Chapitre XXIV

La forêt s'épaissit

1977



Le Sphinx régnant.

Il me semble qu’à partir de cette année-là et jusqu’en 1980, La Glazière devint omniprésente, lourde

et obsédante, - quasi dotée de puissance…Il émanait d ‘elle une attraction que tous ceux qui la fréquentait

devaient subir, sous peine d’être mal vus.

Les projets d ‘installation à Fontainebleau flottaient dans l’Irréel…Un irréel presque confortable…justifié par

mille interdictions qui, elles étaient bien matérielles celles-là.

Le chaud été dont nous venions de sortir servait d’alibi à ma Mère pour soutenir sa politique campagnarde

..  « plus propice à la santé de votre Papa ».. et pour reculer l’échéance que peut-être elle finissait par redouter…

Notre trio vécut un hiver au petit trot, heureux de se rafraîchir des brûlures subis durant ces mois de chaleur.

Il faut voir cet hiver comme une période de réparation,- et peut-être aussi de préparation.

Les visites allaient leur train. Parmi elles , celle de Monsieur et Madame de Belloy qui nous faisaient d’être depuis

quelques années des habitués de la maison lorsqu’ils passaient par Mimouche. On vit même le présent tendre la

main au passé avec le thé offert au Robert d’Orgeval, véritablement surgis du Paris d’autrefois et réveillant nos

mémoires.

Il fut sans doute question des élections municipales qui approchaient. Elles allaient permettre à mon Père

de reprendre le chemin de la fameuse Mairie des Ecrennes. Mais ce ne devait être que pour une courte durée.

Comme on se le rappelle, il laissera Monsieur Blasset terminer seul le mandat.

 

En compagnie de Charles Péguy.

 

Cet hiver banal et le printemps qui le suivit furent quand même rafraîchis de quelque goûtes de joie.

Joie de partager à quatre une célébration de Noces d’Argent. Il y avait le Couple des Jubilaires (un neveu

et une nièce Droulers ) et le ménage des Pange. Les deux ménages fêtaient leur 25 ans de mariage.      

 

Au cours d’une semaine de février, Christian trouva son couvert mis, comme s’était maintenant habituel à

La Glazière, il vint donc en compagnie de Monique, commémorer cet anniversaire. 

Ma Mère avait remarqué dans son quotidien de prdillection, la sortie d’une médaille frappée à l’Hôtel des

Monnaies, portant la tête du Lieutenant Charles Péguy dont on voyait le col d’uniforme, et à l’avers quelques

tiges de blé.

Le tout entouré d’une phrase de celui qui fut poète et penseur politique. 

Pensant qu’il y avait au moins deux anniversaires du genre de celui que nous venions de fêter, ma Mère,

toujours prévoyante acheta plusieurs de ces pièces d’argent, -quatre,  je crois.

 

Il nous revenait de gâter chacun des deux ménages de Jubilaires, pour leur manifester notre reconnaissance

pour leur affections qu’ils nous avait toujours témoignée. Ce furent les Droulers d’abord en février, puis les Pange

un peu plus tard.

 

Avant de continuer, je voudrais m’arrêter sur une des commémorations, ou plutôt sur ceux qui en furent le centre, Christian et Monique Droulers.  Sur eux,( et sur lui officiellement), ma Mère avait bâti des projets.                                                    

 

Sa confiance en eux était totale. Sa propre disparition et  celle de mon Père entraient dans le domaine des éventualités. Elle avait donc envisagé de confier à Christian l’administration de ma vie solitaire et qu’elle pensait

pouvoir être Briarde. Jouy, où il s’était retiré n’était éloigné de La Glazière que d’une trentaine de kilomètres. Cette solution aurait permis, - dans son rêve maternelle- de me faire « Conserver » le cher endroit. Mais c’était

faire bon marché, primo de la Préemption négociée par Cochelin, secondo, c’était avoir une bien mauvaise connaissance de mon peu d’évolution physique ainsi que des réalités géographique qui séparait La Glazière

de Jouy.1 Bien qu’il eut accepté cette charge de Compagnon-Tuteur, le peu de temps accordé à Christian à

partir de cette époque, ne lui permit pas d’entreprendre son affectueuse mission.

