CHAPITRE XXV
Le Roi Des Aulnes
1978
Pauvre époux ! pauvre Père ! qui
vit partir sa femme en ce 3 janvier ! Confiant cependant dans le
jugement et la réponse des autorités
médicales de Paris. Les premiers jours furent donc bien supportés.
Le courrier comme
d’habitude s’entassa bien un peu. Mais la certitude du retour de la Parisienne
dans les dix jours nous incitait à la patience.
Et ici, une précision s’impose. Quelqu’un
me disait un jour, que mes Parents s’étaient tendrement aimés.
C’est vrai. Mais avec
l’âge, les ennuies et les ravages catastrophiques du Lithium, ce sentiment
s’était doublé,
chez mon Père, du confort
que lui procurait la présence à ses côtés d’une interlocutrice aux réponses
toujours
calmes et orientées dans
le sens attendu. Bref, ma Mère savait écouté son Epoux. C’était là une preuve
de leur bonne entente. Et mon Père avait besoin d’une telle interlocutrice On verra comment il pallia l’inconvénient
de
ne plus la trouver. Et
aussi, celle qui en tint lieu se trouva
désorientée
par le problème que posait mon Père. Sans doute son trop robuste bon sens
contribua-t-il
à l’aggravation de l’état
psychique de mon Père. Cette interlocutrice nouvelle était Jeanne notre
servante
qui depuis dix mois nous étaient tellement
utile, et le deviendra plus encore dans l’avenir.
La chevauchée solitaire.
Il faut en venir au détail de cette
horrible année 1978. Elle fut horrible parce qu’elle était chargée d’
inquiétudes Et de menaces voilées.
Les dix jours supposés d’absence devinrent
un bon mois et demi. Partie le 3 Janvier, elle revint juste à temps1 pour participer aux élections organiser
par le gouvernement Giscard. Or cette chevauchée solitaire nous devint
rapidement pénible. Ce
qui se passait à Paris ne nous étaient pas clairement connu, ni rationnellement
expliqué.
J’ai dit plus haut ce
qu’avaient d’aventureuses les conversations téléphoniques entre mon Père et sa
sœur :
Ils ne s’entendaient
pas…Ainsi ce qu’on nous signala était peu claire. Ma Tante nous parla d’un
canal cholédoque quelque peu irrité… mais rien de vraiment sérieux… A moins
qu’on ne nous ait caché la vérité
comme je l’ai supposé…
L’atmosphère quotidienne de La Glazière
s’épaississait d’autant que chacun de nous lisions beaucoup :
qui Le Figaro, qui un
livre de la Bibliothèque tournante à laquelle Chantal de Pange nous avait abonnés
ma Mère et moi. Je doute,
quant à moi qu’un traître mot ou un seul titre me soit resté en mémoire, tant
était grand l’inquiétant
silence que j’ai dit…
Quelques visites pourtant, vers les cinq
heures, rompaient cette monotonie. Les Pange étaient retenu chez eux par les
soucis que leur procurait leur chauffage central en panne. Ils avaient laissé
la plus grande initiative de visite
à Madame Henry de Cugnac, née Jacqueline d’Ouince, seconde femme du Colonel
de
Cugnac.
J’ai évoqué sa situation devant le
cercueil de la première Colonelle de Cugnac, ma cousine germaine
Bernadette de Larminat.
Cela se passait il y a dix ans. Il était entouré on se le rappelle – de ses
deux jeunes
jumeaux, Thierry et
Olivier. Ce spectacle avait beaucoup frappé mon Père qui m’en avait fait un
récit plus
qu’évocateur.
Sa seconde épouse dite
Jacky, venait partager notre thé de solitaires…Elle avait fait ses études
d’infirmière.
Ce qui nous était bien
utile pour jeter un coup de projecteur sur les rares nouvelles qui filtraient
de Paris.
Comme ses hôtes, elle
restait perplexe devant cet incompréhensible mutisme. Elle se contentait de
nous
dire pour calmer nos
angoisses qu’il était bon de faire un bilan de santé deux ou trois fois dans sa
vie.
Il faut noter aussi le passage de Monsieur
d’Ayguevives, toujours plein d’intérêt pour l’état de ses amis
Maindreville.
Ce Carême prolongé prit tout de même
fin. Ma Mère, je l’ai dit, revint pour voter ;-mais pour apprendre
aussi la mort de Claude
François, chanteur pour lequel elle avait un coin de Cœur, sans doute à cause
de
notre contenporénéîtée1
Mais il faut être sérieux. Qu’apportait le
dernier scrutin ? Il permit aux Français d’entendre de la bouche
de Valéry Giscard
d’Estaing de bien curieuses paroles…En gros il remerciait ses concitoyens d’avoir les
portes de l’Assemblé à un
éventail encore plus représentatif…Avions-nous bien compris ? Etait-ce un
essai
d’amalgame Politique
génial pour éviter un nouveau printemps chaud (type 68 ) ou une monumentale erreur
un rêve utopique
conseiller par des personnes dites « Bien informés » ? Nous
penchâmes plutôt pour la seconde
réponse.
Appelé par d’autres soucis plus personnels
le trio qui nous intéresse s’accommoda de ce rosissement de
la Politique…
La santé de ma Mère était sans changement.
A part quelques scènes de la vie d’hôpital dont elle avait su
percevoir la drôlerie,
son témoignage sur les examens qu’elle avait subis ne nous apportèrent aucune
lumière
significative. Elle passa
les Fêtes de Pâques au lit où la clouait un léger train de fièvre,-
heureusement sans
conséquences secondaires.
Aucune autre affection que sa Polyarthrite ne le justifiait.
Le printemps s’installa dans une atmosphère
d’énervement qui avait pris la place de nos interrogations. Peu
avant la Pentecôte, un
coup de téléphone personnel du Professeur Chapuis chirurgien gastrologue, avertissant
ma Mère que les Radios
prises à Cochin au cours des mois précédents avaient révélé la nécessité de
l’ablation
de la Vésicule Biliaire.
