CHAPITRE IX

 

LA CRUELLE

 

1962

 

 

 

                                                                                                           

Pour trouver son sens à 1962, il faut songer à « aridité ».

Nous étions, par chance, rentrés à Paris ;-juste à temps pour être au dîner offert par ma Grand’Mère

à sa famille, augmentée de la génération des cousins. C’était repas  traditionnel du 1er Janvier.

 

   Si j’ai écrit « par chance », c’est parce que mon Père était visité par un dernier rayon de passion pour

l’agriculture. Il était, je crois, agacé de l’indiscrétion manifestée par toute la tribu Chauvaut et souhaitait

un changement. En outre il espérait une gestion meilleure,-se refusant à croire, que sa charmante

inexpérience était peut-être la seule base de l’irrentabilité qu’il déplorait.

                      Un lourd et inquiétant silence recouvrait maintenant La Glazière. Calme qui évitait les commentaires de ma Mère. L’orage couvait. Ce fut à mon sujet qu’il creva. Un coup de peigne malheureux

Me procura un staphylocoque au front. Ses conséquences mûrirent longtemps. A notre grande à tout deux surprise je devenais incapable de dicter sans peine une seule carte de vœux. On avait pensé à une gêne

passagère provoquée par la disparition de l’Oncle Paul du Vignaut..

      Mais ce Staphylocoque se manifesta d’un bouton au front, avec une enflure importante des yeux.. Nous

n’avions pas de médecin attitré à Paris. Un ami, étudient en médecine nous conseilla une cure d’antibiotiques.

Mais ne pouvant encore Prescrire, il nous adressa à l’Hôpital, et c’est ainsi que je fus le très bref client de Mme

Courilsky,  femme du professeur, qu’on avait recommandée à mon Père.

             Elle confirma le diagnostic de son jeune et futur Confrère, et ordonna cette série d’injections curatrices.

De ce traitement, j’ai gardé mauvais souvenir. Ma Mère avait tenu ; mais depuis qu’elle marchait avec des cannes, elle avait perdue quelque peu sa dextérité manuelle……

 

           Une anecdote me revient en mémoire, assez piquante. Dès notre arrivée  on manda la

Doctoresse. Elle écouta le récit de ce petit accident, et en particulier de son origine supposée :

Le coup de peigne. Elle lança :

-« Eh bien Madame, vous n’avez qu’à le coiffer en brosse ».

-« Jamais de la vie, rétorqua ma Mère. Ca fait retardé mental ».

-« Mon Père était coiffé comme ça, et je n’ai pas l’impression qu’il fût retardé mental ».

Il s’agissait d’un architecte sujet à de fréquentes dépressions à tendance suicidaire. Elle

l’avait elle-même confié à ma Mère…

                    

 Revenons à Paris. Dès qu’il avait appris notre deuil, Oncle Gonzague de Saulieu, autre cousin de mon

Père, animateur joyeux et incontesté du groupe qui nous entourait pour le moment, avait promis de venir

par exemple, une fois par semaine, déjeuner, pour parler famille. Ceci dans la mesure où ses occupations

professionnelles le lui permettraient..

                           Ces obligations étaient lourdes. En effet il avait fondé avec son frère aîné, oncle François
le Syndicat des Chauffeurs-Routiers ; puis depuis la dernière guerre, leur chaîne de restaurants. Elle couvrait

toute la France à l’époque.

   Il vint en effet très fidèlement durant tout l’hiver,- comme il voulait on parla famille,-mais lui permit aussi

d’étudier nos problèmes. Sans rien dévoiler de ses conclusions.

