CHAPITRE  I

         ….                                                          

                                                                          L’Harmonieuse

                                          1954

 

                                                                                                                                                                                      

      Après tant d’étés  passés joyeusement à La Glazière, 1954, y était un retour sans fanfare. Beaucoup de réflexions

faisant à de multiples épreuves, morales ou  physiques, avait conduits mes Parents vers une autre orientation.

 

  Ma Mère,, en débarquant de la voiture, constaterait une situation nouvelle. Mais à côté d’une certaine

appréhension, elle éprouvait un certain soulagement.

Les dispositions prises par ma Grand’ Mère lui donnaient une certitude : celle d’être pour longtemps chez

elle. Et ce sentiment avait sans doute encouragé mes parents à ce lancer dans l’exploitatio de la ferme attenante à la maison. Il est bon de noter aussi, que ni l’un, ni l’autre n’avaient atteints l’âge de la

retraite, puisque contemporains tout-deux par l’âge,(53 ans), il nous faudra attendre et vivre, une Vingtaine                                         

d’années avant  le Temps des jours sombres de l’Inactive vieillesse.  .   

 

       Mon  Père avait dû  affronter  de graves soucis professionnels. De plus, ce qu’il présumait des résultats

de l’exploitation par Monsieur Banier l’encourageait à voir sous favorable ce que semblait promettre cette ferme.

 

    D ‘autre part, il avait  été  sollicité  pour prendre la Mairie des Ecrennes. Cette proposition faite par le Conseiller

Général de Seine-et-Marne, Monsieur Brun, s’était vite répandue. Suivit une injonction plus rugueuse de la part

des terriens de la région.

                                      

-« Allons Monsieur de Mandréville,(sic) Vous allez bien vous mettre fermier comme nous autres !»

       Beau bouquet de séductions et d’obligations tentatrices ! Il facilita notre entrée en agriculture de

ce début 1954. La date d’expiration du précédent fermage n’arrivait qu’en automne 1955. Mon Père

voulut donc mettre à profit cette espèce d’année sabbatique pour s’initier à ce que serait son futur

métier.

    Mes parents se lancèrent joyeusement sur cette voie. L’avenir devait se charger de nous détromper

tout-trois, sur le  « Le plus beau métier du monde », comme le prétendait, à l’époque mon Père.

 

       A l’heure des déceptions comment réagirent-ils ?

      

       Ma Mère avait gardé un dégoût profond des manifestations du 6 février 1934. Les désordres

populaires et leur retentissement à l’étranger l’avaient marqué d’une façon indélébile. Elle m’en

parlera encore 42 ans  après, quelques mois avant sa mort.. Elle en conçut ainsi un certain sentiment

de peur à l’égard de la Capitale. Son attrait pour le calme de la Glazière en fut renforcé.

 

   Mon Père avait un moment conçu du ressentiment envers le changement d’atmosphère du Paris

d’après la dernière guerre.  Un bruit amplifié, une toute nouvelle cohue augmentée par certains, sinistrés 

des quatre coins de France, qui espérait de  Paris, un Toit et du Pain. Mais au contraire de sa femme

mon Père, devait changer d’opinion. Le citadin qu’il était devait reparaître et lui donner le désir de

retrouver Paris et le style de vie qu’il représentait.. Ce désir allait devenir obsessionnelle et entraîner

trop souvent de graves dépressions.

  Quand à moi, ce fut un  «  mariage de raison » on me demanda d’exister las-bas, j’y ait  rarement

trouver plaisir.. Mon attrait profond pour Paris rejoignait celui de mon Père. A coup sûr pour les

ressources intellectuelles et sociales que la grande ville pouvait offrir…    

   

  

 

      

 

 

                                                              

Après ce prologue et avec le recul  du temps, les évènements  quotidiens vont se charger de tout leur sens

 

      1954. L’année semblait s’annoncer facile, exempte de cahots et prometteuse d’essor intellectuel.

Elle n’a tenu que moyennement ses promesses . Ce fut la dernière durablement parisienne de notre

trio. Tante Mone, (Madame Jacques Révoile, Sœur Aînée, de mon Père), toujours secourable vint

aider ma Mère à se remettre de la gangue de plâtre qui l’avait emprisonnée des Orteils au cou, à

la sortie de la clinique Judet.

 

        Cette année s’ouvre pour moi par le  premier grand dîner de Nouvel An offert par ma Grand’Mère

à toute sa famille ;-qui regroupait pas mal de monde à cette époque  C ‘était le premier des dix derniers

dîners auxquels j ‘ai assisté. Ensuite ce fut la prise de sang faite à ma Mère, qui marqua mon souvenir.

Elle était effectuée en vue d’une opération aux hanches qu’elle devait subir le 3 Janvier. Puis vint son

départ et le début de mon attente.

.    Enfin ce fut un soir un coup de téléphone ; et au bout du fil la voix joyeuse d’un Prêtre dont on m’avait

annoncer la prochaine venue :  « Ecoutez, Martial, je ne pourrai  pas venir avant…dix jours, à cause de

l’Incendie du collège. A la semaine prochaine, donc ! » . Et  c’est ainsi que commencèrent  36 ans d ‘abus

affectueux de ma part, à l’égard de l’Abbé Jeantet..

  

   L’hiver cette année-là fut dur et mordant.. Il permit à un saint homme de sortir de sa discrète réserve :

l’Abbé Pierre. Il vint, et il tira le peuple de Paris des fêtes qu’on avait organisées pour l’Installation à

l’Elysée du second Président de cette IV ème République qui n’en finissait  d’agoniser. Ce fut le « Bon

Papa Coty ». Pour en revenir à l’Abbé Pierre, mon Père fut entraîné par une amie de ma Mère, à consacrer

une matinée à soulager les misères qui entouraient le saint prêtre. Mon Père revint effondré, ayant rencontré

parmi ces épaves un ancien officier de Marine échoué là pour avoir trop cultivé Bacchus…

      Tout cela revenait aux oreilles de ma Mère qui, allongée sur son grand lit, écoutait et commentait

avec l’intelligence que nous lui connaissions .(Ainsi finit-elle par commenter furtivement devant moi, la

pauvre matinée d’Emmaüs car elle eut beaucoup mal à chasser ces douloureuses images de la Mémoire

de son époux). Quant à moi , très touché par cet élan de charité obtenu par l’Aumônier d’Emmaüs, je

décidai de lui envoyer le dernier billet de mes étrennes.

             Nous   glissons jusqu’au mois de Mars,, vers le 20. Un groupe familial  entourait ma Mère dans

sa chambre. Mon Père –venant du dehors, entra-, et lança à tous les assistants un regard très grave.