Ma Mère avait donc rendez-vous pour une nouvelle hospitalisation le lundi qui,
précédait
la Pentecôte.
Bien que souhaitée, je
l’ai dit, pour une solution profitable, l’annonce de ce nouveau départ fut un
coup rude
pour les deux hommes qui
voyaient s’éloigner derechef le pilier central de leur journées. Quant à la
Patiente
heureuse d’être apaisé et
peut-être soulagée de savoir, elle ne montra pas trop d’appréhension
devant ce nouveau caprice d’Hygiéa, déesse de la santé.
.
Ils ont enfin évoqué le sujet !…
On me permettra quelques mots plus
personnels encore. L’échéance d’une nouvelle absence et les
aléas d’une intervention
lourde avaient fait passer autour de ma Mère une aura de gravité. Elle rédigea
vers cette époque, une
ébauche de testament moral. Elle me recommandait, si cela était possible, aux
amis les plus proches de
La Glazière. Je la revois encore, faisant une lecture de ce discret papier
devant
la principale intéressée
et moi. Avec beaucoup de cœur, celle-ci accepta moyennant quelques légère
restrictions. Nous étions à huit jours de l’hospitalisation.
Par bonheur l’Abbé Jeantet passa
juste avant ;- comme cela lui était coutumier au moment des
grandes fêtes. Mis au
courant de ces dispositions écrites, il les trouva à ce point importantes qu’il
soumit à
mes Parents l’idée de les
faire enregistrer par un Notaire[1].
Il ajoutait que de toute façon, Martial n’était pas
un cadeau très léger à
faire à quiconque ; - l’auteur de ces lignes en reste bien
persuadé…L’allusion faite à
une Etude de Notaire
devant mon Père fit instantanément capoter le projet, tant était grande sa frayeur
devant
les « gens de
papier-loi ».
j’avoue que pour moi, d’avoir entendue
parler pour la première fois et en public des intentions que l’on avait
pour mon avenir, me fit
mieux dormir la nuit suivante.
Il est certes tout à l’honneur de mes Parents
de m’avoir tenu éloigné de ce genre de préoccupation. Il n’en
est pas moins vrai que
cette élégante discrétion jointe à la véritable impréparation dont j’étais le
témoin, finissaient par devenir pour moi un souci majeur.
-Mais objectera-t-on,
n’aviez-vous pas des assurances bien définies avec votre Cousin Droulers ?
Je répondrais, la voie
« Droulers » comme on dit en alpinisme, datait de trop peu de
temps ; Elle n’avait
permis que des demandes
et des engagements verbaux,(auxquels il avait d’ailleurs toujours répondu dans
un langage très
diplomatique), il était donc temps devant les accrocs de santé qu’on pouvait
craindre, de laisser
trace de ce qui avait été
convenu. Il n’était pas douteux que les dispositions dont j’ai parlé, ne
portassent en toute
première place le nom de
Christian, en qualité d’accompagnateur en titre désigné ; mais je ne me
rappelle pas
l’avoir vu prendre
connaissance de ce papier. Sans doute le temps manqua-t-il avant
l’opération…Puis une
fois le danger écarté,
l’euphorie des retrouvailles fit oublier au fond d’un tiroir ses sombres
dispositions.
Durant l’été suivant qu’est-il advenu du
brouillon écrit (sur papier Bleu), par ma Mère ? Au cours d’un
passage de Maître Besson,
notaire au Châtelet en Brie, je hasardais de rappeler à ma Mère l’existence
de cette feuille. Je me
souvenais des conseils qu’on m’avais donné peu de temps auparavant. A ma
grande surprise le
notaire ne défendit pas le projet . Il dit qu’étant donnée la vitalité
mentale dont j’avais
la chance de jouir, il me
serait facile, le moment venu de choisir la solution qui me plairait….Ainsi fut
vite
refermé puis oublier ce
dossier pourtant primordial,- et ceci malgré les jours sombres qui ne cessèrent
pas
de se succédés au cours
de cette année vraiment très spéciale et « Terrible ».
Cet épisode n’est relaté que pour souligner
la situation angoissante où j’étais et dont je fis la saisissante
découverte cette
année-là ;- pour souligner aussi la recherche désespérée d’une solution
vraiment satisfaisante
que j’avais fugitivement
entrevue dans l’établissement des dispositions que j’ai dites. Mai, l n’y a
dans le récit que
j’en fais aucune trace d’amertume
ni jugement porté sur les évènements.
Dernier amusement du Destin.
Si au moment de son opération
ma Mère avait conçu encore quelque appréhensions, elles aurait
été vite balayée par
l’accueil qu’elle trouva à Cochin, au Pavillon Brouilli ;- et notamment de
la part de Madame
Land, anesthésiste
habituelle du Professeur Chapuis.
Cette jeune femme était nièce de Madame Gambiez qui fut Secrétaire de mon Père lorsqu’il était Responsable du Personnel de la Maison Japy ;- entre les années 1935 à 1944. J’ai du conserver longtemps un
souvenir de cette
collaboration, sous la forme d’un canard en peluche jaune, qui tournait
d’énormes yeux en verre blanc, rouge et noir. Il me serait arrivé à mi-jambe,
puisqu’il se tenait debout sur des pattes inflexibles ; très
effrayant pour l’enfant
que j’étais alors. C’était là le cadeau de Madame Gambiez et de ses collègues à
leur Chef
de Service,- aux environs
du 30 juin 1939…
Pendant son séjour à l’hôpital, ma Mère
évoqua cette coïncidence avec son anesthésiste, lui disant
se souvenir en effet
d’une nièce, dont lui avait parlé jadis Madame Gambiez, et qui travaillait ses examens d’arrache-pired.
Madame Land lui dit que c’était elle en effet.
Pour en finir avec ce Canard, nos visiteurs
des premiers jours de 1954 peuvent se souvenir de lui. Il trônait
dans le vestibule
d’entrée du 3 ème, avenue de Messine. Je n’étais plus à l’âge des pluches, on
la donna donc
à un autre enfant pour
qu’elle berce ses rêves.
L’intervention et…ses suites.
