Le Sphinx régnant.
Il me semble qu’à partir
de cette année-là et jusqu’en 1980, La Glazière devint omniprésente, lourde
et obsédante, - quasi
dotée de puissance…Il émanait d ‘elle une attraction que tous ceux qui la
fréquentait
devaient subir, sous
peine d’être mal vus.
Les projets
d ‘installation à Fontainebleau flottaient dans l’Irréel…Un irréel presque
confortable…justifié par
mille interdictions qui,
elles étaient bien matérielles celles-là.
Le chaud été dont nous
venions de sortir servait d’alibi à ma Mère pour soutenir sa politique
campagnarde
.. « plus propice
à la santé de votre Papa ».. et pour reculer l’échéance que peut-être elle
finissait par redouter…
Notre trio vécut un hiver
au petit trot, heureux de se rafraîchir des brûlures subis durant ces mois de
chaleur.
Il faut voir cet hiver
comme une période de réparation,- et peut-être aussi de préparation.
Les visites allaient leur
train. Parmi elles , celle de Monsieur et Madame de Belloy qui nous faisaient
d’être depuis
quelques années des
habitués de la maison lorsqu’ils passaient par Mimouche. On vit même le présent
tendre la
main au passé avec le thé
offert au Robert d’Orgeval, véritablement surgis du Paris d’autrefois et
réveillant nos
mémoires.
Il fut sans doute
question des élections municipales qui approchaient. Elles allaient permettre à
mon Père
de reprendre le chemin de
la fameuse Mairie des Ecrennes. Mais ce ne devait être que pour une courte
durée.
Comme on se le rappelle,
il laissera Monsieur Blasset terminer seul le mandat.
En compagnie de Charles
Péguy.
Cet hiver banal et le
printemps qui le suivit furent quand même rafraîchis de quelque goûtes de joie.
Joie de partager à quatre
une célébration de Noces d’Argent. Il y avait le Couple des Jubilaires (un
neveu
et une nièce
Droulers ) et le ménage des Pange. Les deux ménages fêtaient leur 25 ans de
mariage.
Au cours d’une semaine de
février, Christian trouva son couvert mis, comme s’était maintenant habituel à
La Glazière, il vint donc
en compagnie de Monique, commémorer cet anniversaire.
Ma Mère avait remarqué
dans son quotidien de prdillection, la sortie d’une médaille frappée à l’Hôtel
des
Monnaies, portant la tête
du Lieutenant Charles Péguy dont on voyait le col d’uniforme, et à l’avers
quelques
tiges de blé.
Le tout entouré d’une
phrase de celui qui fut poète et penseur politique.
Pensant qu’il y avait au
moins deux anniversaires du genre de celui que nous venions de fêter, ma Mère,
toujours prévoyante
acheta plusieurs de ces pièces d’argent, -quatre, je crois.
Il nous revenait de gâter
chacun des deux ménages de Jubilaires, pour leur manifester notre
reconnaissance
pour leur affections
qu’ils nous avait toujours témoignée. Ce furent les Droulers d’abord en
février, puis les Pange
un peu plus tard.
Avant de continuer, je
voudrais m’arrêter sur une des commémorations, ou plutôt sur ceux qui en furent
le centre, Christian et Monique Droulers.
Sur eux,( et sur lui officiellement), ma Mère avait bâti des
projets.
Sa confiance en eux était
totale. Sa propre disparition et celle
de mon Père entraient dans le domaine des éventualités. Elle avait donc
envisagé de confier à Christian l’administration de ma vie solitaire et qu’elle
pensait
pouvoir être Briarde.
Jouy, où il s’était retiré n’était éloigné de La Glazière que d’une trentaine
de kilomètres. Cette solution aurait permis, - dans son rêve maternelle- de me
faire « Conserver » le cher endroit. Mais c’était
faire bon marché, primo
de la Préemption négociée par Cochelin, secondo, c’était avoir une bien
mauvaise connaissance de mon peu d’évolution physique ainsi que des réalités
géographique qui séparait La Glazière
de Jouy.1 Bien qu’il eut accepté cette charge de
Compagnon-Tuteur, le peu de temps accordé à Christian à
partir de cette époque,
ne lui permit pas d’entreprendre son affectueuse mission.