C’est ainsi que  j’appris la mort pour la France de mon Cousin Germain :Jean-Michel Doë de Maindreville

Seul fils de mon Oncle André.

                                                                          

  Le sévère regard lancer  par mon Père, confirmait, pour nous seuls, une Alarme Familiale qu’une

erreur  de prénom  dans l’Annuaire, avait permit à mes Parents de redouter . A la fin de la semaine précédente

en  effet mon Père avait reçut du Ministère de la Marine le coup de téléphone suivant :

 

-« Allô, Monsieur de Maindreville, ici le Commandant  un tel, du  Ministère de la Marine, Nous recherchons un

Maindreville dont le fils est au loin, serai-ce vous, nous quelque chose d’important à lui dire » .

Mon Père répondit

 

-« Ah non Mon Commandant Mon fils est auprès de moi. C’est un grand handicapé. Mais C’est    de mon frère 

André et de son fils dont vous voulez parlé ? Je sais que mon neveu est actuellement en Indochine voici l’Adresse  et le

Numéro Téléphone de mon frère, il s’agit du etc.…………….Mes respects mon Commandant ».

 Cette scène se passait dans notre salon. Je revois mon Père ramenant l’appareil sur le lit  de ma mère

tout en lui murmurant :

-« Il me semble qu’il y a une très mauvaise nouvelle pour les André, voilà le coup de fil que je viens de recevoir ».

     C’est pourquoi le fameux regard paternelle ne renseigna que Deux personnes sur le nombre de la petite

assemblée réunie dans la chambre de ma Mère.

                              

 

.

 

Jean-Michel Doë de Maindreville avait choisi « La Royale » à la fin de ses études. Je me

souviens l’avoir vu quand j’avais Six ans au cours d’un repas de funéraillles.Il sortait juste de Navale, dont

 il portait l’uniforme ! Les évènements militaires l’appelèrent vite hors de France. C’était la guerre d’Indochine.

Il eut son premier embarquement à bord de l’Aviso « Chevreuil », en Extrème-Orient ,en tout cas.

   Il revint  en  France vers les années 1949-50. Dès la fin de son congé, la Marine l’envoya aux

Etats-Unis  pour suivre un stage, en vue d’une spécialisation dans l’Aéronavale. Changement qu’il

n’avait aucunement demander. Revenu de « Corpus Christie », U.S..A . En 1952, il dut repartir pour

l’Indochine.(Janvier 1953). Il embarqua  cette  fois sur le Porte-Avion « Aromanche », qui le mena

sur le Mékong. C’est de ce Porte-Avions qu’il partit en mission de bombardement sur Dien Bien Phû.

                               

    Le 15 Mars 1954, (Premier jour de l’attaque), on demanda aux avions d’attendre leur tour pour

arroser l’objectif. Contraint de tourner en l’air, il consomma son carburent de retour. Et c’est pendant

ce voyage de retour qu’il percuta l’Ile des Merveilles en Baie d’Along. Des pécheurs le retrouvèrent

mort mais intact. Vide d’essence, son avion n’avait pas explosé.

                 

    Rapatrié un an plus tard, sa famille eut le triste réconfort de lui rendre avec la Marine les honneurs

militaires en la Chapelle Saint Louis des Invalides. Le 7 Mai 1955. Nous le conduisîmes ensuite au

cimetière Montmartre.                              

 

     Au cours de sa Carrière aéronautique, une hantise l’accompagna toujours : l’appontage. Sur

« l’Aromanche » on savait que lorsque DOË demandait la piste, il fallait le tranquilliser. « Doë »

étant le nom patronymique des Maindreville, Jean-Michel, l’adopta comme Indicatif-Radio.

 

  Par ses qualités de charme, d’élégance, de finesse, il avait mérité de son entourage le beau surnom

 de « Chevalier ». D’après une jeune amie Ecossaise qu’il escorta durant un congé : « On était fière

de sortir à son bras ». Et  au cours  de ces trente dernières années beaucoup évoquaient encore

Jean-Michel. En décembre 1986 encore, Madame de Sinnety, au cours d’une visite qu’elle me fit

me redit l’admiration qu’elle avait eue pour  son ancien danseur.       

 

 

     Lorsque nous apprîmes la triste nouvelle, ma mère était donc clouée au lit. De cette période 

 je conserve dans la mémoire quelques images vives. Ma Mère était revenue de la clinique Judet

lourdement plâtrée. Ces ostéologiques réputés avaient décidés de consolider le résultat de leur

seconde intervention par une gangue qui allait des orteils au cou. Elle nécessita l’installation d’un

lit  « Dupont » qui par un jeu de poulies permettait à la malade une toilette élémentaire sans qu’elle

soit  trop remuée. Ma Mère et ce dispositif occupant la totalité du lit conjugal, il avait fallu que mon

père émigrât vers le lit que j’occupais moi-même, à côté de celui de mes parents. On me mit donc

dans la salle à manger. Et là se situent les souvenirs suivant ; ils se placent dans les « Jeudis

Théologiques » que je vivais avec l’Abbé Jeantet. Il profita de l’un d’eux pour m’inviter à participer

à la Retraite, et ensuite à recevoir la Confirmation qui en était l’objet. Nous jetâmes donc les

préliminaires.

  Un jour, je demandais à mon interlocuteur s’il était possible grâce à une Neuvaine Générale de Prières

d’obtenir une évolution Totale de mon état physique…  L ‘Abbé me dit qu’il comprenait mon espoir, mais

qu’il ne fallait pas que cela me détourne de la vocation que semblait  ouvrir devant moi cette épreuve même.

  

   Reprenant la Parabole de l’Enfant Prodigue, il en imagina le déroulement suivant : devant la désertion des

Fils infidèles, les enfants qui sont restés auprès du Père organisent tout un plan.

 

 

 

Les uns se mettrons à la poursuite des fuyards ; ils leur expliqueront les risques de leur entreprises et surtout

la peine de leur Père. Les autres prépareront le retour à la maison, l’Accueil ; ils s ‘attacheront à consoler le

Père par une fidélité plus affectueuse ; ils plaideront la cause de ceux qui sont partis et préparerons leur retour….

-« Lesquels sont les plus utiles ? ceux qui partent à leur recherche ? ou ceux qui préparent la maison ? »

 

Ce qu’il me dit là m’ouvrit de nouveaux horizons et me fit prendre mon mal en patience. Il aurait ajouter

(mais la mémoire m’en a fuis),  « Comme le dit Péguy : il faut que toute place soit tenue ! » L’important

est de découvrir sa place et d’y correspondre. La maladie, dissipe  au moins, dissipe toute incertitude..

