CHAPITRE
XIII
Dominique Delphine et les Autres
1966
Ce 1er
Janvier-là ne fut pas ordinaire !
Au milieu des jeunes gens qui l’entouraient, Grand
‘ Mère entendit parler des « Dîners-tapis » qui faisaient
fureur. Elle décida d’en tâter en organisant un
dîner de famille à petit effectif et à ras de terre.
Le menu
devait se mettre à l’unisson de cette décontraction : potage ( en soupière
d’argent), suivi de
L’inévitable saucisson-beurre fleuron des réunions
juvéniles de l’époque. Le tout arrosé d’un Beaujolais
vieux d’un mois à peine.
Etaient conviés au festin :
Mesdames
André Mennesson et Joseph Mollie.
Monsieur le Général de Corps d’Armée Aérienne Paul
Bailly, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air, grand blessé de guerre.
Madame François de Maindreville, grande invalide
civile, et son fils qui ne déparait pas la collection.
S’y ajoutaient :
Madame François de Saint Remy que par précaution il
valait mieux installer confortablement.
Ne seraient pas oubliés les deux Oncles et le
gendre qui, eux debout, devraient servir le solide Henri
Qui se salirait les mains au contact de bouteilles
des plus prolétariennes. Quand aux vieux habitués
de ces réunions, ils avaient quand même obtenu que
la table fut mise.(Ils représentèrent la majorité).
La présidence revenait naturellement à celle qui
devait fêter cette année ses 90 ans.
Ce fut moderne et futuriste. On ne le demandait peut-être pas à une dame de la
génération de ma Grand’Mère
Elle était si bien faite aux Cadres et aux manières
de l’ancien Temps !
Ensuite l’année suivit son cours.
Pour la
dernière fois, Brou allait servir de lieu de détente prolongée à ma Mère.
Fatiguée par 24 derniers mois
de tension et d’efforts constants elle avoua
sa lassitude et nous demanda de la laisser partir.
Le
château de sa Grand ‘ Mère Thiébaut fut donc choisi. Ce qui aurait l’avantage
supplémentaire de
procurer une compagnie à Tante Thérèse, Belle-Sœur
de Grand ‘ Mère, qui était seule depuis trois ans.
Il était également convenu que la vieille maison de
famille nous ouvrirait ses portes à mon Père et à moi
chaque que le besoin s’en ferait sentir.
J’aimerais réparer maintenant un oubli. En 1961, nos amis Aubé avaient
eu un dernier enfant, Richard.
Peggy m’avaient gentiment proposé d’en être le
Parrain. A l’époque nous étions voisin. Je ne pouvaient
Qu’accepter. Je terminais donc l’année accédant au
rang de dignitaire dans la famille : j’étais parrain !
En 1966,
c’est au débotté d’une des visites organisées à Brou, que je fus demandé au
téléphone par
Chantal de Saint Remy. Avec la même gentillesse que
Peggy jadis, elle me demandais de veiller très
Particulièrement sur sa fille Albane. Le ménage
Saint Remy était basé dans les Yvelines. J’étais quant
à moi destiné à la Seine et Marne. Cela ne
faciliterait pas les rencontres entres générations….Pourtant
je donnais à Chantal, la fille aînée d’Oncle Jean,
un accord de principe ; -sous réserve de celui de mes
parents. Le lendemain, profitant d’une absence de
mon Père, je téléphonais tout ému à Brou, pour
annoncer la nouvelle à ma Mère.(Devant mon
hésitation bien naturelle), ma correspondante, me dit
qu’il FALLAIT accepter sans confusion aucune. Je
lui demandai la date de son retour afin d’organiser
le baptême. Elle me répondit que malheureusement
elle ne pouvait encore me la donner.
Le baptême
eu lieu à Saint Philippe du Roule vers le mois de Mars. Il y eut ensuite une
réception
strictement familiale chez les Grands-Parents
maternels de la récente Chrétienne. Ces réjouissances
familiales furent pour mon Père, ma Mère et moi les
seules de cette année qui allait mériter le nom d’année
des épreuves.
Comme dans tout les livres d’histoire, on peut lire
en note :
Richard est à l’heure où ces lignes sont écrites près de sa Mère où il se remet d’un grave accident de la Route. Dont il a été victime il y a quelques années.
