussi les bijoux entre
ses mains.
13
heures ou 13 heures 15. C’est le moment pour Hardeiller de regagner son
bureau. C’est alors que ma
mère lui répète les consignes de silence à l’égard
de ses frères qu’elle à déjà donner à Jehanne. Mais il m’avouera plus tard
avoir enfreins la consigne, et avoir ( bien heureusement ) téléphoné le soir même à
Orgeval…..
Hardieiller étant là, Jehanne nous aide pour le repas. Ce sera le
dernier repas que je prendrai avec ma
Mère et dans ce cadre… .! Quelques années plus
tard, le souvenir de ce dernier repas m’en rappelle un
autre. : Depuis mon enfance on m’avait parlé
de « l’Etoile au Grand Large » de Guy de Larrygaudie.. .
Livre de réflexion où il évoque, entre autre le
dernier dîner qu’il prit sur ses terres en 1939.
Dîner un peu fantomatique et élégant : il
s’était changé pour ce dîner et avait mis son Smoking. Il
avait fait éteindre l’électricité et avait dîné
solitairement à la lumière de deux candélabres ;-noires- dit-on
C’était là ses adieux à un mode de vie qu’il avait
pressenti ne pouvoir conserver après les évènements
menaçants qui s’annonçaient. Il fut tué, je crois
dès 1940. Le récit de cet adieux fut noté par lui le soir
même de sa célébration. Ce panache et cette
délicatesse m’avait séduit.
Rien de semblable dans notre cas. Ni l’heure, ni le nombre de convives.
Il était seul et nous étions deux.
Mais comme lui, nous ignorions ce que serait
demain. Il partait pour une guerre qui serait perdu ;- il le devinai1.
Moi, je partais vers une bataille qu’il me faudrait
gagner.
Pour
notre déjeuner de départ de ce 28 Février, l’atmosphère est assez grave devant
cette hospitalisation
générale. Aussi notre Chef de Famille fait-il
déboucher un petit vin du Rhin dont il reste quelques bouteilles. En
bonne gestionnaire, elle s’enquiert de leur
nombre :
-Il en reste 11, Madame, répond Jehanne.
-Eh bien, nous en boirons une autre lundi. Au bon
résultat de nos analyses !
Mais
c’était là une tout autre affaire…
15 heures. L’ambulance arrive. Mais étant données la soudaineté
de la décision médicale et la
promptitude de sa mise à exécution, on n’a pu
mettre à notre disposition qu’une seule voiture. Elle
fera donc deux voyages et ma Mère quittera La
Glazière la première « pour mieux m’accueillir, » dit-elle
dans cette ambiance carrément inconnue pour moi.
J’assiste au départ de cette vieille châtelaine qui
embarque avec une insouciance optimiste, quoique préoccupé par ce nouvel
épisode de notre vie ordonné
par Roux.
Ma Mère prend congé de Jehanne gaiement :
-Alors, Jehanne à lundi !
:
Suivent quelques recommandations touchant
l’entretien de la maison. Déchargée des soins de la cuisine, Jehanne pourra s’y consacrer pendant ces 8
jours.
Madame peut partir tranquille, elle retrouvera la
maison toute propre.
Et notre fidèle assistante tient à accompagner le
brancard jusqu’à la voiture. Cette première « Charrette » partie
Jehanne me laisse seul et passe à la cuisine pour
vaquer à ses occupations habituelles. Ces quelques moments
de solitude, qui seront les premiers d’une longue
série, ne diminuent pas mon anxiété et le jour commence à
baisser lorsque « mon ambulance » vient
me prendre. Et comme elle l’avait fait pour ma Mère, Jehanne tient
à être la dernière à me souhaiter bon courage.
Aussi es-ce elle qui ferme le hayon de l’ambulance, puis la
grille : cette Herse qui s’était ouverte
devant moi il y a tant d’années !
Notre
Glazière était visible de loin, que l’on y arrive ou qu’on s’en aille. En la voyant
cette fois-ci disparaître à
mes yeux, un sentiment de surprise se mêle à mon
appréhension. Ainsi, quelqu’un avait
osé et pu nous faire
sortir de ces murs qui nous prodiguaient calme et
tranquillité. La Doctoresse Faine en son temps avait bien réussit à nous
éloigné quelques jours de La Glazière, ma Mère et moi, chacun en des occasions
diverses :
moi ,en 1954 pour une appendicite qui m’avait
retenu un mois à la clinique de Fontainebleau,- ma Mère
plusieurs fois pour Cochin. Mais la Maison
demeurait habitée ; aucune précaution n’avait dû être prise
comme en ce jour-là. Le départ avait une allure de
mystère et d’adieux que je ne parvenait pas à analyser.
Etais-ce un éloignement ou un adieu ?
J’en
voulais obscurément à Roux d’avoir brutalement franchi un pas que Faine avait
toujours hésité à
franchir.
Même désarroi en passant devant Mimouche, si souvent ouvert pour un
repos ou un relais où
le fardeau de nos soucis. Je ne doutais pas de la
continuelle et affectueuse attention de ses hôtes, mais
quand aurait notre prochaine rencontre ? Oui,
vraiment, je redoutais tout de cette hospitalisation ordonnée,
me semblait-il, avec une précipitation suspècte..1
( Seule la
solennité de ce départ m’incitaient-ils à une inquiétude auxquelles se joignait
les mauvaises rumeurs
sur une
aggravation de la santé de ma Mère ).
L’heure était
aux chiens et aux loups, lorsque la
voiture passa la porte automatique de l’Hôpital. On me fit
entrer dans une petite pièce où occupé par un
Interne en conversation probablement avec ma Mère. Dès mon
apparition, ma Mère se tut, me laissant expliquer
tout seul les raisons pour lesquelles je l’accompagnait..
Ma Mère se taisait donc, intervenant beaucoup moins
que d’habitude lorsqu’il s’agissait de son fils.
-Vous venez
donc nous voir parce que vous avez du sang dans les selles ?
J’étais
assez gêné pour entrer dans détails ; me contentent de « raconter » sans faire
l’exégèse de la
chose comme on m’avait toujours appris à le faire.
Le reste de l’interrogatoire roula sur des points techniques
sans doute intéressants mais avaient dû être
évoqués avent mon arrivée. Mais pourquoi donc ma Mère
demeurait-elle muette ?
Rédigeant
ces notes quelques années plus tard, je
me demandais si ma Mère ne commença pas
ce jour-là ce trajet vers ce monde ouaté, où on ne
s’appartient plus et où rien ne nos appartient plus ;
monde impénétrable aux autres :- on devient un
« malade » . Dans un silence incommunicable..
Ce devait être le sien pour les prochaines
semaines….
.
L’entretint terminé, je quittais la pièce le premier. L’émotion et
l’énervement avaient raison pour une
fois les calmants ; à présents je payais la
note. Installé dans une chambre à deux, l’autre était occupé
par un brave homme en traitement antialcoolique.
Par la porte restée entrouverte je vis
passer un convoi :
un brancard dont l’occupant avait le dos surélevé.
Bêtement j’imaginais que s’était ma
Mère qui montait à
son étage. Je la saluais donc d’un In
petto : « Bonsoir Maman, à demain ». Et je m’endormis en me répètent
la vague promesse des Médecins « Demain, on
vous mettra avec votre Maman »
Les
évènements ne devaient plus me permettre de la voir qu(‘à travers mon imagination.—jusqu’au
15
Mars où je devait l’apercevoir une dernière
fois ; - mais à travers d’un brouillard
cette fois salé.
Mardi 3r Mars 87. ( fin du journal ). C’est le réveil, le brouhaha habituel aux
hôpitaux. Quel contraste
avec la paix du jardin à laquelle j’étais
accoutumé ! Une fois les soins
expédiés et le petit déjeuner pris
( pour moi une simple tasse de thé ) je me mets à
attendre ma Mère,- dans l’imbécile espoir qu’un
changement aussi rapide aura également tout changé
pour elle.
En arrivent la veille au soir, on m’a mis d’office
les « barres » ainsi qu’une « poche » automatiquement
décernées par la Patronne d’étage, une Madame
Chevalier… Elle veut ainsi épargner temps et fatigue
à son personnel. Ce nom commun de Chevalier est à
retenir, car avant la fin de la matinée, je rencontrerai
une demoiselle Chevalier, fille sans doute de la
précédente qui jouera un rôle éphémère mais important dans
cette journée très remarquable pour moi qui avait
tout à apprendre.
Vers
11 heures, je vois déboucher trois blouses blanches portées par deux hommes et
une femme. J’ai
déjà rencontré l’un des deux hommes qui est le
Médecin d’étage, l’autre a les cheveux gris et ressemble au
bon vieux Médecins des familles. C’était je crois
rien moins que le Directeur de l’Hôpital. J’apprendrais plus
tard par Nicole Arnouat que la jeune femme n’est
autre que l’Assistante Sociale de l’Etablissement. C’est
elle qui parlera presque uniquement, cherchant à me
faire saisir diplomatiquement la gravité de la situation.
Je repense
souvent à l’importance qu’aurait pu
avoir cette entrevue et aux veines recherches que mes
réponses allaient provoquer. J’aurais du évidemment
me souvenir de Menkès et le nommer. Mais j’étais
si peu préparé aux coups qui étaient portés de
l’autre côté du mur de cette chambre !
Après les
salutations d’usage, voici ce que j’entendis :
-Monsieur, nous voudrions savoir si vous avez
correspondant ou un tuteur avec lequel nous puissions nous
entretenir ?
-Mais, je ne comprend pas…Ma Mère a dû vous dire…
-Oui, elle nous a dis que vous n’aviez plus votre
Papa, mais votre Mère est très fatiguée…Nous n’avons pu
en savoir davantage…
-Oui, il est possible qu’elle soit un peu fatiguée.
Elle a évidemment beaucoup travaillé ces derniers temps. Mais
laissez-la se reposer deux ou trois jours. Ensuite
elle pourra répondre à vos questions.
Oui, je sais, elle est très impressionnante quand
elle est dans cet état.
Je
pensais aux crises de sommeil qui avaient surpris ma Mère au lendemain de l’enterrement
de son
Beau-Frère Paul du Vignaux, et qui s’étaient
prolongées durant 48 heures sans désemparer ou presque,-à
la grande inquiétude de son proche entourage. (
C’est à dire mon Père et moi-même ) Ceci datai de 1961.
Cette histoire était bien longue. à raconter à une
interlocutrice pressée d’obtenir un résultat.
-Vraiment, Vous ne voyez personne ?…
Il y avait bien Jehanne, mais brusquement Madame
Ringot me parut, je ne sais pourquoi, plus évoluée et plus
apte à correspondre aux critères demandés. En quoi,
je me trompais d’ailleurs. L’Assistante Sociale n’était pas
non plus, croyais-je, le genre de personne avec qui
on pouvait discuter. Je m’enferrai donc dans mon raisonnement :
-Vous verrez ce que je vous dis : dans deux ou
trois jours elle ira mieux.
Je crus alors percevoir l’Assistante Sociale
murmurer entre ses dents :
-Ca m’étonnerai. Votre Mère est vraiment au bout du
rouleau.
Malgré tout je lui répétai le peu de choses que je
savais sur Madame Ringot. Voyant qu’elle n’obtiendrait de plus
et après un sommaire examen, ou ils commentèrent
que j’étais équipé comme le souhaitait l’Hôpital, le trio me
quitta.
Sûr de
mon pronostic, je déjeunai gaiement, commençant même à plaisanter avec le
Personnel. Je fus surpris
de voir arriver vers 15 heures les Oncles Jean et
Rémi Schelcher, ce dernier les mains chargées d’une boite de
« Calissons» que j’ouvre tandis qu’ils vont
faire une reconnaissance dans la chambre d’à-côté.. Et décidément
c’est la journée des Frères. Les Oncles Pierre et
Jacques de Dreuzy pénètrent dans ma chambre. Ils n’iront qu’en suite dans celle
de ma Mère où ils retrouveront les frères de ma Mère. Comment tout ce monde-là
a-t-il été prévenu ?
Me revient en mémoire un commentaire d’Oncle Pierre
au bord de mon lit :
-Mon pauvre vieux ! si ta Mère te voyait
couvert comme cela !
En effet, dans la chambre, il fait 25°, et mon lit couvert comme celui
d‘un grand frileux ; mais j e n’ose demander
aux infirmières de me découvrir un peu ;- de
crainte de leurs commentaires…
Ces Messieurs resteront jusqu’à 6 heures
environ, heure des repas dans les Hôpitaux. O y sert une omelette
qui restera la dernière histoire drôle entre
Chantal de Pange et moi.. Elle passe en effet vers 7 heures et insiste
pour que j’interrompe la dégustation de ce
« plat de résistance ». J’ai quelque chose comme 39 ou 40°. Puis elle
cède la place à Hardieiller qui viendra presque
chaque soir pour me faire boire un tilleul attendu avec autant d’impatience que
de reconnaissance.
Et
maintenant mon récit quittant la forme « Journal » va reprendre sa
forme habituelle.
A
partir du Mercredi 2 Mars, la vie hospitalière prend son cours
« s’embourbant » dans sa routine habituelle dans laquelle tout se
confond. Ce ne sera que vers la période du 12 au 15 que je reviendrai à la
forme « journal ». Ces trois jours
resteront gravés pour toujours dans mon souvenir, et seront dans droit fil
de ceux que j’ai déjà racontés et en seront
l’achèvement. En attendant ces tris jours-là, les jours que je vis
se résument dans quelques phrases qui toutes
ensembles ne seront qu’un long et même avertissement :
-Votre Mère est très gravement et profondément
atteinte… .
Mais comme
il y a quelques à peine à La Glazière, j’ai du mal à en croire mes oreilles.
Peu à peu une certaine
Vérité de dessine en moi. Mais elle sera bien vite
oublier au moment où il fallait se rappeler l’image ainsi fumée.
Pour l’instant
je reste sourd à ces mies en garde, si délicates qu’elle fussent. Depuis le
« coup de l’omelette »,
m’avoue ne rien entendre à tout ce qui se dit dans
la chambre d’à-côté. Je retint surtout de mon informatrice
qu’on assistait maintenant à de brusques assauts de
sommeil chez ma précieuse voisine. Quelqu’un m’avouera
ne pouvoir satisfaire les désirs téléphoniques de
ma Mère car elle voulait appeler Madame Victor Thiébaut morte
en Février 1968. Ma Mère parla à ses visiteurs de
Madame Thiébaut,- sa Grand’ Mère- morte le soir de Noël 1930 etc.
Puis
c’est l’affaire de « la Bibliothèque ». Ma Mère nous avait fait admettre,
elle et moi, dans les circuits d’une
Bibliothèque de prêts dans laquelle elle puisait
son aliments intellectuel Madame Besson
nous y avaient rejoints.
Il y eut donc dans ma chambre, un entretient
,(entre Chantal de Pange et Madame Besson ) pour savoir ce que
nous ferions des trois livres qui étaient en notre
possession,- et en panne…Madame Besson n’étant pas encore
très sûr de la durée de notre hospitalisation,
hésitait à les prendre. Chantal de Pange l’y encouragea pourtant.
Je crus comprendre ;- d’après la réponse assez
net et ferme de Chantal,- qu’il ne fallait pas faire attendre les
les abonnés suivants ; je crus mettre ces
Dames à l’aise en leur disant que bien souvent ma Mère ne touchait
même pas au lot qui venait d’arriver. Comment
s ‘apercevrait-elle qu’elle ne les avaient pas lus ? Il n’y avait
donc
qu’à faire suivre…
Il ne s’agissait pas du tout de cela ! Pour Madame Besson il
s’agissait de savoir qui prendrait
notre place !
-« De toute façon, dit Chantal de Pange,
Madame de Maindreville ne lira plus…
Elle entrait déjà dans le monde des disparus ! J’aurais dû comprendre. Je
ne compris pas. De surprise je
tressaillis
fortement su mon lit.
-Mais, Martial, il ne faut pas vous faire
d’illusion, me dit Chantal, je vous déjà ai dit l’autre jour que votre Mère
est très fatiguée…
Ces différents constats de « fatigues »
proprement dite ne me renseignait guère, ma Mère ayant toujours traîné
depuis 1939, un arrière fond de fatigue générale.
Il eut fallut que l’un de mes interlocuteurs ou interlocutrice soit
beaucoup plus précis. Ils n’osèrent provoquer chez moi un abattement plus grand. Mais
ce jour—là c’est sur
les livres qu’on discutait.
C’est d’ailleurs moi qui ajoute cette fin de
phrase, car Chantal s’apercevant que je n’avait pas encore « atterri »
noya rapidement le poisson. Pourtant cette fois-ci je demeurai perplexe. Mais
une nuit, mauvaise comme toujours
à l’Hôpital, effaça cette méchante impression. Par
ailleurs je souffrais de nouveau cruellement de la soif, pour la
seconde fois de ma vie. Cela tournait à
l’obsession. Et me tournait aussi dans la tête ces mots de Tante Geneviève de
Dreuzy :
-Mon pauvre vieux, il ne faut pas te faire
d’illusion. Il faut que tu te prépare à faire un virage à 180 degrés :
La Glazière, c’est fini ! y es-tu prêt ?
Avouerai-je que souterrainement une partie de ce
discourt me plaisait :c’en était fini de cette Glazière ! Mais
mesurai-je le prix qu’il me faudrait payer pour
« changer de vie » ? Mesurai-je que ce serait désormais sans
ma Mère ? Pourtant cela rendait plus
pressantes les questions qui me tourmentaient depuis si longtemps
sur ce pourraient être ces nouvelles « formes
de vie ». Mais je ne réalisai pas encore cette réalité :
La Mort de ma Mère.
On le voit,
j’étai tourbillon et imprécision. Je ne comprenais pas encore.
Un certain jour, le vendredi 4 Mars je crois, le Personnel s’avisa, pour
s’en inquiéter, que j’étais
constamment alité. On entreprit donc de me
« mettre au fauteuil » selon le langage hospitalier. Et
cependant mon « bobo » à la fesse
évoluait mal. Je le traînais depuis le départ de La Glazière ; et
même un peu avent. Cette éphémère installation en
position assise s’accommodait mal du matériel
dont disposait l’Hôpital.. Le « bobo » en
souffrait et les soins qu’il exigeait se prêtais mal au matériel
offert.. Or siudaint deux visiteurs firent leur apparition : le jeune Médecin
d’Etage que j’apercevais à
peu près tous les jours et le Docteur aux cheveux
gris entrevu au début de la semaine :
-Il n’est pas encore avec sa Mère celui-là ?
-Non.. Je vous expliquerai, répond l’autre
Et il l’entraîne rapidement vers la suite de la
Visite.
Et le plus âgé de me jeter avent de
disparaître :
-On va voir ce qu’on peut faire pour vous !
Et je l’avais remercié tout à l’espoir de cette
promesse. Cette espérance fut déçue. Mais puis-je en vouloir à ces
Messieurs ? Non certes. Je leur garde plutôt
un sentiment de gratitude pour avoir voulu m’épargner le voisinage et la vue de
la débâcle qui se déroulait de l’autre côté du mur. Je n’y étais en aucune
manière préparé. Je n’avais
et n’ait encore jamais vu mourir personne.
Et l’on
rencontre là une des préoccupation majeures de ma Famille à mon sujet. Il ne fallait en aucune manière m’inquiéter
en me révélant la gravité de l’état de ma Mère,-et le processus d’une mort en
marche.
Cela
durera et explique l’irréalité de l’atmosphère dans laquelle vont se dérouler
nos deux existences.
Un simple mur nous séparait. Mais la distance qui
séparait était immense. Nos deux existences durant toutes
ces semaines qui nous conduiront à la mort de ma
Mère, étant localement si proches mais si profondément
séparées ! C’était presque surréaliste !-
On ne dira rien du détail des épreuves subies par elle. Je ne les appendrai que
lorsque tout sera terminé. Je ne pus au jour le jour participer au calvaire
qu’elle gravissait,
ni prévoir que le terme était proche…
Qu’on ne
l’oublie pas en lisant les pages qui vont suivre.