 

        Cet entretien avait lieu en mai 1954. Puis de sérieux évènements allaient surgir,-très vite-, et espacer

nos rencontres. Mais elles devaient reprendre plus riche encore.

 

   L’attente de la cérémonie de la Confirmation fixée aux premiers jours de Juin dans la Grande Chapelle de

l’Ecole Fénelon, se fit pour moi dans une certaine anxiété. J’avais entendu parler du décorum de la  cérémonie.

le personnage  central en serait un évêque… Cela m’occupait beaucoup l’esprit. Tous devait   d’ailleurs très bien

se passer et je  devais quitter Paris sur un beau souvenir ;- je l’ai d’ailleurs fixé dans un petit recueil.

                 

     

                  “Père je remets mon âme entre vos mains”.                             M .l’Abbé Jeantet et Martial avec une

                    (  Martial saluant l’Abbé Jeantet)                                             Délégation des « 6eme) de l’époque.

 

Entouré  par  ses Cousins Schelcher..                Après Messe d’Action de Grâce.

                       Le 3 Juin 1954,au Soir.

                            (Photos prises par Mr Jean Schelcher).      

                                                                                                   (4 Juin 1954 11 h 30) 

                    

 

                

     Le Week-end de Pâques reste présent dans mon souvenir.  Il y a 36 ans déjà ! Nous sommes à Paris.

Mon Père est penché sur les comptes de liquidation de l’affaire d’Edouard Karl, son dernier patron. C’est

dans la grande salle à manger verte et brune. Sans le percevoir nettement, j’assiste à la fin d’une époque,

( qui unit deux périodes bien distinctes ; Fin de la jeunesse de mes Parents et Fin de mes années de mes

années d’enfance). Dans une odeur de Jacinthes  de (Stassen) qui emplit l’atmosphère d’un appartement

parisien.  Mon Père regretta toujours l’ambiance de l’Avenue Franklin Roosevelt. Là se trouvaient le bureau,

la liberté, les horaires de travail suffisamment élastiques pour lui permettre de nous aider aussi, le cadre…

Nous avons conservé quelque temps des relations avec le secrétaire du patron, Bernard Buchecker.

 (Malheureusement il fut très choqué de la désinvolture de l’imitateur Henri Tisot, à l’égard du Général

De Gaulle, sur les disques enregistrés par ce chansonnier ; Buchecker, de ce jour-là ignora notre porte.

   Le journal nous appris son décès vers 1966, je crois).

 

                                               Oui, 1954, fut riche en surprises. 

 

 

    En attendant ma Confirmation en Juin, qui nous ramènerait tous à Paris, notre trio quittait l’Avenue de

Messine ;-mes Parents avec nostalgie, mais aussi avec un certain soulagement ;- moi bien décidé à les y

faire revenir le plus souvent possible. Les évènements allaient hélas, me donner satisfaction dès l’Automne

1955.

    En passant sus la voûte, mes parents échangèrent des propos sans doute graves, mais gais.

 

      Pour ma Confirmation, ma Mère sortirait de sa chambre pour la première fois depuis son atteinte aux

 

 

Jambes. Cette Confirmation est le dernier souvenir que je garde d’elle insouciante et relativement jeune. Les

Opérations qu’elle avait subies étaient réussies. Elle n’avait que 52 ans et les graves soucis qui allaient encombrer son avenir, professionnels ou autres, ne paraissaient pas encore à l’horizon.

     Pour ces raisons et celles qui vont suivre, le Jeudi 3 Juin 1954 , m’apparaît comme la fin de quelque

chose. Il faisait beau. Tout était jeune, ou me le paraissait. L’ensemble rendait un son de Paix et de Résurrection

(allusion à ma Mère) ; sans doute dernier souvenir d’enfance qui se soit graver dans mes yeux comme un Vitrail.

Il allait m’accompagner discrètement durant 32 ans et j’en saisirais la force un matin de mai 1987.

  L’année scolaire s’achevait sur cette vision bleue, rouge et or. Pour nous c’était un nouveau départ.

Le capot était maintenant définitivement tourné vers la herse invisible. Nous allions la franchir dans

l’euphorie.

 

   Quelques semaines avant de quitter Paris, mon Père avait eu un rendez-vous de Monsieur Pierre Brun

pour avoir son avis sur la nouvelle orientation qu’il comptait adopter.

  L’accueil fut chaleureux et dynamique, me dit à son issue mon père. Mr Brun, ignorait comme nous tous les

réactions de son interlocuteur. Notre Conseiller Général jugea certainement la chose possible. Il se plaçait au

plan de l’économie générale et de la politique où il était habitué à évoluer. Peut-être prêta-t-il attention aux

incidences financières de l’opération ; mais il ne pouvait prévoir les conditions exorbitantes auxquelles Albert

Banier lierait son acceptation, pour une cession sans douleur. Monsieur Brun ne pouvait pas davantage prévoir

les conditions météorologiques désastreuses qui allaient marquer les neuf années à venir ; elle devaient

compromettre tous nos efforts.

 

 Des tractations en cours, on faisait  mystère autour de moi. Cependant, je  surpris des allusions, venant

de mon père, et qu’il ne pouvait retenir. Tante Marie-Anne donna le coup de grâce final au mystère, en

faisant au portique du lit Dupont un foulard représentant une moisson….Cette scène rustique et caricaturale

me fit comprendre que bien des changements se préparaient.

    Il fallait rompre le silence, cela se fit dès notre arrivée à la Glazière durant la courte mise en train dont

j’ai parlé avant..

 

    Mon père se rendit à Melun chez le fermier et lui fit part de son intention. Monsieur Banier fut, paraît-il

surpris. Car il s’agissait  ni plus ni moins que de le pousser dehors. Il demanda que sa femme assiste à la

fin de l’entretien, et c’est en ménage qu’ils donnèrent leur accord. Cependant, ils posèrent la condition

draconienne d’une « vente au repreneur » de son vieux matériel ainsi que des animaux entrés avec lui

à la ferme en 1940. Ce serait donc une vente privée qui lui épargnerait son nom affiché comme dans le

cas d’une vente publique. Cet incontournable préalable financier devait peser sur nous très longtemps.

Il retarda la modernisation certainement indispensable d’un matériel qui avait vieilli et qui ne correspondait

plus aux exigences de cette seconde moitié du XXE siècle.