 

                       En février, une autre triste circonstance nous appela, mon Père et moi, en Sologne ; c’était

pour l’enterrement de Monsieur Jean Colas des Francs, vieil ami des Dreuzy et des Maindreville. Il eut le

privilège de pouvoir mourir à l’abri de sa Chevrolière en Duizon. Il était célèbre parmi nous pour sa façon

de conduire les attelages ; puis ensuite par sa perplexité lorsqu’il dut affronter les moyens de locomotions

plus modernes. Comme tout bon Solognot, il était grand planteur d’arbres et ne pouvait les quitter des

yeux. A l’oncle Pierre Bureau de l’Isle qui lui conseillait d’offrir un voyage dans le Midi à sa femme, il répondit :

-« Voyons Pierre, y pense-tu ? Que deviendraient mes arbres » ?

Ce qui devait s’interpréter : « Si on vient pendant mon absence démarquer mes bois et les voler en les

sur marquant d’une autre façon ! »

    Le ménage n’avait pas eu d’enfants, mais il accueillait à bras ouverts la jeune génération qui s’arraîtttait volontiers dans ce grand château éclairé à la bougie longtemps après 1940. Cette mort fut,  je crois, une

grande perte pour les gens de l’âge de mon Père et de ses Frères et Sœurs.

   Je n’en veut pour preuve que le commentaire fait par oncle Michel,(deuxième frère de mon Père), en

montant dans la voiture qui nous ramenaient vers Paris :

-« C’est un pan de mur de notre histoire qui disparaît » !

        La Chevrolière est resté dans la famille puisque Jean des Francs l’a léguée à Jacques l’un des beaux-frères

Larminat de mon Père. Oncle Jacques en prit possession pour ses enfants lors du dernier voyage d’Argentine en

France qu’il fit avec Tante Magdelon ; celle-ci comptait parmi les sept sœurs de mon Père… C’était en 1966.

 

             Ces divers évènements nous amènent jusqu’à la Mi-carême. Depuis quelque jours, Journaux, Radio et

même Télévision annoncent une  « Dramatique », de prestige : « Le Dialogue des Carmélites » de Georges Bernanos. Bonne occasion pour offrir une dernière Soirée-Tapis aux jeunes intellectuels qui m’entourent.

personnellement, je me présente à ce spectacle sans préparation aucune. Certes, je connais l’auteur et

certains de ses titres, mais sans connaître rien du contenu de son œuvre.. Mes parents et le cher Jean

François Issenman, trop absorbés par leur tâches respectives, font confiance à un équilibre,-le mien- qu’il

n’ont encore jamais vu faillir. C’est pourtant  ce qui devait se produire,-avec retardement, il est vrai.  

  Ce spectacle dégageait une impression désagréable, déplaisante. Elle devait ébranler ma paix

religieuse. La soirée marqua pour moi le départ de la « monté en puissance » (pour parler la langue

de l’E.D.F) d’une crise qui devait se prolonger jusqu’à la fin de l’année.

J’ai parlé plus haut du Soleil  Noir qui aurait assombrit le reste de mon année. Ce fut ce jour de mars

qu’il choisit pour se lever.

 

     De tristes Pâques nous attendaient ma Mère et moi, à la Glazière.

L’espèce de séparation entre la ferme et nous, que j’avais observée à l’automne, se confirmait. Je l’avais

mise sur le compte d’une nécessaire adaptation des nouveaux gestionnaires.

             Avec deux amis Anglais venus avec nous passer leur vacances, nous jouions aux cartes,-entre

deux tours, les joueurs valides allaient voir à La Tanière le très mince élevage de poulets que ma Mère

essayait de mener à bien elle-même ;-Madame Fremaux pressentie, s’était immédiatement récusé devant

cette activité. Nous délaissâmes un jour La Reine de Pique et autres majestés de cartons, pour une « Journée

Archéologique » qui mena au ruine du château du « Vivier »,apanage du Roi Louis XI. C’est avec le respect

qu’on imagine que je pus y saluer pour la dernière fois, Monsieur Marcel Aubert professeur d’Archéologie de

ma Mère.

 

     Leur vacances de Pâque ne correspondant pas cette année-là, avec les nôtres les amis Anglais

durent nous abandonnés avant le célèbre Dimanche et rentrent dans leur Illes.