Pourtant, mon attention fut alertée par une conversation avec mon cousin
Dominique de Maindreville,
et dans tout autre domaine que celui de nos
santés.. Cet entretient me laissa apercevoir d’autres perspectives.
La
veille de la visite des deux Médecins
Dominique m’avait conseillé de prendre une aide
Pour gérer nos modeste revenus. Quant à lui, il se
récusait devant cette tâche. Il arguait de son manque
d’expérience financière comparée à celle de la
famille de ma Mère. Il m’avouait aussi son grand désir de
tenter une nouvelle tentative de vie religieuse et
de surcroît contemplative.
L’état de santé des Oncles Schelcher laissait
prévoir une moins grande disponibilité à plus ou court terme.
Oncle Rémi s’acheminait vers prochaine cécité. Il
me recommandait de m’adresser aux Oncles Dreuzy. Ils
étaient cousins germains de mon Père. Des deux frères,
Dominique penchait pour Oncle Jacques.
Il habitait
le plus couramment près de la région parisienne.
C’est donc lui qu’on dérangerait le moins en lui demandant
ce secourable service.
Je demeurai
perplexe,- aussi tenterai-je de reconstituer les mots mêmes de cet entretien.
Cela
permettra peut-être de
comprendre ce qui se passait dans l’esprit de ma Mère.
-Voilà, me dit Dominique : ta Mère est
fatiguée. Elle voudrait trouver quelqu’un qui l’aide à gérer
votre fortune. Personnellement, je ne peux pas à
cause de mon âge. Et ma compétence ne peut
se comparer à celle de tes Oncles Schelcher. En
outre j’ai le projet de rentrer au couvent Tante
Jeannine m’a demander de voir avec toi, pour que
nous trouvions la personne le plus à même
de t’aider dans l’avenir.
Je
l’interrompis en lui citant le nom de celui auquel ma Mère pensait depuis 1980,
année
du décès de Christian Droulers dont elle avait
espérer qu’il pourrait être mon mentor dans la gestion
de La Glazière.
Il
s’agissait de mon Oncle Pierre de Dreuzy dont l’expérience terrienne et
campagnarde pourrait
m’être d’un précieux secours pour cette même
exploitation. Elle continuait à privilégier pour moi la
vie fermière. Elle ne se départit jamais de ce
rêve. Elle estimait que le plus clair de mes revenus
viendrait non de capitaux mobiliers, mais de
revenus agricoles…
Nous
tombâmes d’accord, Dominique et moi, que La Turpinère était trop éloignée . Ma
Mère avait
déjà pressenti cet inconvénient. Mais l’évolution
des santés de ses deux frères semblait exclure pour
eux les déplacements qu’aurait exigés leur
« sponsorisation » de ma gestion. D’ailleurs, ils étaient
plus « financiers » qu’agriculteurs.
Restait Oncle Jacques de Dreuzy qui pourrait plus facilement veiller
sur moi. Et ajoutait Dominique, habitant le même
quartier que lui, je pourrais, sous sa tutelle t’assister,
du moins dans les premiers temps. Et Dominique de
conclure par ces mots :
-Réfléchi à tout ce que je viens de te dire. Je
reviendrai dimanche vous voir tous deux, ta Mère rt toi.
Nous pourrons en reparler ensemble.
Tout cela était étrange : ma
Mère, demandant de l’aide en matière
financière !
domaine qu’elle avait toujours jalousement conservé
pour elle seule !
Et
cette source d’étonnement : elle terminait maintenant chaque entretien
sérieux en demandant
à son interlocuteur du moment quel était mon
avis sur la question discutée ! Je n’en croyais pas mes
oreilles ! Certes, elle avait déjà au moment
du décès de mon Père signé les papiers nécessaires pour
établir un « Compte-Joint » entre nous au
Crédit Agricole. Mais jamais l’occasion ne s’était présenté de
profiter de cette faculté. Que penser alors de ce
« Qu’en pense Martial ? » posé comme préalable
maintenant à toute prise de décision ?
Cet
entretien eut lieu le 5 Mars. On comprend pourquoi j’accessits l’éventualité
évoqué par les Médecins
de nous réunir avec un mélange de joie et de
réserve. J’aurais été heureux de pouvoir échanger avec ma
Mère nos impressions du moment, mais les
changements que je pressentais dans son comportement
n’étaient-ils pas le signe de changements plus
encore plus importants dans personne même ? La
Providence résolut le problème en redent impossible
notre réunion. J’aurais beaucoup aimer conserver
d’elle le visage et me référer à la puissance
cérébrale que je lui ait toujours connu, préservé de toute
marque de déchéance.
Et
maintenant, la forme « Journal » va reprendre dans mon récit. A
quelques heures près il sera complet
et recouvrira totalité de ces 15 derniers jours
fatidiques.
Samedi 7 Mars. – Voici que je sombre en
plein tourbillon intérieur, mon esprit éveiller 1
voyage d’un problème
à l’autre, - les mélangeant, -les entremêlant au
gré du trouble qui m’emporte.
Je suis placé devant une énigme et une alternative
à trancher.
L’énigme était le silence de ma Mère sur certains bruits qui me
revenaient. Avaient-ils l’approbation de ma Mère ? Certains détails me
trouvaient indécis. Que signifiait cette rumeur d’installation dans le village
même
d’Orgeval dont les bruits circulaient de plus en
plus à mon sujet ? Avait-elle l’approbation même muette de ma
Mère ? Son silence était pour moi une énigme
et m’inquiétait devant l’alternative qui m’était proposer. Il fallait
choisir entre deux perspectives d’avenir : La
Glazière ou quoi ? J’avais été imprégné d’une certaine conception
et on me proposait une autre manière de voir.
L’alternative était pour moi le choix entre deux direction.
Par ailleurs, il y avait une autre alternative : elle allait au
choix fait entre les deux frères Dreuzy mes
Oncles. L’idée première venait de ma Mère et,
surtout depuis le printemps 80. Elle désignait comme guide
pour moi Oncle Pierre : il était de la
campagne,- de plus il avait donné asile à mon Père à La Turpinière pour
qu’elle serve de cadre à sa messe d’enterrement. De
plus Oncle Pierre avait meublé tout mon horizon de
petit garçon à Paris lorsque mes Parents lui avait
offert de partager notre appartement aux premier et
second trimestre de 1946, pour lui permettre de
préparer plus aisément son Concourt du Conseil d’Etat.
Par contre, Oncle Jacques brillait à mes yeux de
tout le prestige d’un glorieux passé militaire. En proposant
à Dominique d’échanger frère pour l’autre pour
m’entourer, n’avais-pas manqué au vrai choix de ma Mère ?
Telle était l’énigme. N’étai-je pas coupable envers
elle ?
J’allais
d’un problème à l’autre. Et ma Mère ne pouvait plus prononcer le mot
libérateur….
En ce
samedi, j’allais recevoir deux visites
En début d’après-midi , je vois le ménage de Laval
s’encadrer dans ma porte. Ils sont « effrayés de l’état dans lequel ils
trouvent Tante Jeannine ». Yvonne me laisse entendre qu’un retour commun à
La Glazière est fort
compromis. Quel solution envisagent-elle ?
Elle parle pour moi d’une « mise en Foyer ». Mais pour l’instant,
il n’en existe aucun dans Paris. Si la situation
s’aggravait et l’exigeait, il faudrait songer à Laval ( sans mauvais
jeu de mot sur leur nom ). Là seulement on
trouverait un Service d’Urgences capable de me récupérer.
…Je les partir dans la plus grande perplexité.. Je
ne situe pas géographiquement cet endroit… Mais
c’est sûrement au diable vauvert…
Ils sont
remplacer par Yves Schelcher, seul, je lui confie ma nouvelle anxiété et il
tente de me
rasséréné :
-« Mais non, mon vieux ! on va
t’installer à Paris avec nous ».
Pour
quitter ce terrain aventureux, il me
parle de cet Hydroglisseur qui a eut hier un accident spectaculaire
sur la ligne Douvres-Calais. Puis il me laisse à peine
ragaillardi,- mais toujours inquiet.
Ainsi
s’achève ma première semaine d’Hôpital. La vérité sur mes problèmes ne se s’est
toujours pas
montrée à
moi, ni nue ni revêtue….
Tous ces
examens que nous subissons sont bien longs à révéler leur secrets !
Dimanche 8 Mars.- Malgré ces heures dominicales
qu’à La Glazière nous consacrions à Dieu, on
refait le pansement de mon escarre et on m’annonce
un désagrément : au lieu de diminuer, la plaie
s’est élargie. On pose un nouveau Garent qui doit
hâter la cicatrisation, .. son maxime d’efficacité est
de 5 jours, je n’ai pas le souvenir qu’il y ait eu
une suite… Une fois ces « chirurgiennes » passées » je
les entends clamer à travers la porte :
-« Et maintenant, il ne reste plus que le
pansement de Madame de Maindreville ».
Et l’autre de répondre :
-« Oui, mais il faut d’abord lui faire sa
piqûre ! ».
Un pansement, à ma Mère, avant un pansement ?
Comme c’est bizarre ! Et maintenant, un petit détail qui finit
par avoir son importance : Je meurs de
soif ! Chacun de mes visiteurs est taxé de deux verres d’eau, avant
tout entretien. Ce qui n’arrange rien c’est que
j’étouffe dans cette chambre où il fait au moins 25°. Alors qu’à
la maison, la température intérieure varie entre 10
et 12°.
Le Personnel de l’Hôpital recommande è la cantonade
qu’il faut boire. Mais il ne fait pour y aider. Les fenêtres
sont pertinemment fermés ,-mon cochambriste étant
frileux Curieux bonhomme que ce voisin.
Il est entrer ici
je crois, pour cause d’éthylisme naissant. Il avoua
un jour au Médecin d’Etage qu’il buvait un à chaque repas
un demi-litre de vin. Le Médecin remarqua
calmement :
-« ça fait un litre par jour, ça il va falloir vous modérer. D’ailleurs,
ici, vous ne boirez que de l’eau !
Et le
type de ronchonner !.
Il me flanqua un soir la plus belle peur de ma vie,
ayant prit, je pense un des médicament déposé sur
son plateau. Cette drogue ne sembla convenir à son
organisme. Voici mon bonhomme en lutte ouverte
contre le « bonbon » qu’il venait
d’avaler ;-qui devait être un soporifique. Il arpenta notre chambre en
maugréant des mots sans suite ; jusqu’à ce que
la fatigue le fasse tomber à terre le dos appuyé à lit
et les pieds presque sous le mien. Très
impressionné, j’enfonce littéralement la sonnette pour appeler
le Service de Nuit. Le bonhomme est rebordé dans
son lit avec les mots appropriés :
-« Allons, Monsieur Dolet ! Il est temps
de dormir, il fait nuit » !
L’incident eut lieu, je crois, dans la nuit du
samedi 5 au Dimanche 6 Mars. Et c’est à travers un brouillard de
soif et un état anormalement fébrile que
j’entrevois la silhouette de Dominique, venu comme promis prendre
des nouvelles. Il passe un long moment auprès de
moi, à écouter mes préoccupations. La lumière ne se fait
pas pour autant dans mon esprit. En fait, je n’ai
pas souvenir que la lumière définitive se soit faite en moi
le soir de ce Dimanche-là.
Il écouta
donc avec patience le défilé de mes préoccupations du moment et que l’on
connaît. Parmi
celle-ci il en est pourtant une que j’ai oublié de
joindre aux autres. Elle me vient directement de l’Hôpital.
Le 1er Mars, le Médecin avait constaté
des lacunes dans les renseignements qu’il tentait de réunir.
Sachant que mon séjour à l’Hôpital serait éphémère,
les Services avaient entrepris d’organiser mon avenir
en mes lieu et places. La tâche se révéla ardue..
J’avais prononcé le nom des Ringot devant la première
enquêteuse. La Standardiste de l’Etablissement se
mit donc à piocher les Annuaires pour tenter de les
retrouver. Elle ne trouva rien à la lettre R. Ce ne
fut qu’ensuite que le souvenir me revint de leur situations.
Ils étaient employés par le Directeur des Nouvelles
Galeries comme gardiens de sa résidence secondaire.
Le téléphone était donc à son nom. Et pourtant j’avais pensé à eux comme sauveurs de la
situation…
La Standardiste
céda la place au Médecin d ‘étage que j’avais vu. Il avait l’air
d’un de ces récents
scientifiques, humain, jeune et ouvert,-compte tenu
responsabilités qu’il assumait. Le voici donc qui
arrive tenant
en main un formulaire de Curriculum Vitae, en vue de mon inscription à
Brie Comte Robert
où il y aurait un lit d’attente capable de me
recevoir..
Il m’aide
à le remplir, et nous pagayons tous deux pour l’établir au plus juste. Mais je
n’ai jamais eu en
mémoire aucun numéro de Sécurité Sociale, et j’ai
toujours ignoré quel nom les Augures avaient donné
à ma
situation. Tant bien que mal nous trouvons réponse à ces questions et il me
tend à signer ce Curriculum
Vitae Or me revient à l’esprit que depuis quelques
jours j’entends parler comme en un rêve d’un transfert à
plus familial à Orgeval. (J’ai le
« Bic » à la main, il est encore en l’air ) .Un sursaut providentiel
me fait
demander au Médecin de surseoir à la signature du
papier.
-Il me semble Docteur, que ma famille prépare de
son côté pour moi quelque chose. Si vous pouviez
attendre qu’on en sache plus…
-Ah bon, je ne savait pas…. En fait d’ailleurs cela
ne presse pas…. Tant qu’on ne se sera pas occupé
de votre Colon.
Cela se
passait, si mes souvenirs sont exacts la veille,- le samedi après-midi. Je me
souvient de ce
détail car je m’étonnais qu’un tel jour serve à
‘établissement de papiers administratifs.
Nous
étions aujourd’hui dimanche et cette journée dominicale ne s’acheva pas sans la
visite de nos
deux Garde du Cops habituels Hardieiller et Jehanne. Chaque fois qu’ils
viennent ils me font boire…
Qui du tilleul, qui du vin ( camouflé dans une
cannette de bière ).
-« Monsieur ! c’est du vin de table,
celui de la maison. Cela remettra Monsieur » !
Et l’un et l’autre liquide passent aussi facilement
l’un que l’autre, sans autre distinction de goût ni de
couleur..
Lundi 9 Mars : la peur
qu’inspira un tailleur vert (Et surtout sa propriétaire ) Ce jour-là commença
dans
la monotonie habituelle aux matinées d’Hôpital.
Les
Oncles Schelcher m’avaient annoncé dès la semaine dernière le prochain passage
de Chantal de
Saint Remy, fille aînée d’Oncle Jean. Ce devait
être pour un de ces lundis car Chantal gérante pour Saint
Germain en laye d’une chaîne de Pâtisseries, ne
disposait que de ce jour de congé professionnel. Les
Oncles venant à peu près chaque Mois à La Glazière,
s’étaient battus avec ma Mère pour faire coïncider
les jours et les horaires de Chantal, avec ceux de
Jehanne qui ne prolongeait sa présence auprès de nous
que deux par semaine, les Mercredi et Vendredi.
L’annonce de cette visite je l’avoue, avait disparue dans la touffeur de
mes jours de soif. Ce qui
fit que son apparition me prit au dépourvu et
m’inquiéta. Mon mauvais état de santé me fit mal interpréter
cette première visite de ma Cousine.
Elle avait d’ailleurs à mes yeux un caractère de nouveauté. En effet
Chantal tenue par son travail
et par les évènements était resté longtemps absente
de La Glazière alors que nous étions bien portant,-
ou presque. ( Cette « Franchise » ayant
tous son temps libre à partir de Septembre 1984, d’après ce qu’elle
m’a dit ).
Ce
fut d’ailleurs le cas de beaucoup d’autre parents et amis. La Glazière était si
loin ! Une visite cela
voulait dire une journée entière.. ! Les
meilleures volontés pouvaient broncher.. où remette à demain.. Il
faut avouer aussi qu’avec l’âge, les caractères
quant à eux se durcissent ; chacun devient sans le vouloir
prisonnier de ses manières de voir les
choses ;- d’où des incompréhensions mutuelles. Ma Mère d’ailleurs
n’échappait pas à la règle et devenait peu à peu
assez intraitable. Bref les liens se distendaient. Des
brouillards s’étendaient. Des nuages quelques fois
pouvaient passer.. Et puis l’urgence talonnait chacun
et faisait désirer des décisions…
En un
mot, je fut surpris et plein de crainte. Que se passait-il donc qui devint
brusquement pressant ?
Me cachait-on quelque chose ? Tous ces parents
qui accouraient venaient-ils au secours d’un désastre
imminent ? Et maintenant Chantal,
indélogeable, il y a quelques semaines encore ? Venait-elle à son
tour « en reconnaissance » ?
Ma
belle confiance n’était pas encore troublée. Mais…
En
réalité les choses se passèrent bien. Chantal fit plusieurs fois l’aller-retour
de ma chambre à la
Salle de Garde. Puis, avant de partir, elle se
pencha sur la feuille de température et y trouva quelques
« clochers ».
-« Tu as encore fait des folies de ton corps à
ce que je voie » ?
Je ne répondis que par un rire, paraît-il (ce que
j’ai totalement oublié) et Chantal sortit sans rien ajouter d’autre que
la ferme promesse de me faire sortir de ce Sahara étouffant.
Cette
promesse et la personne qui l’avait faite étaient-elle réalité ? Ou
était-ce le rêve d’un esprit et d’un corps
sous-alimentés ? Quoi qu’il en soit j’oubliais
assez rapidement cette visite,-absorbé que j’étais par les mille
problèmes quotidiens de la vie d’Hôpital. Et trois
jours passèrent sans présenter rien de remarquable.
Vendredi 13 Mars Je ne me souviens pas du détail, mais le
choix de l’Oncle Jacques de Dreuzy était accepté
par les deux hospitalisés. Il ne restait que des
formalités à remplir. Dans la « Purée de Poix » intellectuelle où je
me trouvais, un mot commençait à faire son chemin
en moi. Le mot « Procuration ». Dominique m’en avait parlé
au début de semaine et les frères de ma Mère
avaient dû continuer à le faire. J’oubliais d’ailleurs régulièrement
le contenu de ces conversations car chacun chaque
visiteur m’entraînait sur un terrain différent.
Mais
qu’était-ce donc qu’une Procuration ? C’était parait-il un document qui me
permettrait une certaine
liberté financière tout en m’évitant le poids et
les contraintes d’un conseil de Famille. L’état intellectuel que
l’on me connaissait pour bon le permettait.
Le seul
problème du moment résidait dans la présence obligatoire d’un Notaire qui
établirait ce papier au nom
du mandataire que je désignerait. Or si ce projet
prenait forme, le problème était de savoir comment me transporter jusqu’à
l’étude d’un Notaire. Ce fut l’Etude qui se transporta jusqu’à moi en la
personne de Maître Besson. Il vint donc dans ma chambre et y rencontra Peggy
Aubé et Yves Schelcher. Chacun d’eux avait à jouer
un rôle primordial dans l’affaire en servant de
Témoins. Je dictais péniblement au Notaire le brouillon de la
Grosse donnant procuration à Monsieur Jacques de
Dreuzy. Je parvins difficilement à décliner son identité
ayant brusquement un trou de mémoire :
Etait-ce Aubépin ou Aupépin de Lamothe Dreuzy ? Je finis par trouver
la bonne identité qui est Aupépin, et ceci me fit
réaliser une fois de plus le degré de fatigue où j’étais arrivé… Maître Besson voulait surtout
tenir de moi coordonnées exactes du
Mandataire. Mais la chose avait dû être
préparé par Dominique, qui avait probablement déjà
donné au Notaire ces précisions.