Entre Pâques et
Ascension, (les dates ont de l’importance ), ce fut au tour des Pange, membres
infatigables
des « cellule »
de crise de La Glazière d’être joyeusement fêter,- et si j’ose dire
« médaillé » ; car l’idée de ces
médailles avait été
inconsciemment suggéré à ma Mère par Monsieur de Pange lui-même, qui avait
avoué entretenir une collection numismatique. Ils repartirent donc en emportant
cette deuxième médaille ; non sans
fait goûter à leur fils
Melchior la saveur du premier « Vacherin » qu’il mangeait.
Au cours de la semaine
suivante, et pour en finir avec ces festivités, la maison ouvrait de nouveau
ses portes
à un public, cette
fois-ci plus élargi : les amis et relations de Fontainebleau, heureux de
féliciter les deux couples
réunis dans dîner debout
sous notre toit.
Et sans que j’y prenne
garde, le rideau commence à baisser sur cette partie de notre séjour. Il ne
cessera de
s’abaisser, notamment au
cours de cette année 1977,spécialement jusqu’à toucher la scène, le 20
décembre.
A partir de ce mois-là en
effet, nous serons entrés dans le maquis inextricable de la Noire Forêt
qui a fourni son
titre à ce chapitre.
La Leucopénie.
Le premier buisson
d’épine rencontré fut le contrôle que ma Mère devait subir comme chaque
trimestre à Cochin. Il s’agissait d’ordinaire d’un examen qui ne durait pas
plus de quelques heures et qui permettait à la
malade d’être rentrée le
soir pour le dîner. Mon Père, en bon époux l’accompagnait,- tant que sa santé
le
lui permit. Pour ma part,
je passais ces après-midis à Mimouche à
gémir devant Chantal sur un état de
choses elle sur
lesquelles elle n’avait nul besoin de mon avis pou se faire une opinion.
Le lundi était le jour de
consultation du Professeur Menkès. Ce jour-là, vigile de l’Ascension,
l’ambulance
qui devait me reprendre à
Mimouche, se fit exagérément attendre. Les Pange recevaient à dîner des amis
personnels. La Maîtresse
de maison était monté se changer. Quant elle redescendit, j’avais eut le
plaisir d’être
présenté à Monsieur et
Madame de Lavocoupet qui venait d’arriver.
La perplexité devenait
grande, et je commençais à être gêner de mon personnage, et je souhaitais que
les
choses retournent à la
normale. Gentiment on envisageait de m’admettre au cercle des convives du
repas.
Par la fenêtre, je vis la
voiture tant attendue se profiler. Il était à peu près 7 heures moins un quart.
Le retard
était donc grand. Après
le coup de sonnette annoncent un visiteur, j’entendis mon Père dire à
Chantal :
-« Madame, ils ont
garder Jeannine » ;- cette phrase naturellement brouillée par
l’émotion. L’ami Joseph
le chauffeur des
Ambulance Ferry, s’encadra dans la porte du salon. Mon Père le suivait, il
était en effet dans un
état de larme inquiétant.
Le résultats des analyses, calmement interprétées par Menkès indiquait une
leucopénie
(disparition partielle ou
totale des globules blancs ) qui l’avait amené à retenir ma Mère à l’hôpital
jusqu’au retour
à la normale ; -
c’est à dire pour une durée indéterminée.
Ma Mère eut beau invoquer
la proximité de l’Ascension, et par conséquent de la paralysie des
laboratoires, Menkès fut inflexibles :
-« Vous risqueriez
trop une infection. Vos transports en ambulances en seraient
compliqués »)..
Il fallut bien céder.
Menkès termina sa phrase en priant sa secrétaire, Madame Bertrand, de faire
préparer
une chambre très aérée,
dans les étages. C’est donc d’un lit d’hôpital que ma Mère nous envoya,
griffonné sur
un papier la liste des
médicaments que mon Père et moi devions prendre, et leur dosage.
Aussi est-ce un homme
encore vieilli par rapport à 1974, et plus anxieux encore qui vint me
rechercher ce soir-là à Mimouche. La vie solitaire des deux hommes de La Glazière, justifia pleinement
l’anxiété où m’avait plongé
la mine défaite de mon
Père lorsque bous quittâmes la ferme amie.
Malgré la présence des
Ahrenchiagues, des Chevron-Vilette et bien entendu des Pange, nous vécûmes dans
l’inquiétude. Sur la
table qui servait à dire la Messe le courrier s’amoncelait,- intact,
sauf le Figaro que mon Père
ouvrait. Heureusement, la Poste ne nous apporta aucun avis de présence urgente.
