CHAPITRE  X

 

LE VERDICT (Scientifique)

 

1963

                                                           

 

 

 

   En écrivant les dernières lignes relatives à 1962, j’imaginais celle qui allait venir. Je la prévoyais plus compacte.

J’ y distingue quelques moments essentiels.

 

La Planète allait voir s’éteindre deux de ses phares, dans l’ordre de l’autorité morale et dans l’ordre de l’autorité

religieuse. L’Eglise allait perdre Jean XXIII, Cardinal Roncalli. Les Etats-Unis allaient perdre, ( d’une façon tragique) leur Président., John Fitzgerald Kennedy.

 J’ai un peu oublié la trajectoire qui conduisit Giouseppe-Angelo Roncalli au Pontificat Suprême. En tout

Cas,  il fut, nommé à la Nonciature de France dès 1944, avec l’agrément du Général De Gaulle, alors chef

du Gouvernement Provisoire. Il se montra , dit-on dans ce Poste assez fin diplomate. Je n’en sais pas plus.

Pourtant une autre anecdote me revient à l’esprit. Il avait appris qu’un de ses compatriotes, Monsieur Lago

habitait la Seine et  Marne. Il était alors à la tête de la Société Talbot-Lago. Le Nonce lui offrit de venir lui

faire une visite. On pensait bon de lui faire connaître quelques Autorités religieuses et civiles de la région.

Mon Père sollicité, mais trop accaparé il dut s’excuser et se déchargea sur notre Doyen. Le pauvre Abbé

Jozon revint de la journée assez décontenancé.

 Tout d’abord, il avait vu arriver le Nonce en short blanc immaculé…. Ensuite, perdant tout à fait le nord

il ne comprit pas grand-chose au déroulement des évènements, car ces Messieurs s’adonnèrent à la pêche

en commentant leur bonnes prises (et peut-être d’autres choses) dans la langue de Dante… Pour lui c’était

de l’hébreu. Cette journée doit dater de 1952, (selon le souvenir que le religieux spectateur en rapporta à mes

parents, car l’Excellence fut rappeler en Italie en 1953, et l’Abbé Jozon quitta Le Châtelet en Brie, en 1954.

Quand Jean XXIII apparut au soir du 28 Octobre 1958, sur le célèbre balcon romain, mes parents ne purent

retenir un sourire, en pensant au Diplomate religieux, en si petite tenue dont on leur avait parlé.    

Le Pape Jean XXIII reste celui qui décida d’ouvrir un Concile Œcuménique. Ce Concile me fut connut

Par l’effet qu’il produisit sur mes parents et beaucoup de nos amis. Ils y étaient peu préparés. Le premier

choc fut dévastateur. Le Pape put l’inaugurer. Mais hors de cela beaucoup de choses m’échappèrent et

ne me laissèrent  pas un grand souvenir. Le travail qu’il y accomplit fut vite freiné par la maladie, puis stoppé

par la mort.

 

Ce fut donc une triste Pentecôte que nous offrit cette année-là le Saint Esprit puisqu’il priva les fidèles de leur

« Bon Pape Jean ». (3 juin). Depuis l’automne 1961, les milieux bien informés (en l’occurrence les Jésuites) parlaient

d’un état de santé sérieux. Ma Mère avait la chance d’être renseignée par le Père de Parvillez dont elle suivait

les causeries. Une fois sa conférence terminée, il se laissait volontiers aller à bavarder de choses et d’autres.

Et comme un jour de ce printemps, ma Mère lui présentait ses condoléances officielles. Le bon Père lui répondit :

 

-« Madame, le Bon Dieu fait  bien les choses 

puis il commenta :

-Jean XXIII a entrebâillé trop de portes sans jamais les ouvrir ni les fermer tout à fait ».

 

  J’ai mal connu la carrière du Cardinal Roncalli ;pourtant un souvenir pittoresque reste présent à ma mémoire.

A la fin de 1953, le Vatican le rappela à Rome. On voulait faire de lui un Cardinal au prochain Consistoire, puis

Un Patriarche de Venise. Il fut donc élevé à sa nouvelle dignité, étant encore Nonce à Paris. Les usages voulaient qu’il reçut la barrette des mains du chef de l’état ;-celui-ci étant de droit Chanoine Honoraire du

Latran . Soit. Ceci étant, « Le Pèlerin » publia une photo pleine de saveur : Monseigneur Roncalli, pieusement

agenouillé devant Vincent Auriol, agnostique, Radical-Socialiste. Bon teint et probablement Franc-Maçon, tenant

la barrette et prononcent quelques paroles peut-être liturgiques…La vie a de ces plaisanteries…

   

 

Revenons à notre histoire familiale, moins solennelle, mais qui recommence chaque matin.