Une fois le nom enregistré, il n’y eut plus qu’à
échanger les signatures. Peggy
Aubé et Yves Schelcher, mes
visiteurs du jour, remplirent l’office de témoins
Nous étions le Vendredi 11 et pendant les 36
prochaines heures mon étonnement du lundi précédent n’allait
pas me quitter jusqu’au lundi 14 à 18 heures
exactement.
Pourquoi se pressait-on tellement autour de moi ? Pourquoi tant de
« mondanités » et à un rythme si précipité ?
Y avait-il une telle urgence et ne pouvait-on pas
prendre son temps ? En effet aucune sortie d’Hôpital ne m’étais
annoncée comme imminente..
Quand je
dis ne pas être au courant du changement d’orientation de ma vie, c’est faut. Des
bruits relatifs à mon éventuel départ avaient fini
par percer le rideau et l’écran de fumée commençait
à se dissiper, les Médecins ayant diminué
d’autorité mon habituel menu pharmaceutique. Seule subsistait
donc cette soif qui jouait sur moi le rôle de loupe
déformante.
Comme on
le voit, je craignais et souhaitais tout à la fois ce 14 Mars promis par Oncle
Jean comme date de
sortie de cette Hôpital.
Mais pouvait-on faire que j’en sorte seul alors que
nous y étions entrés deux ? La crainte et l’impatience se
disputaient en moi la première place.
Samedi
14 Mars. Arrêtons un moment ces réflexions et passons au
stricte déroulement de ce Samedi. Sa
matinée fut entièrement occupée par la Médecine et
la chirurgie ; celle-ci devait me débarrasser de ces parasites
intestinaux – des Polypes- qui avaient provoqué une
trop apparition de sang après mes ablutions.
Sans doute gêné ou trop pressé, le Praticien oublia
complètement l’injection calmante. Il
me travailla donc
« au corps » et à vif, si j’ose dire.
S’apercevant un peu tard de sa bévue, il me proposa le calmant. L’intervention
étant largement commencée et les instruments
chirurgicaux placés depuis longtemps, stoïquement je déclinai son calmant. Ce
qui ne m’empêcha pas de mouiller abondamment par ma transpiration la jeune
« carabine »
Antillaise qui de son bras me voilait les yeux,
juste à l’opposé du « bourreau ». Cet acte d’endurance me valut
de voir remonter mes actions de quelques points
parmi le Personnel.
Il avait
eu de plus la désagréable surprise de constater que l’embouchure du
« Pennylex » prévu pour tout
nouvel arrivant me blessait, après 5 jours
ininterrompus, à l’endroit que l’on
suppose. Il fallut donc recourir au bon vieux « pistolet » que nouvel
instrument devait remplacer radicalement.. Bien entendu, il fallut changer ma
« chemise américaine »,-vêtement avec
lequel je vivais depuis mon entrée dans l’Etablissement. .
Le reste de la journée fut consacrée à reprendre
mon soulte que la matinée avait un peu entrecoupé…
Une mise
au point :arrivé à ce point de mon récit, il me paraît utile de
faire ( ou de répéter ) une mise au point
Les faits, les évènements, les prises de position
de chacun, je les ai vécus, vus, entendus et enregistrés d’une
manière très prosaïque. J’étais intellectuellement
dépendant du seul entourage qui constitua durant plus de 40
ans, (47 exactement ), mon unique horizon. J’étais
très dépendant vraiment et lorsque disparut cet unique entourage j’ai dû
évoluer très vite, peut-être trop.
Si quelques réflexions parsèmes ces pages, c’est
qu’elles sont nées de nombreuses années de réflexions . Mon
seul désir en écrivant ces pages, longtemps après
l’événement, c’est dans le désir de recréer l’atmosphère dans
laquelle j’ai traversé toutes ces heures.
C’est dit, poursuivons notre chemin sur l’insensible pente où nous
glissions.
En sortant de la Salle d’Opération, il me fallut 24
heures pour récupérer complètement. Peut-être Roselyne
Schelcher passa-t-elle.. mais peut-être est-ce un
rêve ? Tout en entrevoyant que je
passais mes dernières
heures d’Hôpital, je m’efforçais de ne pas y
penser.
Dimanche
14 Mars – 15 heures.. Mais qu’avaient donc tous fidèles voisins à venir
envahir ma chambre
ce même dimanche ? Tous par groupe, en se
mettant mutuellement à la porte. Et leur discours.. Si curieux..
Ne d’agissait-il pas d’adieux que je sentais devoir
se prolonger. Ces scènes me semblaient étonnantes. Si
l’idée d’un départ de l’Hôpital s’était finalement
logée dans tête, ce ne pouvait être que pour un retour à
La Glazière !
Le temps
passé à l’Hôpital ainsi que le flot des idées et des évènements qui s’étaient
abattus sur moi
m’avait fait déformer le sens véritable du message
apporté par Oncle Jean au cours de ces deux dernières
semaines. Je l’avais reçu dans un vrai brouhaha
intellectuel et physique.
J’en étais
donc arrivé à imaginer ce dimanche-là qu’en accord avec ma Mère, Chantal de
Saint
Rémy allait prendre pour un temps la direction de
notre Maison-Mère.. Pourtant une réflexion éveilla
mon attention. Elle vint de Jehanne. Arrivé plus
tôt que d’habitude, elle me donnait la dernière des
fausse canettes de vrai Cramoisay et me glissa à
l’oreille :
-Même si Monsieur quitte la Seine et Marne, ça ne
l’empêchera pas de venir respirer le bon air à La
Glazière. Si vous pouvez la garder…
Je répondis par un « peut-être » plein
d’espérance en cette perspective rafraîchissante.
Retenons aussi le passage amical de Hardeiller et
du ménage Thibaut. Ils étaient arrivés tout troit plus tôt
que d’habitude. Ils croisèrent (ou amenèrent,-je ne
me le rappelle plus Daniel Giraud. .Celui-ci suscita vraiment
mon inquiétude car je n’avait fait que l’apercevoir
en Juin 1978, lors d’un échange de terrain. Il était ancien
d’Oncle Jean qui lui avait cédé La Miroderie qu’il
exploitait maintenant pour son compte. Giraut se retira pour
laisser la place à Bernadette Ringot, revêtue du
Blazer des Dimanches et portant un sac qui pendait au bout
d’une chaîne de métal jaune. Elle venait elle aussi
me jurer un prochain revoir et une fidélité dont je suis encore
certain.
Quatre autre personnes se rencontrèrent également à mon chevet : le
ménage Pange et celui de Marc
Schelcher. Après avoir questionné celui-ci sur l’état de ma Mère, qui était sa
Marraine, j’entendis Marc me dire :
-Alors, c’est demain que Chantal vient te chercher
bien… C’est bien ça !
Cette fois-ci, c’était clair et net : il me
fallait partir…et sans ma Mère…
Depuis
ma naissance, jamais mes Parents ne m’avaient laissé une grande autonomie
personnelle.
Il y avait eu l’expérience de l’hiver 62-63 où l’on
avait vu ma Mère séjourner à Tours. Elle n’avait pas eu
de lendemains sinon celle d’exclure sévèrement l’idée de se renouveler. Et je ne parlerai
que pour
mémoire du fameux mois d’août 64 que je passais à
Tonnens. Il favorisa une récupération magistrale
si totale….1. A la crainte du saut dans l’inconnu, en somme bien naturelle, s’ajoutait une
autre
appréhension pour mes Parents plus personnelle.
C’est une longe histoire. Certes les six
petits enfants de Mr et de Madame Xavier
Schelcher avaient
tous été élevés à Paris. Mais l’accaparement des
études, les obligations de la vie mondaine avaient
insensiblement tenus écartés les cousins les uns
des autres. En outre une distance notable séparait
les résidences secondaires et accroissait encore
cette situation durant le temps des vacances. Mesdames
Mennesson et Schelcher avaient attribué La Glazière
et Orgeval à chacune de leurs filles aînées. Ainsi
La Glazière se trouvait en Seine et Marne, Orgeval
dans les Yvelines. Oncle Rémi avait acquis un domaine
à La Loupe en Eure et Loire ! Les occasions de
rencontres n’en étaient pas facilitées. Fatalement une distance
ne pouvait ne pas s’établir.
C’est pourquoi, Grand ‘Mère Schelcher avait
farouchement tenu à ce Mois de Septembre où elle recevait
à La Glazière tout son monde. Cela cimenta
certainement les sentiments familiaux, des uns et des autres.
Malheureusement la fatigue de Grand’Mère grandit la
défection de son vieux PersonneL porta un coup
fatal à cette bienheureuse coutume. La tradition
fut donc interrompue dès 1963…
Dès lors chaque ménage se replia sur sa propre
maison familiale.
. ,
Et maintenant nous étions en
1987 ; 24 ans avaient passé. J’avais quitté de très jeunes gens, et
j’allais
être confié à des hommes et à des femmes que de
trop rares apparitions à La Glazière ne m’avaient pas
permis de connaître comme je l’aurais souhaité.
Sans pour autant que leur affection à mon égard ne fut
pas douteuse…
Et
surtout, en dimanche 13 Mars, se rompait ou se distendaient toutes les attaches
qui m’unissait à mon
passé et à celui que j’avais partagé avec ma
Mère : d’années en années, de jours en jours, d’heures en heures,
dans les bons jours et les mauvais jours…Avec qui
désormais le revivre, même en silence, dans l’échange
silencieux d’un simple regard.
Si un
photographe avait pu assister à cette journée ! Il aurait pu fixer l’image
de deux amis de longue
date, Chantal de Pange et moi, s’entretenant de ses
choses. Elle me promit de me suivre des
yeux autant
qu’elle le pourrait, elle s’engagea même à téléphoner
dès son retour à Mimouche, à Oncle Jacques de
Dreuzy, pour parler un peu avec lui de la
situation.
Les
barres qu’ignorant mon véritable état on avait mises de part et d’autre du lit
empêchèrent cette
embrassade d’adieux, que permettaient 39 ans d’une
déjà longue et sincère amitié.
Je
regardai donc s’éloigner le célèbre manteau bleu, agrémenté cette fois d’un
foulard de chez Hermès
avec un vague à l’âme qui me fouaillait le cœur.
A quelque chose malheur est bon. Les adieux de
Madame de Pange avait eu me mérite de me faire prendre
conscience d’un changement radical dans mon mode de
vie. Se pouvait-il en effet que ce temps de tête à tête
et d’isolement prévu semblait-il pour durer mille
ans prenne fin si rapidement ! Je n’avais jamais pensé à la mort
comme libératrice. Seule ma Mère devait ordonner,
programmer, organiser ! surtout dans un tel changement qui
était il y a quinze jours encore, si, loin des
projets les plus proches ! Il me semblait qu’en aucun cas je ne devais
prendre une responsabilité aussi grande, puisque ma
Mère avait toujours prévu pour moi un avenir campagnard !
La nuit
suivante fut pour moi plus grise que vraiment noire. Ainsi l’échéance de notre
séparation était là !
Certainement, elle ne serait que temporaire ! Elle
restait tout de même un heurt, un coup de butoir donné à
ce moteur qui depuis 7 ans ronronnait si bien à La
Glazière entre ma Mère et moi !
Nos
derniers entretiens concernant l’avenir et la sorte d’engagement qu’il exigeait
repassaient sans cesse dans ma Mémoire. Il en était comme de ces films
d’Actualités continuellement représentés et faisant suite aux
Publicités et précédant naturellement le
« grand film » le tout en circuit fermé.
Le jour
qui succéda à cette nuit fut une jolie journée du petit printemps. Durant ces
dernières heures, j’attendis
anxieusement, sans doute sous la forme d’un court
billet, le mot de réconfort et d’encouragement que mon Père ou ma Mère avaient
toujours su me dire devant la barre de l’effort à fournir.
Ce billet ne vint pas ! on verra tout à
l’heure comment j’eus la triste preuve et l’accablante confirmation de cet
étonnant silence.
Une
imaginaire haie d’Honneur. Depuis quinze jours devant le
fourmillement des nouvelles dont j’entendais
les échos, je réclamais des preuves. Le Destin
allait me les donner.
Lundi 15 Mars. 14 heures 45. Je
vois un groupe entrer dans ma chambre. Il est grave et rit peu.. Il y a là les
deux Oncles Schelcher, Chantal de Saint Remy,-qui porte un tailleur Ecossai à
dominante verte, il sera sa tenue
de sortie des deux années a venir, je le verrai et
reverrai souvent cette année. A ma grande surprise il y a là a là
aussi Oncle Jacques de Dreuzy et Tante Monique sa
Sœur, tous deux plus grave encore que les autres.. La présence des deux Oncles
Schelcher me surprend un peu. Celle d’Oncle Jean ne suffisait-elle
pas ?…De toute
façon, c’est gentil à Oncle Rémi de s’être dérangé
aussi…Daniel Hardeiller arrive également pour me dire un
dernier adieu. Il sera le dernier témoin Seine et
Marnais de mon long séjour dans le pays.
D’une manière générale les présentations sont
mondaines :
-Mon Père et mon Oncle Rémi, dit Chantal à
l’intention d’Oncle Jacques de Dreuzy qui a pourtant rentré
les Oncles Schelcher il y a 15 jours dans la
chambre de ma Mère. Ils sont d’ailleurs à peu près contemporains.
-Il faut qu’on se vois, ajoute Chantal à l’adresse
d’Oncle Jacques.[1] Quand
pouvez-vous ?
-Madame à telle ou telle date…Je ne sas pas, répond
Oncle Jacques. Quand..
-De toute façon, on se téléphonera, reprend
Chantal.
Une infirmière s’approche :
-Messieurs, vous êtes attendus par le Docteur, dans
son bureau
-Oui, répond Oncle Rémi, Nous assistons au
départ de notre neveux et nous arrivons tout de suite après.
Mais en fait, ces trois Messieurs avec Tante
Monique, nous abandonnerons Chantal et moi, pour ne pas faire attendre. En
effet, l’ambulance commandée par Chantal se fait exagérément désirer.
Est-ce vraiment l’atmosphère de cette chambre, ou un peu de température
nerveuse qui me font trouver
brusquement la chaleur insupportable ? Chantal
entrouvre la fenêtre, mais le voisin se plaint immédiatement de
« cailler » ! Après un coup de téléphone au Siège des Ambulances Sainte
Marie, nous voyons enfin arriver le
brancard et un brancardier accompagné par Madame
Chevalier qui insistera beaucoup – comme Chantal pour
me faire passer par la chambre de ma Mère avent de
partir. D’amblée je trouve cette sortie d’Hôpital bien solennelle pour une
séparation de trois semaines au plus.. Cela vaut-il la peine de déranger la
malade ? Et
voici que je me trouve dans sa chambre. Ma mémoire
me restitue exactement la phrase qu’elle prononce :
-Qui est ce Monsieur qui est sur le brancard ?
Certes l’arrivée d’un nouvel arrivent dans une
chambre excite la curiosité. Certes le nouvel occupant est
difficile à identifier quand il est sur un
brancard. Mais l’émotion qui monte en moi depuis un très moment moment,
me fit réagir vivement à la question de ma Mère.
Comment, ma propre Mère n’avait pas reconnu son
fils, ni ses contractures qu’elle connaissait pourtant si bien,
si la voix qui lui avait jeter un « Bonjour
Maman » respectueux et joyeux….. .Tout cela me fit toucher du doigt
l’ampleur du désastre intellectuel que l’on
essayait depuis 15 jours de faire entrevoir.
Certes, la « reconnaissance » fini par se
faire tant bien que mal. Mais ma Mère s’intéressa moins au brancard
qui se trouvait pourtant au pieds de son lit, qu’à
l’intervention de sa nièce Chantal.
-Tante Jeannine, j’emmène Martial à Orgeval en
pendant que vous vous remettez. Il y sera beaucoup mieux avec
nous qu’ici, où ils n’y a plus rien à faire pour
lui.
-Qu’est-ce tu dis ? J’entend mal. Depuis que
je prends de la Cortisone. J’entends mal. Mes oreilles ont beaucoup
baissé.. Et puis je suis très vieille ce qui
n’arrange
-Je vous dis que…etc., etc….répète Chantal….
La malade finit par percevoir qu’il allait y avoir
un changement…Mais lequel ?
-Ah oui, tu va emmener Martial à Orgeval pour
prendre le thé…C’est très bien. Mais soyez de retour bien
exactement à 7 heures parce qu’ici on est très
exact.
Elle se croyait encore maîtresse de maison – ou de
quelque chose..
Pendant
ce dialogue, ma poitrine se gonflait de quelque chose de comparable à un nuage
atomique de
chagrin. Si ce champignon avait éclaté, on l’aurait
entendu de tous les coins de France. Il était urgent de
dégager. Le brave garçon-bracardier le comprit plus
vite que ma cousine. Ce fut lui qui prit l’initiative de
rompre. Je traversai le long couloir dans état
respiratoire proche du spasme, plus proche de l’évanouissement,
et d’un déluge de larmes. Le pousseur trottait
heureusement bon train ; je sentais Chantal me tapoter vaguement
la joue, probablement un peu inquiète du résultat
de cette entrevue.
La porte
de l’Hôpital fut enfin atteinte, les premières bouffées d’air frais me
permirent de respirer plus largement. C’était fini. La Grande Epreuve de ma vie
semblait passée. Je ne devais pas revoir ma Mère ;
elle qui depuis son veuvage m’avais consacré le
meilleurs de sa longue et douloureuse existence.
La
haie d’Honneur.
Ce 14 Mars 1987, une trappe s’est ouverte sous mes pieds. Avec la disparition
de ma Mère de mon
Horizon, c’est tout un bagage de souvenirs et
d’évocations qui s’envolait d’un seul coup.
Tout à l’heure j’ai parlé d’une sorte de Haie d’Honneur. Elle était
faite de ces réminiscences qui ce jour-là m’offraient un dernier
accompagnement. Ce n’est qu’après mûre réflexion que m’est venue à l’esprit
l’idée d’une telle évocation.
Adieu
à Tante de Dreuzy, Tante Vette, qui fut ma première lectrice et m’initia à
« Babar » durant tout
les dimanches de l’occupation Allemande. Un certain dimanche de cette triste période,
Elle manifesta un
étonnement indigné parce que je lui demandais
qu’étai-ce qu’un « Croissant » ? Déguster par Babar d’avant
la Guerre. Le cri de surprise de la vieille
demoiselle, résonna à travers l’appartement :
-Jeannine ! le « Cocos » ne sait pas
ce qu’est un croissant !
Mademoiselle de Dreuzy, était la dernière sœur de
ma Grand’ Mère Paternelle. Elle est morte en Décembre
1952, après avoir assuré durant une douzaine
d’années ce « Baby-Sitting » familial1.
Adieu à
« Bon Papa ».Monsieur Xavier Schelcher, qui fut inviolablement la
cause d’un de mes premiers
cauchemars d’enfant. On m’avait emmené, sans doute
trop jeune m’incliner devant son cercueil drapé de
noir et orné d’une croix blanche, comme c’était
alors la coutume. Le sinistre objet m’avait paru d’autant plus
frappant qu’il était surélevé sur des tréteaux
d’une grandeur impressionnante. Il est vrai que le défunt, de son
vivant, mesurait 2 mètres quand il portait son
chapeau de soirées. Cette affreuse vision datait du 16 Mars
1948. Il avait paraît-il 81 ans.
Plus loin encore dans ce couloir, nous passerons près de Saint louis des
invalides. Dans la Chapelle nous
verrons son autel au pied duquel repose derechef un cercueil familial. C’est
Jean-Michel de
Maindreville mort pour la France en Indochine et
que l’on va inhumer tout à l’heure en terre métropolitaine.
Il est pour l’instant entouré par ses compagnons d’armes-
comme il se doit, le pommeau de l’épée au
niveau des lèvres. La cérémonie me laissera un
souvenir de photo en couleur qui lui ôte son caractère
de tristesse.. C’est le premier enterrement auquel
j’ai assisté, le 7 Mai 1955.