Les lettres restèrent
donc là attendant
« le retour de votre Mère » disait mon Père.
La situation était
d’autant douloureuse que nous restions sans source de nouvelles crédibles. La
rapidité avec laquelle s’était effectuée l’hospitalisation n’avait pas permit
d’avertir grand monde, -pratiquement personne. Et
c’est de La Glazière que
nous dûmes choisir quelles seraient , parmi les bonnes volontés, celles qui
pourraient
consacrer un peu de leur
temps à visiter notre chère malade, - et nous téléphoner les compte-rendus les
plus
précis sur l’évolution de
la crise.
Comme trois ans
auparavant, le choix s’arrêta sur Madame Paul Résal,- Tante Kine, sœur de mon
Père, qui
habitait le quartier de
l’hôpital Cochin. A cela, il y avait un inconvénient. Ma Tante était comme son
frère allergique au téléphone. Car ils ne s’entendaient pas… Leurs oreilles n’avaient pas suivi le progrès
technologique. A la
rigueur Tante Kine aurait pu s’y faire, mais pour mon Père il n’en était pas
question.
Leurs prestations
téléphoniques étaient infernales pour les deux correspondants et insupportable
pour
l’entourage.
De sorte que tous les
soirs, nous attendions et espérions des nouvelles de Cochin, et ma Mère en
attendait autant de La
Glazière ; - chaque jour elle interrogeait sa Belle-Sœur avec impatience à
notre
sujet.
Une opinion ( peut-être
risquée ).
A ce point du récit, j’ai
envie de risquer une explication sur la santé de ma Mère. Elle n’engage que moi
bien entendu. Malgré un
net redressement durant l’été, à compter de mai, son état rencontrera de gros
écueils
Après son déséquilibre
hématologique, -heureusement traité en huit jours et qui ne fut qu’une chaude
alerte
( au moins officiellement
), et un avertissement, l’automne se passa,- à travers une série de malaise qui
se produisait en fin de semaine.
Les accords passés avec
Jehanne Thibault la laissait maîtresse de ses Week-ends. Pour assurer la plus
élémentaire alimentation,
mes Parents se trouvaient à la tête des plats que Jehanne nous préparait
avant de
partir et qui devaient
couvrir deux jours. Etait-ce encore trop demander à l’état nerveux de ma
Mère ? Comme
mon Père le
pensait ?
A Paris en mai, qu’avait
découvert Menkès et son équipe ? Peut-être la Patiente connaissant la
fragilité
nerveuse de ses hommes,
avait-elle demander à Monsieur Menkès de renforcer encore son silence
professionnel ? ou tout du moins de déguiser sa réponse ?
Peut-être le lecteur
aura-t-il deviné ou je veux le conduire. Restons prudent. Fallait-il aller
jusqu’à un
possible Cancer ? Je
le suppose. Cette maladie aurait-elle occupé les dix dernières années de la vie
de ma Mère ? Elle serait apparue, à mon sens, dès mai 1977, et se serait
installée en décembre de la même année.
On pourra toujours
m’opposer que le double examen et l’analyse de sang auxquels était soumise ma
Mère
depuis le début de sa
Polyarthrite n’ont jamais donné lieu à aucun commentaire, ou me semble-t-il
éveillé
l’attention ni du Docteur
Roux ni du Professeur Menkès. Ni le petit toubib qui travaillait sur le
terrain, passant
notre seuil au moins tous
les quinze jours, ni le haut professeur de Faculté qui très humainement portait intérêt
à mes Parents et à
moi-même qu’il connaissait par ouie dire.
Ne pouvaient se confier
l’un à l’autre ses observations. Quant au troisième le Docteur Roux, il était
loin de
Paris et avait peut-être
d’autres cas plus urgent à traiter.
Le récit peut maintenant
reprendre, il suffira d’un clin d’œil pour que le lecteur puisse comprendre ma
pensée. Ma Mère nous fut
donc rendue après huit jours seulement. Elle revint un jour de grève ;- où
nous
étions loin de
l’attendre. La Pentecôte n’était pas éloignée. Elle fut particulièrement
éclairée par la présence
du ménage Michel de Laval
et de Marie-Hélène Mathieu à laquelle mon malheureux Père ne fit pas grâce de
ses préoccupations et de
ses inquiétudes, au cours d’un tour de jardin. Notre chef de famille reçut quelques
rapides apaisements quant
à mon avenir dont il se faisait tant de soucis. Et je les revois tous les deux
remontant
une petite pente pour
regagner l’abris des marronniers. Elle avait les mains croisées derrière le dos
et remplies d’une gerbe de fleurs sauvages ; elle paraissait attentive à
apaiser son compagnon, ou attentive à ce qu’il lui confiait. En fait elle
venait de lui promettre de s’occuper de moi quand le moment serait venu.