 

Entre Pâques et Ascension, (les dates ont de l’importance ), ce fut au tour des Pange, membres infatigables

des « cellule » de crise de La Glazière d’être joyeusement fêter,- et si j’ose dire « médaillé » ; car l’idée de ces

médailles avait été inconsciemment suggéré à ma Mère par Monsieur de Pange lui-même, qui avait avoué entretenir une collection numismatique. Ils repartirent donc en emportant cette deuxième médaille ; non sans

fait goûter à leur fils Melchior la saveur du premier « Vacherin » qu’il mangeait.

 

Au cours de la semaine suivante, et pour en finir avec ces festivités, la maison ouvrait de nouveau ses portes

à un public, cette fois-ci plus élargi : les amis et relations de Fontainebleau, heureux de féliciter les deux couples

réunis dans dîner debout sous notre toit.

 

Et sans que j’y prenne garde, le rideau commence à baisser sur cette partie de notre séjour. Il ne cessera de

s’abaisser, notamment au cours de cette année 1977,spécialement jusqu’à toucher la scène, le 20 décembre.

A partir de ce mois-là en effet, nous serons entrés dans le maquis inextricable de la Noire Forêt qui a fourni son

titre à ce chapitre.  

 

La Leucopénie.

 

Le premier buisson d’épine rencontré fut le contrôle que ma Mère devait subir comme chaque trimestre à Cochin. Il s’agissait d’ordinaire d’un examen qui ne durait pas plus de quelques heures et qui permettait à la

malade d’être rentrée le soir pour le dîner. Mon Père, en bon époux l’accompagnait,- tant que sa santé le

lui permit. Pour ma part,  je passais ces après-midis à Mimouche à gémir devant Chantal sur un état de

choses elle sur lesquelles elle n’avait nul besoin de mon avis pou se faire une opinion. 

Le lundi était le jour de consultation du Professeur Menkès. Ce jour-là, vigile de l’Ascension, l’ambulance

qui devait me reprendre à Mimouche, se fit exagérément attendre. Les Pange recevaient à dîner des amis

personnels. La Maîtresse de maison était monté se changer. Quant elle redescendit, j’avais eut le plaisir d’être

présenté à Monsieur et Madame de Lavocoupet qui venait d’arriver.

 

La perplexité devenait grande, et je commençais à être gêner de mon personnage, et je souhaitais que les

choses retournent à la normale. Gentiment on envisageait de m’admettre au cercle des convives du repas.

 

Par la fenêtre, je vis la voiture tant attendue se profiler. Il était à peu près 7 heures moins un quart. Le retard

était donc grand. Après le coup de sonnette annoncent un visiteur, j’entendis mon Père dire à Chantal :

-« Madame, ils ont garder Jeannine » ;- cette phrase naturellement brouillée par l’émotion. L’ami Joseph

le chauffeur des Ambulance Ferry, s’encadra dans la porte du salon. Mon Père le suivait, il était en effet dans un

état de larme inquiétant. Le résultats des analyses, calmement interprétées par Menkès indiquait une leucopénie

(disparition partielle ou totale des globules blancs ) qui l’avait amené à retenir ma Mère à l’hôpital jusqu’au retour

à la normale ; - c’est à dire pour une durée indéterminée.

Ma Mère eut beau invoquer la proximité de l’Ascension, et par conséquent de la paralysie des laboratoires, Menkès fut inflexibles :

 

-« Vous risqueriez trop une infection. Vos transports en ambulances en seraient compliqués »)..

 

Il fallut bien céder. Menkès termina sa phrase en priant sa secrétaire, Madame Bertrand, de faire préparer

une chambre très aérée, dans les étages. C’est donc d’un lit d’hôpital que ma Mère nous envoya, griffonné sur

un papier la liste des médicaments que mon Père et moi devions prendre, et leur dosage.

 

Aussi est-ce un homme encore vieilli par rapport à 1974, et plus anxieux encore qui vint me rechercher ce soir-là à Mimouche. La vie solitaire des deux  hommes de La Glazière, justifia pleinement l’anxiété où m’avait plongé

la mine défaite de mon Père lorsque bous quittâmes la ferme amie.                                                                       

Malgré la présence des Ahrenchiagues, des Chevron-Vilette et bien entendu des Pange, nous vécûmes dans

l’inquiétude. Sur la table qui servait à dire la Messe le courrier s’amoncelait,-  intact,  sauf le  Figaro que mon Père ouvrait. Heureusement, la Poste ne nous apporta aucun avis de présence urgente. Les lettres restèrent

donc là attendant « le retour de votre Mère » disait mon Père.