Passons
pour le saluer près de l’Oncle Paul du Vignaud, car ce fut lui qui donna le
triste signal
du départ à toute la génération de défunts qui de
1961 à 1969 marquera rt inquiétera toute ma jeunesse.
En redire le détail serait fastidieux.
Dans ce
cortège, faisons bien sûr, une place éminente à mon Père. Dans cette haie que
j’ai imaginée,
il occupe l’une des dernières places ( ou l’une des
premières selon le sens que l’on suit pour passer devant
cette chaîne familiale. En tout cas, dans l’esprit
de l’auteur de ces lignes et qui le descend, mon Père étant
le dernier décès durement ressenti, il se trouve à
la porte même de l’Hôpital. Il a son air particulièrement
distingué et son sourire toujours affable.
Peut-être s’apprête-t-il à accueillir quelqu’un… ?
Tous
m’ont murmuré leur salut au passage et leur encouragements. J’ai envie de leur
lancer l’exondation
suivante :
-Famille, amis, je vous laisse ma Mère ; elle
a bien servi votre mémoire. Veillez sur elle, comme elle a
veillé à entretenir chacun de vos souvenirs.
Ainsi s’achève la Haie d’Honneur.
Une Explication Nécessaire.
J’entends d’ici les censeurs ! Ils m’accusent de m’être laissé
aller à un genre littéraire désuet. J’en
accepte le risque. Il était tentant, et voici
pourquoi.
Cette
rêverie m’a été inspirée par une lecture de « La famille
Boussardelle » de Philippe Hériat que au printemps 1972, quelques semaines
avant notre installations définitive à La Glazière. Philippe Hériat évoque
Les derniers moments de Ramelot qui fut d’abord
femme à tout faire du premier Boussardelle, père de la
tribu, avant devenir, on le présume du moins, l’amie inséparable. Ce personnage
dont le prénom m échappe,
savait que la mourante avait participer à la grande
Révolution. Il fait dans sa chambre les quelques survivants
de l’Evénement qu’il a entendu raconter par sa
vieille amie. Et c’est le défilé de ces vieux témoins, serrant contre
eux les armes les plus hétéroclites et arborant les
coiffures les plus fantaisistes qui m’avait paru saisissant – vrai
jeu d’ombres chinoises. Il nous avait beaucoup
frappé, ma Mère et moi. Nous avion lu et relu cette saga – que j’ai
adaptée aux sentiments qui étaient les miens dans
ce couloir d’Hôpital qui me faisait passer d’hier à demain…
Serai-je jeter aux bêtes pour cela… ?
Ma fuite
désordonnée de cette chambre d’Hôpital reste, elle, réelle.
Le
soudain passage à l’air libre me permit de débloquer ma respiration ;
avant d’être à nouveau enfermé, mais, cette fois, dans l’ambulance.
Une fois sur la route des Yvelines, je fus obligé à
des mondanités dont 15 jours d’Hôpital m’avaient fait oublier la
nécessité. Pendant que Chantal m’exposait les
affaires de famille, je pensais davantage à cette part de ma vie
que j’abandonnais en Seine et Marne, aux amis que
j’y avais rencontrés et auxquels je disais adieu.
Arrivés à Orgeval, ce fut la périlleuse montée des escaliers de la chère Madame Forin (Marie).
Les deux
ambulanciers nous quittèrent,( mais sont presque
immédiatement remplacés par Oncle Jean venu voir, malgré
une journée émouvante, comment c’est effectuer le
transfert de son Filleul ). Le départ
des ambulanciers
consoomât la rupture avec le passé car, après tout,
il m’aurait été facile, il y a quelques jours
de refuser ce
secours-là.
Comme
le dit le Poète « le combat changea d’âme.. » le combat que j’avais mené dan cet
Hôpital était une espèce de « contre la montre » ; et maintenant il fallait
s’occuper de La Glazière livrée
depuis 15 jours aux seuls deux chiens. Jehanne
avait à tout hasard maintenu le rythme de présence que
ma Mère avait instauré et qu’elle jugeait déjà bien insuffisant pour assuré la sécurité des
lieux alors que
nous habitions sur place. J’appris donc qu’il ne
fallait plus vivre dans l’illusoire où j’avais vécus. Il fallait
en particulier préserver le patrimoine familial,-
et de ce fait mettre en sûreté les quelques meubles de
style qui composait le décor de la maison. J’avais
baptisé « rezzou » le déménagement qu’il fallait
concevoir et exécuter. Il fallait entre autres
choses, établir un acte officiel autorisant Oncle Jacques
de Dreuzy ainsi que tout autres de ses
accompagnateurs, à effectuer ce transfert de mobilier, en
attendant le retour à La Glazière qui ne faisait
aucun doute dans mon esprit. Ce déménagement
n’était donc pour moi que purement conservatoire.
C’est avec stupéfaction que j’apposai un M
tremblant,- devant mon oncle, sur ce blanc-seing à
lui dicté. Encore trop fatigué je ne devais pas
participer à ce déménagement. Seule le jeune
Paul-Antoine fut le témoin de ce début de changement
effectué sous le toit de son arrière Grand ‘ Mère.
C’était le Jeudi 19 Mars 1987.
Orgeval et la maison Forin.
C’est pendant l’établissement de cet acte sous seing privé que mon Oncle
me parla en confidence
d’une opération chirurgicale qui concernait ma Mère. Tout en me mettant succinctement au
courant de cette
intervention, il tint absolument à m’en tenir
secrète la nature….
En
entrant dans la maison Forin, je refis connaissance avec la cuisine saine, fine
et équilibrée que
pratiquent les cuisinières à l’intention de ceux
qui peuvent se bien tenir à table ! On m’excusera de mettre
ainsi en tête ces données alimentaires. Peut-être,
sous alimenté m’ouvrirent-elles de nouveau à la vie.
Cette première approche
de ma nouvelle vie n’est pourtant que secondaire. Ce qui compte, ce
fut l’accueil et l’accompagnement de ces premiers
jours,- et de ceux qui suivirent.. On soigna le grand
que j’étais et on le réhabituait à un présent plus
souriant. Marie Forin et Chantal y réussirent parfaitement.
Notamment, elles me dépassèrent de ce cocon
pharmaceutique dans lequel je me trouvais depuis 1978
et plus. Adieu donc Equanil ordonné en 1962 !
adieu au N’Oblivon ordonné en 1966 ! au revoir au Temesta
qui m’avait fait prendre certains tournants ! Pour prendre d’autorité
cette décision, Chantal se trouvait aidée
par Madame Forin qui, femme de Médecin, pouvait
éventuellement en parler à son mari et palier ainsi à tout
changement inadéquat.
Mais
pour l’instant j’étais un peu hébété par ces changements trop répétés et trop
précipités qui m’avait
en quelques jours emmené de La Glazière à
l’Hôpital, et de l’Hôpital à Orgeval.
Je regarde ces Dames faire mon lit d’un oille
interrogateur : « Où donc cela
s’arrêtera-t-il ? »
.
C’est allongé que je vois Oncle Jean nous
rejoindre. Il a probablement suivi l’ambulance et bifurqué vers Paris
pour y déposer Oncle Rémi ; car il vient seul
aux nouvelles :
-« Alors, comment va-t-il ? »
-« ça va, » répond Chantal à son Père.
Sans doute pour dire qu’elle remettait à plus tard
les détails sur son « Trot d’Escorte » accompli, dans
l’après-midI. Oncle Jean comprend à demi mot et
n’insiste pas. A vrai dire j’interprète, car questions et
réponses ne furent exprimées que par une mimique
appropriée ;--presque en cachette de l’intéressé….
qui pourtant en saisit le sens.
Avant
de se retirer mon Parain me confirma que la maison d’Orgeval me serait ouverte
chaque week-end.
Chantal m’avais d’ailleurs expliqué pendant le
trajet ce que seraient ces fins de semaines. Je dirai toute à l’heure
comment devaient s’effectuer ces transports.
Ils m’auraient semblé pittoresques si
j’avais eu alors l’esprit sensibles aux aventures. Puis mes parents se retirèrent et Chantal promit de revenir dès
le lendemain
prendre des nouvelles de la première nuit de son
récent adopté.
Qu’on
excuse l’incohérence des lignes qu’on va lire. J’étais en plein tumulte et
roulé par les évènements. La
confusion même de ce que je vais essayer d’écrire
n’est que l’image de mon trouble intérieure.
Mes
parents se retirent donc et il me sembla pour la seconde fois que se rompait
encore un des liens qui mer attachaient à ma Mère. Certes les Schelcher
reviendraient, jour après jour. Ils m’entouraient à qui mieux mieux.
Mais ils demeuraient extérieure alors que ma Mère
m’était intérieur.
Ils
avaient été témoins avec moi, dans cette dernière entrevue de la vie de ma Mère
encore vivante. Je ne
savais pas que je ne la reverrai pas. Mon espoir en
une amélioration restait intacte,
malgré le choc reçu,- et
avec lui l’espérance que tout allait un jour
recommencer,-comme avant. Mais en attendant, il me faudrait
comme on
dit, « faire avec », c’est-à-dire soutenir le choc, faire face au
doute, à sa sœur l’Incertitude. Jamais
durant cette fin de Carême et jusqu’à la Vigile de la prochaine Pentecôte, je ne crus
à la réelle gravité de
l’état de santé de ma Mère.
Que ce
passa-t-il ensuite dans la chambre au papier fleuri de la maison Forin, comme
nous l’appellerons
plus tard, Chantal et moi.
C’est
seulement 48 heures après mon arriver que Chantal au de sa visite régulière me
proposa une chose
aberrante :
-« Ecoute Martialou, Tu n’est plus le Martial
que j’ai connus, tu est trop endormi. On va essayer de diminuer
les doses de tes médicaments. Si ça ne va pas on
recommencera, mais il faudrait arriver à t’en passer ».
J’étais abasourdis. Voulant donner une leçon à
cette « Révolutionnaire » incorrigible je gromelaii :
- « Faits comme tu veut, moi je paris que ça
ne marchera pas ! »
On
essaya. Je perdis mon paris. Comme Chantal le dira plus tard, Marie Forin, et
elle donnèrent un grand
coup de pied dans la pharmacie dont j’ai parlé tout à l’heure. Je devais retrouver le
Témesta –vers 1990 sous une dose beaucoup plus raisonnable..
Pour ne
pas perturber le Terrain nerveux du moment.. On me donna un traitement de
Myolestan et de
Tégrétol. Il semble que ce double traitement ne fit
grand effet. Le souvenir en tout cas ne m’en est pas rester
il est vrai que j’étais profondément habituer à des
potions plus magique encore..
Ii fallait d’abord s’occuper de cet escarre qui
rendait une fois de plus pénible la position assise. Dès lendemain de
notre « cavalcade » on me fit connaître
Madame Briand, Infirmière Rurale, réplique pour ce coin des Yvelines de
ce qu’avait été pour nous Marie-Andrée de
Montbelle. Anne-Sophie Briand s’acharna d’abord à conjurer cet escarre que mon
séjour à l’Hôpital n’avait fait que confirmer.. Ses premières observations nous
amenèrent à
la fin de la première des 2 semaines que j’ai
passés Place de l’Eglise à Orgeval.
J’occupais
la chambre du fils de la famille, pendant que celui-ci poursuivait à ses études
à Paris durant la
semaine. Il fallait, pour les week-end déblayer la
place pour quelques heures, - et ceci vers 11 heures. Ma
cousine avais donc passé un arrangement avec les
Pompiers d’Orgeval pour qu’ils me transportent régulièrement rue de
Feucherolles.(Chez Tante Denise et Oncle Jean).
J’appris
à cette occasion à connaître les « gens du week--end ». Tous les
samedis matins Madame Forin
Autrement dit Marie,-voyait arriver le
« Tube » Citroën rouge de la section conduit par
« l’Officier » responsable
plus un homme. Pour ma part je me sentais embarqué
dans les bras de ce Supérieur Gustave
dit « Tatave »
pour descendre les deux escaliers et parcourir en
voiture au plus un kilomètre. Malheureusement, atteint dans
mon « fondement » le plus continuel, j’ai
toujours mal profité de ces transports qui auraient pu être amusants.
En effet, le véhicule était destiné par nature à
l’assistance technique des sinistres ; il ne possédait donc aucun
confort.. Si je compte bien. Il me permit cependant
de rejoindre ma famille pendant trois week-end consécutifs.
De cette
première rencontre –maintenant déjà ancienne –avec le haut Orgeval, que reste-t-il
dans mon souvenir ? Peut-être d’abord la
chaleur de l’accueil reçu, plus particulièrement ce jour-là.
Mais peut-être aussi l’épaisseur du silence
qu’après le café la maîtresse de maison opposa à une
allusion à La Glazière,- suivie d’une réponse
évasive de Parain , et enfin de sa détermination finale.
- Ecoute Denise, attendons lundi. Chantal doit
aller à La Glazière avec Madame Forin. On verra bien
ce qu’elle dirons après ».
Etonnante réplique. Ainsi, Chantal allait montrer
La Glazière à Madame Forin.. dans quel but ? Le ménage
Forin était-il destiné à jouer un rôle quelconque
dans notre vie à ma Mère et moi ? Par ailleurs fallait-il
envisager de passer tout seul ce lundi ?…dans
une habitation que je ne connaissais que de quelques
jours ; cela me paraissait vraiment impossible.
s’impose
Une petite parenthèse pour éclairer ma façon quotidienne le quotidien.
La Mairie,
alors sous la conduite de Monsieur Gayet, avait
décidé la création d’un groupe de bénévoles habilités à
dispenser les soins élémentaires non médicaux aux
personnes âgées dont ne nécessitait pas une
hospitalisation continue..
Ce
service était long et astreignant. Le groupe, généralement composé de femmes,
comptait une
dizaine de membres. Ils passaient deux fois par
jours, pour les toilettes et les levers du matin. Ils
revenaient entre 16 et 19 heures pour rafraîchir et
allonger les malades et les convalescents. C’était
en quelque sorte une espèce d’hospitalisation de
jour, allégé et peut-être amélioré.
Avant mon départ
de Melun, Chantal avait pris soins de m’inscrire
parmi les clients de ce Groupe, qui n’émanait que la
seule Municipalité. J’eus la chance de voire ces
dames me suivre également chez Oncle
Jean, durant
les trois week-end dont j’ai parlé. Et qui seront
bientôt encore d’actualité.
Ceci dit,
revenons à nos réunions familiales. L’Infirmière, Madame Briand, avait observé
cette manière
de faire et constaté que les trajets n’arrangeaient
en rien la cicatrisation de ma Plaie
Elle s’arrangea pour
avoir avec Chantal un rapide entretien dont voici à
peu près le thème :
-« Madame, l’escarre de votre cousin n’est pas
beau du tout…Pour le soigner avec des soins uniquement
médicaux, il faudra du temps. Vous me dites
que Martial devra, dans un avenir plus ou moins proche être
debout. Avez-vous sous la main un chirurgien ?
Je ne peux en effet garantir la durée de mes soins. Il y a
d’autre part de vilaines peaux mortes qu’il faudra
de toute façon enlever.. Je risquerais de lui faire très mal
en les lui enlevant une à une ».
Chantal demanda
sans doute à réfléchir et s’engagea tout de même à trouver l’homme
providentiel ; mais
cela devait demander une dizaine de jours, si j’ai
bonne mémoire.
Nous étions le 21 Mars.
J’ajouterai pour les
spécialistes que ces lignes pourraient intéresser, que Madame Briand et moi,
nous nous
trouvions devant l’exacte
répétition de l’escarre guéri, il y avait moins de 7 ans, par les soins de
Marie-Andrée
de Montbelle sans exiger
de sa part d’autres efforts que la régularité, ni présenter de complications.
Et sans
doute avait-elle dû
pousser un soupire de soulagement devant cette fin rapide et heureuse.
A vrai dire, peut-être notre amie Montbelle
souhaita-t-elle, comme le Docteur Roux, pendant l’été 1981 le
recours à une solution chirurgicale. Mais baignant
quotidiennement dans l’atmosphère de notre tête à tête
-ma Mère et moi- elle préféra alors se taire tout
en me laissant prévoir cependant le renouvellement de ce
genre d’ennui.
Refermons
cette longue parenthèse, revenons à ce premier week-end vécu à Orgeval dans
un beau matin de
printemps. Si l’après-midi que je viens de
longuement évoqué fut sérieux, la matinée dominicale qui suivit
s’est
implantée dans ma mémoire de manière frappante. Vers 11 heures, la Messe
télévisée avait réuni
devant l’écran, l’Oncle, la Tante et le Neveu. Le
fait en lui-même aurait sans relief extraordinaire si cette
Messe n’avait été rendue plus religieuse par
la Communion que nous apporta Monsieur
Michel Foisil.
J’avoue n’avoir reçue cette Communion que dans
une certaine confusion d’esprit, et une
ferveur toute
faite d’interrogations : que se passait-il en
Seine et Marne ? L’atmosphère de lourd silence et le court
dialogue entre les deux époux, la veille m’avait
laissé inquiet. Les premières heures de la soirée puis
de la nuit, je les avaient passées à réfléchir au
changement qui peut-être s’annonçait. Enfin, l’attitude
profondément respectueuse et pleine de Foi de
Michel Foisil –Frère de Tante Jacqueline Thiébaut
avait approfondi mon émotion.
Je ne
devais recevoir d’éclaircissement sur tout cela que le lendemain – et encore ne
furent -t-ils que
partiels. Ce fut Chantal (toujours en vert), qui me
les donna. Vers 10 heures 30, le lendemain le lendemain
le fameux « Tube » vint me reprendre afin
de me réinstaller dans mon pigeonnier de la Place de l’Eglise.
J’eus la surprise d’y trouver ma Cousine, déjà en
conversation avec Madame Forin. Elle mit fin à son
passage en me donnant quelques explications sur un
certain nombres de choses qui m’avaient paru
invraisemblables, et avaient surpris et
troublé mon bref séjour. Ces
explications furent écoutées avec
une particulière attention qui m’éclairent. C’était
une mise au point familiale et seuls les détails que me
donna Chantal me manquaient. En effet, quoique
mentalement moins présent à beaucoup de choses
depuis une dizaine d’années, j’avais reçu de ma
Mère quelques explications – grosso modo – sur notre
actualité familiale.
Mais
restait le problème crucial à mes yeux : quel était l’état de ma
Mère ? Quand, où et comment la
reverrais-je ?
Ces dames se donnèrent rendez-vous l’après-midi-
même pour ce mystérieux voyage en Seine et
Marne
dont j’avais entendu parler l’avant- veille.
Quant à moi je ne devais pas rester seul, le ménage
Michel de Laval s’étant annoncé pour le courant de
l’après-midi. Ils passèrent en effet, et la gravité
de leur conversation me donna matière à méditer pour
bien après leur départ. Et c’est avec plaisir que
je vis revenir Marie Forin, 3 bonnes heures plus tard.
Il était malheureusement trop tard pour que Chantal
puisse monter. J’aurais bien aimé survoler avec
elle la visite que j’avais reçue il y a un moment.
Sans m’enquérir davantage de l’état dans lequel elle
avait trouver ma Mère, je m’inquiétais davantage
polarisé sur ce que m’avais laissé entrevoir Michel.
C’est donc dans un esprit troublé que je perçus à peine les novelles de Melun que donnait
Madame
Forin. Et pourtant elles étaient importantes. Je
retins qu’on parlais d’une amputation. .
-Mais non, Marie. Si c’était vrai je l’aurais
su !
Devant tant
d’inconsciente incrédulité, Marie Forin brouilla immédiatement le jeu. Elle fut
subitement consciente
qu’elle trahissait une chose qui pour la Famille et
pour quelques initiés avait valeur de secret d’état. Heureusement pour elle,
noyé que j’étais dans mes problèmes de la journée, je ne gardais ce jour-là
et les jours suivants que peu de souvenirs de ce
que je venais d’apprendre et des problèmes que Michel
de Laval m’avais laissé entrevoir.. Tout cela me paraissais dénué de sens.