L’apaisement fut de
courte durée, car dès le lendemain j’aurais juré que tout était à refaire. Les
mêmes
Inquiétudes avaient
reparues. Tel était le mal de mon Père. ..
Laissons cette Pentecôte
si pleine d’espérances et venons à
l’été qui va suivre. Il fut lourd de menaces et
de chagrin pour nos amis
Pange. Le cœur de Madame de Pange Mère commença à donner des inquiétudes.
Et ces inquiétudes
n’étaient pas vaines. Malheureusement en effet, Madame de Pange mourut
rapidement.
Ma Mère avait pensé nous
faire conduire aux obsèques, mon Père et moi, par le ménage Chevron-Villette,
si toutefois la cérémonie
avait eu lieu en Seine et Marne. Mais ce fut la Lorraine qui accueillit Madame
de
Pange.
Un dîner informel eut
lieu pour organiser, la chose avec les Chevront-Vilette auxquels s’était joints
les
Ahrenchiagues venus en
voisins et amis. Et c’est au cours de ce repas que se présenta le deuxième
buisson
d’épines, tout
psychologique, précédant la fameuse forêt.
Dans le brouhaha du lever
de table, Françoise Ahrenchiagues, qui avait remarqué que je m’étais entretenu
avec sa fille Aude d’un éventuel pique-nique en fin d’été, s’approcha de nous
et me dit entre haut et bas :
-« Ne pense pas trop
à ce pique-nique. Jean est nommé à Lille. Nous nous y installons dès septembre
pour la rentrée de
Gabriel » (son dernier fils qui avait 4 ans).
De la soirée, je ne
rappelle qu’une chose. Je l’ai passé adossé au bureau-ministre occupant un ange
du
salon ;-assez
décontenancé par ce départ prévu mais soudain si proche ; - et dont
personne d’entre nous
trois n’osait envisager
le moment exact. Les Ahrenchiagues en
effet avaient au sein des amis de
Fontainebleau une place
toute particulière. Ils représentaient l’élément familial qui, selon moi,
manqua
souvent à La Glazière. Et
par là je veux dire : élément familial Maindreville. Celui qui avait si
fortement
influencé mon Père.
En passant la porte,
Françoise me chargea de faire la commission à mes Parents. Je ne pus la tenir
cachée à ma Mère ;
elle l’accueillit avec une résignation toute chrétienne. Elle était plus
familiarisée que
moi, avec tous ces
départs, quels qu’ils soient…. Le
nouveau poste de Jean étant bien matérialisé et
cartographié ce n’était
pas une séparation sans remède dont nous avions, hélas l’habitude depuis un
moment.
Ma Mère m’assura qu’étant
donnée l’affection que le ménage et ses enfants nous avaient manifestée,
les uns ou les autres
n’hésiteraient pas à faire un saut à La Glazière au cas ou des ennuies vraiment
sérieux apparaîtraient.
Toutefois nous convînmes tous les deux d’attendre le lendemain pour annoncer
ce contre-temps à mon
Père. (Ce qui ne fut pas simple à gérer ).
Un sombre dîner eut sans
lieu vers la fin de juillet. Devant nous s’étendait le traditionnel vide
d’août.
Cependant ce calme fut un
peu animé- tout est relatif ! – par l’écho des préparatifs du Jubilé d’Or
de Monsieur et Madame de
Belloy. Fête familiale,- et pour nous amicale – à laquelle ma Mère tint à nous
associer en envoyant à
Thote une corbeille de fleurs qui occupa ; paraît, tout l’espace de la
Fiat 500 d’Astrid.
Est-ce pendant ce
temps-là ou après que notre vieil ami Henry Pelletreau quitta ce monde ?