 

La situation était d’autant douloureuse que nous restions sans source de nouvelles crédibles. La rapidité avec laquelle s’était effectuée l’hospitalisation n’avait pas permit d’avertir grand monde, -pratiquement personne. Et

c’est de La Glazière que nous dûmes choisir quelles seraient , parmi les bonnes volontés, celles qui pourraient

consacrer un peu de leur temps à visiter notre chère malade, - et nous téléphoner les compte-rendus les plus

précis sur l’évolution de la crise.

 

Comme trois ans auparavant, le choix s’arrêta sur Madame Paul Résal,- Tante Kine, sœur de mon Père, qui

habitait le quartier de l’hôpital Cochin. A cela, il y avait un inconvénient. Ma Tante était comme son frère allergique au téléphone. Car ils ne s’entendaient pas…  Leurs oreilles n’avaient pas suivi le progrès

technologique. A la rigueur Tante Kine aurait pu s’y faire, mais pour mon Père il n’en était pas question.

Leurs prestations téléphoniques étaient infernales pour les deux correspondants et insupportable pour

l’entourage.

 

De sorte que tous les soirs, nous attendions et espérions des nouvelles de Cochin, et ma Mère en

attendait autant de La Glazière ; - chaque jour elle interrogeait sa Belle-Sœur avec impatience à notre

sujet.

Une opinion ( peut-être risquée ).

 

A ce point du récit, j’ai envie de risquer une explication sur la santé de ma Mère. Elle n’engage que moi

bien entendu. Malgré un net redressement durant l’été, à compter de mai, son état rencontrera de gros écueils

Après son déséquilibre hématologique, -heureusement traité en huit jours et qui ne fut qu’une chaude alerte

( au moins officiellement ), et un avertissement, l’automne se passa,- à travers une série de malaise qui se produisait en fin de semaine.

 

Les accords passés avec Jehanne Thibault la laissait maîtresse de ses Week-ends. Pour assurer la plus

élémentaire alimentation, mes Parents se trouvaient à la tête des plats que Jehanne nous préparait avant de

partir et qui devaient couvrir deux jours. Etait-ce encore trop demander à l’état nerveux de ma Mère ? Comme

mon Père le pensait ?

 

A Paris en mai, qu’avait découvert Menkès et son équipe ? Peut-être la Patiente connaissant la fragilité

nerveuse de ses hommes, avait-elle demander à Monsieur Menkès de renforcer encore son silence professionnel ? ou tout du moins de déguiser sa réponse ?

Peut-être le lecteur aura-t-il deviné ou je veux le conduire. Restons prudent. Fallait-il aller jusqu’à un

possible Cancer ? Je le suppose. Cette maladie aurait-elle occupé les dix dernières années de la vie de ma Mère ? Elle serait apparue, à mon sens, dès mai 1977, et se serait installée en décembre de la même année.

 

On pourra toujours m’opposer que le double examen et l’analyse de sang auxquels était soumise ma Mère

depuis le début de sa Polyarthrite n’ont jamais donné lieu à aucun commentaire, ou me semble-t-il éveillé

l’attention ni du Docteur Roux ni du Professeur Menkès. Ni le petit toubib qui travaillait sur le terrain, passant

notre seuil au moins tous les quinze jours, ni le haut professeur de Faculté qui très humainement  portait intérêt

à mes Parents et à moi-même qu’il connaissait par ouie dire.                                                                                

Ne pouvaient se confier l’un à l’autre ses observations. Quant au troisième le Docteur Roux, il était loin de

Paris et avait peut-être d’autres cas plus urgent à traiter. 

 

Le récit peut maintenant reprendre, il suffira d’un clin d’œil pour que le lecteur puisse comprendre ma

pensée. Ma Mère nous fut donc rendue après huit jours seulement. Elle revint un jour de grève ;- où nous

étions loin de l’attendre. La Pentecôte n’était pas éloignée. Elle fut particulièrement éclairée par la présence

du ménage Michel de Laval et de Marie-Hélène Mathieu à laquelle mon malheureux Père ne fit pas grâce de

ses préoccupations et de ses inquiétudes, au cours d’un tour de jardin. Notre chef de famille reçut  quelques

rapides apaisements quant à mon avenir dont il se faisait tant de soucis. Et je les revois tous les deux remontant

une petite pente pour regagner l’abris des marronniers. Elle avait les mains croisées derrière le dos et remplies d’une gerbe de fleurs sauvages ; elle paraissait attentive à apaiser son compagnon, ou attentive à ce qu’il lui confiait. En fait elle venait de lui promettre de s’occuper de moi quand le moment serait venu.