Que Madame
Forin trouve ici l’expression de ma très profond reconnaissance pour sa présence
à mes côtés
à cette époque de mon existence, et de toute mon
indulgence pour son bavardage peut-être exagéré de ce
soir-là. J’avais encore devant les yeux ce que
j’avais pu entrevoir de ma Mère.
Quel que soit notre état à ma Mère et à moi, l’entourage d’Orgeval
jugeait impossible la simple idée d’un
retour à La Glazière. Aussi, dans la semaine du 22
au 27 Mars, Chantal vint-elle prendre auprès de moi une sorte
de « déposition » sur ce que je savais de
mon état physique depuis 1939. Et ceci en vue de la constitution d’un
Dossier Médical, pour le cas où il faudrait
m’expédier vers quelques Foyer d’attente en Province. La bienheureuse
hospitalité de Marie Forin ne pouvant se prolonger au-delà des 2 ou 3 semaines
à venir.
Ce résumé
médical – une page seulement. - fut
rédigée vers la fin de ma deuxième semaine de séjour..
et cette simple feuille faite avec mes pauvres connaissances servit pendant
longtemps – pratiquement presque
toute l’année 1987, d’unique référence médicale.
Les Médecins qui m’entourent n’ayant jamais eu le temps
d’actualisé leur rapport avec celui fait à ma
sortie de la Pédiatrie. Ma Mère était par ailleurs très préoccupée
par la santé de son époux et ne songea guère à
attirer l’attention du Docteur Roux –dernier médecin traitant
rencontrer en Seine et Marne, -sur moi. D’autre part, je peut témoigné qu’elle crut
« dur cumin fer » à un
entretien entre le Praticien d’hier et celui
d’aujourd’hui. Et puis elle pensait « avoir le temps ». . …
Elle pensait aussi que je resterais à La Glazière
dans la suite. Les occasions de rencontres ne mourraient
certainement pas…La tension nerveuse qu’engendrait
la santé nerveuse de mon Père était notre souci à
nous deux, ma Mère et moi, on verrait après..
La
dictée de ce rapport médical nous avait amené à la veille de mon second séjour
familial au « haut Orgeval ». Ce nouveau week-end s’annonçait
moins nimbé de « non dits ». Il eut cependant une importance
que je dirai administrative ou épistolaire par une
lettre qu’écrivit Tante Denise au Professeur Menkès… En
effet, la date du rendez-vous de printemps prévu au
sujet de ma Mère approchait. Il était fixé au lundi 22 Mars
prochain. Il était bien entendu hors de question
pour elle de s’y présenter et j’avais trouvé plus courtois d’en
avertir le Médecin. Ma Mère appréciait pourtant
tellement cette rencontre pour la bouffé d’air qu’elle lui
apportait… En même temps cette lettre devait
permettre de faire connaître au Professeur l’évolution de la
situation – au moins dans la mesure où je la
connaissais moi-même – c’est à dire rien ou presque.
Qu’est
devenue cette lettre ? Fut-elle même envoyée ? Afin de ne pas
m’effrayer ma famille avait
décidé de me cacher la vérité le plus longtemps
possible. Eut-elle peur qu’une réponse du Médecin
ne me dévoile trop tôt au roses ? Les raisons
de la défection maternelle furent-elles jugées trop éloignées
de la vérité pour être sur le moment transmises à ce Maître de Faculté ? Mon texte
fut-il modifié par ma
dactylo du moment ? Je parlais d’escarre. Le
destinataire voulut-il avant de répondre voir la situation se
clarifier ? Il ne connaissait notre situation
que de façon ponctuel ; il ne pouvait répondre à toutes nos lettres.
Il le
fera une fois pour toutes quelques mois plus tard, lorsque je lui annoncerai le
décès de ma Mère.
La chose
est sans importance, me dira-t-on. Je le sais, mais elle restait irritante
quant on sait tout le respectueux
mystère dont s’entourait pour moi ce printemps.
Ce deuxième séjour chez les Schelcher – durant les
tout derniers jours de Mars,- me permit de
recueillir
les dernières paroles officielles de ma Mère,
ainsi que des nouvelles très
fragmentaire de sa santé. Par
les Yves, de passage en famille le dimanche,
j’appris avec effarement qu’il fallait maintenant lutter contre
elle pour lui faire prendre la moindre
nourriture. Les enfantillage auxquelles
elle se livraient indiquaient
pour une fois une mauvaise réaction à la vie
d’Hôpital. Elle aurait eu aussi devant une réflexion
défaitiste et surprenante dans sa bouche sur
l’avenir de La Glazière :
-« Les Médecins me défendent de retourner à La
Glazière. Il faut la louer, qu’en pense Martial ? »
Et qu’aurai-je
pu lui dire puisqu’elle n’était plus là pour m’indiquer la bonne voie à suivre ?
J’étais à la
fois atterré et étonné : que signifiait cette
référence pratiquement constante maintenant, à son fils ? Elle
ne m’avais jamais
accoutumé à lui servir de conseil. J’en étais à la fois flatté et inquiet.
Une chose
encore m’intriguait. Elle suggérait de louer. Avait-elle oublié les sages
précautions prises par
Bernard Cochelin, et les accords passés entre lui
et la firme allemande Wolf et son représentant en France,
puisqu’elle souhaitait un autre arrangement – bien
hypothétique – auquel elle travaillait avec l’aide indulgente
de Dominique quand le mal la surprit ? Il
semble qu’elle avait tout oublié.
Fallait-il conclure à un naufrage intellectuel
définitif ? comme on le chuchotait autour de moi depuis quelque
temps .
Pour la dernière fois, les Pompiers me
réinstallèrent dans « ma chambre de semaine » de la maison Forin.
C’était 30 Mars. Dans la pré-soirée quelle ne fut pas ma surprise de voir
arriver Oncle Jacques de Dreuzy et
Tante Monique sa sœur. Ils venaient me dirent-ils assister au dîner prévu il y
avait 15 jours lors de ma sortie
d’Hôpital.
Qu’on se souvienne de la phrase de Chantal :
-« Il faut qu’on se voit… »
De bonne
foi, je croyais la chose faite depuis longtemps, sans que j’en sois fatalement
averti. Cette prise de
contact, véritable « Breafing » fut à mes
yeux confirmée par l’apparition des Yves. ¨Pendant ce temps, Marie
et moi, nous partagions tranquillement la tarte aux fruits de mer également offerte aux
dîneurs du 50 Rue de
Feucherolles.
-« On va s’occuper de ton cas, mon grand »,, me dit Roselyne
avant d’aller s’attabler.
On se rappelle l’entretien de Chantal avec
l’infirmière Rurale. S’il eut bien lieu
à la date où je l’ai rapporté, je
n’en eus connaissance que bien plus tard. Nous
étions de nouveau vendredi et je me réjouissais à l’idée de
passer une bonne fin de semaine en famille. Bien
inconsciemment mon hôtesse se chargea de doucher mon
euphorie en m’annonçant ;
-« Chantal doit passer en fin de matinée avec
un…Chirurgien pour lui montrer votre escarre ».
Qu’on
imagine la tête du client. En effet l’évocation d’une intervention chirurgicale
ou sa simple proposition
me jetais toujours dans état mental proche de la
panique. Pour calmer cette angoisse, enfantine que l’âge n’avait
pas tempérer ma Mère avait dû me jurer que
l’opération de l’appendicite que j’ai évoquée,
en son temps, netterrait un point final à ce genre d’exercice.. Et pour
éradiquer tout à fait l’obsession qui m’habitait, ma Mère
prenait l’engagement qu’elle vivante aucun
Chirurgien – j’écris bien aucun ! – ne se livrerait sur moi à son
art. !
-« Eh quoi , pensais-je, il suffit donc qu’une
simple fatigue détourne un tant soit peu une Mère de son Fils, pour
que sans prendre d’autre avis, on livre une victime
ignorante à ses ennemis ! »
La
guérison assez douce du premier escarre avait achevé de me tranquilliser :
un bon génie veillerait à ce
qu’aucun fer ne trouble mes jours ! et le bon
génie semblait m’avoir abandonné ! Pourquoi ne m’avait-on
pas
prévenu ? Nous aurions pu Chantal
et moi et tout autre discuter du pour et du contre ! D’ailleurs
n’y avait il pas un danger pathologique à
m’anesthésier ?
l’accueil réservé au Docteur Albert Badault, fut
pour cette raison des plus froid.
-« Martial, je te présente le Docteur Badault
qui va regarder ton escarre et nous dire ce qu’on peut y faire ».
En retour, il ne reçut de moi qu’un glacial et très
mondain :
-« Docteur… »
Par horreur de la discussion en public, je ne
pouvais et ne voulais rien dire des pesées que je viens d’exposer.
Je me tus. Et
l’examinateur conclut à la nécessité d’exiser la plaie afin de l’assainir. Le
sort en était jeté. On prit
Sur-le-champ des arrangements pour mon entrée à la
Clinique Louis XIV à Saint-Germain en Laye le lundi
suivant…..
Mes
visiteurs de ce vendredi 3 Avril remarquèrent certainement que quelque chose
n’allait pas chez Martial.
Eh non ! il n’était pas partant pour un
expérience du genre de celle qu’on lui avait pratiquement imposée le
matin ! Le mot excision sonne mal ! Il
n’était pas propre à le rapprocher de la gent chirurgicale !
Chantal
vint donc comme on dit en jargon militaire « aux résultats ». Le
souvenir détaillé de son passage
m’a échappé depuis. Mais ma pauvre cousine dut en
entendre de toutes les couleurs ! Pour me calmer en guise
de consolation, elle m’avoua qu’elle préférait
encore être « charcutée » par l’ami Badault que de monter dans un
avion de quelque Compagnie que ce soit…Elle
m’assura qu’elle serait à mon côté… mais cela ne calma guère
mon appréhension..
Finalement un peu décontenancer mais tenant ferme à son idée, elle me
laissa aussi peu convaincu qu’à
son arrivée.
Le
Docteur Badault avait estimé à 15 jours la durée des soins post-opératoires. Je
devais donc passer un dernier week-end au milieu des Jean Schelcher. Ensuite il
me faudrait prendre congé de mon hôtesse qui ne
pouvait m’héberger davantage, devant se rendre pour
des raison personnelle à l’Ile de Batz.
Ce
dernier week-end auprès de mon Oncle et de ma Tante Jean Schelcher fut une
étape supplémentaire
vers la prise de conscience de ma vie future.. Une
vieille comptine me trottait dans la tête, sans rapport aucun
avec la situation : « Papa est en haut,
Maman est en bas. Fais dodo Colas mon p’tit frère etc.… » Un coup de
téléphone d’avertissement à Jehanne, pour ma
prochaine « affectation » était dans l’air. Oncle le voulait ;
Tante
Denise ne jugeait pas la chose ni primordiale ni
même urgente. Oncle Jean l’emporta :
-« Allô, Jehanne ! Nous vous téléphonons
pour dire que notre fille, Madame de Saint Rémy, va mettre
Monsieur Martial dans la Clinique d’un ami
chirurgien, pour qu’on soigne son escarre. Voulez-vous parlé à
Monsieur Martial ? »
Malgré
mes dénégations, craignant une émotivité gênante, on me tendit le
combiné :
-Allô
Jehanne…Suivit une formule de politesse habituelle..
-Il
paraît que Monsieur entre à l’Hôpital pour se soigner…
-Pas à
l’Hôpital. Jehanne, dans une Clinique. J’espère que ce ne sera pas trop
long ! Et à La Glazière, Jehanne, comment çà va-t-il ?
Mon interlocutrice prit alors une voix un peu
aigrelette pour me répondre :
-Oh je ne sais pas. Il y a longtemps que je ne vais
plus à la maison. Monsieur de Dreuzy m’a demandé de lui
rendre les clefs. Pour moi, La Glazière, c’est
fini !
Je me récriai :
-Allons Jehanne, ne dites pas cela. Madame va
guérir et nous reviendrons tous les deux à la maison !
Ainsi j’oubliais totalement les derniers décrets
des Médecins de Melun….
Je restai surpris et inquiet. Enfermé dans mon rêve
de retour, je ne pouvais concevoir La Glazière sans
Jehanne ! Elle était la vie de la
maison ! comment pourrions-nous reconstruire cette vie à laquelle je
continuais de croire ?
Je fus détourné de cette surprise par l’arrivée des
Ambulanciers de Saint Germain,(et non plus les
Pompiers) qui allaient m’emmené vers ce qui me
paraissait la première étape de ma vie d’Homme,
seul et désormais responsable….
A la
réflexion et rédigeant ces souvenirs longtemps après l’événement, je pense que
mes trois week-ends
dans une branche de notre famille autre que celle
qui formait jusqu’alors tout mon horizon, fut pour moi
presque une naissance. J’entendais d’autres
jugements, je voyais le monde avec d’autres yeux ;- et pourtant
dans le sein de ma propre famille, je découvrais
une autre famille dont les échos ne me parvenaient que
lointains auparavant. : une autre logique,
d’autres points de vue sur les problèmes qui m’étaient pourtant
familiers.
Par ailleurs, je commençais à toucher du doigt ce
qui n’était auparavant qu’une hypothèse à échéance plus
ou moins lointaine. L’irréel devenait réalité, et à court terme. Loin de La Glazière,
il ma fallait commencer à
reconstruire un monde. Et cela à court terme. Que
seraient mes journées désormais ?…
Oserai-je dire que le cordon ombilical se rompait ?
4 Place
Louis XIV.
Saint Germain en laye vers quoi on
me conduisait, ce lundi 6 Avril, m’ouvrait des perspectives à
la fois précises et obscures. Il y aurait les 15
jours médicaux et chirurgicaux : le programme journalier en était
précis et échappait à ma décision. Mais que serait
la suite ?
Serai-ce
pour moi le Foyer de Laval (Mayenne) ? Et que recouvrait ce nom ?
Qu’y faisait-on à longueur de jour ? J’en étais inquiet….
De
Saint Germain, que dire ? Détailler mon installation n’offre guère
d’intérêt. Un Détaille pourra peut-être
faire sourire. J’occupais la chambre 24 et la
sonnette d’appel me paraissait fort dure. La Salle de Garde des
Infirmières étant juste en face, on décida que je
signalerais par un « Hou ! Hou ! » aussi sonore que
possible
mes moindres nécessitées. Malheureusement pour mes
infirmières ce moyen qui pouvait convenir à quelques
jours devait durer 6 Mois…Ce truc finit par les faire rire
elle-mêmes. Ni le changement de cadre, ni le changement d’atmosphère
n’avaient rien changé à mon caractère et je demeurais sous le coup de la peur
que l’on sait. Cela s’était su. Et je quittais
Orgeval emportant le souvenir d’un coup de téléphone alarmé de
la famille de Paris. Je ne saurai que plus tard qu’impressionné par ma réaction
pessimiste, Chantal elle-même
avait fini par être ébranlée et avait faillit
décommander l’interven
En
attendant le jour « sanglant » les visites continuaient ;
Chantal intensifiait les siennes. Elle
rencontra ainsi Madame von Breitenstein( née Sonia
de Belloy) elle s’intéressa à connaître le chemin
qui m’avait
amené à croiser le sien. Bien entendu, elles évoquèrent à mots couverts
mon avenir ; - avec
ce qui semblait inexorable, le passage à Laval.
Chantal interrompit la conversation pour me
dire :
-Dans le fond ce qui serait le mieux c’est
qu’Albert,( le Docteur Badault ) puisse te garder un bout de temps,
en attendant qu’on y voit plus clair.
Et se tournant vers Sonia :
-Je vous
laisse tous deux un instant pour aller
voir ça avec mon ami Médecin.
Un moment après la chose était faite ou en bonne voie. Le Docteur
Badault se chargeait de me
garder quelque temps après ma guérison, pourvu que
nous ne flânions pas trop et cherchions une solution
plus définitive et plus souhaitable. Voilà donc un
bout d’épine tiré de notre pied. Mais duquel : celui de Chantal
ou du mien ?
De la Famille.
Pour l’heureuse clarté des faits à venir,
un coup de projecteur sur le récent passé est encore
nécessaire.
Lors de
mon premier bain de famille, le 20 Mars, j’arrivais à la maison aveuglé par
l’épais et affectueux brouillard dont entourait pour moi l’état de ma Mère.
J’étais bien décidé à percer quelque peu cette brume
opaque. Je n’en eus pas le loisir. Installé à la
romaine autour de la table familial à cause de cet escarre qui
m’empêchait de mander coup sur coup une pensée
affectueuse
pour son neveu Hubert Mennesson bousculé paraît-il
dans un transport public, et pour Martine Géliot dot le
cancer progressait avec une certitude implacable.
Mentalement je priais Tante Denise de ne plus « en jeter
davantage ». Je trouvais ma cour bien pleine. ¨Poliment, je promis
cependant quelques pensés plus instantes
auprès du Ciel ;- quoique pour moi le chemin
qui y conduisit soit déjà passablement encombré par le problème
que l’on sait….
A 20
heures, à l’heure du dîner que nous prenions dans le petit salon devant l’écran
familial, Paris appela.
C’était Maître Bernard Mennesson qui signalait à sa
sœur la funeste irréversibilité de l’état d’Hubert. Le jeune
homme était sous oxygène. Le temps toujours inexorable passa et Hubert mourut au début
de la semaine de
Pâques. Les obsèques ramenèrent les vacanciers
autour de la maison et ses occupants habituels.
Le lendemain Chantal vint me dire le détail de
l’événement.
Elle me dit aussi quel part du fardeau Mennesson
avait prise Marie-Hélène Mathieu,- décidément présente sur
tous les fronts des peines familiales :
-D’ailleurs,
me précisa Chantal, il y aura une messe à Paris où Mademoiselle Mathieu
a promis de venir. Et
ce jour-là, j’ai bien l’intention de lui parler de
toi.
Je fis
alors à Chantal un bref résumé de nos dernières années, et comment nous les
avions vécus en
partie à l’ombre de l’Office Chrétien des
Handicapés ( O.C.H ). Je terminai en lui décrivant Marie-Hélène, telle
au moins que mon souvenir l’avait conservée après
un repas pris avec nous peu après la mort de ma
Grand’Mère. Parler à Chantal du samedi de Pentecôte
1977, me parut prématuré – la chose avait été trop
discrète et trop intime. Ce serait pour la
suite.
Ce
portrait-robot étant fait, nous prîmes immédiatement rendez-vous pour le moment
de la Messe « célébrée
ultérieurement » - selon le langage reçu –
afin de parler de façon plus constructive de cet obsédant avenir.
Chantal ! Vous êtes un Ange ! ( Nous Sommes
Bien d’Accords là Dessus ).1
Cette
explication m’a fait anticiper un peu. Revenons donc au début d’Avril 1987. Je
m’étais promis de ne pas
m’étendre sur des souvenirs hospitaliers de peu
d’intérêt, mais pris par ma narration me voici en quelque sorte
contraint de le faire.
Qu’on
excuse la sorte d’esclavage que je me suis imposé de suivre l’ordre des jours
de ce début de
printemps 1987. Mais le « grand
événement » de mon opération était dans mon esprit si tyrannique qu’il
accaparait tout mon esprit. Loyalement, je dois,
je, pense le faire partager,-et mon récit y trouvera une
meilleure cohésion.
L’opération- un simple grattage, disait Chantal pour m’encourager ,-
devait avoir lieu le jeudi 9 Avril. J’étais
sûr de mon fait : ma mort était proche !
J’avais donc demandé à Chantal d’être présente à mes derniers
instants.. A moins que ce soit à ma sortie des
Limbes. Promesse faite, promesse tenue !
Et quelle
ne fut pas ma surprise d’entendre du fond de ma nuit la voix d’Oncle Jacques
qui disait à Chantal :
…Vous… un
Ange…
J’étais donc vivant ! J’en étais pour mon
ridicule ! « Laudetour Jesus Christus » Il n’y donc plus que
quelques
pansements à supporter mais ça je
connaissais !