Il avait été
un ancien danseur de ma
Mère, et il laissa là, bien incorrectement, son « flirt »,
« faire tapisserie » durant
exactement 10 ans… Sa
mort fut, je crois, accueillie avec une pitié reconnaissante. Monsieur
Pelletreau
avait un peu perdu l sens
des réalité Il fit la Grande Guerre, dans les Services Secrets de la Marine et
la
crainte de se voir
questionner par les Services adverses l’assaillait depuis au moins deux ans….Il
se
voyait déjà entre les
mains des « Spécialistes ». Il exprimait cette crainte à haute voix,
ce qui pour sa famille
rendait son approche
particulièrement douloureuse…Ce fut vers la fin d’août qu’il fut délivré
définitivement de
cette obsession.
Dans un tout autre
domaine, la mort visita aussi le monde des Géants. Il perdit le 17 celui qu’on
avait
appelé « The King »....Elvis Presley.1 On pense bien que nous
regardâmes passer ce train-là avec autant
d’intérêt que les vaches
du Père François, consacre à celui de 12 heures 45.
A la même époque, un
événement régional fit grincer les dents de certains et divertit les autres. Il
s’agissait d’un remariage,- chose banale en soi ; n’étaient les modalités
de la cérémonie qu’avaient choisies Madame
Roux, déjà citée dans ces
pages. Ce fut une célébration, car en accord avec son nouvel époux (75 ans),
Monsieur d’Esquerac
Lauture, ils se passèrent des services du Maire, ne voulant d’autres témoins
que le
Seigneur lui-même par
l’intermédiaire d’un de ses prêtres…
Un prêtre fut
effectivement trouvé. Fut-il suffisamment informé du genre de contentement
qu’on lui demandait
de cautionner ?
Etait-ce un illuminé qui estimait que le passage devant l’Autel seul
suffisait ? A cause de l’âge
des jeunes époux,
l’aventure trouva ses supporters et ses détracteurs. Mon Père fut de ceux-ci.
Officier d’Etat
Civil dans les années 50,
il toléra mal que la Loi fut ainsi bafouée. Malgré son urbanité, il ne pu se
retenir de
marquer une forte réserve
devant Madame Roux qui lui annonçait joyeusement la nouvelle.
Juliette Roux dont j’ai
dit quelque part le caractère charitable mais fantasque, épousait donc Monsieur
D’Esquerac Lauture, lui
aussi ancien danseur de ma Mère. Il devait d’ailleurs s’éteindre avant ces deux
Dames, les précédant de
deux et de quatre ans2
Il y eut aussi le parti
des rieurs. Christian Droulers, en apprenant la chose au cours d’un de ses
Dîners hebdomadaires, en
rit du potage au dessert…
Un dialogue prémonitoire.
Mais septembre vint. Il
fallut bien se rendre à l’évidence : les Ahrenchiagues allaient partir.
l’anesthésie des vacances
avaient quelque peu estompé ce désagrément. J’ai un souvenir précis
de leur visite d’adieu.
Après avoir parlé de la plante offerte qui avait pris place dans leur jardinet
Françoise déclara à ma
Mère :-Tante Jeannine savez-vous qu’en cadeau d’adieu, Jean (Ingénieur
DDE) vient de doter Melun d’un nouvel Hôpital ?
Ma Mère apprit du même
coup qui était la donatrice. Il s’agissait, je crois, de la Princesse de
Faucigny
Lussinge. Ma Mère se
lança alors dans une grande explication généalogique. C’était sa grande
passion.
Puis il fut temps de
rejoindre la voiture des partants. Tout le monde essaya de se réconforter
mutuellement
par la promesse de
visites fréquentes et on s’assura d’une pensée quasi-constante.
Si j’ai parlé de
prémonition à propos de l’Hôpital, c’est que ma Mère, dix ans plus tard, sera
amenée à
demander tragiquement
abri à cet établissement dont elle avait parlé ce jour-là sur le mode le plus mondain.
Ainsi, ce neveu si
hautement apprécié, avait travaillé sans le savoir à ce qui serait le havre
final de sa Tante
Généalogiste…
Le fait que le ménage ait
évoqué devant ma Mère l’obtentention de ce Permis de Construire, m’a toujours
semblé étrange et un peu
prémonitoire. En effet, ma Mère aurait pu tout aussi bien décéder à Paris, à
Cochin,
comme elle en évoquera la
possibilité avec Menkès,- ou s’éteindre paisiblement à La Glazière, comme je me
l’étais toujours figuré,
avec terreur.