Quant à Albane, elle est peintre. Elle compose des
trompe l’œil. Elle à eut bien raison d’attendre le Mariage car
Elle a fini par trouver le Mari que son vieux
parrain lui souhaitait. Elle Mère de trois enfants.
Ce
carnet noir s’ouvrit en février avec le décès de Madame Paul Révoil. Son mari
avait été Ambassadeur
de France puis Résident Général en Algérie. Il eut
aussi à intervenir lors de l’incident de la « Panther » devant
le port d’Agadir. Cette canonnière avait été
dépêché par Guillaume II, Empereur d’Allemagne, sous le couvert
du titre qu’il s’était donné de Protecteur de
l’Islam. Au vrai, ce n’était multiples incidents qu’il voulait provoquer
et qui préludèrent à la première Guerre Mondiale.
C’était en 1905.
Paul
Révoil était le Père d’Oncle Jacques. Madame Révoil s’éteignait après 53 ans de
veuvage. Elle rejoignait
Au cimetière –de Servane-le fils qu’elle y avait
conduit trois mois plus tôt.11
C’est également vers le même moi que Madame Jean des
Francs nous quitta discrètement, elle était
veuve depuis 3 ans ½..
En avril,
le jour de Pâques, le Seigneur rappela à Lui Madame Mollie, morte des suites
d’une congestion
cérébrale. Ma Grand ‘ Mère perdait à la fois une
amie et la fidèle compagne de ses dimanches. Elles pouvaient
s’entretenir mêmes choses. Monsieur Mollie avait
été à ce qu’il me semble, assez haut
placé à la Banque de France. Vice Gouverneur Peut-être…Tante Marie-Anne perdait
là sa Mère.
Tournons
rapidement les pages de cet éphéméride. Nous arrivons au vendredi d’avant la
Pentecôte. Il fait
gris. Mes Parents sont dehors. Je suis seul.
J’attends Dominique de la Brosse qui s’est fait annoncer. Il va
partir pour
le Coudray Herpin avec sœur et neveux. Nous avons tous deux un entretien
approfondi ; je lui
avoue mon inquiétude devant l’état de santé
chancelant de notre cellule familiale.
Dominique me répond :
-« Ne t’inquiète pas tant « IL » ne
s’est pas donné tant de mal nous pour laisser tomber ensuite. Si tu veux, je
viendrai discuter
avec tes parents après mon entrée chez Schlumberger mardi ».
Il
me quitta alors pour aller chercher les siens.
Le premier journal qui sortit après le
week-end nous apprit l’accident survenu ce vendredi, sur
une route à trois
voies….De cet accident je ne sus aucun détail sinon que des occupants de la
voiture
seul Dominique succomba.
Le temps gris fut-il la cause de ce drame ?…Je ne le pense pas. La voiture
fut tamponnée de face,
par un chauffeur qui enfreignit le Code de la Route…Ce fut la version
officielle. En tout, « Le grand
Marquis » me laissait à méditer un testament :celui du service des
autres.
Une discrète mise au point..
Nous étions tous deux, Grand’ Mère et moi,
devant la télévision pour assister à l’Office de la Pentecôte.
Il était célébré à Verdun
pour le 60e Anniversaire de la bataille. Cette messe présidée
l’Evêque et le
Général De Gaulle, Chef
de l’Etat. (Il me semble même qu’il avait amener avec lui, Le Cardinal Feltin
Qui participa aussi à
l’Engagement en tant qu’infirmier). Le Général, clôtura la cérémonie par un
discours.
Il y évoqua son vieil
adversaire politique ;-regrettant que « l’hiver de l’âge ne lui ait
pas permit de soutenir
l’énergie dont il avait
fait preuve naguère, sur le même champ de bataille ». Il avouait n’avoir
aucun empressement à ramener le vieux Maréchal à Verdun, pour l’y inhumer.
C’était pourtant le vœu du
vieux vainqueur.
Questions bizarres. (
Samedi 11 Juin 1966 ).
Depuis deux ans, on poussait beaucoup mes
parents de m’emmener voir le Professeur Guy Tardieu
dernière étoile de la
Neurologie. On pensait qu’il pouvait m’être de quelque secours. Quelle curieuse
rencontre
que cette consultation
donnée à l’Hôpital Raymond Poincaré de Garches, par Tardieu son Maître
fondateur
avec, je crois les frères
Judet !