Ce préoccupant jeudi étant passé, mes angoisses
m’abandonneront, - même si une certaine gène physique mit
plus longtemps à céder la place.
Et
voilà qu’une autre anncdote me revient à l’esprit une amie Saint
Germinoise de longue date
vint me voir dès le lendemain du fameux jour. Elle
parle fort bien et se pique de n’employer jamais
que le terme propre ( dans tous les sens du mot )
même dans les plus terre à terre et pratique.
La partie de mon corps sur on avait opéré posait un
délicat problème quel synonyme « convenable »
peut bien entrer dans son vocabulaire ?… Avec
un air gêné elle me demanda :
- Alors, Martial, comment va votre
« jambe » ?
-
Faussement complice et pour ne pas descendre à des
détails trop réaliste, je répondis :
- Ma « jambe » va bien, chère amie, je
vous. remercie.
Nous passâmes à des sujets moins glissants,
soulagés de n’avoir pas à employer des mots trop abrupts
quoiqu’ils évoquent des rondeurs. Voici qu’on
frappe à la porte. C’est le Docteur
Badault qui effectue sa
première visite sérieuse après opération. Il me
jette rondement :
-Alors ! ta fesse ! mon pauvre vieux,
elle ne te fait pas trop mal ?…..
et sa grimace montre qu’il la croit encore très
sensible..
Tête de la jeune femme à laquelle l’impétuosité de
la visite n’a pas laissé le temps de sortir !
La Semaine Sainte 1987 .
Ce souvenir qui n’est que taquin se situait
au jour de la vigile des Rameaux. Malgré le
le charme et la gentillesse de ceux et de celle qui
m’entourent, ils ne peuvent effacer l’impression de
« Marche Aveugle » que je ressens. On me
parle de beaucoup de choses à régler. Et spontanément
je remets à plus tard.. je décharge inconsciemment
sur ma Mère qui aura le soin de décider….
Or j’ignore pratiquement tout d’elle depuis un bon
Mois et demi …
Peut-être vais-je en apprendre davantage par l’Abbé
Jeantet qui doit venir me voir mercredi. Naturellement,
nous parlâmes de la situation, mais sans évoquer
rien de trop précis – notamment sur la santé de ma Mère…
Pour fini, il me jette :
-« Tout valait mieux que cette Glazière !
Enfin c’est fini ! » (Il ne l’énonça pas, mais je crus entendre un
qualificatif réservé aux Saints Offices ).
Et je n’arrivais pas encore à croire tout à fait
que je n’y finisse pas mes jours. On me l’avait tellement répété.
-
Le Temps va
vite ! le Temps Court !
Sautons
de ce 15 Avril au lundi 20 – les fêtes de Pâques n’ajoutant rien de
significatif au récit. Sinon
peut-être, l’étonnent de vivre cette journée de
Pâques dans une joie et une paix sincèrement éprouvé
depuis pas mal de temps.
Les
Orgevalais étaient partis se détendre au bord de l’eau, à Meulan. Ce vieux nom
avait bercé
mon enfance car mon Grand-Père et ses fils en
avaient faits leur lieu de détente. Ils pratiquaient la voile
et le firent très régulièrement jusqu’à la
déclaration de guerre de 1939. En 1987, j’avais la tête pleine
d’autres soucis et je ne pus me joindre aux
promeneurs du dimanche de Pâques. Ainsi j’aurais pu voir
de mes yeux cet endroit, vieux rêve qui datait de
mon enfance.
Mais
peut-être fut-ce providentiel.
« Au petit des oiseaux, Dieu donne leur pâture », dit le
Psaume. J’allais la recevoir. Cette pâture était
pour moi des nouvelles tant désirées de ma Mère.
Elles étaient rares et fragmentaires. Aussi est-ce
avec joie que je vis paraître en ce lundi férié Tante Monique
du Boutiez, sœur des deux Oncles de Dreuzy. Pierre
et Jacques. Elle était peut-être moins habituée au langage
diplomatique qu’avait adopté mon entourage dans les
compte-rendus qu’il me faisait de la situation de ma Mère.
En
picorant çà et là, j’’avais appris qu’on l’avait transportée de Melun à Paris,
dans une Maison de Repos située Boulevard de Charonne. Oncle Rémi s’occupait de
sa gestion. On m’avait laissé espérer que ma
Mère, une fois installée dans cette maison,
pourraient y poursuivre une convalescence apaisante. Mes Oncles,
eux, la voyant bien installée à
« Charonne » comme nous commencions à dire, pour tout de bon. Quant à
moi,
je me posais deux questions : comment une
campagnarde-née telle qu’elle l’était devenue, pouvait-elle supporter
un si grand changement d’habitude et d’environnement.
Enfin..
il fallait faire confiance aux Oncles.
Ils semblaient quant à eux si heureux de voir leur sœur se rapprocher
géographiquement d’eux ! . Oncle Rémi s’occupait activement de meubler et
d’orner le nouveau
« home » de sa sœur ! Même le
secrétaire « dos d’âne » placé devant ma fenêtre aujourd’hui, et sur
lequel
ma Mère s’était effondrée en 1977,devait être
transporté de La Glazière à Paris.
Hélas, il
n’eut pas le temps d’arriver… C’était le lundi 20 Avril et nous n’en étions pas
encore à la nouvelle
déception qui allait surgire.
Ce lundi,
Tante Monique vint donc me confirmer l’installation de ma Mère à Paris, et le
branchement d’une
ligne téléphonique, destiné pour l’instant au
simple décor. Cet appareil était destiné à rompre éventuellement
toute sensation d’isolement ou à lui offrir la
ressource de rompre son isolement en appelant autrui.. ce qui
aurait été légitime.
Mais pour
le moment on me recommandait de ne surtout pas déranger sa convalescence.
Celle-ci se
compliquait, paraît-il, d’escarre apparus cette
fois-ci sur les bras. Enfin on me parlais d’un état d’extrême
fatigue qui l’empêchait de soulever le combiné
téléphonique. Et pour préserver sa tranquillité j’ignorerais
toujours son numéro de téléphone.
Deux Jours Vraiment Curieux.
Ce furent les 30 Avril et 1er Mai.
Dès mes
premières heures chez Madame Forin, on avait progressivement entrepris de
m’éclairer sur
l’état de ma Mère en abattant les illusions
optimistes que je m’étais forgés, dans la précipitation de la
fuite que l’on sait.
J’avais eu alors un court de défaillance et je m’en remis en me
persuadant que le fond de santé de
ma Mère – plus solide qu’il ne paraissait –
triompherait de ce nouvel accroc. Il suffisait, me disais-je,
d’attendre le Mois de Septembre,- au
plus ! Et nous rirons tous de ce coup de boutoir nouveau !
Dans
les « Grand Moments de l’Histoire », il y a généralement deux
courants de pensée qui s’entremêlent.
L’un , réaliste, représenté pour moi par Chantal,
qui tentait de me sortir de mes rêves, -
l’autre représenté par
Oncle Jacques de Dreuzy, faisait davantage crédit
au temps : « festina lente » disaient les Anciens,
« Hâte toi Lentement »… Et pourtant, ce
fut lui qui me parla le premier d’une intervention chirurgicale
pour ma Mère,- mais sens m’en révélé la vraie
nature. Ce qui me fit d’une part sous-estimer la gravité
de la chose, et d’autre part m’égara sur vraie
nature.
Je me lançai sur l’hypothèse d’une de ces
interventions qui sont parfois nécessaires aux dames. Oncle
Jacques me détrompa :
-Non, ce n’est pas ce à quoi tu pense. Mais je ne
t’en dirai pas plus.
Et je demeurai soucieux. Il ne semblait pas
attendre de cette intervention un vrai soulagement pour ma Mère… Que me
cachait-on ? Quelle hypothèque cette intervention jetait-elle sur
l’avenir ? Chantal, elle, avait été toujours
plus directe et pourtant je ne la croyais pas
entièrement. Au scepticisme que j’affichais, elle répondit :
-Mais mon pauvre vieux, ne te souviens-tu pas de
l’état dans lequel nous l’avons laissé ? As-tu oublié l’état
dans lequel cela t’a mis ?
-Mais non, rétorquai-je. Tu ne la connais pas
réellement. Ta Tante remonte aussi vite qu’elle s’effondre ! Mais
je sais comme c’est impressionnant…
-Comme tu voudra, conclut-elle résignée – et
peut-être découragée…
Peut-être hésitait-elle à porter la responsabilité
de révélations plus précises…Faisant confiance à d’autres pour
débrider la plaie. Quant à moi, peut-être avais-je
la mentalité du gosse qui veut avoir raison : « ils verront ce qu’ils
verront ».
J’étais
un obstiné. Une histoire me reviens en
mémoire. C’était en Mars 1987 . Sans lassé de mon incompréhension de la
réalité, Chantal voulut gagner du temps (préparer l’avenir). Elle entrepris
donc de
me faire apprendre par cœur mon Numéro de Sécurité
Sociale. J’y mis une mauvaise volonté aussi grande
qu’évidente.
Pourquoi me faire apprendre ça ? On trouvera
tous ces papiers auprès de ma Mère. Elle n’a jamais éprouvé le
besoin ni de me fatiguer la mémoire avec de pareils
chiffres, ni même de m’en enseigner le mécanisme.
Décidément, je ne voulais rien comprendre.. Devant tant de mauvais
vouloir, mon « Importune » céda
complètement le terrain, laissant à l’avenir le
soin de me révéler la brutalité des faits. Mais ce devait être
dans d’autres lieux que ceux de ma puérilité.
Il n’est
pas douteux que mon entrée à la Clinique Louis XIV ne m’ait été très profitable
du point de vue
de la réflexion et de l’intelligence des faits.
Entouré de personnes qui ne m’étaient rien familialement,
j’entendis parler par elles de choses et d’autres,-
sur leur environnement professionnel. Cela m’ouvrit
l’esprit1.
Je ne me souviens pas pourtant qu’elles aient fait allusion à l’état de ma Mère
durant cette
période. Mais le peu de nouvelles qui me
parvenaient devenaient de plus en plus empreintes de
pessimisme. Le temps même passé par ma Mère à
l’hôpital finissait par être inquiétant. Il me semblait
que cette longue période ainsi sacrifiée ne faisait
rien pour une heureuse évolution de son état.
Un jour
les Cousines Monique Droulers et Nicole Godest étant près de moi elles se
croisèrent avec
Oncle Jean qui passait. Elles lui demandèrent des
nouvelles de « Tante Jeannine ».
-Les nouvelles ne sont pas bonnes, dit-il à mi-voix
pour ne pas m’effrayer….
Tout cela
nous a emmené loin de ce 20 Avril, Lundi de Pâques. Il faut y revenir car à
partir de cette date les
changements vont se
succéder de dix jours en dix jours.
En
effet, c’est le lundi 30 Avril qu’une nouvelle alerte très sérieuse me fut
donnée. Les Jacques de Dreuzy
passèrent me voir dans la soirée. Oncle Jacques
portait un veston clair décoré de la Rosette sur canapé de
l’Ordre National du Mérite. Et c’est ce soir-là que
j’entendis qualifier de « Bébêtes » les « Réserves » que ma
Mère avait confiée à Jehanne, qui s’était empresser
de les déposer chez le Notaire.
L’entretien me troubla car j’entendis évoquer
l’idée d’une vente de certains objets jugés définitivement trop encombrants,
étant donné le nouvel état de santé de la malade. Il fur même question de négocier
l’argenterie
qui nous avait servis jusqu’à la dernière semaine
de notre séjour avenue de Messine. Et
Tante Geneviève
conclut :
-Le seul inconvénient de cette vente c’est qu’elle
te privera de ton argenterie personnelle y est tu prêt ?
Et de
nouveau je me trouvai pris entre le réalisme qui comprenait bien le sens et la
nécessité des sacrifices
proposés, et ‘optimisme indéracinable qui me
faisait souhaiter qu’on attendit un peu… Pour voir venir…
Depuis quelque
temps déjà, l’idée d’une installation dans une collectivité d’handicapé
flottait autour de
moi. Je répondis que ce projet retenait toujours
l’attention le sacrifice qu’on me demandais se révélerait
assez léger. Là encore se fut un « comme tu
voudra » qui servit de conclusion sur le sujet. On frappait
à la porte. C’était Chantal de Saint Rémy. La
conversation s’élargit. On poursuivit pourtant sur le sujet
du négoce puis il s’agit ensuite du plus proche
avenir de …La Glazière.
Madame Forin ou l’Infirmière Rurale d’Orgeval qui
avaient intéressées un moment par la propriété
déclaraient renoncer devant l’organisation déjà
prise. Et mes trois visiteurs me quittèrent ensemble
sans autre
commentaire des Dreuzy. Je ne devais les revoir qu’au début du Mois de Juin, -
mais
je ne le savais pas encore.
Le
passage de Dominique de Maindreville, quelques heures plus tard, rendit à peu
près le même
son,-mais à une octave moins grave. Il me confirma
qu’il y avait chez ma Mère un état de fatigue
irrémédiable. Mais quant à nos biens, il soutenait
le principe d’une estimation préalable ;-vocable
plus doux à mes oreilles encore inhabituées à ces
choses, et peu ouvertes à elles. Il proposait
même le secours d’un ami, en stage auprès d’un
Comissaire-Priseur en renom.
Comme il
était arrivé auparavant, il se croisa avec Chantal à qui il n’eut aucune peine
à faire
partager son point de vue.
-Nous nous eûmes, dit-elle joliment comme s’il
parlant sans doute d’une conversation téléphonique
qu’ils avaient eu ensemble avant cette rencontre.
On tira
même des plans.. théoriques.. de l’avenir. Et ainsi se termina réunion de trois
cousins que
rien ne prédisposait à se rencontrer. Et ce fut le
dernier vendredi de notre insouciance avant longtemps …
Ou en étais-je ?
A partir
des premiers jours du Mois de Mai, mon propre état va subir un accroc qui
troublera ma
tranquillité immédiate. Ma convalescence semblait se dérouler
normalement ; pansements et
examens se déroulaient régulièrement. Nous
sauterons donc du 2 au 9 Mai. Ce jour-là la
« zone douloureuse » très
intentionnellement montrée au Médecin, il s’aperçut qu’un os
empêchait une bonne cicatrisation en pointant hors
de la plaie. Badault rendit son jugement
immédiatement : il fallait
« abraser », c’est à dire ramener l’indiscret à une juste mesure.
Les examens préliminaires ; Cœur, Sang,
Poumons ayant été exécutés trois
semaines
auparavant, ils ne furent pas renouvelés et la date
du prochain passage sur le billard fut
rapidement trouvé. Ce fut j’en suis certain
maintenant, le lundi 11.
Dans la soirée du 9, j’avertis Chantal de cette
petite anicroche. Elle promit, comme la première
fois d’assister à mon retour dans la chambre.
L’intervention dut être courte et l’anesthésie légère.
Je me sentis pousser hors de la salle d’opération
dans un demi-sommeil. Il me semblait pourtant
y être à peine entré… Revenu dans la chambre, je
fus désappointé de n’y pas trouver Chantal. Il
fallait s’armer de patience.. Malgré mon assoupissement, je perçus deux
chuchotement autour de
moi qui me surprirent. En début d’après-midi une
messagère du standard m’apprit que ma « visiteuse
serait en retard », mais qu’elle passerait à
peu-près à l’heure du dîner.. J’encaissais sans mot dire,
mais progressivement de plus en plus inquiet de ce
retard si peu dans les habitudes de Chantal,-
mais soucieux de n’en rien montrer. Puis pour la
troisième et dernière fois, on m’annonça non
seulement un retard, mais que Chantal ne pourrait
venir.
Une douce soirée.
C’est une règle, on dîne tôt dans
établissements hospitaliers. Or la Clinique Louis XIV
échappait, ce me semble à cette règle. On servait
le repas à 19 heures. Mais il fallait que le Personnel
soit libre pour 20 heures. En conséquence, durant la soudure avec le personnel de nuit,
je demeurai
seul vers l’heure indiquée.
C’est à cette heure-là que Victoire Arhenchiagues
me surpris dans ma silencieuse méditation. Je ne l’avait
pas revue depuis le 24 Juin 19861 sans oublier non plus le Sacre de
Monseigneur Gaucher à Meaux. Elle
se montra ( faussement je l’espère ) piquée d’avoir
été, elle et sa famille, tenue dans l’ignorance de nos
tribulations, à ma Mère et à moi. C’était Dominique
qui incidemment avait révélé la chose.. Excuses faites
sur le trouble des esprits, nous fîmes un large
tour d’horizon de l’actualité de nos deux familles. Victoire me
quitta peu avant la fermeture des portes et je
m’endormis réellement heureux d’avoir retrouvé cette vieille
affection qui avait aidé notre trio durant tant
d’années.
Dernier Signal… Mais cette fois le bon..
. Jusqu’ici, on l’a vu
j’avais été assez optimiste envers et contre tout. L’anxiété pour ma Mère ne
commença à me visiter – et encore fugitivement –
qu’à partir soir du 12.
Mon
espérée du 11 ne vint que le 12, avant le dîner. Ce fut elle qui alluma
enfin ! chez moi une réelle préoccupation. Elle s’excusa d’abord pour son
absence d’hier. Elle avait dû conduire un habitant du Haut
Orgeval vers d’autres praticiens et attendre d’eux
le verdict. Je savais que cette excuse était des plus
fondées. Mais l’actualité familiale me
hantait :
-Et de Melun as-tu des nouvelles ?
-Oui, et mauvaises. Le Notaire Maître Besson devait
faire signer une pièce à ta Mère. Mais il a refusé de
le faire en voyant l’état dans lequel elle se
trouve.
Nous savions tous deux la raison de cette attitude,
mais je formulais à mi-voix ma conclusion comme pour
Moi-même :
-Pour qu’on ne puisse pas dire ensuite qu’il a
arracher une signature à quelqu’un sur son lit de mort.
-Oui, c’est ça, concéda Chantal.
Cette reculade du Notaire me parut pleine de sens.
Quel intérêt aurait-il pu avoir à demander puis à
différer une signature, si la situation ne lui
avait parue extrême ? cette situation était-elle donc si
désespérée ?
-Est-ce que par hasard elle ne sortirait pas vivante
de cet Hôpital ?
-Mais non, elle n’en sortira pas vivante ! et
tu le sait bien – protesta la Cousine Conscience !- Je te l’ai dit
cent fois !
Je ne
fus pas dupe. J’étais maintenant au courant. Et pourtant, comme chaque fois, je
ne croirais pas
la brûlante acuité de la situation ! De jour
en jour, l’inquiétude refusait de s’installer en moi ; et j’accueillais
les informations avec une inconscience non
feinte… !
Mercredi 13 Mai
Je
reprendrai maintenant la forme « journal ». Elle nous conduira à
cette matinée du 16 Mai qui
devait être si importante pour moi.
Ce mercredi 13 Mai, Dominique vint me voir et
le thème de notre conversation fut le même.
Mais l’expression m’en parut plus dynamique,
faussement d’ailleurs. Depuis quelques temps il avait
remis à sa taille le personnage du Courrier Grec.
Il courait de son bureau à Melun, sans oublier de
passer à Saint-Germain renseigner son cousin, dès
le lendemain et vive-voix.
Ce soir-là, il m’annonça que la tension de la
malade était plutôt bonne, mais que son manque d’appétit
continuait à embarrasser les Médecins. Les
problèmes de famille et les questions administratives
éveillaient encore, paraît-il, son attention.
Pour me
faire sourire et pour illustrer son propos, Dominique me raconta cette
histoire. Leur conversation
était tombée sur un groupes qui nous avaient
beaucoup entourés à la campagne.
-Il faut marier Une Telle, décréta ma Mère. Elle
est en âge de le faire.(Il faut dire que la jeune fille frisait la
trentaine )
-Ma Tante, si vous dite qu’elle a vraiment cet âge,
il faut la laisser libre de faire son choix. On ne peut lui
imposer le nôtre. Il faut avant tout qu’elle soit
heureuse.