Sur le plan scientifique, que
nous dévoila-t-on ? Le chirurgien enleva une vésicule paraît-il normale.
Il
dégagea trois calculs des
conduits avoisinants, dont un bleu. Ma
Mère conserva ces trois cailloux sans valeur
pour s’en amuser et
instruire ses visiteurs jusqu’à notre départ de La Glazière. Intervention somme toute banale
et sans histoire, ainsi
que l’hospitalisation qui la suivit.
Ce laps de temps dura suffisamment - 15 jours à 3 semaines – pour que l’on
songea à m’emmener voir la
convalescente. Bruno Aubé
devait servir de chauffeur. Malheureusement ou heureusement, un incident
technique survenu à la voiture des Aubé empêcha la réalisation de ce projet.
Heureusement ais-je dit,, car l’ambiance de la maison étant assez lourde, je
tenais comme on dit « sur les nerfs ». Peut-être alors me serai-je
attendris au moment de la
séparation. Elle était inévitable ; mais elle promettait aussi de longs
jours à passer
privé de notre
« pilier ».
D’autre part il
aurait fallut sélectionner les choses à
dire ou à taire, pour ne pas accroître l’anxiété de ma Mère
et retarder la fin de sa
convalescence.
C’est à coup sûr ce printemps qui m’inspira
le titre de « chevauchée solitaire » et pourtant immobile qui
était
celle de mon Père, vrai
Roi des Aulnes cueillant sans contrepartie, le mauvais bouquet de ses sombres
pensées.
Il essaya pourtant de
tromper sa frayeur en écrivant à sa Sœur de Marseille une lettre qui d’ailleurs
ne partit jamais. Je la trouvais trop élogieuse pour son
« Bonhomme ». C’est aussi de ce moment que datent les fameux
conseils demandés à
Jehanne et dont j’ai dit le brutal jugement et la trop nette expression. Il
faut dire à la décharge de Jehanne qu’elle voyait le plus souvent arriver mon
Père, après le grand déjeuner à l’heure de la vaisselle. Ses jugements
devenaient plus expéditifs..
On devine que ces tête à
tête devaient se passer dans une atmosphère tendue.
Et bientôt le psychique déborda sur le
physique.
Je me souviens d’un jour où nous étions
dans le jardin.- Jacky, mon Père et moi. Mon Père se mit à parler des
possibilités futures sans
d’ailleurs bien les formuler, qui s’ouvraient pour l’après-Cochin. Il se mit à
rêver les yeux
ouverts : souhaitant
que ma Mère délivrée de ses cannes retrouve l’aisance qu’il lui avait
connue…C’était malheureusement hors de question. Nous dûmes, le ramener ma
cousine et moi, à une vue plus réaliste des choses.
C’est avent le retour de son épouse que
l’on s’occupa de ses yeux. Le Docteur Fischer de Fontainebleau, lui
découvrit une Cataracte
fortement aggravée, par rapport à celle qu’avait déjà décelée le spécialiste
parisien avant l’installation.
J’ignore si mon Père
opposa encore son veto à toute opération. Toujours est-il qu’il dut changer de
verres tout les
Six mois. La mort vint à
temps le délivrer de la double angoisse qu’il avait de se faire opérer ou
de devenir aveugle. .
Le Génie d’Alain Roux.
J’ai choisi
pour ouvrir l’histoire de notre trio, l’allégorie d’une herse. Puis je suis
passé aux
tumultes des rapides qui
terminèrent les Années 60. Et maintenant je propose une image portuaire.
un goulet. Oui, un chenal s’ouvrait devant moi et
je devais mettre neuf ou dix ans à le traverser.
C’est au printemps 1978
que je m’y trouvais engagé.
Dès le retour de ma Mère, je constatais une
différence de comportement entre mes deux Parents :
divergence des
sensibilités devant les évènements dont ils étaient ou avaient été les acteurs
cet hiver-là.
Pour ma Mère, ç’avait été
un voyage. Elle revenait après un déplacement dont elle avait tiré quelques
profits,-disait-elle. Mon
pauvre Père au contraire avait connu d’abord l’anxiété, celle que ses amis lui
connaissaient. Sa part
avait lourde. Il avait assumé une charge et s’était maintenu avec moi dans
cette
Glazière que seule la
force de l’habitude lui faisait supporter.
Peut-être serai-je moins compréhensif pour
ma Mère, ( car les lignes qui vont suivre sont toute entières
remplies de
l’incompréhension que je manifeste à l’égard d’une femme, dont j’admirerai
toujours la vie
intellectuelle ). A mon
avis, elle grossit exagérément cette aventure chirurgicale et sa
réussite ; elle fit
trop longtemps et trop
souvent « donner les cuivres » sur son aventure. Sans se rendre
compte qu’elle
ravivait à chaque fois
une plaie. Elle rappelait trop souvent la tristesse dans laquelle nous avions
vécu.
Sans doute avait-elle eu
très peur, mais la joie débordante qui avait suivit jurait trop avec l’élégance
suprême avec laquelle son
époux avait fait taire ses propres terreurs et avait souffert en silence.
Savait-elle autre chose de son état ?
et dans cette hypothèse qu’avait-elle décider avec les « Blouses
Blanches » de Paris ? Ou plus
simplement avait-elle redécouvert la joie de vivre et tenait-elle à nous la
partager. elle avait toujours su
nous la communiquer. Quoiqu’il en soit une certaine nervosité finit par
m’atteindre.
Sans doute était-ce le
prix qu’il me fallait payer pour cet hiver de solitude. Je m’y était retrouvé
seul
avec mon Père,- un peu
responsable de lui. A coup sur j’étais impressionné par une situation toute
à fait nouvelle pour moi.
Jeune comme je l’étais,(presque 39 ans ), j’avais la charge d’un vieux
Monsieur,-qui était mon
Père, auquel je devais depuis toujours obéissance et respect. Il me fallait
Le rappeler à l’ordre à
propos de ses remèdes qu’il oubliait ( ou méprisait ), alors que la continuité
était essentielle au
succès de son traitement. Je n’avais pas l’autorité nécessaire pour cela. Et
quelle
confiance pouvais-je
accorder à sa pauvre mémoire déjà très hasardeuse ?