D’emblée, il s’intéressa
d’avantage à ce peu d’intelligence qui m’a été dévolu et dont chacun peut
juger…
Pour ce faire, il
recourut aux tests uniquement intellectuels emprunté à la médecine
psychologique
américaine. Par un jeu de
questions bizarres, dont il soigna le phrasé, il prit la mesures de mon Q.I.
Ce coefficient
intellectuel atteignit je crois 75. Cela me situait parait-il à un bon
niveau ;-supérieur
à la moyenne nationale.
Je ne sus jamais comment était établie cette moyenne, d’ailleurs. Etait-elle
celle des I.M.C. ou bien
celle des gens valides. Seul Dieu (et lui-même ) le savent….Cela me parut
drôle…
Voici quelques
échantillons des questions posés :
-« Comment c’est pareil, l’eau et le
sel ?
En un éclair je répondis
-« la mer »
Ce n’était pas ça du tout. Il fallait dire : Le condiment
qui accompagne les repas…
Suivit une question sur
la fourchette et le couteau. Puis les fruits à noyaux et les fruits à pépins…….
Il vit finalement que je m’amusait beaucoup
et m’annonça une dernière question dont il ne me cacha pas la
difficulté :
-Comment c’est pareil, La
Justice et La Liberté ?
Là je me plantais, je
n’avais aucune idée sur le « concept philosophique ».
Puis vint le moment de l’examen mécanique
proprement dit. Il n’apprit rien de nouveau sur ce que tout le
monde pouvait voir. Cette
célébrité de la Neuro-motrcité quitta
alors la table d’examen sur laquelle il m’avait
fait manœuvrer et revint
siéger à son bureau.
Suivit une magistrale
engueulade :
-« Vous ne foutez
rien ! c’est inadmissible ! vos parents se crèvent pour vous, et vous
vous contentez de lire
le
« Match » à longueur de journées, c’est inadmissible. » Il me
cita un de ses amis qui avait apprit le Tchèque.
« En attendant,
puisque vous débrouiller à la machine faite des enveloppes. Cà vous fera quatre
sous »
Il disserta sur cette
ville japonaise, : Minamata, qui
s’était rendue célèbre par ses handicapés ;- infectés
par le Chrome déversé
dans la mer durant la guerre.1
Enfin calmé, et pour nous
laisser quelque espoir, il nous cita une opération au cerveau, qui, dans
certains
cas, pouvait améliorer
les choses. Mais très honnêtement il nous avertit qu’à son avis « çà ne
valait pas la
peine de déranger le
client »(sic).
Et le Professeur renouvela le conseil
d’exploiter le côté intellectuel dont j’avais la chance de profiter.
Terminant un rêve à haute
voix, il envisageait même de confier de petites affaires à des invalides
uniquement moteurs.
La consultation médicale étant terminée, la
visite mondaine lui fait place. En effet, parmi ceux qui
nous avaient orientés
vers Garches, il y avait l’Oncle Rémi, qui avait en captivité rencontré le
Beau-Frère
du Professeur, Monsieur
Ribadeau-Dumas. Pendant que mon Père faisait les écritures, ma Mère et Tardieu
échangèrent des
politesses amicales ; Tardieu louant la façon dont Oncle Rémi dirigeait le
Club Nautique
de Dives, « D’une
façon admirablement dévouée » assurait le Professeur…Et cette visite du 11
Juin
commencée dans la plus
parfaite courtoisie de convention s’acheva presque amicalement.
(Enjambons
tout de suite quelques semaines,
pour rapporter
la réaction de la chère amie Faine. Sitôt
arrivés à La Glazière, on manda notre médecin habituel et on lui fit
part de la surprenante
consultation. Ma Mère, et son étonnante mémoire commença à répéter à Faine, les
questions (déjà
cités),dans leur ordre de passage si j’ose dire. Dès la deuxième question la
Doctoresse
l’interrompit et
s’adressant à moi, elle me dit :
-« Je vous trouve
bien gentil, Martial d’avoir essayer de lui répondre comme il le souhaitait,
Moi à votre
place je lui aurait dit,
Monsieur, je vous répondrait quand vous parlerez correctement le
Français » !
Martial :
« Mais docteur, c’était gênant, il avait un petit ruban rouge à la
boutonnière ».
-« Ce sont les plus
terribles » Bougonna notre amie. Et elle commenta, à force de parler
en « Franc-Anglais »
les gens ont perdu
l’habitude de s’exprimer clairement et de façon compréhensive ». Son
sentiment anti-Américain, nous était connu)
.