 

     Partie de dame entre Richard Jonhoson à gauche et Simon Harvey.(Avril 1962).

 

Quelques jours plus tard le ménage Daté vint déjeuner à La Glazière. Après le repas Mr Daté, nous

emmena, mon Père, Fremaux et moi à un endroit des Terres, qu’il voulait étudier particulièrement..

 Ma Mère saisit l’occasion de s’entretenir avec Madame Daté, entre femmes, du problème humain

que représentait le couple Fremaux.

Madame Daté lui dit :

-« Nous sommes désolés, Jean et moi, d’avoir été trompés ainsi. Mais après tout, puisque Monsieur

de Mainderville, et vous-même, avez décidé de mettre fin à cette expérience agricole, peut-être

faut-il consentir ce sacrifice… »

Ma Mère était bien de cet avis, pour l’instant.

 

Elle m’obtint une nouvelle installation à Paris, pour quelques semaines. C’est là que fut mis sur pied le

dernier des trois piques-niques de fin d’année.

 

Il était offert aux Saulieu et aux amis des « Equipe Notre-Dame » de Neuilly. Il eut lieu le jeudi d’Ascension1962 .  Ce devait être le dernier avant de longues années. Il faudrait attendre jusqu’à la Pentecôte 1973 . Avec ce jour

d’Ascension, nous étions très près de l’été.

Anne et son frère Jean préparent le pick-nique 1962.

Au Cœur de la Centrale « Electrique ».

 

 L’été 1962, mérite bien ce sous-titre particulier, tant ses conséquences furent d’une exceptionnelle gravité.

C’est du moins ainsi que je le vécus.

 Depuis vingt-deux ans, j’était le témoin silencieux et hélas, impuissant du combat que menaient mon Père

et ma Mère contre l’adversité. Ils l’abordaient chacun avec leur personnalité et leur ressources intérieures.

Elles différaient. Les solutions proposés par chacun ne se recouvraient pas toujours les unes les autres.

Les comparaisons pouvaient vite devenir passionnés. Des brumes pouvaient devenir des nuages car

les mots sont toujours insuffisants. Ils peuvent opposer.

Ce qui n’était que brumes d’abord, pouvait devenir nuage-nuage de plus en plus opaques ; chacun

restant dans sa logique propre. Et dans la vivacité des mots, certains peuvent échapper ; vite regrettés,

vite repris, mais échappés tout de même. Un jour le mot « Séparation » échappa….

 

Une nervosité explosive avait fait place chez mon Père à l’atonie qui l’avait habité jusqu’en 1960. Une

soif d’activité, une excitation progressivement montée, retombaient parfois sur son entourage. Ma Mère

de son côté avait un caractère affirmé, net et précis. Elle supportait mal ce qui lui paraissait fantaisie.

Mon Père cherchait dans la vie de la ferme une occasion de « Vivre sa Vie ». Le mystère dont s’entouraient

Les Fremaux dans la cour de fut mortel. Il pouvait donner l’impression que ma Mère et moi, étions mis à l’écart.

(Je crois me rappeler que Fremaux avait officiellement demander à mon Père notre exclusion de son espace de travaille).De là à supposer que mon Père ne s’y opposait pas, il n’y avait qu’un pas ; il était tentant de le franchir..

où au moins de jouer avec lui…..Inconsciemment…..   (La dernière nervosité dont il est question était due à un

mariage dans le Midi auquel j’était convié. Mais pour cela il fallut demander l’autorisation à Monsieur Fremaux

pour mon Père, de quitter l’exploitation. Le chef de Culture la refusa naturellement .Cette restrictiction d’un employé, nous choqua encore plus, ma Mère et moi).                                                                                                

                                

Peut-être y eut-il une certaine bravade dans le projet que conçut ma Mère de prendre du champ,-sous

prétexte de vacances dans le centre de la France, où elle prétendait m’emmener… seule…au volant

de la 403.                                                          

Néanmoins, c’est une voiture conduite par son chauffeur habituel qui prit le chemin de Sennely, pour l’enterrement d’un vieil Oncle, Jacques de Vendoeuvre. Ma décida ce jour-là de s’y faire inhumer quand

son heure  serait venue,-au sein d’un groupe connu.    