Certes nos voisins nous accordaient
toujours leur aide chaleureuse ; mais ils étaient relativement loin
et avaient leur propres occupations.
Quel pouvoir avaient-ils ?
De plus le Médecin ne passa jamais à La
Glazière durant les « vacances Citadines » de ma Mère.
Jehanne très occupé par
les soins de la maison, ne pensa jamais à l’appeler. Sans doute une visite
hebdomadaire aurait-elle
contribuer à assainir une situation incertaine, et m’aurait-elle soulagé du
poids d’un homme que je
pensais déjà gravement atteint.
Puisqu’il faut parler de moi. .
Avouerai-je que pour ces raisons, mon
moral trébucha. Mes reins se bloquèrent par intermittence
et mon sommeil se fit
infiniment moins profond.
Avec le retour de ma Mère, on devait revoir
le Docteur Roux. Il fut spécialement convoqué. Scrupuleusement
il demanda des analyses.
Elles annoncèrent la présence de quelque saletés supplémentaires, mais ni
traîtres ni suspectes. Afin d’être plus
sûr de me tirer de là il prescrivit un traitement au Bactrim escorté de
quelques milligrammes de Temesta. Se dernier n’était prescrit que pour une
dizaine de jours seulement. Il espérait me voir
revenir à un repos
nocturne plus équilibré. Sur ce, il partit en vacances sans autre
inquiétude.
Le Bactrium nettoya effectivement mes reins,
mais eut pour corollaire de donner à mon état général l’estocade
finale ; -tout
antibiogramme ayant été négligé. Je me retrouvais donc dans ma situation
première, c’est à dire « au tapis ». De deux choses l’une : ou
le traitement avait été interrompu trop tôt, ou le mal était plus enraciné que
prévu. Cette fois la crise était
sérieuse. Le Médecin traitant étant parti pour trois semaines, il me fallut
vivre dans un état de larmes continuel et incontrôlables. Ma Mère fit alors
venir la remplaçante. Elle constata sans doute l’atmosphère régnante et ne put
rien faire d’autre que de prescrire la prolongation du traitement au seul
Bactrium..
Au retour du Médecin tant
espérer, ma Mère plaida pour une mise sous Témesta sans limitation de durée.
Le Médecin s’exécuta sans
trop rien dire.
Peut-être se tint-il de nouveau un
raisonnement assez voisin de celui qu’il avait tenu en entrent à La
Glazière : à savoir
que celui qu’il avait devant lui aurait à affronter fatalement deux chocs et
qu’il fallait
les lui faire affronter
sans casse majeure. Il se procurait à lui et à nous la Grâce de l’inconscience ;
doublée
pour lui d’une bonne
conscience professionnelle. Tel fut le génie d’Alain Roux.
Hors de La Glazière, évènements familiaux et
Histoire Générale ne chômaient pas.
Il y eut d’abord Kolwezi, au Tchad. Mais
les parachutistes libérateurs des otages français agirent pour
moi dans un brouillard à
peu près opaque. Ailleurs, pendant que France et Afrique étaient assourdies par
le fracas de cette
opération militaire, les vacanciers de juillet tremblaient d’effroi sur les
routes de France :
un camion surchargé
d’essence explosait devant un camping Espagnol en y semant la mort. C’était je
crois
le 13 juillet.
Plus tard, au mois d’août, j’étais assez
remis pour prêter attention aux évènements de Rome. Les cloches
du Vatican, avec leurs
sonorités de bronze, appelaient la Chrétienté à prier pour le Pape Paul VI. Sa
santé
donnait les plus grandes
inquiétudes et c’est dans de grandes
douleurs qu’il attendait la mort. Paul VI, couronné
il y a une vingtaine
d’années avec le dernier des fastes, mourut vers le 20 août à Castel Gandolfo.
Il fut ramené à
Rome et le cher Léon
Zitrone nous fit vivre ce retour, à la Télévision.
Pour chacun de nous, les Maindreville, qui
était ce Paul VI dont le dernier cortège s’étalait sur notre écran ?
Ma Mère perdait en lui
l’avant-dernier Pontife, Chef incontesté et incontestable de l’Eglise. Telle
qu’elle
avait toujours connu les
Souverains Pontifes.
Mon Père avait des sentiments plus
mélangés. Peut-être saluait-il avec un secret soulagement cette
disparition. Allait-elle
marquer un changement dans la Pastorale vaticane ?…sans porter atteinte
bien sûr
au respect qu’il portait
au Vicaire du Christ. Il avait encore en mémoire les démêlés et les entretiens
qui
s’était déroulés entre le
Pape défunt et Mgr Marcel Lefebvre, le perpétuel indocile dont le sonore
entêtement avait traversé
les portes pourtant feutrées des bureaux Vatican. Les secrétaires de ce jour
avaient même entendues le
Pape s’écrier avec une colère mal contenue :
-« Je suis votre
chef, vous me devez obéissance ! »
Mon Père suivait donc d’un œil intéressé et
malheureux l’expérience de l’Excellence rebelle. Notre
éloignement de Paris, et
son sens inné de la discipline l’avaient empêcher d’adhérer à la dissidence
intégriste et de rallier
la branche parisienne des « pestiférés » d’Econne en Suisse. Il est à
remarquer
qu’en 1972, Saint Nicolas
du Chardonnet n’avait pas connut la notoriété qu’il connut depuis.
Il est certain pourtant
que ses dernières années de liberté intellectuelles furent attirées vers cette
nouvelle
Réforme.
Pour moi, Paul VI était et demeure encore
aujourd’hui un Pape assez énigmatique. Son Règne semble
avoir été moins éclatant
que celui de Pie XII dont pourtant il avait été le Secrétaire d’Etat. Et le
collaborateur
le plus direct. Il avait
eu moins de retentissement international que celui de son prédécesseur
immédiat, Jean
XXIII qui eut l’honneur,
le courage et la responsabilité de convoquer un Concile Universel que la mort
l’empêcha
De mener à son
terme.