J’aimerais ajouter
qu’après cet interrogatoire, je ne revis jamais Guy Tardieu. Il mourut
d’hydrocution au
cours d’un bain en baie
de Smyrne durant l’été 1985.
De retour à la voiture, le trio se livra
aux commentaire et aux projets. Ma Mère se réjouissait que je me soit
fait
« secouer »…Les projets, eux, furent perturbés par une hésitation sur
le sens à donner aux mots « langue
inhabituelle ». Mes
parents et moi confondîmes «langue morte » dont fatalement inhabituelle
puisque réservé
au monde scolaire, et
« langue vivante mais peu usuelle »… Mais nous devions choisir
un Professeur.
Choisire le
Tchèque ? C’était foncer tête baissée dans une direction que ni moi ni mes
parents ne connaissions.
Le Tchèque est assurément
une « vivante » mais pas « inhabituelle ». Elle appartenait
aux pays de l’Est . Or
l’Est était apparenté au
Communisme. Choisir un professeur Tchèque, c’était courir le risque
d’introduire auprès
de nous et chez ma Grand
‘Mère, un personnage infecté de cette idéologie,-ou qui la fuyait. C’était
jouer à pile
ou face. Nous hésitâmes.
Un autre facteur intervint qui emporta la
décision. Ma Mère me connaissait une certaine lenteur au
travaille qui n’était pas
de la paresse. C’était une question de rythme. Il fallait le respecter, disait
ma Mère.
Or une langue une fois
apprise il fallait exécuter des traductions : dans un laps de temps donné
et
Incompressible. Exit le
Tchèque.
Par ailleurs, les études
qu’avaient faites mes parents, et la connaissance des civilisations archaïques
moyen-
orientales rencontrait
mon goût….Ma Mère suivit les Conférences de l’Ecole du Louvre où Monsieur
Châles
enseignait. Elle s’était
passionnée pour la vie et l’Histoire des civilisations antérieures au Christ.
Restait donc
à choisir entre trois
langues sémitiques : l’Arabe, l’Assyrien et l’Hébreu…
Les lundis de Pierre
Offerlé.
Ma Mère avait conservé
des relations dans ce milieu de haut niveau intellectuel. Elle m’y
introduisit ; elle comme
élève principale et moi
comme auditeur et stagiaire.
J’ eus cette année-là une
belle Saint Martial. On me présenta au Docteur Offerlé. Il terminait sa vie
professionnelle comme Médecin Général de la Sécurité Sociale.
Etant très organisé, il
avait pu dès 1946 S’intéresser aux langues sémitiques, tout en assumant sa carrière de
Médecin Consultant à Brie
Comte Robert. Se passionnant de plus en plus pour le Proche-Orient, il avait
peu à peu abandonné sa clientèle et s’était tourné vers les services
administratifs de sa Corporation à Paris. Son retour
à la Capitale lui
permettait d’occuper depuis quelque temps la chaire d’Assyro-Babylonien à
l’Ecole Pratique des
Hautes Etudes.
C’était un homme d’origine alsacienne il
possédait d’ailleurs un accent qui ne trompe pas. Titulaire de tout les
Ordres Civils et
Militaire français, c’était aussi ultra-catholique. Durant les six ans où il
vint près de nous, il se
consacra à étudier les
aspects civils et juridique du Concile. C’est dire combien il s’entendit avec
mon Père.
Ce n’est donc pas par hasard que nous nous
étions adressés à lui, car nous avions finalement – et bien
Imprudemment,-jeté notre
choix sur l’Assyro-Babylonien. Monsieur Offerlé nous le déconseilla :
cette langue
comptait quelque milliers
de signes d’écritures ; son se déroulant sur trois époques différentes.
Par contre il
nous orienta vers
l’hébreu. Cette langue ne comptant qu’une vingtaine de caractère et se trouve
donc plus
aisée à apprendre. Il disait
aussi que l’hébreu est la base grammaticale de tout langage sémitique. Il
permettrait ainsi
d’aborder ensuite l’Assyro-Babylonien,- si nous en avions le temps….et la
patience.
Les cours (à domicile)
furent d’abord fixés au jeudi, puis au lundi, deux fois par mois,-Avenue de
Messine.