 

  Plus gravement  encore, Monsieur Banier ayant été  prié     de se retirer, il lui était possible, en cas d’échec flagrant

et reconnu du nouvel Exploitant, d’imposer un nouveau repreneur de son choix. Et ceci, pendant une période

de neuf ans…

Ce fut un article dont il se souvint, hélas ! l’accompagnant de commentaires circonstanciés sur  « ce cultivateur

en gants blancs qui serait trop heureux de venir le « supplié » avant deux ans.

   Le climat régional ainsi créé, ainsi que cette entrave légale participèrent à la lente asphyxie des neuf années qui allaient suivre.

 

      Nous étions donc installés à la Glazière. C’est là que mon père ,  revenant de cette pénible démarche

auprès du fermier  me dévoila notre avenir.   Je connaissais  depuis ma naissance, le 30 Juin 1939, des ennuis

d’autonomie motrice.

    Par ailleurs durant  mes multiples séjours à la Glazière, j’avais appris à méditer sur les avantages et les

inconvénients de la vie à la campagne. Aussi ne marquai-je qu’un enthousiasme restreint. Mon père me jura

qu’il ferait le voyage de la Glazière à Paris aussi souvent qu’il serait nécessaire. Il y ajouta la promesse qui

était pour moi une vraie tentation d’avoir   une voiture et un petit cheval pour le suivre. On verra comment

il tint et dépassa même la première partie de son engagement.  Il fut si éloquent qu’il me transmit son enthousiasme  de néophyte. Mais bien vite, et par réaction, mon propre pessimisme en fut exagéré.

 

 

                              Heureusement, tout  ne se résumait pas à ces réflexions austères.                                                                       

 

.                          Mes Parents avaient pris l’engagement d’aider le Curé Doyen qui desservait Ecrennes à relever son église . Deux ans avant le début de ce récit, une volée de lettres s’était abattue, par nos soins, sur les Chrétiens les plus généreux. Mais pour obtenir plus d’argent d’un seul coup, des parentes offrirent à mon

Père d’organiser un Rallye Auto.

Cette compétition Intellectuelle et Sportive devait se terminer dans notre propre maison. Toute l’organisation

routière et cérébrale était réglée par les Cousines Brocard, - des spécialistes ! A nous,  il revenait d ‘abreuver

nourrir et  distraire des concurrents épuisés….

             L’épreuve devait se dérouler en Juin. La famille avait parié sur un temps sec et chaud. C’était

compter sans la Kermesse aux Etoiles, fête de charité de la 2eme D.B. Elle était  traditionnellement

mouillée. Notre réception fut inondée….Alors, ne sachant où me mettre on me poussa sous l’un des

deux appentis de la cour. De là,  j’assistai à l’ultime questionnaire de cette passionnante épreuve.

         

          Parmi les souvenirs qui me restent de ce 18 Juin 1954, je revois Tante Marie-Anne en

tailleur bleu. (Sa tenue de Conductrice d’Ambulance), qu’elle avait banalisée, allant chercher

je ne sais quoi dans la Cave dont on avait fait une réserve… Ensuite Tante Denise m’amenant

un autre membre de la famille Jeantet,(Mr Claude Jeantet), je crois. Et pour finir Alain Burot

de L’Isle, qui visitait la Tanière.

 

      Ce Rallye fut la première manifestation mondaine de la Glazière. La mode des photos

n’étant pas encore très répandue à cette époque, je ne connais l’existence d’aucune image

de cette journée. Il est juste d’ajouter que le Temps désastreux déjà relaté ne s’y prêta guère.

      Financièrement l’opération n’avait pas été un succès, à ce qu’il me semble……

Mais nos Parents s’étaient paraît-il bien amusés. (Trop occupés à leur tâches de Maître

de Maison, mes  « pousseurs » ordinaires m’avaient laisser un trop longtemps sous « mon »

appentis. C’est pourquoi  je ne peut  juger valablement l’Ensemble de cette Soirée).. 

 

 

QUI ETAIENT-ILS ?

 

 

 

                       Le moment est peut-être venu  de camper les quatre principaux personnages de cette histoire.

 

   J’ai bien dis quatre, car à notre trio, j’aimerais ajouter notre Glazière, Cadre de vie, Véritable partenaire muet

De notre lutte et cause de la plupart de nos chagrins.

 

 

Ma  Mère

 

 

   Jeannine SCHELCHER , est née le 24 Septembre 1901 , Rue de la Boétie, dans le 8eme

Arrondissement. Elle était la fille de l’Agent de Change Xavier Eugène Schelcher et de Antoinette

Geneviève Thiébaut.

 

   Elle eut une enfance sans problème jusqu’à l’âge de 13  ans. Elle contracta alors une fièvre typhoïde

qui bien que guérie, lui laissa des séquelles qui la gênèrent toute sa Vie. C’était une pianiste accomplie

qui eut l’honneur de suivre l’enseignement de Marguerite Long. Malgré un talent reconnu, elle ne pu se

présenter au Concours du Conservatoire. Elle était trop âgée de 15 Jours…

 

 Après la victoire de 1918, elle attrapa un zona. (1925),Ce fut le premier. Il était sans doute dû à ses

longues heures de piano, 18 Quotidiennement ! Ce mal toucha le 4eme doigt de la main gauche avec

 correspondance à l’Epaule. Ce zona lui interdit à peu près totalement l’exercice de son art. Je me rappelle

pourtant l’avoir entendu jouer, pour m’apprendre les vieux Noëls Français.

 

          Ce contretemps l’obligea à chercher un autre champ d’activité. Elle se mit au golf et entama des

études d’archéologie, Cours pour lesquelles  elle suivit les conférences de Marcel Aubert. C’est d’ailleurs

pendant ces cours qu’elle fit la connaissance de mon Père à la fin de l’hiver 1932. Ils se marièrent au Château

de Brou sur Chantereine le 17 Septembre suivant. Elle connut alors quelques années heureuses jusqu’en 1935

 

                      Je naquis le 30 Juin 1939. Ma Mère avait eu le chagrin de perdre un premier enfant, né vivant

Mais irrémédiablement condamné, (un enfant « bleu »décédés à vingt-quatre heures de sa naissance) Mars

1935. Elle connut également un incident « technique -Fausse Couche,  en Septembre 1937. Cette épreuve

et toutes les gênes occasionnés par la Guerre, déclenchèrent une Coxarthrose des deux hanches, inopérable

à cette époque .(Finalement la chirurgie lui permit un sursis moyennement plus confortable, en Juin 1953, et

Janvier suivant) .Ces interventions lui permirent de s’associer plus étroitement aux activités de mon Père.

            

   Bien que fatiguée par des journées copieusement remplies, elle lisait beaucoup, se tenait au courant de

tout et me faisait bénéficier de ce vie de l’intelligence qui m’attirait.