Pour la deuxième fois, je
vais tenter de prendre une photo imaginaire.
Les Ahrenchiagues
s’éloignant, les acteurs de notre pièce s’en trouveront réduits d’autant. Mon
Père perdra
avec Françoise une de ses
auditrices parmi les plus compréhensives à ses angoisses. Cette disparition
sera
à coup sûr une des
modestes causes du marasme dans lequel nous plongerons l’années suivante.
En 1977, nous sommes à
l’année A – 3, du décès de mon Père. Durant ces trois années qui viennent , il
n’y
aura plus à enregistrer
qu’un départ ; celui de Christian Droulers, et une arrivée, celle de
Dominique de Maindreville, qui ne fera qu’apercevoir une seule fois à La
Glazière, ce cousin.
Dix ans plus tard, pour
le décès de ma Mère, d’autres acteurs auront fait leur apparitions sur le
théâtre. Il
commenceront à répéter
leur rôle dès 1980.
La dernière tentative du
Docteur Roux.
Mon Père avait toujours
aimé les chiens. Comme on l’a vu, il avait pu donner libre cours à ce
penchant ;- à
partir de 1957, avec
l’arrivée de Grisby dont j’ai conté l’histoire et dit l’utilité. En 1960, il
avait cherché à avoir
de petits Grisbyllons. A
cette fin, il avait donné à notre chien une compagne, Jalna.
Cette jeune femelle,
pourtant achetée dans un élevage réputé de la race Boxer, présenta très tôt de
telles déformations osseuses que la vendeuse elle-même conseilla à mon Père
d’éviter tout croisement. C’était pourtant le but avoué de l’opération… Cette
impossibilité parut décupler l’affection de mon Père pour ses chiens.
Peut-être trouvait-il dans
se domaine un champ d’action à son autocratisme naturel, que sa courtoisie
l’empêchait
d’exercer sur son
entourage…
La disparition successive
des deux bêtes en 1966 et 1972, le plongea dans un état de prostration et de
larmes
qu’il me fit exagérément
partager. On se le rappelle à propos de Grisby. Les soucis qu’il nous donna
lors de notre
installation à La
Glazière firent la Une de notre actualité au moment de la mort de Jalna. Les
choses en restèrent
là pendant quelques
années.
Cela dura exactement
jusqu’en 1975. On sait le détail de nos préoccupation de cette année là. Le
départ du Garde-Chasse y eut une grande place. Tuhault eut alors un scrupule de
nous laisser dans une si totale solitude.
Il tenta donc de palier
cet inconvénient en nous laissant un Berger Allemand que les hasards de ses
tournées
d’inspections l’avait
amené à rencontrer puis à adopter. Son nom était Stop, il était vêtu d’un
manteau noir, son poitrail et ses pattes étaient blancs. Comment la présence de
ce chien fut-elle acceptée par ma Mère ? Elle
n’appréciait pas les
chien-loups, redoutant toujours qu’à création de cette race des croisement
n’ait lieu entre
certains chien, et la
bête sauvage bien connue.1 Elle
trouvait en plus à cette race, un caractère trop dociles ettrop mécaniquement
obéissants,- dénués d’esprit de race et de joie. Elle les trouvait horriblement
banals ;-presque communs, parce que trop demandés par soi-disant amateurs
de chien. Elle obtins qu’on laissa Stop
dans l’enclos que Tuhault
lui avait affecté dès son arrivée. Il était bien entendu que son nouveau maître
pourrait venir le voir
autant qu’il lui plairait. Or une pluie
printanière opiniâtre s’installa. Mon Père transféra
alors sur l’animal la
répugnance et l’inconfort personnels que lui imposait ce temps. Il s’émut du
sort de
l’animal, le plaignant de
devoir rester seul dans les intempéries….Et nous voici au cœur du
problème !
Quelques heures plus
tard, tous deux faisaient leur entrée en force dans le salon. Ma Mère n’osa
protester.
Elle savait combien ces compagnons
à quatre pattes étaient nécessaire à l’équilibre de la maison.
Quant à moi, si je voyait
avec plaisir Stop se rapprocher, c’était aussi un thème de méditation qui
m’était
offert. A 76 ans, il
était plus que risqué que de penser pour mon Père à la venue d’autres chiens.
Stop serait
sans doute le dernier
dérivatif de son Maître. Mais par ailleurs, je nous voyais mal encombré d’un
animal à
l’exubérance
imprévisible, en cas de disparition de son maître.