L’apaisement fut de courte durée, car dès le lendemain j’aurais juré que tout était à refaire. Les mêmes

Inquiétudes avaient reparues. Tel était le mal de mon Père. ..

 

Laissons cette Pentecôte si pleine d’espérances et venons  à l’été qui va suivre. Il fut lourd de menaces et

de chagrin pour nos amis Pange. Le cœur de Madame de Pange Mère commença à donner des inquiétudes.

Et ces inquiétudes n’étaient pas vaines. Malheureusement en effet, Madame de Pange mourut rapidement.

Ma Mère avait pensé nous faire conduire aux obsèques, mon Père et moi, par le ménage Chevron-Villette,

si toutefois la cérémonie avait eu lieu en Seine et Marne. Mais ce fut la Lorraine qui accueillit Madame de

Pange.

Un dîner informel eut lieu pour organiser, la chose avec les Chevront-Vilette auxquels s’était joints les

Ahrenchiagues venus en voisins et amis. Et c’est au cours de ce repas que se présenta le deuxième buisson

d’épines, tout psychologique, précédant la fameuse forêt.

Dans le brouhaha du lever de table, Françoise Ahrenchiagues, qui avait remarqué que je m’étais entretenu avec sa fille Aude d’un éventuel pique-nique en fin d’été, s’approcha de nous et me dit entre haut et bas :

 

-« Ne pense pas trop à ce pique-nique. Jean est nommé à Lille. Nous nous y installons dès septembre

pour la rentrée de Gabriel » (son dernier fils qui avait 4 ans).

 

De la soirée, je ne rappelle qu’une chose. Je l’ai passé adossé au bureau-ministre occupant un ange du

salon ;-assez décontenancé par ce départ prévu mais soudain si proche ; - et dont personne d’entre nous

trois n’osait envisager le moment exact. Les  Ahrenchiagues en effet avaient au sein des amis de

Fontainebleau une place toute particulière. Ils représentaient l’élément familial qui, selon moi, manqua

souvent à La Glazière. Et par là je veux dire : élément familial Maindreville. Celui qui avait si fortement

influencé mon Père.     

 

En passant la porte, Françoise me chargea de faire la commission à mes Parents. Je ne pus la tenir

cachée à ma Mère ; elle l’accueillit avec une résignation toute chrétienne. Elle était plus familiarisée que

moi, avec tous ces départs, quels qu’ils soient….  Le nouveau poste de Jean étant bien matérialisé et

cartographié ce n’était pas une séparation sans remède dont nous avions, hélas l’habitude depuis un

moment.

 

Ma Mère m’assura qu’étant donnée l’affection que le ménage et ses enfants nous avaient manifestée,

les uns ou les autres n’hésiteraient pas à faire un saut à La Glazière au cas ou des ennuies vraiment

sérieux apparaîtraient. Toutefois nous convînmes tous les deux d’attendre le lendemain pour annoncer

ce contre-temps à mon Père. (Ce qui ne fut pas simple à gérer ).

Un sombre dîner eut sans lieu vers la fin de juillet. Devant nous s’étendait le traditionnel vide d’août.

 

Cependant ce calme fut un peu animé- tout est relatif ! – par l’écho des préparatifs du Jubilé d’Or

de Monsieur et Madame de Belloy. Fête familiale,- et pour nous amicale – à laquelle ma Mère tint à nous

associer en envoyant à Thote une corbeille de fleurs qui occupa ; paraît, tout l’espace de la Fiat 500 d’Astrid.