 

Ayant été invités à Riom, Davayat, pour le Bal des 18 ans d’Anne de Saulieu, nous primes le chemin du

Puy de Dôme, pour commencer par Davayat, ce dernier séjour de repos,-peu gai. Ma Mère savait trouver

à Davayat, puis à Moulins chez les Lestoilles, des oreilles attentives et de cœurs compatissants. Cette

compassion se traduisit en grands seaux d’eau (moraux) jetés sur nos passions chauffés à blanc par

trente ans de vie commune,-et par sept ans d’efforts et de tensions exceptionnels….

C’est fut un trio socialement plus calme qui réintégra La Glazière, via un détour par notre Messine,

aux alentours du 15 septembre date officielle de la rentrée des clases à notre époque. J’aimerai évoquer

ici le dîner de retour sur notre lieu de travail, pris avec ma Grand’ Mère. Commentent pour nous son mois

de septembre, elle nous confia :

-« Oh c’est le dernier mois de septembre que je leur offre parce que tes cousins n’ont plus l’air d’en profiter

ils sont tout le temps aller à Paris faire des couses avec leur Mère. Ils me laissaient à 1 heure ½ et ils ne

revenaient qu’à 8 heures moins le quart pour être exactes et ce mettre à table. Je ne les ais pas beaucoup

vus, çà coûte cher pour si peu de temps passer ensemble » !

  Pour moi, une toute petite faille s’ouvrit en songeant à cette tradition, qui disparut qu’on menaçait et qui ne fut

 Plus qu’un souvenir comme le désirait ma Grand ‘ Mère….A partir de cette année-là.

 

Au cours de la brève halte à Paris, dont il a déjà été question j’appris par la radio, la mort de Thérèse Neumann

la célèbre stigmatisée de Munich. L’atmosphère de vie mystique prodigieuse qui l’avait entourée avait intéressé

ma Mère, qui m’y avait introduit à mon tour quelques années auparavant. Cette disparition et l’Extraordinaire de

pareils phénomène me frappèrent de terreur. Ce qui prouve ma fragilité à cette époque.

Le Père Omez, Dominicain, spécialiste pour son Ordre des phénomènes paranormaux et religieux, enfonça le

clou, si j’ose dire. Il indiqua qu’il y avait en France en 1940, et en France seulement, un certain nombre de ces

« élus du Seigneur »….. Cette déclaration ne fit qu’enfoncer en moi le trouble qui commençait..

   De retour à « La Glazière », et mon état intérieur découvert, on manda la Doctoresse. Elle me fit passer en

revue les événements de l’année. Lorsque j’en vint à la cacophonie carmélitaine du « Dialogue des Carmélites »

elle sursauta et me déclara tout net :

-« Si vous m’aviez téléphoner et parlé de ce programme, je vous aurais interdit de le voir » !

     Et de m’expliquer combien l’œuvre de Bernanos lui paraissait complexée et peu accordée aux jeunes.

En terminant, elle m’encouragea à lire Molière et Kipling. En me disant à propos de Molière :

-« Vous verrez ce qu’il dit des Médecins, çà vous fera rire ! » Ce qui est une preuve supplémentaire

de l’intelligence de notre amie. Sur le plan médical proprement , elle me prescrivit de revenir sans délai

à Paris avec trois Equoânils 1 et un Immenoctal…

La partie chimique du programme ne faisait aucun problème ; mais plus ardue était l’organisation  de ma

villégiature à Paris,-qu’on souhaitait solitaire.

Pour cela, il fallait réunir deux conditions :         

D’abord convaincre ma Grand’ Mère d’ouvrir son immeuble plus tôt. Ensuite trouver quand même une aide

matérielle efficace.

