A mon Ami Monsieur l’Abbé
Jeantet
Passant
outre à vos conseilles
De
prudence j’ai envie de fixer
Le
souvenir de tout ces évènements
Qui
m’ont conduits à la si cruciale
Croisée
des chemins que vous connaissez
Voulez-vous
accepter, Monsieur l’Abbé la dédicace
De
ces pages qui maintiendront la mémoire des heures
Vécus
ensemble.
LA
CHARNIERE
Une herse invisible s’abattit
derrière la voiture qui glissait
et s’arrêtait doucement devant le
Pavillon de « La Glazière », le 4 Juin 1954 , en fin
d’après-midi.. Elle transportait Cinq personnes. Trois allaient jouer les
premiers
rôles
dans notre aventure. Il s’agissait de
mon Père , de ma Mère
et de moi-même. Il faut aussi compter deux
demoiselles,
à vrai dire un peu prolongées, qui
nous aidaient alors. L’une avait 65 ans, et l’autre 70. Mais à
ces
cinq
personnes s’ajoutait un personnage, qui pour muet qu’il demeurat, allait faire
beaucoup parler de lui :
il
s’agit-là de « LA GLAZIERE elle-même, dont le rôle allait être de première
importance. Elle fourniras un
cadre
à notre existence, et jouera un rôle actif en pesant lourdement sur la plupart
de nos décisions.
Pourquoi ai-je choisi cette date, aux
limites de l’été ? C’est que la veille l’Eglise m’avait donné l’Esprit
du
Seigneur
dans le Sacrement la Confirmation.
Je ne doute pas qu’elle m’ait ouvert la route de la vraie
vie.
Mais
il allait falloir quelque trente ans pour que je puisse le réaliser vraiment.
(Exactement le jour du
décès
de
ma Mère).
Mais revenons à la voiture entrée
tout à l’heure dans la cour. Mon Père la conduisait. Il en sortit, toujours
preste
car
il était attendu à la Mairie des Ecrennes dont il était le premier magistrat
depuis l’année précédente. Ma Mère
suivit.
Le handicap d’une grave intervention la rendait plus lente, et plus solennelle
aussi en descendant de voiture, elle jeta ses regards autour d’elle et
déclara :
-« Nous
voici Campagnards »…
L’affirmation était évidente et allait
prouver son évidence par la suite.
Pendant
plus de trente ans, la fameuse herse ne se soulèverait dans des occasions
douloureuses :: dépressions
paternelles,
puis finalement son accompagnement en terre de Sologne. Des occupants de la
voiture je devais rester seul survivant. Enfant gâté de la Glazière, avant d’en
devenir le prisonnier.
Mon Père s’éclipsa donc très vite, nous
laissant ma mère et moi allongés
dans le jardin, ou peut-être dans la
Tanière, petit pavillon d’entrée qui
allait devenir notre « home »
pour quelques années. Le souvenir me reste
d’avoir
été couché sur un lit roulant garni d’un matelas recouvert d’une housse de
plastique. J’avais sous les
yeux
un Numéro de « Paris-Match ». Sa couverture montrait Geneviève de
Galard, héroÏne de Dien-bien Phu
nouvellement
libérée des camps Viet-Minh et passant en revue une maigre garde d’honneur venue
lui présenter
les
sentiments de la France. J’étais
mélancolique à la pensée de devoir passer ici mes plus belles
années ;
mais
je me consolais vite en songeant au petit cheval et à la voiture qu’on me
prommettaiit pour suivre
mon
Père
dans ses déplacements et ses activités agricoles.
Mais qu’était donc La
Glazière ?
Depuis
1950, à peu près, mes Parents
pensaient s’éloigner de Paris.
Deux Deuils successifs et marquant pour chacun d’eux, les avaient inciter
à la concrétisation de leurs rêves. Mon Père venait de perdre trois ans plus
tôt
Méditerranée.
Mon Père et lui formaient vraiment la paire d’inséparable des
4
garçons Maindreville.
Nous venions également de
perdre ma Grand-Tante Geneviève de Dreuzy à
qui ma Mère devait la
rencontre
de son Epoux. Cette vieille demoiselle avait su en outre distraire ma Mère des
soucis domestiques
qu’imposait
ma petite enfance difficilement vécu. « Tante Vette », emmenait donc
sa nièce aux « Archives
Nationales »,
où elles se plongeaient dans de nombreux travaux généalogiques. Malgré ces
sorties , la Santé de ma Mère allait en se détériorant chaque jour d’avantage.
Le choc du départ de ce véritable « chef
de
Famille » et les inévitables questions que posaient les interventions
aux hanches dont
la décision était prise
amenèrent
ma Mère à envisager sans chagrin une rupture quasiment définitive avec la Vie
Parisienne.
Enfin,
un dernier point important avait fait pencher la balance :Ma Grand-Mère
avait procédé à ses partages.