 

Est-ce pendant ce temps-là ou après que notre vieil ami Henry Pelletreau quitta ce monde ? Il avait été

un ancien danseur de ma Mère, et il laissa là, bien incorrectement, son « flirt », « faire tapisserie » durant

exactement 10 ans… Sa mort fut, je crois, accueillie avec une pitié reconnaissante. Monsieur Pelletreau

avait un peu perdu l sens des réalité Il fit la Grande Guerre, dans les Services Secrets de la Marine et la

crainte de se voir questionner par les Services adverses l’assaillait depuis au moins deux ans….Il se

voyait déjà entre les mains des « Spécialistes ». Il exprimait cette crainte à haute voix, ce qui pour sa famille

rendait son approche particulièrement douloureuse…Ce fut vers la fin d’août qu’il fut délivré définitivement de

cette obsession.

 

Dans un tout autre domaine, la mort visita aussi le monde des Géants. Il perdit le 17 celui qu’on avait

appelé « The King »....Elvis Presley.1 On pense bien que nous regardâmes passer ce train-là avec autant

d’intérêt que les vaches du Père François, consacre à celui de 12 heures 45.  

 

A la même époque, un événement régional fit grincer les dents de certains et divertit les autres. Il s’agissait d’un remariage,- chose banale en soi ; n’étaient les modalités de la cérémonie qu’avaient choisies Madame

Roux, déjà citée dans ces pages. Ce fut une célébration, car en accord avec son nouvel époux (75 ans),

Monsieur d’Esquerac Lauture, ils se passèrent des services du Maire, ne voulant d’autres témoins que le

Seigneur lui-même par l’intermédiaire d’un de ses prêtres…

Un prêtre fut effectivement trouvé. Fut-il suffisamment informé du genre de contentement qu’on lui demandait

de cautionner ? Etait-ce un illuminé qui estimait que le passage devant l’Autel seul suffisait ? A cause de l’âge

des jeunes époux, l’aventure trouva ses supporters et ses détracteurs. Mon Père fut de ceux-ci. Officier d’Etat

Civil dans les années 50, il toléra mal que la Loi fut ainsi bafouée. Malgré son urbanité, il ne pu se retenir de

marquer une forte réserve devant Madame Roux qui lui annonçait joyeusement la nouvelle.

 

Juliette Roux dont j’ai dit quelque part le caractère charitable mais fantasque, épousait donc Monsieur

D’Esquerac Lauture, lui aussi ancien danseur de ma Mère. Il devait d’ailleurs s’éteindre avant ces deux

Dames, les précédant de deux et de quatre ans2  

 

Il y eut aussi le parti des rieurs. Christian Droulers, en apprenant la chose au cours d’un de ses

Dîners hebdomadaires, en rit du potage au dessert…

 

Un dialogue prémonitoire.

 

Mais septembre vint. Il fallut bien se rendre à l’évidence : les Ahrenchiagues allaient partir.

l’anesthésie des vacances avaient quelque peu estompé ce désagrément. J’ai un souvenir précis

de leur visite d’adieu. Après avoir parlé de la plante offerte qui avait pris place dans leur jardinet

Françoise déclara à ma Mère :-Tante Jeannine savez-vous qu’en cadeau d’adieu, Jean (Ingénieur DDE) vient de doter Melun d’un nouvel Hôpital ?

Ma Mère apprit du même coup qui était la donatrice. Il s’agissait, je crois, de la Princesse de Faucigny

Lussinge. Ma Mère se lança alors dans une grande explication généalogique. C’était sa grande passion.

Puis il fut temps de rejoindre la voiture des partants. Tout le monde essaya de se réconforter mutuellement

par la promesse de visites fréquentes et on s’assura d’une pensée quasi-constante.

 

Si j’ai parlé de prémonition à propos de l’Hôpital, c’est que ma Mère, dix ans plus tard, sera amenée à

demander tragiquement abri à cet établissement dont elle avait parlé ce jour-là  sur le mode le plus mondain.

Ainsi, ce neveu si hautement apprécié, avait travaillé sans le savoir à ce qui serait le havre final de sa Tante

Généalogiste…

 

Le fait que le ménage ait évoqué devant ma Mère l’obtentention de ce Permis de Construire, m’a toujours

semblé étrange et un peu prémonitoire. En effet, ma Mère aurait pu tout aussi bien décéder à Paris, à Cochin,

comme elle en évoquera la possibilité avec Menkès,- ou s’éteindre paisiblement à La Glazière, comme je me

l’étais toujours figuré, avec terreur.

 

Pour la deuxième fois, je vais tenter de prendre une photo imaginaire.