-Naturellement, concéda ma Mère. Mais je me suis
marier très tard ( 31 ans ). Ce qui ne pas empêcher d’être
très heureuse 1.
Et pourtant nous l’avions vus durant 48 ans se
débattre dans les difficultés…
Après le
départ de mon messager, je m’endormis plus facilement que la veille,- tout
heureux de cette remontée
Intellectuelle dont me parvenait l’écho.
Jeudi 14
et Vendredi 15.
Durant
ces deux jours il ne se passa rien dans les deux domaines que Dominique et moi
avions évoqués. Quant je manifestais un quelconque optimisme, on me répondait
par un sourire courtois et des
paroles de la même veine. Il y eut quand même
« Salon » dans ma chambre, grâce à Chantal qui y amena
un de ses amis, Eric Paternostre en séjour lui
aussi dans l’Etablissement. Je fis en même temps connaissance
de Myriam, son épouse, qui vint ce jour-là
rechercher son époux.
Vendredi 15- Sainte Denise. Il y eut, je me le rappelle échange de coup
de téléphone avec le Haut Orgeval
pour offrir mes vœux – et sans penser à rien
d’autre.
« Je suis fatiguée, bonhomme. J’ai envie de retrouver
votre Papa ».
Pour
ma Mère, la mort survint dans la nuit du 15 au 16 Mai.
Séparé
d’elle depuis deux mois, j’ai imaginé après coup cette plainte et ce départ.
Tout deux font
bien partie du vocabulaire que je lui connaissais.
Mais j’en suis réduit aux hypothèses : l’heure et la
distance me tenaient loin d’elle, hélas !
Cependant, je gage que si elle l’avait pu elle
m’aurait accueilli par ces mots qui sont si bien dans sa
manière. Peut-être fut-ce sa dernière rêveuse
pensée, puisqu’elle nous quitta dans son sommeil.
Samedi 16
Mai – les Condoléances familiales.
Il est 9 heures 45. Quelqu’un veut entrer. Je vois Oncle Jean s’encadrer
dans la porte et faire
le tour du lit pour venir à ma droite. J’observe
qu’il cherche aujourd’hui l’appui de sa canne alors qu’il la
porte habituellement dans sa main,- ce qui fait
contraste pour moi avec Oncle Rémi qui l’accompagne
souvent mais utilise sa canne blanche de
mal-voyant.
Sachant que la santé de sa propre famille il était
aussi appeler à l’Hôpital de Poissy, je lui demande des
nouvelles.
Je m’enquiers :
-Oh Oncle Jean comment va Un Tel ?
-Mon pauvre vieux… ta Mère… Et il m’embrasse ce
qu’il ne fait jamais.
J’avoue avoir eut un sursaut :
-Quoi ma Mère ?
-…n’a pas souffert, termina-t-il en s’asseyant dans
le fauteuil « Club » dont ma chambre est dotée.
Soucieux de mettre en pratique la discipline que ma
Mère m’a enseigné. Elle m’avait dit en effet, qu’il est
de bon ton de ne pas extérioriser son chagrin quand
on est en société. Je me blinde donc. Au hasard, je
me réfugie dans détailles techniques :
-Avez-vous prévenus Oncle Jacques ?
-On ne peut pas. Il est chez les Kurdes.
J’ai un réflexe de hérissement….
-Mais Oncle Rémi a pu téléphoner à ton Oncle
Pierre. Ils ont parlé en ce concerne la tombe. C’est ce qu’il
y a de plus important pour le moment. D’ailleurs
Chantal me suit. Elle te parlera.
Suit un
problème de choix dans les urgences. Oncle Jean veut aller tout de suite se
recueillir à l’Hôpital,
mais il faudra alors renoncer à la fête du
Renouvellement des Promesses du Baptême de Théodore de Saint
Rémy, fils aîné de Chantal.
Quant Chantal arriva, elle nous trouva évoquant
quelques souvenirs de ma Mère et de son temps. Il fut question
de Daté qui avait rencontré Oncle André Thiébaut à
l’Agro. Il était contemporains des trois enfants Schelcher. Cet
Oncle Thiébaut était destiné à reprendre la ferme
de Brou, mais il n’avait eut que le temps de déchaumé avant de
partir en Septembre 1939 et d’être tué en Mai 40
sur la Marne,- au courts de la sinistre offensive allemande restée dans les
mémoires sous le nom de « Mai 40 ». Il devait être à ma connaissance
la seule victime familiale
de cette période de la Guerre.
Chantal, nous avaient donc rejoints, Oncle Jean et moi, je la vois
encore dans le Tailleur écossais vert
revêtu pour la Cérémonie de l’après-midi ; -
celui-là même qu’elle portait lors de ma « fuite » de Melun et qui,
dans mon esprit, restera toujours à la charnière
mon tendre passé et l’avenir qui s’annonçait et qui serait un
avenir d’homme.
Nos effusions furent très chaudes,( la nouvelle
venue se livrant à une embrassade très franche ), Chantal
m’assura en même temps que j’avais désormais en
elle une Grande Sœur. Nous conclûmes tous trois qu’il
valait mieux préférer une visite de recueillement à
Melun auprès de ma Mère, à la Cérémonie de Renouvellement
et Profession de Foi de Théodore….
Oncle
Jean était désormais Chef de Famille, il se retira assez ému et Chantal demeura
quelques instants auprès de moi. Nous nous
demandâmes comment atteindre les Jacques de Dreuzy. Ce n’étais pas
facile :
ils n’avaient laissé aucun point de rencontre
postal. Ces réflexions furent interrompus par la venue de deux
infirmières, Christelle de Brandt, responsable
médicale de l’étage et Madame Frick, l’anesthésiste qui m’avait
accompagné au moment de mon dernier passage sur le
billard lundi.
Christelle
qui me connaissait bien vit tout de suite que quelque chose
« clochait » :
-Alors, Martial, comment ça va ? ça n’a pas
l’air d’aller bien ce matin ?
-Pourrait mieux faire Christelle, pourrait mieux
faire… :
Craignant que je le prenait trop ironiquement,
Chantal rendit à la nouvelle le son plus grave qui convenait :
-Martial à perdu sa maman cette nuit…
Et
Christelle de s’excuser. Les deux infirmières s’éclipsèrent pour ne pas troubler
davantage notre tête à tête
familial. Les minutes coulaient, il était temps
pour Chantal de partir. Me promettent de revenir l’après-midi, avec
ses enfants. Elle m
e partit sur cette dernière phrase :
-Mon grand. C’est la fin du voyage…
Je demandais si au contraire il ne commençait
pas… ?
Puis, je restai seul, pour la première fois de ma
Vie, SEUL, sans recourt direct avec ceux qui m’avaient la
vie et avaient entourés mon existence
quotidienne.
Seul, tout, tout faux- semblant écarté.
Je restai seul. Seul, avec moi-même et dans un
silence abasourdit.
Trop de chose me revenaient dans l’esprit qu’il
n’est pas convenable de dire.
Maman était morte…..
Le Côté Officiel.
Il me revenait maintenant d’annoncer
moi-même la nouvelle à ceux qui m’entouraient ou
qui nous avaient approchés. La liste en serait
fastidieuse. Pourtant une visite mérite mention. Madame
Michel
Germain (Tante Odette, Belle-Fille de la Sœur de ma Grand-Mère
Maternelle ),Tante Odette
venait régulièrement me voir, à l’improviste,
depuis mon installation le 6 Avril. Un bienheureux hasard
lui fit passer la tête dans l’embrasure de la
porte :
-Coucou !
-Oh, Tante Odette, entrez vite. J’ai quelque chose
à vous dire. Et sans doute pendant que nous nous
embrassions dut-elle entendre quelque chose
comme :
« Maman ne s’est pas réveillée ».
-Oh ! mon petit chou ! qu’est-ce que tu
me dis là ? J’ai téléphoné hier à Denise, je lui ai demandé des nouvelles.
Pour ta Mère ça allait bien…
-Que voulez-vous, Tante Odette, c’est qu’un gros
changement a dû se produire dans la nuit. La mort prévient
rarement. « Je viendrai comme un
voleur… » dit l’Evangile.
Et s’établit
un long échange entre nous au sujet de la Mort. Et Tante Odette promit
de prévenir « Vieux Bourg »
propriété de la sœur de ma Grand-Mère, entre Caen
et Trouville……
Comme
promis, Chantal repassa avec ses enfants, un assez impressionnés de adjonction
imprévue et un peu
( trop ) solennelle à leur programme du matin même.
Vers le
soir, à l’heure dîner, le ménage Yves et leurs enfants remplacèrent Tante
Odette ; et celle-ci me
quitta en s’inquiétant de mon prochain sommeil..
Evidement plus le soir approchait, plus s’imposait à mon
esprit l’image de ce grand corps, maintenant
immobile et que je croyais encore intact, abandonné à la solitude
d’un Hôpital…. Mes Parents, et en particulier ma
Mère, m’avaient fait jurer dès 1952, de ne pas les laisser à
l’anonymat d’une grande machine à soins… Et cette
horreur leur était arrivée ! dans le dénuement physique
et moral qu’avait connu Tante Vette, Geneviève de
Dreuzy, propre Tante de mon Père et des Dreuzy actuels.
La solennité de leur requête m’avait impressionné
et j’avais juré, sans peut-être accorder à la chose l’importance qu’elle avait…
Puis le Temps avait passé…
Pendant
ces premières heures de ce deuil tout neuf, je ne pouvait détacher mes yeux de
l’apparence
matérielle actuelle de celle que la vie avait
désertée… Comment était-elle à l’heure présente ?
Mais revenons
aux Yves qui étaient là, en fin de journée. Ils restèrent assez longtemps pour
rencontrer les
Hubert de Chergé qui m’apportaient leur chaleureuse
affection,- et j’évoquai l’aide qu’ils m’avaient apportée, lors
du Sacre de Monseigneur Gaucher. Il n’y avait que
six mois… C’était en Octobre 86. Yves et Hubert échangèrent
des souvenirs de leur scolarités respectives, l’un
à Sainte Marie de Monceau et l’autre à Fénelon. Que de jours
s’étaient écoulés depuis. Mais quelle communauté
demeurait !
Un
troisième visiteur se présenta : l’infatigable Dominique pour lequel la
journée avait commencé tôt.
Prévenu l’un des premiers il avait accouru à Melun
pour se recueillir auprès du corps. Il en avait profité pour
organiser en temps que Grand Clerc des Paroisses de
Neuilly, la cérémonie des honneurs funèbres. Il fut
remplacé là-bas au début de l’après-midi par les
Oncles Schelcher. Prit-il un temps de repos à Paris en y
revenant ? Je l’ignore. Toujours est-il que je
le vis arriver aux premières heures du soir pour me consoler..
Après le départ des Chergé, il resta
longtemps à côté de moi, redoutant mon absence à l’enterrement –
cérémonie dont Parain m’avait représenté la
douloureuse fatigue. Il voulait donc qu’une Messe en union
à la cérémonie soit célébrée dans ma chambre au
matin des Obsèques par l’Abbé Jean de Maindreville.
Dominique regretta que je ne m’émeuve pas plus
devant cette dernière disparition ; il me cite le passage
de l’évangile où le Christ pleure face au Tombeau
de son ami Lazare.
Je lui répondis
-Tu sait Dominique, étant donner quelle souffrait
beaucoup cette mort doit être un soulagement pour elle
et pour moi, puisque grâce à l’éducation qu’il
m’ont donner tout les deux, je sais où elle est maintenant
et qu’elle y est pleinement heureuse.
Je gardai d’autres réflexions sur le même sujet
pour moi. J’ai encore en mémoire l’anecdote suivante.
.
C’était
à l’automne 1952. Ma Grand-Mère se remettait comme elle pouvait d’une petite
bronchite (sérieuse pour l’époque et
pour son âge 76 ans ), qui l’avait retenue plus tard que de coutume à La
Glazière.
La Doctoresse Faine consultée et reconsultée avait
fini par ordonner un retour précautionnaux à Paris
où la malade, obtiendrait une guérison plus
complète, étant moins exposé aux changements d’air.
Le service des ambulances étant moins répandu
qu’aujourd’hui dans nos campagnes reculées, ce
fut la 203 familiale que mon Père venait d’acheté
qui servit de «Véhicule Prioritaire ».
Ma
Grand-Mère sortit de son appartement escortée d’un côté par l’indispensable
Calisse et de l’autre
par son Gendre. C’est accompagnée que le
Garde-Chasse arrivé trop tard par suite de quelques travaux,
la vit descendre les six marches de son palier. Se
croyant nécessaire, Tuhault s’élança avec un « Oh Madame »
très larmoyant qui n’échappa pas au petit garçon
que j’étais.
C’était la première fois qu je voyais un adulte
céder aux larmes. Après ce départ j’eus l’occasion d’interroger ma
Mère :
-Pourquoi, Tuhault s’est-il mis à pleurer ?
C’est grave pour Grand-Mère ?
Ma Mère répondit :
-Non ce n’est pas grave. Mais peut-être Tuhault
est-il spécialement sensible…
Et elle en profita pour me donner ses conseils
quant à l’attitude qu’elle souhaitait me voir adopter face aux
problèmes graves ou simplement importants qui
jalonneraient ma prochaine jeunesse et plus encore ma vie
d’adulte.
Et de me citer la récente et mystérieuse
disparition – en mer – d’un frère de mon Père qui, n’avait rien extériorisé
d’aucune peine particulière, malgré une bonne
entente avec lui qui était légendaire.
Les
Pivoines de Mimouche.
Cet exemple de stoïcisme fut-il conté à Dominique ce soir de Mai
87 ? Je ne m’en souviens plus.
Quoiqu’il en soit il me promit de consacrer sa
Communion du lendemain à l’ensemble des problèmes qui
naissaient autour de moi. Ce dimanche-là fut
d’ailleurs plus calme que le samedi que nous venions de vivre.
Deux coups de téléphones le marquèrent. Ce fut
d’abord Sonia. Elle m’avertissait un peu surprise sa Sœur
Chantal et son Beau-Frère Charles de Pange
viendraient me voir lundi prochain. Elle paraissait ignorer la
raison d’une telle visite, -alors qu’elle- même
paraissait ne passer qu’en second .Sans
doute m’appelait-
elle au moment de partir pour la Messe, car elle
raccrocha sans aucune curiosité. Je ne pu de mon côté
la rappeler sur le champ, car le téléphone, comme
dans les établissements hospitaliers était accroché au
mur et hors de mon atteinte.
Le second appel me viens de Tante Denise désolée de
ne pouvoir venir m’embrasser et d ‘en être réduite au
téléphone pour me dire son affection – ce moyen lui
paraissait froid et sans visage. Comme je lui demandais
des nouvelles d’Oncle Jean et comment lui-même
réagissait à la mort de sa sœur :
-Eh figure-toi que ce matin la voiture n’a pas
voulu partir. Alors ton Oncle s’est mis derrière pour la pousser
il a dérapé et il est tombé !
Je poussai un « Oh » alarmé, - pensant
un instant à loi des séries..
-Il s’est un peu tordu le pied, mais il va mieux et
pourra me conduire à l’enterrement de ta Maman.
Lundi 18 Mai.
Après le déjeuner je me mis à attendre les
chers visiteurs promis. Ces grands amis arrièrent
enfin vers 5 heures et demi ou six heures. Chantal
tenait troit pivoines : deux Rouges et une Blanche.
Qui venaient de son jardin. Nous ne nous étions pas
revus depuis la mi-mars. Le temps d’échanger
quelques nouvelles et Chantal de Saint Rémy nous rejoignait ! Et nous reprîmes
nos vieilles habitudes
du temps de l’Hôpital de Melun ! Chantal de
Pange me fit dîner, en échangeant avec son homonyme
des souvenirs de la propriété que chacune avait vue
avec des yeux différents. Monsieur de Pange
piquetait ces réminiscences de son humour si chers
aux Maindreville. Ainsi le temps passa paisiblement.
Quant fut venue, les Pange tirèrent la porte sur eux,- mais ne la
tirèrent-ils pas aussi sur mon
passé. Certes, nous nous reverrions, mais nos
rencontres auraient-elles alors ce même caractère de
calme et de tranquillité ?
Au ! Ou en étions-nous ?
On se
rappelle une réunion à Orgeval que je n’ai fait qu’évoquer car je n’y assistait
pas. Elle groupait
un certain nombre de membre de ma famille et avait
pour objet d’envisager mon avenir.
Je n’ai
rédiger ces souvenirs quelques années après l’événement, et voici comment
maintenant la chose
M’apparaît : Cette réunion faisait suite au
troisième passage de Chantal de Saint Rémy à l’Hôpital de Melun,
après mon départ. Cette visite avait eu lieu 48
heures après l’amputation des deux jambes qu’avait subie ma Mère.
-Amputation que je n’appris par l’abbé Jeantet
qu’après sa mort-. Cette visite avait achevé de convaincre Chantal
du degré de délabrement où était parvenue sa Tante.
Par ailleurs les médecins avaient-ils faits part à
Chantal de l’interdiction qu’ils opposeraient à tout retour à La
Glazière avec moi ? C’est possible. Je pense
donc que c’est de ce « séminaire » familial que date la décision
de rechercher pour moi une solution plus adapté à
mon cas. Ce fut donc encore en Mars 19871.
Le ferme projet de mon entrée à l’A.P.F. était donc fermement retenu dès le
début Avril 1987, - sauf anicroche sérieuse. Elle ne
Et à
présent ?…
Mai 87. Ma Mère est morte. Va suivre tout
l’entrelacement des suites habituels à ce genre
d’événement. Hâtons le pas. L’enterrement religieux
eu lieu le Mardi 19 en La Chapelle de La Turpinière.
Le Curé étant indisponible, ce fut l’Abbé Jeantet –
à la fois notre Aumônier et l’affectueux témoin de tant
d’évènements ! L’ami de longue date-. Mon Père
et ma Mère se trouvèrent alors réunis dans le petit cimetière, après sept ans
d’attente où ma Mère avait fait face seule courageusement.
Toute succession peut devenir un champ de
mine. Et quand elle ne le devient pas, elle est toujours
Un éprouvant mélange de froides formalités et de
peines secrètes. Ce temps éprouvant me fut immensément adouci par l’atmosphère
de tranquillité et de compréhension de la Clinique Louis XIV et de son
Personnel.
.
La
raison médicale de ma présence là s’était estompée en six mois. Ma vie s’était
transformée en celle
d’un estivant venu se reposer dans un « 3
*** » un tout petit peu médical.
Mon
quotidien, avait deux faces, qui finissaient par se confondre dans un assez
agréable confort. Il y avait
par exemple tel pansement posé avec gaieté…ou les
« Curettes-Party » qui consistaient à enlever à vif quelques
vilaines peaux qui avaient ( là où l’on pense ) le
mauvais goût de repousser trop vite et trop souvent empêchant
une calme et heureuse cicatrisation. Ces derniers
moments appartenaient tout entier au Docteur Badault.
Ainsi les jours passaient…
Et la Famille ?…
. A la mort de ma Mort de
ma Mère, nous étions à six semaines des grands départs de l’été.
Ces semaines comme les suivantes passèrent très
vite. Un heureux coup du sort permit que je soit associé
aux vacances de l’Oncle Rémi. Il vint dès les
premiers jours d’Août s’installer à l’Orgeval familial. Je crois
pouvoir dire que nous nous entourâmes mutuellement.
La Clinique de Saint Germain offrait un but d’excursion
pratique pour les deux frères si désireux de
m’entourer.
J ‘ai déjà raconté le départ de certains meubles et objets de La
Glazière vers Orgeval où ils trouvèrent
un abri plus sûr que dans cette Maison de Campagne
isolée et maintenant laissé dans un demi-abandon. C’était
l’heure de poursuivre le démâtage de notre dernier
navire familial…..La période et les vacances professionnelles
offrant moins de ressources techniques et
pratiques, on commença par une distribution toute morale,- recherchant qui dans
le passé avait marqué un goût plus particulier pour tel ou tel objet ,- et qui
pouvait le
recevoir étant donner le cadre dans lequel il
vivait.