Mais Monsieur Offerlé fut
atteint, (durant l’année 1967),de plusieurs alertes cardiaques qui provoquaient
des
spasmes ; ils
devinrent de plus en plus forts et étaient très impressionnants à voir. Cette
occupation et la santé
de Grand ‘ Mère qui
faisait un devoir de rester encore quelque temps à Paris, firent que cette
étude se déroula
ponctuellement de
novembre à juillet.
L’intérêt de ces cours et la grande
personnalité de leur auteur allaient faire filer rapidement les six ou
sept années qu’il nous
restait à vivre à Paris.
Ils meublèrent les années
1967 à 1972. Une telle étude l’exigeait d’une manière tout à fait absolue.
Notre première rencontre
servit non seulement à faire connaissance, mais à choisir les deux grammaire
et le dictionnaire
recommandable, car il était écrit en français. S’y ajoutait tout ce qui était
nécessaire à une
bonne connaissance de la
langue hébraïque. Vint bientôt s’y adjoindre un magnétophone ; il était
l’indispensable
répétiteur des deux ou
trois heures d’enseignement du Docteur. Celui-ci s’amusa de cet objet ; la
cohabitation de
ce magnétophone et de
l’hébreu lui paraissait anachronique. Au début, il observa l’appareil avec
méfiance, mais
il comprit vite à quel
point il était indispensable dans mon cas, incapable d’écrire. Par la suite, il
s’inquiétera toujours de savoir si il était en marche, lorsqu’il aura quelque
chose de difficile à expliquer.
Hélas, il payait ce qui était pour de vrais
moment de détente, par une intense fatigue générale. A la
fin de chacune de ses
intéressantes visites, il prenait son pouls et absorbait une dose de Trinitrine
Retard
qui lui permettait tout
juste de monter notre Avenue pour atteindre le 84, qui le déposerait devant sa
propre
porte :Rue Saint Jacques.
Aux livres et aux papiers qui chargeront sous peu nos différentes tables du
troisième
étage, il faudra ajouter
une machine à écrire à caractères hébreu, sœur jumelle du magnétophone. Sans
elle
comment aurais-je pu
rédiger les devoirs que me donnait Monsieur Offerlé.
Cette première rencontre,
de juin 1966, promettait beaucoup de bon. Mais La Glazière nous réservait autre
chose.
Un été gris.
Pour mieux participer à la tristesse de cet
été, il faut se rappeler la consultation du Professeur Tardieu. Il
ne s’était pas contenté
de conseils théoriques, il avait également prescrit, à l’essai, quelques
médicaments
assouplissants,
susceptibles pensait-il de m’aider.
Il comptait sur deux
médicaments en particulier : Le Libriaum, et Le Laroxil. Nous étions
convenus, mes
parents et moi, d’attendre d’être à La Glazière pour en
faire l’expérience ; nous comptions aussi beaucoup
sur la présence du
Docteur Faine. Celle-ci, aussi volontiers qu’imblement , accepta le principe de
ces essais.
Elle-même d’ailleurs
recommandais le Laroxil. Je devais malgré tout conserver l’Eqouanile, ma base
pharmaceutique depuis
1962.
Le Professeur avait laissé le choix entre
trois médicaments, profitant ainsi de la durée de notre séjour estival.
La Doctoresse et moi,
décidâmes de les tester successivement. Malheureusement, quoi que étalés sur
les trois
mois d’été, la cadence
fut encore trop rapide. L’essai eut des répercussion néfaste sur mon
comportement
général. Qu’on en juge.
J’utilisais durant la belle saison un fauteuil roulant, qui se mouvait seul à
l’aide d’un volant qui allait d’avant en arrière (Vélocimane). Les Anciens
Combattants en on largement usé. Mes parents
avaient fait modifier la
machine, en retirant la fonction de propulsion et en gardant que la fonction de
direction.
On me laissait ainsi
l’illusion de conduire, tandis qu’un pousseur me véhiculait. Or, un jour,
revenant vers la
maison par l’allée bordée
de tilleuls, je m’endormis brusquement, et fallits me retrouver contre eux….La
voix
d’Ulli, mon guide, me réveilla
à temps.
Une autre fois, je m’endormis
devant…Molière et son Tartuffe, à la Télévision. Bref, l’essai n’était pas
satisfaisant ; il
n’y avait rien à en tirer.