Il serait injuste
d’oublie que Paul VI fut l’instigateur des voyages Pontificaux. C’est par leur écho que le
Saint Père connu sa
véritable popularité. L’un des premiers ne fut-il pas d’aller porter le baiser
de paix au
Métropolite chef de
l’Eglise Orthodoxe, après tant de siècles de séparation douloureuse….. ?
Pourtant je dois reconnaître que peut-être
mon apprentissage des Choses de la Vie et les changements qui accompagnent la sortie de l’adolescence
me rendirent moins attentif à la vie et à l’œuvre de ce Souverain
Que d’image ! que d’occasions de
graves réflexions pour la vieille Europe Chrétienne en cette fin d’été
1978 ! Le Conclave
s’articulant normalement après les funérailles solennelles du feu Pape. Ce fut
pour la
première fois une réunion
de Cardinaux véritablement ouverte aux représentants du monde entier ;
moins
orientée donc vers un
italianisme traditionnel. On conçut en particulier l’espoir un peu fou, en
France au
moins de l’élection d’un
Pape français, en la personne de Son Eminence le Cardinal Jean Villot, ancien
Secrétaire d’Etat du Pape
défunt.. Pourtant, il s’était récusé dès avant la fermeture des portes de la
Chapelle Sixtine.
Ce fut encore un Italien
qui fut élu. Il prit le nom de Jean-Paul I : vrai Franciscain de Venise
dont il était le
Cardinal-Patriarche.
Chacun se souvient de ce furent les quelques semaines qu’il passa sur le Trône
de
Saint Pierre. La France
fut le seul pays à pouvoir se vanter de posséder l’unique Evêque créé par ce
« météore » de
Dieu1.
Petit souvenir de l’Abbé
Jeantet qui indulgent correcteur de ces pages :
Il assistait avec sa Mère, une très
vieille Dame, à l’émission de Télévision qui « couvrait » l’élection
de
Jean-Paul I. Lorsque le
nouvel élu parut en gros plan au balcon de Saint Pierre, elle ne put retenir un
cri :
-« Mon pauvre
enfant ! il ressemble à Jimmy Carter ».
Je venais de me réveiller dans une frileuse et froide aube d’octobre,
quand j’entendis Europe numéro 1
annoncer
textuellement : C’est seulement
maintenant que l’Agence Tass a fait connaître la mort du Pape.
Un peu éberlué, je me dis que l’Agence
semblait n’avoir pas évolué puisqu’elle en était encore à la mort d’un
Pontife dont le monde
libre regrettait la disparition depuis plus d’un mois… Je pensais en effet à
Paul VI.
De la pompe romaine
entourant le catafalque nouveau, je n’ai devant les yeux que les images de
funérailles
Pontificales.2
Elles coïncidèrent avec l’enterrement du sinistre Monsieur Fremaux qui précipita nos décisions et
perturba
nos existences, il y
avait quelques années. Mon Père se rendit aux obsèques en traînant un peu les
pieds. Il
savait ne pas devoir
trouver à la cérémonie de Melun le faste traditionnel qu’il aimait tant !
Spectacle fastueux
que l’Eglise lui offrait
à la même heure par la Télévision.
En roulant vers la Préfecture de Melun,
mon Père songeait-il également qu’il allait enterrer le collaborateur
de son ultime essai
professionnel ? Il me semble d’ailleurs que, si mes souvenirs sont bons,
cet enterrement
fut le dernier auquel il
lui fut donner de se rendre.
Sur le plan international, le Conclave du
16 octobre 1978, me parut plus brumeux que le précédent, que
nous avions vécu dans la
fournaise d’un été très chaud. Celui-ci se déroulait dans les brumes automnales
qui ajoutaient encore au
mystère de pareil événement. Pourtant un soir, une voix de Curie proclama un
nom
incompréhensible qui
sonnait comme « Voilà »….
Un silence stupéfait pesait sur la foule agglutinée sur la
Place Saint Pierre.
Suivit un Italien plus rugueux encore. ( Léon Zitrone, pourtant polyglotte
expérimenté ne
savait plus quoi dire ).
Il fallut un peu de patience pour apprendre qu’il s‘agissait du Cardinal
Wotïtila, Archevêque
de Cracovie. Il annonçait
son intention de prendre le nom de Jean-Paul II. Il prononça quelques mots
en
Italien, puis donna sa
première Bénédiction urbi et orbi en une trentaine de langues. La foule d’abord
réticente
se déchèina en
applaudissements frénétiques.
Le premier Pape non italien venait de
gagner sa partie et commençait un éblouissant règne Pontificale.
L’office solennel d’investiture du
nouveau Pape me sembla d’une simplicité et d’une fraternité remarquables.
En méditant sur ces
images, je me disait que le nouvel élu âgé de 57ans pourrait bien être cette
fois-ci le dernier
Que connaîtrait l’un de
mes Parents. Or il se trouva que ce devait être le dernier pour l’un et l’autre.
Pendent ce temps à La Glazière…
Il avait été promis quelques pages plus haut
la relation de quelques évènements familiaux les voici.
Nos santés se défaisaient, ou se
raffermissaient, selon l’âge et les forces de chacun. Mon Père vivait un été plutôt calme et
heureux- heureux d’avoir
retrouvé ses « entours » et les conversations qui lui étaient
naturelles. Ma Mère
était sans doute l’image
parfaite de la convalescence. Quant à moi, je me remettais doucement,
précautionneusement, - je
dirais frileusement – des différents chocs subi depuis le 1er
janvier. Si les crises
de larmes incontrôlés et
répétitives que j’avais connues en juillet avait appréciablement diminuées, je
n’en
restais pas moins d’une
inquiétude excessive. La dernière intervention chirurgicale subie par ma Mère
m’avait
fait toucher du doigt ce
que pouvait devenir mon avenir, au cas où… Eventualité que je n’avait jamais
évoquée
que sous la forme d’une
« hypothèse d’école».
Je n’ai pas été le témoin direct des
évènements que vais décrire et dont ma Mère allais être le centre. Leur
suite devaient pourtant
m’atteindre.