Elle fut remarquée par Madame Sommier qui en fit sa Secrétaire Départementale pour l’Action Catholique

Féminine Générale dont elle était la Présidente pour la Seine-et-Marne.

 

 De caractère plus grave que mon père, ma Mère avait une manière plus radicale de réagir aux problèmes

présents, futurs, et même passés. Qu’on en juge ; quelques année après que nous eûmes abandonné la

ferme, elle eut une grave atteinte de Polyarthrite, en Septembre 1967, cette Maladie toucha les mains et les bras, ceux-ci tenaient les cannes dont elle s’aidait pour marcher depuis ses interventions aux hanches de 1953

et 1954.

  

   Faut-il souligner la sévérité de ce nouveau coup du sort ? Ses capacités physiques en furent presque totalement supprimés. Pourtant, elle ne démissionna pas pour autant !

 

   Mon Père et moi, ne devions plus la voir qu’allongée ou au mieux assise dans un fauteuil roulant

elle sut l’utiliser à merveilles, le manœuvrant avec ses jambes pour participer encore et malgré tout

à la vie de la maison.

   

 

                                                                                                   

   Il me reste cependant le souvenir  de deux rémissions de la maladie, qui lui permirent d’une part d’assister aux obsèques de ma Grand-Mère, -sa Mère, et d’autre part de fermer,,avec mes Oncles l’immeuble parisien.

De cet effort, elle ne se remit jamais complètement et s’alita de plus en plus à partir de notre arrivée à la

Glazière,(10 Juillet 1972). Début de notre dernier séjour ensemble, en Seine-et-Marne.

Cette immobilité provoqua une mauvaise circulation et amena un état gangreneux qu’on ne put combattre

et qui condamna à l’amputation des deux jambes.

Finalement, son vieux cœur qui avait tant battu pour ses deux hommes, mon Père et moi, ne résista pas

aux suites de l’opération. Elle s’endormit le 15 mai 1987 et ne se réveilla pas le lendemain. Elle rejoignit

mon Père en terre de Sologne ses obsèques furent célébrées à la Turpinière.

 

  J’aurai rarement vu tomber sur une même personne une telle accumulation de souffrances échelonnées

tout au long d’une vie. Les quelques quarante années que j’ai passées auprès de son lit m’ont profondément

marqué. Comment oublierai-je l’apport intellectuel qu’elle sut se procurer à force de volonté ! Elle me fit participer

et m’initia à cette vie de l’esprit qui était le seul champ qui me fut ouvert.

Et que dire des horizons spirituels que son exemple me fit entrevoir et qui furent la lumière de ma vie.

 

Mon  Père

 

 

 François Marie Doë de Maindreville est né le 11 Août  1901 à

 Compiègne. Il était le 3e fils de Charles Maxime de Maindreville et de Marie-Thérèse Aupépin de Lamothe Dreuzy.

 

    Il demeure pour moi assez mystérieux, quoiqu’à sept ans près, j’ais vécu ses côtés autant qu’aux côtés de

ma Mère et que nous partageâmes certains attraits communs comme notre attirance vers Paris.

 

                Autant qu’excellent mari, il fut un excellent Père et un infirmier attentionné. Seul il pouvait me porter

pour les besoins les plus quotidiens de la vie. « Venez avec moi ,mon Bonhomme….. .» !

Très tôt enfermé dans une surdité croissante, il se livra moins. Il se tourna de plus en plus vers les problèmes

D’intérêt général qu’il voyait sombres. Ainsi se masqua sa vraie nature que j’ai connue gaie. Sa vie spirituelle

resta très marquée par ce qui fut le climat  religieux de sa première éducation. L’évolution de l’Eglise le surprit

et peut-être ne l’attira pas.

 

 Mon père était secret sur ses souvenirs d’enfance. Rien ne me fait penser  qu’il n’eût pas eut une enfance

Heureuse ;- du moins jusqu’à la Guerre de 1914-1918. Mon Grand-Père était Colonel d’Infanterie fut tué

(30 Août 14) mon père jeta toujours un voile de silence sur les trois années suivantes. Par contre, les grands

évènements de cet épisode de notre Histoire étaient très présents à son souvenir. Il leur vouait  une admiration

et un respect particulier. Comme tous les enfants de son milieu social,  il étudia la musique. Pour mieux la goûtée, son choix se porta sur le violon. Un stupide accident devait le priver de ce mélodieux passe-temps.

Pour éviter la Paralysie du secteur public durant les grèves de 1921, il se fit temporairement embaucher dans

Les chemins de fer. Lors d’un nettoyage d’une machine qui roulait  au pas, il  fut happé par un  signal de voie

et tomba près des roues. Il resta dans le Coma durant 48 heures  et s’en tira avec une atrophie d’une partie

essentielle du Biceps gauche.                               

 

Ce dramatique accident  eut pour effet d’estomper quelque peu sa gaitée naturelle, aux dires du moins

de ses frères et sœurs. Il me transmit pourtant cette qualité.

 

 Il y joignait une vraie passion pour tout ce qu’il entreprenait . Il  aborda avec le même entrain la politique

et se lança avant la guerre dans le Mouvement des Croix de feu du Colonel de LA Rocque. Puis il se jeta

dans la vie municipale et aborda l’Agriculture avec le même enthousiasme dans les années 50. Il fallut

aussi le refréner son ardeur devant la musique romantique :il l’enregistrait jusqu’à 3 heures du matin … !

  La seconde Guerre Mondiale assombrit complètement sa joie :-achevant ainsi ce qu’avait commencé

l’accident de 1921. Quand il sut, lui, fils d’officier, que les troupes allemandes foulaient le sol de Paris

son tonus ne résista pas. Il connut alors sa première dépression nerveuse. Sa sœur aînée l’accueillit

à Marseille pour qu’il puisse se remettre dans le calme. 

 

  Peut-être l’événement familial survenu deux mois et demi  avant la déclaration de guerre fut-il pour

quelque chose dans sa fragilité nerveuse.

      La cure de repos prise chez tante Mone, Madame Jacques Révoile, porta ses fruits. Pendent

Une quinzaine d’années et me procura une enfance remplie d’éclats de rire. Mais à partir de

l’automne 1955, le décor changea. Il vécut alors des alternatives d’euphorie enthousiaste et

de profond abattement qui m’ont laissé un souvenir ineffaçable. Cela dura 25 ans et se traduisit

par une anxiété qui allait le plus souvent  jusqu’aux larmes,-malgré la présence d’amis et de parents

en poste professionnel à Fontainebleau.

 

  Ce calvaire prit  normalement et définitivement,  fin  le 22 Novembre 1980. Il repose en Sologne

où ses obsèques furent célébrées à la Turpinière.