Ils
nous attribuaient la propriété.
L ‘hôtel particulier du
28 Avenue de Messine revenait à
l’Oncle Jean, frère
aîné
de ma Mère et Montgeron, petit rendez-vous de chasse, construit par mon
Grand-Père, allait à l’Oncle
Rémi,
second frère de ma Mère.
A la vérité, cette propriété tira vie de
l’attrait qu’elle exerça sur les deux femmes qui en profitèrent
pleinement
le
plus longtemps : Je veut parler de ma Grand-Mère, et de ma Mère. Ma
Grand-Mère d’abord pour laquelle elle
fut
achetée et qui l’entretint pieusement, ma Mère ensuite qui eut pour elle une
véritable passion. Et pourtant…
Une
anecdote était resté fameuse dans la famille : quand mon Grand-Père lui fit
visiter la Glazière, il vit bien que
ma
Mère ne battait pas des mains. Il lui dit :
-« Je
vois bien que cette maison ne te plait pas, j’ai l’impression qu’on ne t’y verra
pas souvent ».
Ma
Mère lui aurait répondu :
-« Oh
Papa, on ne peut pas dire ça ! le Bébé, qui va naître, aura peut-être
besoin de s’aérer. C’ est peut-être
moi
qui y viendrai le plus souvent ».
On sait ce qu’il en a été. L’attachement
de ma Mère à la maison ne se démentit jamais. Elle
l’appelait
« Ma
Glazière ».
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII Monsieur et Madame Xavier
Schelcher.
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
(Acquéreurs de LA GLAZIERE).
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
Septembre
1938.
Mon Grand-Père avait acheté ce
domaine en Septembre 1938, au moment-même où l’Histoire
balança
si fortement entre la guerre et
la paix ,
par les trop célèbres accords de Munich. Il espérait que cette maison
serait un abri pour ses petits-enfants au
milieu des Désordre militaires et civils qu’il prévoyait.. Les
évènements
et son âge avancé ne lui permirent
pas d’en jouir lui-même. Il n’en connut que les soucis
et n’y vint qu’avec
une répugnance,(qu’il avait
acquise pour l’endroit), il n’aima guère y séjourner. A sa mort, en 1948, il
lassait
à ma Grand-Mère une Glazière qui
n’était pourvue que du confort le plus élémentaire. Par sentiment de
respect
(Bien dans l’esprit du XIXe
siècle, dont mes Grands-Parents étaient issus), elle ne voulut rien changer
lorsque
la maison lui échut en 1948.
Mes parents et moi-même
n’avions pas attendu cette date pour y passer nos étés. Ma Mère demeura toujours
reconnaissante à cette
installation pour son atmosphère apaisante, propice à mes jeunes nerfs. Le
second
motif de sa gratitude
tenait à la discrétion du lieu. En effet, la maison était éloigné de tout grand
axe routier.
Ce qui en fit une
protection plus efficace encore , contre les curiosités nazies. Le premier
souvenir qui se soit
gravé dans ma
mémoire,- j’avais cinq ans-fut de voir passer un long serpent de ces
indésirables sur la petite
route
départementale qui se trouvait au bout de notre allée d’accès.
Tout en restant
prudent et pour voir ce spectacle, mes parents me juchait sur le mur qui
séparait le
« pavillon » des bâtiments de la ferme. On vit passer les
grosses voitures grises ou noires de l’Etat-Major.
Venait ensuite la troupe à pied. Tout ce monde était pourchassé par
l’armée américaine toute retentissante
de bruyante camaraderie. Le Maréchal Kesselring d’un côté et le Général
Bradley de l ‘autre se doutaient-
ils qu’ils fournissaient ses premiers souvenirs à un jeune
handicapé ?
On me raconta la suite :le
spectacle était pénible et
fascinant : les gros chars « Panzers » patinant dans la
descente et remontant la côte qui précède
les Ecrennes. Or, de ce long ruban humain se détacha un
groupe
de Polonais, de Tchèques et de Yougoslaves , heureux d’apercevoir une ferme et remplis de l’espoir de trouver là un asile,
puis
de revenir clandestinement
dans une mare du sous-bois
(Les
vieux coutumiers l’appelaient la « mare bleue »). Par la suite,
en basses eaux, on pouvait apercevoir tout
fond
des taches sombres. Ces mercenaires partirent quelques jours plus tard, encadrés
par les M.P. qu’un
des
employés
de la ferme était allé avertir.
Ceci et bien d’autres choses se
passaient aux environs du 15 Août 1944.
Un
dernier point qui ouvre droit à la discussion.
D’après
ma Mère, le Maréchal Kesselring fut un des seul Généraux à ramener ses
régiments presque
intactes
en
Allemagne. Cet apport de troupes, relativement fraîches permit à Hitler sa
fameuse Contre-Offensive à Bastogne.(Noël
1944).
Mais cela reste à
prouver.