Un après-midi où elle était dans le jardin,
appliqué à corriger de ses travaux généalogiques dont elle friande
elle vit son auriculaire
et son annulaire droits se mettre exactement à l’équerre Tous ses efforts pour les remettre
en ordre furent vains.
Rentrée immédiatement à la maison elle prévint le Professeur Menkès à Cochin.
Il donna je
pense, un rendez-vous extraordinaire, et
diagnostiqua par téléphone une possible rupture des tendons reliant les
doigts à la main.
Bien que très vite accordé, il fallut tout
de même attendre le moment du rendez-vous dans cette position. Ma
Mère se confectionna
alors deux attelles à l’aide de tubes d’Aspirine plats ( probablement réservés
aux voyageurs). Elle y attacha les doigts rebelles avec du sparadrap rose. Tel
est le dernier souvenir que je garde d’elle pour l’année 1978. La consultation
confirma ce que Menkès avait pensé tout haut au téléphone. Les fameux tendons
avaient subi une cassure, due à la longue utilisation depuis onze ans déjà de
l’Hdrocortisone
pourtant si nécessaire.
Comme au printemps, l’automne de ma Mère se
passa en épuisants aller-retours entre campagne et Paris
Epuisant surtout pour
l’accompagnateur qui se faisait un devoir d’assister à tous examens ou
contrôles indispensables ou non. Il s’en serait voulu, je crois, de manquer à
ce devoir.
Devinant à peu de chose près ce qu’il
allait découvrir, le Grand Patron avait déjà convoqué un confrère plus jeune
que lui spécialiste de la Micro-Chirurgie, le Professeur Sedel
. Il y eut deux consultations préalables à
l’intervention. Mais seule la deuxième due l’initiative de Sedel, s’est fixée
dans mon esprit. La saison était déjà fort avancée. Mimouche encore une fois
m’avait ouvert ses portes.
L’ambulance devait comme
d’habitude passer me reprendre sur son trajet de retour. Elle vint en effet
vers
6 heures. Pressées
d’avoir des nouvelles fraîches, Chantal de Pange était prestement montée dans
la voiture
près du brancard :
le chauffeur s’était éloigné. Mon Père lui, s’était installé au volant, et tous
trois serrés les uns
près des autres, nous
eûmes par ma Mère le récit de cette journée. Et ceci avec une animation
tellement joyeuse
que mon pauvre Père
s »effondra sur le volant en grommelant :« Encore une séparation en
vue ! » C’en était déjà vraiment trop pour lui. En effet, on avait en
gros, décidé de réparer et de consolider les tendons de la main
droite qui était abîmés.
La main gauche pouvant attendre, elle ne ferrait l’objet d’un traitement que
l’année suivante.
Mais pour 1978, l’Hôpital Saint Louis qui
aurait du accueillir ma Mère, n’ayant plus un lit à lui offrir avant les
Fêtes qui approchaient,
il fut décidé que la première intervention aurait lieu dans une clinique de
proche banlieue
où Monsieur Sedel opérait.
Il
faudrait donc s’attendre à de nouvelles interventions toutes proches ; -
et pourquoi pas à un avenir où
l’Hôpital aurait une
place plus grande…. ?
J’eus l’occasion de m’entretenir avec ma
Mère de l’effet désastreux que ses absences exerçaient sur le
moral de son mari.
Je demandais donc s’il
n’était pas possible de nous rapprocher, mon Père et moi de Paris durant les
périodes
d’ hospitalisations
nécessaires. Peut-être une simple chambre d’Hôtel à proximité des centres de
soins…..ainsi
l’un et l’autre de nous
deux serait plus à même de visiter la malade. On ne me fit que des réponses
embrouillées sur le thème : il faut bien que je me soigne.. et qui
sait ? Peut-être seront-ce les dernières opérations..
« Je ne sait pas si un Hôtel accepterait
de recevoir deux handicapés comme
vous et votre Papa.. Et
puis, que faire de Basile (le chien) , pendant ce temps-là.».?…
De nouveau je dus m’incliner. Le
raisonnement était solide et fondé. Mais j’espérais avoir insinué un faille
dans
le bastion de l’infaillible
certitude maternelle. En fait, ma préoccupation devait se montrer inutile,
puisque les interventions que j’ai dites, devaient être les dernières avant la
mort de mon Père.
La restauration de la main droite eut lieu
au mois de décembre, entre le 10 et le 20. Quelques anecdotes vinrent nous
distraire. Ma Mère nous quitta vers le 9 ou le 10 pour s’installer dans une
clinique dont le nom m’échappe aujourd’hui. Les chambres portaient des noms de
pierres dures : Améthyste, Saphir,
Rubis……
Ce fut une infirmière qui
nous donna les nouvelles coordonnées de ma Mère.
Il était naturellement hors de question
de demander à Tante Kine de quitter son 7e pour aller trotter jusque
las-bas. La séparation
n’en fut que plus complète. Malgré tout des nouvelles nous parvinrent par Tante
Marie-Thérèse de Dreuzy, Belle-Sœur d’Oncle
Jacques1 . Elle tint à venir voir
l’esseulée dans sa retraite du bout
du monde. En y
réfléchissant, je m’interroge : Cette clinique n’était-elle pas aussi une
Maternité ? Ne disposait-elle pas d’un téléphone par chambre ?
Quoiqu’il en soit, ces quelques jours
m’ont laissé une impression que
ne m’avaient pas laissé
les autres hospitalisation déjà vécues.
Ma Mère me raconta qu’en sortant de la
clinique, munie de son Exeat, elle avait croisé la décoration de Noël
dont devait se parer
l’intérieure et l’extérieur de cet édifice public.
Elle revenait à La Glazière, le 21
décembre, juste à temps pour assister
au traditionnel déjeuner que nous
partagions chaque année
le 25 décembre, avec les Pange venu de Mimouche.
Cette joyeuse réunion terminait une année
que ma Mère avait passée quasiment toute entière sur les routes
et dans les Hôpitaux.