 

  Tels furent mes Parents, et je me permets de dire dans les prochaines pages tout ce que je reçus

d’eux dans le domaine de la culture en particulier.

 

 

.

 

                                                   Une Certaine « Maison » pleine d’Histoires.

 

La   Glazière

 

                                                                  

Que l’on arrive de Paris ou Provins,-c’est-à-dire de droite ou de gauche,-il fallait emprunter une

allée de tilleuls. Elle menait  à  la première des deux cours de ferme,-la plus vaste et bordée par les bâtiments

et hangars. On la contourner par l’extérieur en suivant un chemin aux pavés larges, carrés, rudes et inégaux

-vraiment le « Pavé du Roi ». On atteignait ainsi un rond-point qui ouvrait d’un  côté sur l’allée « pommiers » et

de l’autre sur la  cour officielle  du  Pavillon, - la vraie maison de Maîtres.

 

  Ce pavillon constituait la partie droite d’une cour rectangulaire fermée au nord par un mur coupe-vent sur lequel

on donnait du nez après qu’on eut stoppé devant l’entrée principale.

 

  La maison proprement dite se composait d’un long corps de bâtiments qui se trouvait presque de plain-pied avec la cour. Il était terminé, du côté de la grille d’entrée, par une construction cubique coiffée d’un toit à la

Mansart.. On trouvai à l’intérieur de la maison une différence de niveau assez notable. Cette partie surélevée

De six marches, nous devins inaccessible à ma Mère et à moi, à partir des années 50.(Printemps 1952

 exactement).

D ‘après des recherches (officielles) effectuées, ce corps de bâtiment  construit à même le sol

aurait été une  grange. Il  était recouvert d’un toit sans style défini, sous lequel les pièces se

succédaient sans transition naturelle. On trouvait ; en partant du nord, une cuisine et un office

puis deux pièces assez  vastes et d’un seul tenant.. Elles étaient la demeure des Maîtres proprement

dite. Elles étaient carrelées de  blanc et de cabochon noirs. La première, servit longtemps de salle à

manger ; elle fut toujours ainsi baptisée par opposition au  salon. Ma Mère utilisera ce salon comme

chambre et c’est là que se déroulèrent les évènements que la suite décrira.

Cette pièce prenait jour des deux côtés à la fois par quatre fenêtres dans chacune des deux salles.

Les unes ouvraient sur le jardin et les autres sur la cour..

Suivait un long corridor transversal plus long que large qui coupait la maison en deux. Il possédait une

Porte à chaque bout ::l’une côté cour l’autre côté  jardin. Le bureau de mon Grand-Père ouvrait sur ce

Vestibule ; il me servit ensuite de chambre. Au voisinage on pouvait avoir recours à un vestiaire doté de

commodités.

Les murs extérieurs étaient rouges et enduits d’un crépi clair.

Le jardin était conçu à la française. Il s’ornait de deux massifs que j’ai connus plantés de pétunias.

 

Deux pelouses faisaient suite aux plates-bandes, et s’étendaient jusqu’à un étang rectangulaire, ceinturé

de bords en larges et massives pierres blanches. Une pierre de moulin d’ou l ‘on pouvait entendre résonner

un écho, terminait ce « Jardin de curé » à en croire ma Mère. Un bouquet d’arbres assez élevés garnissaient

également, vers le fond ; et de larges sentes entouraient l’allée centrale. Sa superficie devait atteindre je pense

un demi-hectare.

 

 

   Enfin, près de la grille d’entrée, à gauche et en vis à vis de la grande Maison, était bâtie une maisonnette.

Elle joua un rôle central dans notre existence d’agriculteurs. On l’appelait « La Tanière ».

    Tout cet ensemble était fort plaisant en été, mais d’une rudesse inouïe en hiver. A vrai dire, seule une

installation au printemps était concevable là-bas. L’isolement, un climat trop tranché, furent la source de

bien des chagrins pour mon père et de bien des inquiétudes pour moi. Seule ma Mère fut pleinement

heureuse de cette vie. Au point que, même pendant son dernier séjour à l’hôpital,  elle réclamait « sa »

chère Glazière. Tout ce que nous comptions de famille et d’amis tremblait de nous voir si exposés et si

vulnérables devant l’adversité.

      Rien n’y fit. Ma Mère ne comprit jamais le danger et s’obstina. Et me voici seul rescapé de cette

prison Seine et marnaise…

 

 Cet isolement pourtant fut riche en précieuses rencontres. Nos amis Pange résidaient à quelque   Kilomètres et exploitaient eux-même un domaine. Ils devinrent au fur et à mesure des années les

vrais et précieux pillés de notre maison. Et combien d’autres vinrent eux aussi animer notre vie.

  Telle fut La Glazière. Tout à la fois, Statue du Commandeur qui pesait sur nos vies,-et vraiieSphinx qui conservait ses secrets. C’était une présence impitoyable et glacée pour ceux qui

L’interrogeaient sans cesse ; t et une terreur compréhensible et glacée pour ceux qui l’approchaient.

 

 

Et le quatrième ?

 

     J’avais annoncé quatre grands rôles dans notre tragédie. Et l’on n’en trouve que trois ici. Le quatrième c’est

  moi.

 On est mauvais juge en sa partie. Je laisse à mes futures panégyristes le soin de composer ma notice

 Posthume.

 

 

              Et maintenant, venons aux faits.

   J’ai dit comment le Vendredi 4 juin 1954, nous franchîmes la grille de La Glazière. Vraie grille qui allait

  se refermer pour moi sur la vie d’enfance, mais ouvrir sur mon adolescence et ma vie d’homme. C’était

peu avant la Pentecôte. Bien qu’illuminée par le Sacrement reçu la veille, l’atmosphère était lourde.

Ma Mère désirait passer le plus tranquillement possible avec son jeune Confirmé ce dimanche consacré

au Saint-Esprit.. Ma Grand’Mère en avait décidé autrement..   

 

   Après le pluvieux Rallye-Auto du 18 juin, la fin de ce mois fut partager entre un spectacle militaire et un

pénible Devoir. Mon père et fumes conviés à l’une des « Nuits de l’Armée »,organiser au Palais des Sports

par le Ministère de Guerre, me dit-on à l’époque, pour raffermir dans le Public l’image de marque de l’Armée

Française.  

  Mon père et moi contemplions ce Spectacle avec  un sentiment d‘admiration, pour son caractère prestigieux

et l’impeccable tenue des participants

 mais aussi  beaucoup d’émotion en songeant au drame Indochinois aux

conséquences familiales si fâcheuses relatés plus haut. Ce qui fut pour moi une « journée » militaire eut lieu le

27 juin 1954, quarante huit ans déjà.