La saison automnale et
les appétits naturels d’un jeune chien de six ou sept ans l’entraînèrent un
jour
loin des limites de la
proprIétés.
-Amour, quand tu nous
tient !…
Pour mon Père commença
alors une véritable chasse à courre, en 2 CV, à travers la proche région.
Il
en revenait à midi et le
soir, chaque fois plus abattu. Son trouble était si grand qu’il ne se souvenait
plus
des couleurs de celui qu’il cherchait. Il crut
ainsi le reconnaître une dizaine de fois. Il croyait aussi à la bonne
volonté des voisins qu’il
rencontrait et qu’il interrogeait. Mais, coupé du milieu des fermiers depuis
plus de
10 ans, il ne connaissait
plus la jeune génération des exploitants agricoles qui devaient s’étonne de
voir ce
vieux Monsieur soudain
fébrile parce que son chien courrait la prétentaine.
Cette recherche dura une
grande quinzaine,- pour ne pas dire un mois. Elle durait encore, je crois
lorsque le hasard le fit
tomber sur le Docteur Roux entrain de renouveler une ordonnance pour ma
Mère. Le Docteur, frappé
sans doute par l’état de mon Père, lui proposa l’un des jeunes chiots qu’il
venait d’avoir de sa
propre chienne.
Cela ferait l’économie
d’un nouveau médicament supplémentaire que sa mémoire d’ailleurs, ne lui
présentait
pas sur le champ.
Ce fut là ce que
j’appellerai la dernière cartouche du Docteur Roux, avant le « laisser
courir » des derniers
Mois. Cette offre
généreuse fut accueillit avec une reconnaissance émue par ma Mère et par une
indifférence
quasi-hypocrite par mon
Père. Pourtant ; il finira par s’attacher à Basile. Ce petit chien finira
par apaiser quelque
peu la mélancolie des
trois prochaines années.
De nouveau Maria.
Sur un plan plus humain,
j’aimerais noter le passage pendant ce « drame » de Maria Graffin von
Wrsch que
nous avons déjà citée en
1974. Elle s’était annoncée dès le début de l’été 1977. Ai –je dit qu’elle
poursuivait
des études d’infirmière à
Berlin ? et qu’elle portait couramment les couleurs de l’Ordre de
Malte ? Le fait
d’appartenir à cet Ordre
Hospitalier l’autorisait à participer au Pèlerinage de la branche allemande de cet
Ordre à Lourdes ; -
pèlerinage auquel elle pensa un instant m’emmener un jour…dans le futur. Mais
des
préoccupations de tous
genre nous empêcheront de donner corps à ce projet.
Infirmière, elle pu juger
froidement du malheureux état de son vieil ami. Maria en fut, je crois
épouvantée.
veut-on une preuve de la
générosité de cœur de Maria ? Restée fidèle à La Glazière, elle y visitera
encor (et
pour la dernière fois),
en septembre 1980 les deux esseulés. Puis ayant apprit la pénible situation
dans laquelle
se trouvait mon Père,
elle n’hésitera pas à s’égarer dans les rues environnant la Salpetrière pour y
aller encore une fois embrasser une dernière fois son vieil ami qui y luttait
encore.
Ayant compris la gravité
pour nous de ce dernier séjour à l’hôpital, elle s’ouvrit à ma Mère du projet qu’elle
caressait d’entrer dans
un Carmel Allemand. Peut-être passa-t-elle un temps de Prière à Auschwitz avant
que le Pape ne
rendit ce lieu à son effroyable silence.
Une fois rentrée en
Allemagne, le silence retomba sur Maria, dont je n’ai plus eut de nouvelles
depuis
24 ans1.
J’aimerais noter que
Mademoiselle von Wechs fut la tout dernière compagne ou compagnons d’été qui
formèrent autour de moi
une chaîne d’amitié durant quelques 25 ans. Cette chaîne commença avec Alain
Laroche en 1955, et prit
fin malheureusement en 1980, avec cette charmante Maria. Elle était apparenté
aux
Arnim qui s’illustrèrent
dans l’Histoire Militaire de l’Allemagne. Maria était également la nièce du
Cardinal
August von Galen qui
occupa le siège de Munster pendant la dernière Guerre. Il fut appelé « Der
Löwe »
Le Lion, pour sa
résistance à Hitler. Il fut honoré par la philatélie Allemande. Et c’est en
feuilletant ma
Collection de timbres de
son pays que Maria m’avoua sa peu surprenante parenté.