Les Ahrenchiagues s’éloignant, les acteurs de notre pièce s’en trouveront réduits d’autant. Mon Père perdra

avec Françoise une de ses auditrices parmi les plus compréhensives à ses angoisses. Cette disparition sera

à coup sûr une des modestes causes du marasme dans lequel nous plongerons l’années suivante.

 

En 1977, nous sommes à l’année A – 3, du décès de mon Père. Durant ces trois années qui viennent , il n’y

aura plus à enregistrer qu’un départ ; celui de Christian Droulers, et une arrivée, celle de Dominique de Maindreville, qui ne fera qu’apercevoir une seule fois à La Glazière, ce cousin.  

 

Dix ans plus tard, pour le décès de ma Mère, d’autres acteurs auront fait leur apparitions sur le théâtre. Il

commenceront à répéter leur rôle dès 1980.

La dernière tentative du Docteur Roux.

 

Mon Père avait toujours aimé les chiens. Comme on l’a vu, il avait pu donner libre cours à ce penchant ;- à

partir de 1957, avec l’arrivée de Grisby dont j’ai conté l’histoire et dit l’utilité. En 1960, il avait cherché à avoir

de petits Grisbyllons. A cette fin, il avait donné à notre chien une compagne, Jalna.

Cette jeune femelle, pourtant achetée dans un élevage réputé de la race Boxer, présenta très tôt de telles déformations osseuses que la vendeuse elle-même conseilla à mon Père d’éviter tout croisement. C’était pourtant le but avoué de l’opération… Cette impossibilité parut décupler l’affection de mon Père pour ses chiens.

Peut-être trouvait-il dans se domaine un champ d’action à son autocratisme naturel, que sa courtoisie l’empêchait

d’exercer sur son entourage… 

 

La disparition successive des deux bêtes en 1966 et 1972, le plongea dans un état de prostration et de larmes

qu’il me fit exagérément partager. On se le rappelle à propos de Grisby. Les soucis qu’il nous donna lors de notre

installation à La Glazière firent la Une de notre actualité au moment de la mort de Jalna. Les choses en restèrent

là pendant quelques années.

Cela dura exactement jusqu’en 1975. On sait le détail de nos préoccupation de cette année là. Le départ du Garde-Chasse y eut une grande place. Tuhault eut alors un scrupule de nous laisser dans une si totale solitude.

Il tenta donc de palier cet inconvénient en nous laissant un Berger Allemand que les hasards de ses tournées

d’inspections l’avait amené à rencontrer puis à adopter. Son nom était Stop, il était vêtu d’un manteau noir, son poitrail et ses pattes étaient blancs. Comment la présence de ce chien fut-elle acceptée par ma Mère ? Elle

n’appréciait pas les chien-loups, redoutant toujours qu’à création de cette race des croisement n’ait lieu entre

certains chien, et la bête sauvage bien connue.1 Elle trouvait en plus à cette race, un caractère trop dociles ettrop mécaniquement obéissants,- dénués d’esprit de race et de joie. Elle les trouvait horriblement banals ;-presque communs, parce que trop demandés par soi-disant amateurs de chien.  Elle obtins qu’on laissa Stop

 

dans l’enclos que Tuhault lui avait affecté dès son arrivée. Il était bien entendu que son nouveau maître

pourrait venir le voir autant qu’il  lui plairait. Or une pluie printanière opiniâtre s’installa. Mon Père transféra

alors sur l’animal la répugnance et l’inconfort personnels que lui imposait ce temps. Il s’émut du sort de

l’animal, le plaignant de devoir rester seul dans les intempéries….Et nous voici au cœur du problème !

Quelques heures plus tard, tous deux faisaient leur entrée en force dans le salon. Ma Mère n’osa protester.

Elle savait combien ces compagnons à quatre pattes étaient nécessaire à l’équilibre de la maison.

 

Quant à moi, si je voyait avec plaisir Stop se rapprocher, c’était aussi un thème de méditation qui m’était

offert. A 76 ans, il était plus que risqué que de penser pour mon Père à la venue d’autres chiens. Stop serait

sans doute le dernier dérivatif de son Maître. Mais par ailleurs, je nous voyais mal encombré d’un animal à

l’exubérance imprévisible, en cas de disparition de son maître.