J’avais en
matière de décor certains souvenirs assez particuliers. Quelle n’avait pas été
ma surprise en constatant que le service de table de La Glazière formait une
seule série :le service « A l’Abeille » ou
« A la rose » des porcelainiers de
Lunéville.
Je
demandais aux deux Oncles s’ils voyaient un inconvénient à envoyer notre
« Platerie » à La
Turpinière pour en orner maintenant la table. Leur
accord fut total et immédiat.
D’ailleurs la collation
qui suivi l’enterrement de chacun de mes deux
parents devaient avoir montré aux deux Oncles la
justesse de mon désir.
Ainsi entouré par mes deux Oncles, l’été évolua rapidement vers
l’automne, - sans énorme
transition car ce qu’on appelle les beaux jours
avaient été franchement mauvais. Oncle Rémi avait
regagner Paris où une opération de la cataracte
devait être tentée.
Deux moments marquent pou moi cette période
transitoire.
Il y eut
d’abord la charmante surprise que me fit Chantal de Saint Rémy de son retour à
Saint Germain ;
Il était certes attendu pour ces jours-là, mais
sans plus ample précision. Un soir j’entendis des pas s’arrêter
derrière ma porte. Elle s’ouvrit et quelqu’un passa
la tête sans dire, attendant que la pénombre me permit de
reconnaître le ou la visiteuse. Croyant quand-même
reconnaître une silhouette bien connu je lançai un peu sûr :
-C’est toi ?
En effet c’était elle. Ce fut une vrai joie de nous
revoir et nous passâmes un long moment à commenter les
expertises et états des lieux réalisés par un autre
Maître Couturier, neveu de Philippe Couturier que j’avais rencontrer à La
Glazière lors de la succession de Grand’Mère – il y avait de cela un siècle ou
presque………
(Très exactement Dix-huit ans ).
.
Il y eut ensuite un deuxième moment à retenir Il
fut empreint d’une particulière émotion. Dès la fin du printemps,
un courrier affectueux et grave avait submergé mon
lit. L’automne n’avait pas interrompu ces arrivées. Je retins
en Septembre une enveloppe, ( Bleue Pervenche ), au
contenu rigide qui faisait penser à quelque chose d’officiel. Je l’ouvris.
C’était une carte d’invitation aux Noces d’Or d’Oncle Rémi et de Tante
Marie-Anne.
Elles seraient célébrées à Brou sur Chantereine le
10 Octobre 1987.
Or cette invitation était la première à être rédigé
à mon seul nom. Si gravement atteinte que fût ma Mère,
elle aurait été adresser à Madame François de
Maindreville et son fils ( ou Monsieur Martial de Maindreville ).
Mais là….. Le dernier survivant du trio
Maindreville était donc seul convié à commémorer un mariage auquel
ses Parents avaient assistés il y avait 50
ans !
Cette
enveloppe me fit réellement prendre conscience de la mort de ma Mère.
Brou !
Cadre en Or.
Pour la deuxième fois au moins
en cette fin du xxe siècle, Brou allait
donc servir de
cadre à un jubilé d’Or ! Dans les premières
pages de ces Souvenirs, J ‘ai évoqué ces premières Noces d’Or
consacrées au bonheur de mon Grand-Oncle et de ma
Grande tante Thiébaut. Un heureux et grave destin me
permettais en 1987 d’être le témoin de celles du
propre neveu de ces deux premiers Jubilaires !
Etant donné la rareté du fait et sa peu ordinaire
répétition au cours de mon existence, je priais instamment Chantal de me conduire
à Broui,- si toutefois ses occupations l’y autorisaient. Elle eut la gentillesse
de pouvoir
se plier à mon souhait pour que le 10 Octobre nous
nous trouvions tous réunis en famille.
« Chantal et Martial sont-ils
arrivé ? »
Comme
il arrive toujours dans les groupes sociaux, il y eut des creux et bosses
entre ma Mère et ses frères. Mais aujourd’hui,
qu’importait cela ! A peine arrivé je vis venir à moi Oncle Rémi,
fort ému et pressé de me savoir à ses côtés comme
représentant de sa sœur qu’il avait perdue il y avait six mois.
La première question qu’il posa à son fils Marc en
descendant de voiture, fut :
-Chantal et Martial, sont-ils déjà arrivés ?
-Oui, Papa, répondit Marc, Ils viennent d’arriver
il y a cinq minutes.
On me permettra peut-être de donner un autre sens à
cette question trop flatteuse pour ma simple personne.
Il y faut entendre cet autre sens :
« Le fils de ma sœur est-il là ? »….
Le temps fut maussade, mais cette journée fut
pleine de densité : de la gravité, des souvenirs. Cette maison avait
vu le mariage de ma Mère, il me sembla que
désormais second Chef de Branche, après Marc Schelcher, cette
première cérémonie était une sorte de coup d’envoi
dans la vie.
Aurais-je pu savoir que pour la dernière fois je
voyais Oncle Rémi vivant dans un cadre familial qui lui avait été
coutumier. Je devais avoir la joie de partager
encore avec lui son dernier Noël. Et en Avril 1988, le 20 Avril, moins d’un an
après elle il devait rejoindre sa sœur….
Mais de tout cela je ne devinai rien. En ce 10
Octobre ce ménage vécut sous mes yeux une
journée importante.
Tante Marie-Anne soudain raidie dans une soudaine
timidité me manifesta sa joie de me voir à ses côtés.
Un
important Aveu.
Notre retour à Chantal et à moi, compte aussi parmi les grands moments
de cette journée.
Pour bien
la comprendre, il faut revenir six mois en arrière, c’est à dire au dernier
printemps. L’enterrement de
ma Mère avait eu le 19.Mai Le célébrant vint me
voir le vendredi 22 et m’apprit la vérité sur l’intervention qu’avait
subie ma Mère in extremis. Ma famille ne m’en avait
rien dit. L’Abbé vit mon léger trouble et s’excusa d’avoir
devancé sans le vouloir l’annonce officielle que
mes parents m’en feraient à l’heure de leur choix. Puis il me
quitta pour plusieurs Mois, appelé qu’il était à
son ministère lointain. L’été se passa pour moi dans la joie et
la gravité que l’on sait. J’étais toujours dans
l’ignorance la plus complète des décisions qui me concernaient.
Un seul fait pourtant était certain : mon
adhésion à l’ A..P.F. et mon entrée dans un Foyer parisien encore en
construction et dépendant de cette Association.
Seules des difficultés techniques retarderaient cette rentrées
parisienne que j’avais tant attendue. Cette attente
devait durer jusqu’à la mi-mars 1988, alors que la date
avait été primitivement fixée à Septembre 1987,- et
ceci dès Juillet 87. Ce Foyer se trouvait dans le Quartier
du Maine.
Au soir
des Noces d’Or, c’est à dire en Octobre, c’est encore vers la Clinique de
Saint Germain-en Laye
que me ramenait Chantal. Malgré de constantes
remises de deux mois en deux mois, l’échéance absolue
d’une séparation du groupe familial se précisait,
inéluctable, à mes yeux.
Le
silence le plus épais régnait toujours quant à l’intervention qu’avait subie ma
Mère. Après avoir longuement le passé ou
l’actualité de chacun des membres de la Famille, un court silence
s’établit entre
nous. C’est alors que je me décidais à brûler les
étapes :
-Chantal, tu sais ce que les Médecins ont fait à
Maman : ils lui ont coupé les jambes. ( Je respecte ici le
phrasé un peu naïf de la question telle que je me
souviens l’avoir posé ).
-Mais oui, mon grand. Je le sas. Mais toi, comment
l’as-tu su ?
-Par l’Abbé Jeantet, depuis le mois de Mai..
Il fallait que ma conductrice ait une singulière
maîtrise de sa voiture. A mon avis on aurait dû se « payer » un
arbre, tant était grande sa surprise indigné. Quoiqu’il en soit j’eus à côté de
moi une interlocutrice chez qui je
devinai un mélange de surprise agrémenté d’une
forte pincée de colère pour n’avoir été prévenue de cette
révélation ;-le tout accompagné d’une certaine
admiration- oui j’ose le mot – pour avoir gardé pour moi
seul ce lourd secret. J’appris ainsi que mon
entourage avait fait tout ce qu’il
pouvait pour me maintenir
éloigné de la terrible confidence.
De
retour à la Clinique, nous convînmes de nous revoir le lendemain soir. Chantal
désirant se rendre
compte de l’effet produit par cette éprouvante
journée sue son passager occasionnel. A part moi, je résolus
de profiter de cette rencontre pour obtenir
quelques « clefs » sur ce qui me manquaient encore du douloureux
problème. Par exemple pourquoi l’avait-on emmené de
Melun à Paris pour ensuite la ramener à son point de
départ, et cela trop peu de temps avant qu’elle ait
eu le temps de d’adapter à sa nouvelle installation ?
.
Chantal
me parla alors de la surcharge des Hôpitaux…. ;redisons aussi que la
famille réclamait « l’élargissement » de la malade. Sans doute nourrissaient-on
l’espoir de voir le léger rétablissement
constaté se poursuivre mieux encore dans un
établissement point trop spécialisé ?
Chantal me dit que
la cicatrisation se montrant peu satisfaisante un
retour de ma Mère à Melun s’était avéré nécessaire. Et
cela sans plus de commentaires.
Mais des faits – Mai 87 – un silence embarrassé de
l’Oncle Jean, m’avait laissé entendre qu’un nouveau
passage de ma Mère sur le billard était très
probable. Je ne demandai pas de quoi il s’agissait. En effet
j’avais promis à mon Oncle Jacques de ne pas percer
ce mystère. J’ajoutais valeur « militaire » à cet
engagement et me contraignais à attendre les
nouvelles sans les forcer.
J’avoue que in petto je jugeais sévèrement le
chirurgien qui avait obligé de s’y reprendre à deux fois
pour délivrer de son mal une vieille dame.
On
connaît la suite :jugée trop faible un nouveau choc opératoire, on tenta
sur ma Mère une réalimentation
forcée. C’est pendant cette cure que son cœur céda,
à la mi-mai. Puisqu’une fin prochaine était inscrite dans
son horizon. Pourquoi ne pas l’avoir laissée
attendre tranquillement l’heure du repos ? Peut-être Madame
Le Docteur Maigret, responsable médicale de
l’établissement du Boulevard de Charonne espéra-t-elle conjurer
une fois encore la gangrène de ma Mère par un
nouveau transport à Melun ? C’est là le secret d’une correspondance
(supposée ) entre elle et les Médecins de Melun.
Un instant encore…
Permettons-nous un dernier sourire. Paul-Antoine de
Saint Rémy, le dernier enfant de Chantal,
sera le héros de l’affaire. Ma cousine avait amenée ce jeune homme de 7
ans et son frère aîné Théodore ( 12 ans )
chez l’Ophtalmologue, - qui d’ailleurs consultait à
la Clinique Louis XIV Le trio passa
en fin d’après-midi dans ma chambre. Je
ne sais quel brouhaha ou quelle distraction me firent oublier l’aventure
Chantal .me la raconta
le lendemain.
Elle avait suggérer de venir jusqu’à mon lit pour
m’embrasser (de nouveau ) ;
-Va donc embrasser Oncle Martial, il est un peu
triste parce qu’il a perdu sa Maman il y a peu de temps !
l’enfant regimba :
-Oh non ! J’ai trop peur d’être
contaminé ! Il est toujours
allongé ! Je n’ai pas envie d’être malade ! Il doit être
contagieux !
Pour tout encouragement le jeune résistant reçut
une claque sur le derrière – que je supposai avoir été légère.
Braillant de dépit et d’incompréhension, il piqua
un 100 mètres jusqu’à la Salle de Garde des Infirmières, où il
entra en trombe en pleurnichant ;
-Maman m’a tapé parce que je ne voulais pas
embrasser Oncle Martial ! N’est-ce pas qu’il est contagieux ?
Il ne pouvait frapper à meilleure porte pour être
détrompé. Madame Canterelle, Aide-Soignante Principale de
l’étage, le prit solennellement par la main, le
ramena et le hissa sur mon lit. Et c’est ainsi que le vieil Oncle
grabataire put donner la preuve de sa bonne santé
au jeune défenseur de la Prophylaxie. Ceci se passait
en Novembre
1987.
Happy New Year, Ladies
and Gentlmen !
Que dire
de plus ? L’année allait vers son couchant. Une de plus dira-t-on ! Sans doute. Mais se sera pour moi
a dernière à avoir toute sa signification. J’aurai
en effet la joie de passer Noël en compagnie des deux Grands-
Pères que possède la Famille ! Ils
m’entourèrent avec tout leur cœur. Aussi ce Noël reste-t-il parmi les souvenirs
les plus marquants de cette année-là.
Malgré quelques jours de forte houle, cette année avait glissé avec une
relative facilité. Elle avait menacée d’être pire ! Trop habitué sans
doute à la charmante atmosphère de gâterie qui avait enveloppé
1987 à partir de la mi-mars, j’eus tendance à craindre plus rude l’année
1988 qui approchait.
Depuis cette tribune en surplomb que constituait
pour moi la table de famille, j’envisageais l’année à venir
avec un mélange de crainte et de scepticisme. Elle
se présentait devant mes yeux comme une année
« probatoire », donc nouvelle et
excitante mais elle avait un air compact qui me dissimulait ses détailles
et me les rendaient peu clairs et un rien
redoutables.
C’est pourquoi je refusai obstinément une invitation de Chantal au repas
de famille offert par sa
Belle-Famille en fin d’année. J’avais trop besoin
de silence et de calme. Il fallait que je me prépare au
changement, sans précédent pour moi que la nouvelle
année annonçait.
La Glazière s’éloigne .
Reste maintenant à dire ce que devint La Glazière. En 1987 notre abri
comptait lorsque nous le quittâmes
49 ans de présence dans notre famille.
Il
fallut attendre une vingtaine de Mois avant que sa vente ne devienne effective.
Ce fut une vente en viager.
Cochelin n’avait pas pensé à cette solution et ce
fut Oncle Jacques de Dreuzy qui
l’imagina et signa l’Acte qui
séparait notre famille de « sa »
Glazière, car, comme je l’ai dit au début de ces souvenirs, Elle fut bien ce
quatrième personnage vivent qui avait place dans notre Histoire. La Glazière
nous appartenait, mais nous
appartenions à La Glazière. Elle se chargea de nous
le manifester sans équivoque.
Cette maison s’éloignait maintenant de moi jusqu’à
n’être plus qu’un point, et pourtant
son atmosphère avait
pesé sur toute mon existence jusqu’à l’avenir
utopique qu’on voulait m’y construire.
Le
souvenir de mes deux principaux défunts m’est également présent. Je n’évoque
jamais l’un sans l’autre.
Pourtant le fais-je plus volontiers en Mai, au
souvenir de la mort de ma Mère . Pourtant
peut-être Novembre
a-t-il pour moi un caractère plus irrémédiablement
douloureux car il est plus profondément lié à ce cadre de
cette Glazière ( haïe ) où me fut annoncer la mort
de mon Père. En Novembre 1980.
Conte à la mode allemande.
C’est qu’il m’arrive d’évoquer une scène
purement fantastique, et dans cette manière allemande
que j’ai peut-être héritée de ma Mère qui était
d’origine alsacienne. Peut-être est-il tel que l’auraient aimé les
habitants des régions de l’Est.
J’imagine donc que
vers la mi-mai,- sans doute dans la nuit du 15 au 16, le
dallage de la vieille Salle à Mange briarde
s’ouvre, laissant le passage à trois personnages assis – véritable
tableau vivent comme en composaient les enfants de
ma génération. Ces trois personnages regardent vers
un point que l’on ne distingue pas. Leur attention
est soutenue et on devine la cause de cet intérêt ; La
Télévision. Quelques instants se passent et la
Vision s’éteint tout redeviens tranquille et sombre. Et c’est
ainsi que j’aurais aimé qu’un photographe nous prît
et fixât pour longtemps l’image des Etres qui me sont
les plus chers.
On
rira de ce phantasme saxon. Qu’y a-t-il de particulièrement absorbant ou
d’extraordinairement prenant,
où regarder cette scène qui évoque la paix d’une
famille ? C’est qu’on a point deviné l’énorme point d’interrogation que
dissimule cette calme Vision. Il est par nature immatériel. Et situe cette vison entre les
années 72 à 80. Que de fois j’ai souhaiter voir un
jour les murs témoigner de la peine et des conversations
alarmées dont ils étaient bien souvent l’objet
indirect. Et de même ces terres qui entouraient ces murs Elles
avaient engendré en leur temps un surcroît
d’inquiétudes pour mes Parents, et par contre coup pour moi-même.
S’il y eut
des moments de gaietés -ils furent rares -, je les situerais dans la première
période de notre présence
en Seine et Marne ;-c’est à dire dans notre
période Agricole. Il y avait de cela…presque une éternité..20 ou 25
ans. Et encore
les quelques sourires que l’on m’avait arborer à La Glazière étaient-ils
oblitéré par le mauvais état de santé de mes Parents.
J’évoquerai de nouveau ces instants en parlant de
repos tendus.. inquiets..
J’ai raconté les deux soirées organisées pour me
dissimuler, un temps, nos difficultés. Leur ambiances qui se
Voulaient joyeuses n’y parvint pas entièrement. Je
n’en veux pour preuve que les interrogations pessimistes
Offertes
par mes deux compagnons de route, spécialement au court de la nuit du Quadrille
en Mai 76.
Prendre comme photo finale pour ce chapitre la
photo de groupe général, prise à la fin du Quadrille. ( Album rouge ).
1 Dans son livre de la Jungle.
2 Quand je passer Madame Besson passer elle portait sur la Tête un de ces capuchon en plastique comme on les faits maintenant.
1 J’ai anticiper, car fin Février 87, j’étais loin de tout réalisme.
1 N’avait-il de ceux qui avaient tenté de « secouer » l’Etat-Major français en prédisant l’imminence d’un guerre avec l’Allemagne Nazie ?
1 Dois-je répéter que j’ignorais tout du coup de téléphone d’Yves au Docteur Roux.
1 Par la diminution des médicaments, pratiqué d’office par mes hôtes passagers..
1 En effet du 28 Août 1964 au 28 Février 1987, je n’ai jamais cesser d’avoir un de mes deux Parents
sous les yeux ou à porté de voix.
[1] La présence d’Oncle Jacques était également une surprise pour moi. Elle devait être l’effet de l’entretien que j’avais eu la veille avec Chantal de Pange. A moins que le Médecin n’ai demandé un représentant de l’autre
Famille ?
1 Elle avait avec mes Parents un lien spécial, ayant favorisé leur rencontres, puis leur Mariage en 1932.
1 Le Commentaire est de l’Auteur.
1 Cette fois-ci beaucoup mieux que ne l’avait fait l’expérience dite « sociale » tentée en 1964 à Toninens..
1 24 Juin, jour de la Saint Jean-Baptiste Fête du Saint Patron de ma Mère. La St Jean 86, est la dernière qu’elle passée sur terre. Toute la famille Arhenchiagues au grand complet se trouva réunis autour d’elle. Ce qui était
une tradition pour ceux qui le pouvaient.
1 De 1932 à 1939, sans aucun doute…Mais après c’est plus discutable… Note de l’auteur.
Devait se réaliser qu’au printemps grâce à
Marie-Hélène Matthieu 2.. C’est dire la lucidité avec laquelle ma
famille jugeait des choses – alors que j’en étais
encore à des rêveries qui ne prendront fin qu’à l’annonce
finale de mon entrée rue Lebouis
1 Personnellement je date cette réunion aux 30 Maes 1987.
2 Rencontrée par Chantal, à la Messe dite à Paris pour
cousin Hubert Mennesson.
Ouf il nous lachent enfin ! concluez voici la mienne
!