  Au mois d’avril précèdent, le dernier fils de mon Oncle Michel Marc, 3 Ans, s’était noyé dans un étang voisin

 On avait inhumé l’enfant dans une tombe provisoire. L’enterrement définitif se déroula le lendemain même de

 ce   Dimanche de joie martiale, dans la tombe Familiale, à Versailles. C’est pour moi un bien curieux souvenir

que ce mois de juin 54,où  se trouvèrent mêlés des faits si joyeux et si graves d’une façon si reprochés.

 

 Comme le dit Péguy dans son beau Chant à la Vierge qu’il appela « Présentation de la Beauce à Notre-Dame de          Chartres   :

« Et la Moisson des Deuil, et la Moisson des Fêtes

« Se couche chaque Soirs devant Votre Parvis ».    

 

 

     

    Ainsi se termina réellement ce mois de juin si riche de souvenirs aux couleurs si fortes et si contrastées.

. Sautons maintenant au mois de juillet.

     La pièce d’eau avait le plus grand besoin d’être nettoyée. On fit appel aux secours d’un bulldozer pour le

débarrasser de ses roseaux. Marc Schelcher, toujours amateur de mécanique, arriva conduit par sa Mère ;

Mme Rémi Schelcher, née Marie-Anne Mollie.

    On commença par dégager de leur ronces certains boqueteaux qui, sur l’ensemble de la propriété gênait

la chasse. Ce travaille s’effectua à la plus grande satisfaction des amateurs de ce sport. Puis on s’attaqua

aux roseaux qui encombraient l’étang. L’à ce fut une autre paire de manches. Fort du succès obtenu pour

le nettoyage des bois, le pilote de l’engin n’hésita pas à descendre son «Continental » dans le bassin qu’il

fallait rendre à l’eau. La descente se fit sans encombre. Seule la partie de la berge empruntée souffrit.

 

 Ce nettoyage s’effectua avec la plus grande facilité. On commençait  à se lasser, les commentaires

finaux  fusèrent …On avait rit  trop tôt. En poussant hors du bassin les dernières scories le bulldozer

glissa en marche arrière,  sur la berge humidifiée par ses nombreux  passages. L’engin retomba

heureusement « à plat », mais il s’embourba du même coup jusqu’à Mi-Chenilles. Il fallut trois heures

pour le dégager. On  fit appel à des palans ; on recourut à l’aide (ridicule) du Massey-Haris d’exploitation.

Enfin le Bulldozer fut extrait du bassin. Cousin Marc fit des daguerréotypes du meilleur effet.

La prestation de cette Machine sur la propriété, étant accomplies, elle nous quitta le lendemain.

  Ce séjour mécanique et familial du groupe des Rémi s’achevait également.. Il se situe encore

Parmi les souvenirs de jeunesse.

 

            Nettoyage de l’Etang du Parc de « La Glazière » Aventure de la Technique Moderne.P.17.Fin  07/1954.

           (Photos prises par Marc Schelcher).

.       

 Personne dans la famille n’oubliera, je pense les ballades en Bourgognes instaurées par l’Oncle François

pour aller quérir une « fillette » de vin de pays . Ces joyeuses expéditions occupèrent les deux étés 1954 et 1955. Marc se souvint longtemps d’un coup de Poire (avertisseur des premières voitures à moteur),donné sur le pont

de Sens. Il se chargea de me le rappeler par la suite. Les routes Bourguignonnes nous virent au moins deux

fois durant l’été 1954.

  

   De nouvelles fonctions échurent au Doyen le Père Jozon  Un nouveau titulaire fut donc mis en place, le Père

Robert Cambon. Il devait célébrer sa première messe d’entrée en fonction le 15 août. Madame Schelcher

Douairière voulant assister à cette installation. Elle avança donc le séjour qu’elle devait faire à Brou.   

 

  Mon père la conduisit  chez son frère, Oncle Victor Thiébaut.. Durant le voyage de retour, la conversation, entre

époux vint de nouveau  sur la notre prochaine orientation professionnelle. L’exploitant Agricole de années cinquante, était encore attaché sans remède au site. Il nous proposa donc de profiter  de l’absence de l’Aïeule

inscrite fortuitement dans sa période  « sabbatique », pour aller à  « Chaumes ».

      Aller à Chaumes, c’était pour moi l’occasion de profiter d’un climat et d’une vie mieux adaptés à mon âge.

J’y trouverais des cousins qui étaient   mes contemporains, et je sortirais  pour un temps de ma condition de

petit adulte pas encore adulte.

Un rapide échange de lettres pleine de gaitée nous permit de nous retrouver dans la grande salle du rez-de-chaussée de la bonne ruche Résal, vers le 10 août . Nous passâmes trois jours (seulement) autour de l’instrument fétiche des Résal, le Piano. Je revois la maîtresse de maison, tante Kine, et sa grande sœur

tante Mone, jouant à quatre mains, pour le plaisir de tous ; et en particulier pour celui de ma Mère, qui

 allongée au fond de la pièce ne devait rien perdre des accords du précieux instrument  dont elle retrouvait

pour un temps les sonorités.

 

 C’est à cette occasion que j’entendis parler pour la première fois de douleurs aux bras qui, quelques semaines

avant, avaient taquinée tante Kine. Elle se faisait d ‘ailleurs gourmander par l’autre interprète,(et grande sœur),

quand elle terminait un morceau avec trop de vigueur…

            Mon Père, lui, s’était offert un tour de reins ;  qu’il combattait, afin  d’offrir au plus jeune des garçon

Résal,- Daniel-, une petite démonstration de bicyclette à stabilisateur tout à fait disproportionnée à sa taille.

Evoquant cet exercice, la pansée me vient qu’il prit un risque plus sérieux qu’il n’était nécessaire , puisque

se   termina par une  chute de l’Enseignant,  heureusement dans l’herbe qui bordait le champ  « d’exercice »

et dans un grand éclat de rire. 

-Cher Papa ! que votre jeunesse de  caractère était inestimable !

    Mais il fallut bien rentrer à la maison ! et les jours glissèrent ; et l’intervalle fut court jusqu’à la saison de la

Chasse.

                 

  Cette Ouverture ramenait les cinq petits-enfants Schelcher autour de leur Grand’Mère. L’état de santé de ma Mère demandait des soins particuliers et une installation très étudiée. Aussi habitions-nous la Tanière, qui se

trouvait de plain-pied avec la cour.

 Cela établissait une coupure avec la maison ; souhaitable à certains égards, mais regrettables à d’autres.