 

Par bonheur pour moi, nous nous trouvions au moment  de l’exode des Pieds-Noirs d’Algérie vers la France.

Grâce à un Officier fraîchement rapatrié et attaché à la Préfecture de Police, le Commandant Bonnal de Kéranne

les Saulieu nous mirent en rapport avec un jeune Harki supplétif, qui avait servi dans les Fusiliers Marins.

Il était habitué à « manier les bonshommes ». Il se nommait Abdel Kader ben Driss et avait francisé son

nom en celui de Daniel Baudry. ( Service que je lui avait personnellement demander étant donné le nombre

de visite-de tout bords- que je serait amener à recevoir, mais aussi a cause des Passions Politiques créées

par l’époque et dont on se souvient). Il était Kabyle et assura auprès de moi les fonctions d’Infirmier et de

Monsieur de Compagnie. Ceci permit à mes parents de goûter un peu de paix chacun de son côté. Ma Mère

En effet tint pendant quelque temps le rôle de maîtresse de maison à « La Colminière » dans le Loiret,-chez

les Bureau de L’isle. Mon oncle devait petit à petit tenir un très grand rôle auprès de nous-trois, durant les

18 derniers mois de sa Vie.

Il paracheva en ma Mère l’œuvre ébauchée précédemment par nos cousins, lors de la Fête des 18 ans

d’Anne de Saulieu.   

                               

De mon côté je risquai un essai de vie en solitaire, essai, qui somme toute pris l’eau et ne pu subsister longtemps

à cette époque, mais dont le souvenir exemplaire m’est bien utile aujourd’hui. 

 

1 Traitement à l’Equoànil que j’ai pris jusqu’en 1987.

 

La nouvelle de mes hantises religieuses s’étant assez largement répandue, par la faute de ma Mère je vis

défiler une toute petite partie du Clergé de Paris ;- petite partie qui me parut déjà énorme. Chacun avait voulu

par sa gentillesse m’apporter ou me faire apporter une aide. Chacun m’envoya donc le Prêtre qui jouissait de sa confiance. Cette sollicitude me permit donc de rencontrer le Père Mombert, Chapelain de Montmartre.  

Ensuite je revis une vielle connaissance , l’Abbé Bégin de l’Ecole Fénelon, qui me Confessa pour la Fête

de Noël. Cette fois encore, ce fut un fils de Saint Ignace (de Loyola), qui me tranquillisa sur l’origine de mon                                                                                                             

blocage. Le Père François de Prunière. Il sembla d’abord se méprendre,- croyant à une réaction première

devant une paralysie nouvellement rencontrée :

 

-« Est-ce la première fois que vous éprouvez une telle hantise ?

 

-« Non mon Père. Dès l’enfance j’ai toujours été sensible aux Mystères Douloureux »

 

-« Et cette sensibilité s’est-elle manifestée autrement qu’intellectuellement ? »  

  Je lui répondit que non.

 

-« Alors, dans ces conditions, je peux vous dire que si çà n’est déjà venu, ce n’est ni venu ni à venir ».

 

Il me releva temporairement  du devoir que je me faisait depuis la Noël 1958, de lire chaque matin la messe du jour. (Pour éviter une rechute, mes Parents, une fois revenus prolongèrent cette interdiction pour me faire participer aux messes du Dimanche plus intensément encore).

Puisqu’un Bon Père se montrait si sûr du Temps et de l’Avenir, je :m’estimait pouvoir aller en paix.

  Enfin, mon bon conseiller de toujours, l’Abbé Jeantet, revint à Paris.

 

Je me remettais rapidement grâce à l’entourage des Saulieu et de leurs amis. Ils tiraient profit des observations

faites par Oncle Gonzague l’hiver précédent, sur notre vie familiale, et me faisait profiter, pour moi seul, cette fois

de l’autonomie dont ils jugeaient avec satisfaction , les Progrès.