 

La saison automnale et les appétits naturels d’un jeune chien de six ou sept ans l’entraînèrent un jour

loin des limites de la proprIétés.

 

-Amour, quand tu nous tient !…

 

Pour mon Père commença alors une véritable chasse à courre, en 2 CV, à travers la proche région. Il

en revenait à midi et le soir, chaque fois plus abattu. Son trouble était si grand qu’il ne se souvenait plus

des  couleurs de celui qu’il cherchait. Il crut ainsi le reconnaître une dizaine de fois. Il croyait aussi à la bonne

volonté des voisins qu’il rencontrait et qu’il interrogeait. Mais, coupé du milieu des fermiers depuis plus de

10 ans, il ne connaissait plus la jeune génération des exploitants agricoles qui devaient s’étonne de voir ce

vieux Monsieur soudain fébrile parce que son chien courrait la prétentaine.  

Cette recherche dura une grande quinzaine,- pour ne pas dire un mois. Elle durait encore, je crois

lorsque le hasard le fit tomber sur le Docteur Roux entrain de renouveler une ordonnance pour ma

Mère. Le Docteur, frappé sans doute par l’état de mon Père, lui proposa l’un des jeunes chiots qu’il

venait d’avoir de sa propre chienne.

Cela ferait l’économie d’un nouveau médicament supplémentaire que sa mémoire d’ailleurs, ne lui présentait

pas sur le champ.

 

Ce fut là ce que j’appellerai la dernière cartouche du Docteur Roux, avant le « laisser courir » des derniers

Mois. Cette offre généreuse fut accueillit avec une reconnaissance émue par ma Mère et par une indifférence

quasi-hypocrite par mon Père. Pourtant ; il finira par s’attacher à Basile. Ce petit chien finira par apaiser quelque

peu la mélancolie des trois prochaines années.

 

 

De nouveau Maria.

 

Sur un plan plus humain, j’aimerais noter le passage pendant ce « drame » de Maria Graffin von Wrsch que

nous avons déjà citée en 1974. Elle s’était annoncée dès le début de l’été 1977. Ai –je dit qu’elle poursuivait

des études d’infirmière à Berlin ? et qu’elle portait couramment les couleurs de l’Ordre de Malte ? Le fait

d’appartenir à cet Ordre Hospitalier l’autorisait à participer au Pèlerinage  de la branche allemande de cet

Ordre à Lourdes ; - pèlerinage auquel elle pensa un instant m’emmener un jour…dans le futur. Mais des

préoccupations de tous genre nous empêcheront de donner corps à ce projet.

 

Infirmière, elle pu juger froidement du malheureux état de son vieil ami. Maria en fut, je crois épouvantée.

veut-on une preuve de la générosité de cœur de Maria ? Restée fidèle à La Glazière, elle y visitera encor (et

pour la dernière fois), en septembre 1980 les deux esseulés. Puis ayant apprit la pénible situation dans laquelle

se trouvait mon Père, elle n’hésitera pas à s’égarer dans les rues environnant la Salpetrière pour y aller encore une fois embrasser une dernière fois son vieil ami qui y luttait encore.

 

Ayant compris la gravité pour nous de ce dernier séjour à l’hôpital, elle s’ouvrit  à ma Mère du projet qu’elle

 

 

caressait d’entrer dans un Carmel Allemand. Peut-être passa-t-elle un temps de Prière à Auschwitz avant

que le Pape ne rendit ce lieu à son effroyable silence.

Une fois rentrée en Allemagne, le silence retomba sur Maria, dont je n’ai plus eut de nouvelles depuis

24 ans1.

J’aimerais noter que Mademoiselle von Wechs fut la tout dernière compagne ou compagnons d’été qui

formèrent autour de moi une chaîne d’amitié durant quelques 25 ans. Cette chaîne commença avec Alain

Laroche en 1955, et prit fin malheureusement en 1980, avec cette charmante Maria. Elle était apparenté aux

Arnim qui s’illustrèrent dans l’Histoire Militaire de l’Allemagne. Maria était également la nièce du Cardinal

August von Galen qui occupa le siège de Munster pendant la dernière Guerre. Il fut appelé « Der Löwe »

Le Lion, pour sa résistance à Hitler. Il fut honoré par la philatélie Allemande. Et c’est en feuilletant ma

Collection de timbres de son pays que Maria m’avoua sa peu surprenante parenté.