Année fertile en évènements internationaux graves, et en changements important
pour
nous.
Qu’était devenu Monsieur
Tournay ?
On
se souviendra peut-être qu’en 1968, il y a dix ans, nous avions fait signer à
Daniel Tournay,
notre successeur, une
reconnaissance de dettes. Cet acte
portait sur 35 ou 40 mollirons, pour
les bêtes
vivent à La Glazière le 1er
janvier 1965. Il donnait 10 ans au débiteur pour s’exécuter. Cette obligation
n’avait
en rien accléré le
règlement de ce dû. Tournay se contentait de payer les intérêts de sa dette
mais point le
principal.
Mon Père mis toute sa patience à attendre
la fin de ces 10 années, quoiqu’à partir de 1976, devant la
mise en garde du Docteur
Roux, mon Père montrât beaucoup plus d’impatience à voit se conclure cette
situation. Il faut voir
là un signe. Peut-être mon Père se sachant atteint, voulait-il laisser derrière
lui une
situation nette.
En septembre 1978, une lettre recommandée
fut donc envoyée à « l’impayable » Monsieur Tournay,
par l’entremise de Maître
Jaccomonie, Huissier de Justice au Châtelet en Brie.
Tournay ne se fit pas prier davantage et
dans les délais voulus un chèque nous parvint sous enveloppe,
sans un mot d’excuse.-
L’utilisation des services d’un Huissier avait paraît-il froissé Tournay, qui
ne reprit
plus jamais contact avec et ne se manifesta
même pas à l’occasion du décès de chacun de mes Parents.
Ainsi disparut de mon horizon le Compagnon
que Jean Daté avait pensé me donner pour la suite de
mes années…
A ma connaissance, Jean
Daté ne connut jamais l’ampleur de notre différent financier avec Tournay. Mon
Père lui ayant
confié qu’au cours de l’année qui se
terminait, nous avions fait signer au débiteur, une
L’Acte en question, Daté
scandaliser, s’étonna que la question ne soit pas encore réglée. Cet étonnement
datait de notre dernière
rencontres avec ce ménage ami, en octobre 1968.
Le montant de cette dette
resta déposé au Crédit Agricole pendant un an. On verra en septembre 1979
ce qu’il en advint par la
suite.
Dans un milieu où tous savent tout de tout,
il est possible que Jean Daté n’ait connu que le début de nos
démêlés avec Tournay. Le
grave accident de santé qui précéda sa mort – une cogestion cérébrale –
l’empêcha
d’en connaître la
fin. 1
.
Le bon et loyal serviteur.
Au milieu des jours graves que nous avions
vécus depuis le Jour de l’An 1978, nous eûmes quand même
droit à un sourire de… la
République. Bonne fille, elle voulut remercier mon Père de ses 25 ans de bons
et
loyaux services
municipaux en lui octroyant une médaille.
L’heureux récipiendaire m’en fit part d’un
ton un peu moqueur au retour d’une séance printanière du Conseille
Municipal ; - mais
sans préciser de quelle distinction il s’agissait. Ma Mère était absente, mais
le ménage Cugnac
était venu me tenir
compagnie ce soir-là. Sitôt la nouvelle connue, les auditeurs se prirent à
rêver… La Légion d’Honneur, peut-être ? ou plus prosaÏquement Le Mérite
National…ou tout simplement un ruban Vert et Noir terminé par une médaille en
fer blanc à l’effigie de la bougresse…. ?
Ma Mère, au passage acheta tout de même
l’insigne. Mais n’arbora jamais la « banane ». Je ne vis la
décoration qu’une fois, - exposée – le
jour de l’enterrement tout au fond d’un
bouquet de Bruyère sauvages posé sur le cercueil… Qu’est-elle devenue ? je
l’ignore.2 On trouvera en tout cas ici la
reproduction du Brevet qui
Instituait mon Père Chevalier
du Mérite Municipal.
Lors du premier retour de ma Mère en mars,
on avait vu Monsieur d’Ayguevives se précipiter en ami
fidèle pour prendre des
nouvelles. Il apportait avec lui un Magnéto-Cassette qui devint vite
indispensable,
Sur cet appareil j’allais
m’exercer durant mes heures de solitude futures. Il allais en outre servir
à alléger
notre atmosphère en
apaisant les impatiences de mon Père apparues à l’automne 1979. Cet
enregistreur
sera donc le véritable
ami des mauvais jours.
Si je parle un peu longuement de ce
Magnéto-Cassette Grundig, c’est parce que lorsque ma Mère fut
rentrée de ses périples
nous nous amusâmes beaucoup l’un et l’autre à enregistrer les émissions de
Télévision. Ceci jusqu’en
1980. Bien entendu l’image manquait, mais il y avait le commentaire :
l’histoire
de Louis Renault, celle
du Saint Suaire de Turin, la biographie de Vivaldi, et jusqu’au Journal
Télévisé de
l’an 1980 donné par
Jean-Claude Bourret. Ignorant la superficie dont je jouirais à Paris, j’ai du
moi-même
laisser blanche aux
déménageurs, le jour venu. Cet appareil, fut l’avant dernier achat fait à la
Maison Richard
Radio de Fontainebleau,
restera muet et inutile, à partir de 1980, abandonné sur un coin de table. Il
me suivra
ensuite sans pourtant
jamais fonctionner, dans mes deux fugitives installations : Place de
l’église à Orgeval
chez Madame Forain, et à
la Clinique Louis XIV à Saint Germain en Laye, en 1987. La voix lui sera rendu
à
Paris en automne
1988 ; - jusqu'à ce qu’un ralentissement de rembobinage lui fasse réclamer
un successeur
au cours de l’hiver 1990.
Les déménageurs avaient sauvé quelques Cassettes, et je pus retrouver les vieux
enregistrements qui ravivèrent
mes souvenirs.
Conclusion de l’année.
Pour conclure cette année 1978, trois
images successivement se présentent à moi. Et chacune est distincte
des autres.