Dois-je avouer que le groupe remarqua chez moi un certain raidissement au retour de ma Mère ? Ce réflexe

fut parfaitement inconscient.. Nous devions fêter la Nativité pour la première fois en Province, dans la famille

de mon Père.

 

Il avait décidé de consolider ce premier temps de convalescence spirituelle par un séjour de Noël à Davayat..

Les Saulieu, alors nos inséparables, avaient été les « Deus ex Machina » de l’affaire. Et cette fête de Noël

j’insiste bien : cette fête de Noël, marque un moment décisif dans nos relations avec l’équipe d’amis en place

depuis 1960. On verra pourquoi.

Et nous fumes de nouveau Parisiens pour le Premier Janvier ; et surtout pour le dîner de famille traditionnelle,

élargi dont j’ai parler plus tôt.

 

Et maintenant le moment est peut-être venu de faire le bilan.

 

Qu’on la prenne au plan médical ou au plan sentimental, cette année fut vraiment l’année cruelle.  

 

  La mort avait continué d’œuvré en fauchant Madame Jean-Joseph Gautiez, née Marie-France de Maindreville

fille aîné du frère aîné de mon Père. Elle était la sœur de Jean-Michel de Maindreville, Officier de Marine, mort

pour la France en Indochine, comme il a été raconté dans la chronique de 1954. Marie-France disparaissait en

septembre 1962, d’un cancer après une deuxième maternité.

 

Les secousses de ces mois difficiles me révélèrent un nouvel aspect du caractère de mes Parents, qui ne s’était

pas révélé jusqu’alors.

 

Mon Père était un enthousiaste ; qui se passionnait pour les choses et les gens. Mais cet enthousiasme retombait, et il se détournait.

Ceci joua pleinement dans le cas des Fremaux et n’arrangea rien dans le problème où ceux-ci se débattaient.

La suite de leur péripéties ne fut donc plus jamais évoquées devant nous. Mon Père avait tourné la page et

s’en tint aux aspects purement professionnels de leur présence.

  Quant à ce qui nous concernait, ma Mère et moi, ma brusque installation à Paris ne changea qu’à peine

son comportement à notre égard ; où du moins je n’en perçus rien.

  Quoi qu’il en soit, nous étions à deux ou trois ans près de l’échéance de 1964 qui devait nous libérer. Le

temps qui restait à courir serait certainement délicat . Son rythme allait s’accélérer encore davantage.

Quant à ma crise spirituelle, jamais mon Père ne m’en parla. Ce que je trouve à la fois triste et réconfortant.

D’un côté que m’eut-il dit d’autre que membres éminents du Clergé dont j’avais retenu les conclusions.

Mais d’autre part j’aurais très volontiers reçus les Paternelles conseilles de ce grand Chrétien.

 

Ma Mère de son côté allait célébrer, dans la plus grande discrétion, le dixième anniversaire des incroyables

Interventions qu’elle avait subies. Leur succès tenait du miracle. Le Professeur Judet, consulté, en 1961,l’avait bien souligné à ma Mère en lui disant :

-« Ni vous ni moi, n’avons envie de recommencer ! Je vais vous dire une chose que je ne dis à personne, gardez

vos cannes » .

Il suppliait donc ma Mère de se ménager. Ce n’était pas son caractère. Elle connaissait sa précarité de son état.

Elle put jouir pendant quinze ans d’une prolongation de son activité. Mais les années passant, la douleur allait

croissant. Faut-il s’étonner que son caractère se soit altéré ?

 

  Pour ce qui me concerne, j’étais alors trop inexpérimenté pour comprendre ce que signifiait cette vacillation

dans la vie d’un couple. Je n’avais perçus que l’extrême tension qui en était résultée. Sous mes yeux, ce couple

si ardemment chrétien, ne s’était jamais disputé,-sinon que pour des vétilles superficielles.

Il me restait à apprendre de la vie, que l’amour connaît de ces épreuves….

 

Oui, vraiment, 1962, la Première ses deux années cruelle que devait connaître..     

 

 

courage nous approchons de la fin.