 

Il commence à venir ton télé !     

 

Novembre 1977 ne laissa pénétrer à l’intérieur de La Glazière de sa brume. Elle assourdit les échos

et estompa les souvenirs. On dut accoutumé le jeune Basile du Docteur Roux à son nouveau maître.

 

Un téléviseur plus vaillant remplaça le « Barco » qu’une absence de régulateur avait prématurément

vieilli. Un « Grundig » le remplaça et devait être le dernier à trôner dans la salle à manger2. En l’installant

P.C. eut cette étrange conclusion :

 

-Tu a raison de le changer il commence à venir, il commence à s’agenouiller ton Télé.

 

Cela peut paraître hermétique, mais cela se comprenait dans le langage du jeune commis de la

Maison « Richard Radio ».       

Le coup du 20 décembre 1977

 

Bien que de plus en plus handicapée,  ma Mère voulut se faire renouveler sa Carte d’Identité. C’était son idée.

 

Ses papiers lui étaient constamment demandés. Par la même occasion,  je bénificirait d’une semble demande auprès des bureaux concernés..

Restait à se faire photographier…Quelques années auparavant, je m’était fait donner un « Ista-Matic » Kodak

pour fixer le souvenir des quelques instants heureux de cette époque,-et que j’ai précédemment racontés.

 

 

             Ma Mère, peu au courant des techniques, pensa que ce petit appareil permettrait de faire de petite photos…

Profitant d’une visite de vœux des Chevront-Villette, ma Mère demanda à Magdeleine de nous photographier

l’un puis l’autre. Le résultat fut naturellement sans rapport avec des photos d’identités. Mais celles de ma

Mère me restent comme un souvenir ce fameux  20 décembre 1977.A noter ces photos furent les dernières,

à mon souvenir, qui aient été prises de ma Mère.

        Une partie du rouleau était consacré à ma propre effigie, mais heureusement cette partie a disparue.

    

        Le ménage de nos amis nous quitta au début de l’après-midi  Une fois pris le sacro-saint thé, ma Mère

        et moi, nous nous attaquâmes à la seconde partie de la correspondance de fin d’année. Quand je dis           

        « nous », il faut comprendre que lui dictais une phrase de souhait qui pouvait plaire, ou évoquait quelque

        souvenir d’événement vécus avec mon correspondant.          

    

            Soudain, ma Mère s’écroula littéralement, le buste en avant, sur le plateau du bureau « dos d’âne qui

aujourd’hui à ma gauche tandis que j’écris. Elle se plia donc en demandant le secours d’urgence de notre cher infirmier. Puis, une fois allongée, la douleur quelle avait ressentie ne s’apaisa guère. Elle l’attribua à une vieille

gastrite qui l’accompagnait depuis toujours.       

Il fallut appeler le Docteur Roux qu’on eut la chance de trouver. Il arriva aussi vite que possible, e             perplexe, fit une piqûre calmante. Il en ordonna une seconde à faire tard si la première restait sans effet. La seconde sera en effet nécessaire et sera faite vers 21 heures 30 ou 22 heures, par notre Infirmière Rurale Mademoiselle de Montbelle. Il s’agit, je crois des deux premières piqûres de            Morphine qu’on ait faites à ma Mère. Elle eurent le mérite d’anéantir la souffrance et de facilite le sommeil de la malade. Le lendemain, il ne restait rien des alarmes de la veille et de la nuit.

         


 

1 Dans ce décompte mal fait il ne faut pas oublier la différence de nos deux âges. J’ai toujours eu tendance à

considérer Christian comme un Oncle, mais non comme un cousin.                  

1  Il ne faut jamais dire « Fontaine…

2         En effet le Marquis d’Esquerac Lauture mourra en 1985, ma Mère en 87, et 1989, Madame nous quitta  à son tour.

       

1 Etant donné mon état, elle craignait pour moi, chez ce chien, un réveil du Loup avec la race desquels elle                               

croyait savoir qu’il y avait eut des croisements à l’origine.

 

1 Comme tout le reste du volume ces lignes sont informatisées et actualisée en 2003-2004.

2 Il y restera jusqu’à l’automne 1987 à peu près dix ans. Et que les déménageurs familiaux ne l’emporte à Orgeval sur mon offre.

C'est vertigineux...La machine accélère.