Il commence à venir ton
télé !
Novembre 1977 ne laissa
pénétrer à l’intérieur de La Glazière de sa brume. Elle assourdit les échos
et estompa les souvenirs.
On dut accoutumé le jeune Basile du Docteur Roux à son nouveau maître.
Un téléviseur plus
vaillant remplaça le « Barco » qu’une absence de régulateur avait
prématurément
vieilli. Un
« Grundig » le remplaça et devait être le dernier à trôner
dans la salle à manger2. En
l’installant
P.C. eut cette étrange
conclusion :
-Tu a raison de le
changer il commence à venir, il commence à s’agenouiller ton Télé.
Cela peut paraître
hermétique, mais cela se comprenait dans le langage du jeune commis de la
Maison « Richard
Radio ».
Bien que de plus en plus
handicapée, ma Mère voulut se faire
renouveler sa Carte d’Identité. C’était son idée.
Ses papiers lui étaient
constamment demandés. Par la même occasion,
je bénificirait d’une semble demande auprès des bureaux concernés..
Restait à se faire photographier…Quelques années
auparavant, je m’était fait donner un « Ista-Matic » Kodak
pour fixer le souvenir
des quelques instants heureux de cette époque,-et que j’ai précédemment
racontés.
Ma Mère, peu au courant des techniques, pensa que ce petit appareil
permettrait de faire de petite photos…
Profitant d’une visite de
vœux des Chevront-Villette, ma Mère demanda à Magdeleine de nous photographier
l’un puis l’autre. Le
résultat fut naturellement sans rapport avec des photos d’identités. Mais
celles de ma
Mère me restent comme un
souvenir ce fameux 20 décembre 1977.A
noter ces photos furent les dernières,
à mon souvenir, qui aient
été prises de ma Mère.
Une
partie du rouleau était consacré à ma propre effigie, mais heureusement cette
partie a disparue.
Le
ménage de nos amis nous quitta au début de l’après-midi Une fois pris le sacro-saint thé, ma Mère
et
moi, nous nous attaquâmes à la seconde partie de la correspondance de fin
d’année. Quand je dis
« nous », il faut comprendre que lui dictais une phrase de
souhait qui pouvait plaire, ou évoquait quelque
souvenir d’événement vécus avec mon correspondant.
Soudain, ma Mère s’écroula littéralement, le buste en avant, sur le
plateau du bureau « dos d’âne qui
aujourd’hui à ma gauche tandis que j’écris. Elle se
plia donc en demandant le secours d’urgence de notre cher infirmier. Puis, une
fois allongée, la douleur quelle avait ressentie ne s’apaisa guère. Elle
l’attribua à une vieille
gastrite qui l’accompagnait depuis toujours.
Il fallut appeler le Docteur Roux qu’on eut la
chance de trouver. Il arriva aussi vite que possible, e perplexe, fit une piqûre calmante. Il en ordonna une
seconde à faire tard si la première restait sans effet. La seconde sera en
effet nécessaire et sera faite vers 21 heures 30 ou 22 heures, par notre
Infirmière Rurale Mademoiselle de Montbelle. Il s’agit, je crois des deux
premières piqûres de Morphine
qu’on ait faites à ma Mère. Elle eurent le mérite d’anéantir la souffrance et
de facilite le sommeil de la malade. Le lendemain, il ne restait rien des
alarmes de la veille et de la nuit.
1 Dans ce décompte mal fait il ne faut pas oublier la différence de nos deux âges. J’ai toujours eu tendance à
considérer Christian comme un Oncle, mais non comme un cousin.
1 Il ne faut jamais dire « Fontaine…
2 En effet le Marquis d’Esquerac Lauture mourra en 1985, ma Mère en 87, et 1989, Madame nous quitta à son tour.
1 Etant donné mon état, elle craignait pour moi, chez ce chien, un réveil du Loup avec la race desquels elle
croyait savoir qu’il y avait eut des croisements à l’origine.
1 Comme tout le reste du volume ces lignes sont informatisées et actualisée en 2003-2004.
2 Il y restera
jusqu’à l’automne 1987 à peu près dix ans. Et que les déménageurs familiaux
ne l’emporte à Orgeval sur mon offre.
C'est
vertigineux...La machine accélère.