Notamment en Septembre. Cette année-là tout le monde usa de diplomatie pour que je prenne le grand

déjeuné avec mes cousins. Et même entendu pour le dîner. Cela représentait un effort pour le vieux

Maître d’Hôtel, Henri, qui servait ma Grand’Mère depuis 1931.

 

D’immortelles parties de croquet suivaient ces repas familiaux. Mon père s’y rendit célèbre par ses

commentaires du jeu !

Quant à ces repas, un détail me revient à l’esprit : j’y manifestait un appétit particulier ;- à ma grande

surprise. Car je pratiquais un grand équilibre, quant à la nourriture..

 

 

 

   C’est en pleine rentrée scolaire que « l’harmonieuse » proféra un Couac. Avec les années, mon alitement

m’affligeait d’une « paresse intestinale » tenace. Mon père s’en inquiétait particulièrement, pour aussi

certains moments de la journée m’étaient devenus « obsessionnel ».Or, au retour d’une promenade à

Provins je me mis à souffrir d’une façon anormale, qui seul m’alerta. Mes parents l’attribuèrent à une

Indisposition  passagère. Ils me couchèrent sans manifester d’émotion particulière. Cette nuit-là fut

calme. Le lendemain, au réveil, la douleur persistant, ma Mère appela la Doctoresse Feine. Après

 m’avoir examiner et questionner, notre médecin ne découvrit rien. Elle prescrivit de L’orthogastrine.

Malgré ce traitement , la douleur ne cessa pas et la fièvre continua de grimper accompagner par une

soif de plus en plus exigeante. Ainsi commença la deuxième Nuit. Au cours d’un changement de

position,(que j’effectuait seul),une douleur fulgurante me traversa. Après avoir véritablement hurler

je devint pour mes parents une vraie locomotive haletante. Mère me massant la poitrine obtint un

apaisement  précaire. Profitant de cette courte accalmie, elle gagna la grande maison pour

appeler la Doctoresse. Celle-ci promit de revenir au plus vite. Alerter vers 5 h du matin, elle

arriva à 7, environ. Je la revois encore après avoir accomplis les mêmes gestes et posées

les mêmes questions qu’hier se relevant et murmurer à ma Mère :

-« Je voudrais bien avoir l’avis  d’un chirurgien, en avez-vous un » ? 

Ma Mère répondit que nous n’en n’avions pas.

 

 

 

Après un rapide coup de Téléphone à la clinique St Joseph, un transport,( avec notre voiture), fut

décidé  vers Fontainebleau.

 

 Dans une salle d’attente  de la clinique, un vieux  Monsieur  à Barbe blanche s’approche de moi

Mr Matri procède à une aussi décevante palpation. Seule ma très mauvaise mine et la fièvre qu’il

devine chez moi, l’incite à opérer d’urgence. L’intervention dura une heure, à la grande inquiétude

de mes parents – préalablement enfermé par Faine, dans la  chapelle de cette clinique tenue par

des Sœurs de « St Joseph de Cluny ».

La Doctoresse  vint rejoindre mes Parents en leur présentant dans un  « haricot »l’appendice

taquin ; dont j’avais seul pressenti les frasques. Ma Mère avait obtenue l’autorisation de demeurer

auprès de moi durant tout ce séjour hospitalier .

 

  La remise en ordre de tout ces circuits cachés demanda trois semaines, tout rentra dans l’ordre et

en fut même amélioré. Cet accroc eut un avantage. Il révéla ma sensibilité au Curare, qu’on avait utilisé

comme anesthésiant. Il produisit un assouplissement de mes membres qui dura quelques jours.

 

 La Doctoresse Faine devait avoir d’autres malades à visiter dans l’établissement. Ainsi passais t’elle

deux fois par semaine, pour avoir un compte-rendu personnel de ma convalescence. Au cours d’une

de ses visite elle demanda à ma Mère de ne pas quitter Fontainebleau, sans m’avoir montré au Docteur

Maury-jeune étoile montante au firmament  de la rééducation-qui exerçait à l’hôpital de Fontainebleau.  

 

    Ma Mère accepta volontiers mais dit  préférer attendre notre retour à la Glazière pour prendre rendez-

vous plus aisément. La clinique me donna le  « feu vert » vert la fin Octobre. Comme convenu ma Mère

prit date avec le service du Docteur Maury pour le 2 Décembre.

 

[1]Le jour du rendez-vous arriva. On nous introduisit . A mon grand étonnement le Maître du lieu resta

Assis au lieu de venir nous acceuellir. Je n’allais pas tarder  à comprendre, après les présentations

D’usages vint le moment de l’examen prétexte . Je vis alors le Docteur se lever à l’aide de cannes

Dissimuler sous son bureau, et  s’avancer très péniblement vers la table où il m’avait fait allongé

par mon père quelques minutes auparavant. Pendant  toute la durée de l’examen, j’étais trop « bluffer »

pour remarqué que trop fatigué par l’effort le médecin demandait à mon père d’accompagner les mouvements

qu’il voulait me voir effectuer.1

 Le résulta de cette consultation fut heureux et me soulagea pendant plusieurs années.

        

  Les grands soucis de santé qui nous avaient occupés, ma Mère et moi durant l’année, s’estompaient leur

souvenirs serait bientôt tout à fait balayé par de joyeuses réunions de famille.                 

 

  Ainsi s’achevait 1954 que j’appellerait toujours l’Harmonieuse à cause de l’atmosphère légère qu’elle présenta

Peut-être pour mes Parents et en tout cas pour moi.

 

                                                                        

                                                               Déjeuné de Noël 1954,chez

                                                              Mon Oncle Jean Schelcher

                                                             11 Rue Murillo.

                                                             75008 Paris.                                     

                                                                             .

                                                                            .

    

 

     Grand’Mère , Madame Xavier Schelcher            Et l’un de ses petits fils.

.    25 Décembre 1954.Au Dîné chez les François de Maindreville.

     .

                                                                                                                                         

                                                                                                                          

                                                                                                                      

 

                                                                  Dîné de Noël 1954 Chez les François de Maindreville.

                                                                Au 3eme Etage du 28 Avenue de Messine. Paris 75008.

                                                               (Photos prise par Mr Marc Schelcher). Cousin de Martial.

 

       .

       Carte de Vœux, pour  1955 , accompagner d’une photo
représentent Mr & .Mme Fr. de Maindreville
avec leur Fils Martial.(Quelques mois avant leur entrés en – Agriculture- )

Photo prise par Marc Schelcher.                                                                                                                                                                          

Allons relevez-Vous ce n'est pas si Grave!