La première évocation me fait voir l’année
comme chargée de chaînes qui nous attaches plus solidement encore au banc de
rame qu’est La Glazière. Bien que prenant l’eau dangereusement, le navire était
prié d’avancer. Les absences de ma Mère avait ouvert la voie d’eau. Or, une
fois rentré le Capitaine n’avait rien constaté et avait persisté à naviguer
malgré la menace de noyade générale.
La seconde image évoque une porte que l’on
ferme. Cette porte se fermait sur la période la moins pénible de
La Glazière. Une
fois cette huis franchi, il ne resterait plus à la famille François qu’à lutter
et souffrir, avec toute
la discrétion
voulue.
Et l’image finale présente cette partie des
terrains de sport qui est réservés au Décathloniens. Nous avons
tous les trois les pieds
dans les « storting- Blocs, » nous somme prêts à parcourir les 100
mètres exigés ;mais
pour mon Père, la ligne
d’arrive sera un lit funèbre. Et c’est cette ligne droit qu’évoque pour moi
l’année 1980.
Post-scriptum ou
Repentir.
J’ai peut-être aussi une part de
responsabilités dans l’épuisement de mon Père. Des amis nous avaient fait
rencontrer une Demoiselle
de Larminat,- vaguement apparentée aux deux Oncles Larminat. Nos amis avaient
beaucoup insister pour
que nous acceptions l’aide de cette personne. Elle vint en effet prendre contact
nous la
vîmes arriver accompagner
d’une béquille, dont elle pouvait se passer. Je du me de servir de ce
« supplément »
médical non prévu, pour
démontrer à ma Mère qu’il me semblait inutile de surcharger la maison et
l’ambiance par
une handicapée de plus.
Ma Mère se rendit à mes raisons. De son côté Mademoiselle de Larminat trouva
également une excuse et l’affaire en resta l’à.1
C’est là mon seul « Mea Culpa » concernent cette période.
Ma Mère avait la nostalgie du temps
où elle régentait une basse-cour. Elle conservait de cette époque
L’heureuse image d’un
troupeau d’oies blanches qui flottait sur une mare touchant notre maison.
Les accords de vente passés avec
l’entreprise Wolf,( par l’intermédiaire de Monsieur Bédossa), en 1972,
Nous laissaient la
jouissance de la cour la plus proche de notre habitation. La-dite mare faisait
partie de cette
Cour. Il était donc
facile d’y remettre les animaux et les
plantes qui nous plaisaient. Ma Mère fit donc revivre
son rêve d’élégance en
installant près de la fenêtre de la cuisine un mini-élevage d’oies. C’était en
fin 1975.
Un folklorique départ des
gardiens,(trouvé après la « retraite » des Tuhault), nous rendit
directement chargés
de l’approvisionnement
des trois bêtes : Deux oies et un jars. Ma Mère confia cette occupation à
mon Père
qui l’accepta
volontiers…Bien entendu Jehanne était discrètement attentive pour voir si les
bassines étaient
régulièrement garnies. Malheureusement l’hiver fut rude et
l’approvisionnant ne fut que hasardeusement
prodigués. Ce fut fatal à
la presque totalité de l’élevage et à sa nouvelle progéniture. Pour mon Père ce
f ut
un drame ; mais à la
réflexion, je pense que ce ne fut pas mauvais. Les mois et les années passant,
et étant
tels que nous les avons
vécus, auraient empêcher Jehanne de se livrer à une distraction de cet ordre.
Des 6 ou 7 oies vivent au
début janvier, il ne nous en resta plus qu’une.. On la mangea…( Mais nous fîmes
croire à mon Père que ce
n’était qu’une volaille acheté en magasin.. Lui dire la vérité aurait
approfondi son
trouble. Ceci prouve
l’attachement qu’il avait fini par vouer à nos frères inférieures, sans doute
pour leurs
caractères silencieux et
éloigné de la contestation.
La ronde commence à se défaire.
La ronde des parents promis, et
d’ailleurs trouvés en 1973, avait commencé à se défaire dès 1974
avec le départ du ménage
Emmanuel de Clavière, suivi de près par
Monique de Clerque en 1976. Celui
des Ahrenchiagues avait
clôturé cette première, et provisoire, série d’adieux, en 1977,de la façon que
l’on
sait.
Le fait qu’il nous fallût
user également de transports en
ambulance, nous attaché également à certains
chauffeurs de la Maison
Ferry. C’était le notamment le cas de Joseph, dont le nom de famille m’échappe.
Travailleur, efficace,
bavard à ses heures, il assura les principaux départs et retours maternels
jusqu’au
début début de 1979. A
l’occasion d’un petit trajet chez le dentiste à Veneux les Sablons, Joseph nous
annonça qu’il quittait
son employeur pour prendre la gérance d’une Station-Service en Vendée.
Il y eut naturellement
échanges d’adresses. Hélas les décès de mes deux Parents et le déménagement
De La Glazière furent
deux grandes tourmentes qui emportèrent tout…
1 En effet d’après les papiers officielles Claude François serait né en Février 1939, et moi en juin de la même année.
[1] C’était irrémédiablement noyer ce projet. Etant donné les sentiments que mon Père réservait aux gants de Loi.
1 Les Noms et prénoms de J.P. 1, étaient Albino Lucciani. Il régna exactement 34 jours.
2 A propos du décès de Jean-Paul 1er Un écho entendu récemment m’a fait penser que l’U.R.S.S. n’était étrangère à la brutalité de cette mort.
1 Premier accompagnateur de mon retour à Paris.
1 Pour en terminer avec Tournay, il mourut en novembre 1994 . Des suites d’une longue maladie semble-t-il
son faire part souhaitant des Dons à l’A.R.C.
2, Il fort possible que ma Mère ait laisser cette médaille à La Turpinière » véritable gardienne des « Trésors » familiaux en témoignage de reconnaissance pour cette demeure et pour ses habitants qui avait tant apporter au long de sa vie.
.
1 Je me rappelais
aussi trop bien les repas quasiment muets, de l’hiver 1963, pris en
présence du jeune Harki « Daniel »,
qui paralysa nos échanges.
Votre
Lied est très beau Monsieur mais la réalité l'est moins.