Un soir, Monsieur de Pange m’annonça qu’à
Mimouche, leur domaine, on passablement inquiet pour la santé
de Delphine, une de ses
nièces Fosseux. La présence de Grand ‘ Mère nous retint de lui dire comme nous
l’aurions voulut la part que nous prenions de leur tourment. Je ne me doutais
pas alors santé de Delphine
allait devenir le ferme
ciment entre la famille Bellois et la nôtre.
Me reste devant les yeux
une dernière images de ces vacances : Mon Père, pris d’un zèle soudain,
badigeonnant
de blanc les
persiennes,-pour conserver à la maison sa valeur marchande. (Ce travaille sera
exécuter en 1985, par un peintre occasionnelle). Mais en 1966, mon Père avait
installer son atelier en plein air sur des tréteaux
entre La Tanière et les
marronniers de droite.
J’ajouterais que ma Grand
‘ Mère célébra, cet été-la son 90e anniversaire dans la plus extrême
discrétion. J’étais
le seul de ses
petits-enfants présents. Où était l’ambiance bruyante, chaleureuse et somme
toute bon enfant, qui
avait présider à ses 80
ans ? 10 ans plus tard chacun était appelé ailleurs, (par son devoir
quotidien) et les résidences s’était multiplier. Il est vrai que l’ambiance
n’était plus à la fête, à La Glazière.
Traits du Caractère de
Mon Père.
Ma Mère m’avait souvent
fait remarquer chez mon Père, une attirance vers le funèbre. Le voyant
au quotidien si gai, je
ne l’avais pas cru. Et pourtant deux évènements vont m’en fournir
l’illustration.
.
Au moment de quitter Paris, on nous avait
remis un faire part de mariage de Anne de Saulieu. Etant
données les marques
d’amitiés qu’ils nous avaient prodiguées et l’aide qu’ils avaient apporté à
chacun
de nous, je pensais qu’il
serait répondu affirmativement à cette invitation. Malheureusement, mon Père,
mon chauffeur habituel,
se déclara trop fatigué pour nous conduire à nouveau. Il dit que la mariée
ainsi
que sa famille seraient
sollicitées de tout côtés,-qu’elles ne pourraient me consacrer assez de temps.
J’en fus déçus. Pour me
remettre, il me fit la surprise du fameux magnétophone qui me fut en effet si
précieux. L’appareil
entra à La Glazière dans la première quinzaine d’Août. Or, après le 15, ma Mère
eut connaissance de la
mort de Tante Germaine de Saulieu, grand’ mère de la jeune marié. Mon Père
étant absent, elle
l’avertit par téléphone.
-« Je vient de voir
la mort de la tante Saulieu. Que dois-je faire » ?
La réponse, parait-il
fusa immédiatement :
-Préparez les affaires de
Martial. Je les emmène, lui et Ulli à l’enterrement !
Il s’agissait donc
d’aller, ce coup-ci sans la moindre fatigue au même endroit et par le même
chemin, qui
paraissait quinze jours
plus tôt long et difficile à affronter. Il semble que l’atmosphère joyeuse
d’une Noce
semblait excessive à mon
Père, qui lui préférait la grisaille convenable et morne d’un enterrement.
Celui de Tante Germaine
de Saulieu, mit fin pour l’année à la liste des disparitions humaines.
Pour terminer la chronique de ces jours,
reste à évoquer un autre évènement, et à expliquer l’inexplicable :
ma réaction devant la
mort de notre Grisby, et celle surprenante de mon Père.
Depuis le début des
vacances, notre chien se portait mal ;-il toussait,-il manquait de
vitalité. Un jour où il était
assis à l’arrière de la
voiture, je vis un bouton noir du côté droit de sa poitrine. J’en fis part à
mon Père ; tout de
suite il me fit part de
ses lugubres soupçons. On devine la suite : le chien fut piqué à Paris. On
l’incinéra dans le
jardin. Mon Père me donna
sur ce dernier acte un tel luxe de détailles que j’en frémis encore
aujourd’hui. Il me
dit par exemple avoir
tenu à prendre toutes les précautions, car je pouvais peut-être rencontrer, aux
hasards de
travaux tel ou tel
morceau du corps de mon cher petit ami…
Je regrettais spécialement mon Grisby, avec
lui disparaissait un charmant compagnon et le gai témoin de cette
période relativement
insouciante de notre activité agricole passée. Cette mort me laissa
dépourvu,-exposé au futurs ennuis qui ne manquerait pas d’arriver…
Je fus mal. Le choc était
dur. Il ajoutait à l’épreuve des expériences pharmaceutiques que j’ai dites. Je
dus payer.
En effet, mon Père
m’ayant emmener à Paris pour une journée. Il partit faire des courses, en me
laissant sur mon
Lit de parade, derrière
la fenêtre. Mal refermé, celle-ci s’ouvrit malencontreusement, le froid de
novembre me pénétra. Mon état général affaibli, une infection urinaire
s’installa ;-et s’ajouta à une paresse gastrique qu’elle
n’arrangea pas.
Pour terminer sur une
note plus souriante : deux réminiscences.
Tout d’abord il y eut une
invitation de la part de Madame Sommier.
Durant ces mois
d’automne, nous avions été conviés par Madame Sommier. Le déjeuner fut servi
dans l’Orangerie de Vaux, dont Madame Sommier avait fait ses appartements
particuliers. Le dessert était de
Pruneaux au Jus. Raphaël
qui les présentait à ma Mère, lui murmura à l’oreille :
-« J’ai crus bien
faire, en les dénoyautant pour Monsieur ».
Un discret, Merci Raphaël.
On passe ensuite au salon. Gros émoi de la
maîtresse de maison quand elle apprend que je vais étudié
l’Hébreux. Jonction des
mains admirative :
-« Mon Dieu, il
va….etc. »
En nous regroupant autour
des tasses que l’irremplaçable Raphaël emplit de café, je distingue le gros
« Voltaire »-qui vient de sortir-,de Jean Orieux. Bien que sachant
Madame Sommier déjà très sourde
je me tourne vers elle
pour lui demander :
-« Chez quel éditeur
ce livre est-il sorti, Madame ? »
décidément secourable en
tout, c’est Raphaël, qui me répond :
-« Chez Flammarion,
Monsieur » .
Mon Père fut ébloui, en sortant de
l’Orangerie, on déboula à Mimouche, où mon Père réclamait à tu-tête
un serviteur de cette
qualité, pour nous à la Glazière !
Il est à noter que j’inaugurai ce jour-là
un certain fauteuil jaune qui à l’usage se révéla ne pas pouvoir me
servir ;-mais ce fut
ma Mère qui en usa durant 19 ans, à partir du printemps 1968.
Paris fut encore mon
havre de salut ;-mais en famille cette fois.
Le traditionnel déjeuné de Noël, chez
Oncle Jean, mérite en 1966 qu’on s’y arrête, car ce le dernier qui
Rassemblât la famille au complet, autour de notre
Aîeule-Patriarche. En effet à partir de l’année suivante
elle-même ainsi que sa
fille, ma Mère, seront provisoirement ou définitivement empêchées de venir 11
Rue
Murillo.1
A mon sens, ce repas
marque la fin d’une cohésion parisienne familiale. Ensuite un progressif
effilochement
se fera sentir, qui nous
mènera jusqu’à notre involontaire rupture des années 70.
Conclusion Pour 1966.
A mieux l’observer
l’année en question fut moins monolithique et plus contrastée que je ne l’avais
imaginé
en commencent à la
raconter. Elle fut remplie d’importante disparition, dont celle de Tante
Germaine de
Saulieu, ce qui consacra
notre éloignement d’avec tout ce groupe.
Il faut noter aussi que
1966 fut la dernière période où l’on vit ma Mère dans un état de santé à peu
près
satisfaisant d’un bout à
l’autre. Les quatre années suivront seront tellement cruciales pour notre trio,
qu’il
est peut-être souhaitable
de leur réserver une place particulière dans ce récit. Nous y verrons que cette
année-là marque la fin
d’une certaine ère de Paix.
La météo grisâtre de
l’année m’en renvoie aujourd’hui encore un souvenir sinistre.
1 Les célèbres « Médicales » des 2 Pierre, m’avait déjà informé de cette horreur.
1 Etaient présents autour de la Table familiale du 25 décembre 1966 :
Madame André Mennesson, Madame Xavier Schelcher, Mr er Mme Jean Schelcher, leur deux fils aînés
Et leur fille cadette. Mr et Madame Rémi Schelcher, Me et Mme Bernard Mennesson, et probablement leur
Fils Hubert. Mr et Mme François de Maindreville, et leur fils Martial.