En 1962, elle s’achevait sur ce qui aurait pu être un agréable séjour en famille durant l’hiver.

En fait ce ne le fut qu’en surface, mais en profondeur, un épine irritante était là entre mes

parents. Cette fois-ci, c’étaient nos hôtes ou invités qui en étaient l’occasion.

  Ils furent d’abord surpris, ma Mère surtout, de constater la simplicité cordiale mais respectueuse

avec laquelle je m’adressait à des Oncles et des Tantes qui étaient de leur génération. Je pensais

que nos déjeunés à Paris arrangeraient les choses.

Ils n’en fut rien et ces déjeunés devinrent de plus en plus rares. Peut-être aussi un fait social fut une

occasion d’agacement. Daniel Baudry, l’ancien Harki que les Saulieu nous avaient procuré pour me tenir

compagnie, devint une pomme de discorde cachée ; elle empoisonna l’atmosphère. Mes parents n’avaient   

 mesuré les développements futurs de l’aventure dans laquelle sa constante présence nous embarquaient.

Tout d’abord il prenait ses repas avec nous, interdisant toute intimité. Ensuite son comportement global agaçait

ses modes de jugements n’étaient pas les nôtres ; nous apercevions mal quels étaient ses centres d’intérêt.                                                                                         

D’autre part, les Saulieu, si proche qu’ils fussent de nous, ne purent pas mesurer la nature, la gravité et la

profondeur de nos soucis. Ainsi, ma Grand’Mère était âgée ;-nous étions ses locataires, sans loyer………

Nous étions tenus d’en tenir compte.(Et pour cela, c’est ma Mère qui vit toujours le plus clair).

La ferme,  étant pour l’instant, le plus important de nos tracas.

 

Durant les vacances de Noël, ces amis si charmants amis s’avisèrent de proposer l’installation à mes côtés

dès Janvier, d’un retraité qui serait chargé d’une partie de mon éducation scolaire. Or, en cette occasion,
comme plus tard à La Glazière, je manifestai ma résistance à l’incrustation d’un énième personnage trop

près de nous trois. (1)

 

Pour toutes ces raisons le groupe se dissocia.

 

1.J’ai certainement eu tort, mais dans les deux cas la référence médiocre laissé par Baudry me servit instictivement d’exemple et d’alarme. Mes parents aussi charmant qu’ils ait étés avaient chacun leur

 caractères avec lequel il fallait savoir composer . 

 

   Pendant ce printemps l’état physique de mon Père laissa à désirer, une Périarthrite s’étant niché dans

un de ses biceps. Ses vertèbres se rappelèrent aussi à son souvenir et les sièges de la 403 furent mis en

cause. On décida de changer de voiture. La Maison Porta, distributrice d’engrais pour la région assurait aussi

la représentation de Citroën,-et Daté, conseillé Agricole était employé de Porta. Ma Mère évoqua devant lui l’état

de santé de ses deux hommes.

 Daté ne pouvait rien pour les articulations de mon Père, mais il pensa qu’on pouvait améliorer le

confort de ses déplacements. Il conseilla un Break  I.D.19 Citroën, qui nous faisait d’ailleurs depuis longtemps

 envie. La dureté des sièges Peugeot furent l’excuse….

 

La conversation n’en resta pas là. Ma Mère dut effleurer les problèmes qui m’avaient préoccupés durant tout l’hiver et leur origine. Daté se souvenant aussi des projets que ma Mère avait formés pour La Glazière et pour

Moi, Daté, en tira la conclusion :

-« Si l’exploitation fatigue aussi Martial, il faudra arrêter dès que l’on pourra C'est-à-dire dans quelques mois en

 1964 ».

 

 Je pense sincèrement qu’il avait essayé de nous maintenir la tête hors de l’eau. Mais la situation morale

familiale et financière était là.

 

 C’est encore au mois de mais que la mort nous frappa à nouveau. Elle faucha Victor Thiébaut .Cette

disparition touchait au cœur ma Grand’Mère,  Oncle Victor Thiébaut était son frère faut-il le rappeler ?  

C’est à cet enterrement que nous confessant ma Mère et moi au Chanoine Marguier, curé de Brou, nous

reçûmes ce même conseil « Soyez forte, Soyez fort ». Ce qui n’engageait vraiment pas à grand-chose.

A moins que le cher homme n’ait voulu  garantir auprès de nous sa émotion devant la Bière de « l’ ami »

a qui il allait dire un dernier Adieu. ?

  De ce jour, ma Grand ’Mère déclina. Un autre coup allait l’atteindre. Son vieux personnel qui totalisait

dans les 100 ans, l’avertit qu’il ne pourrait ou ne voulait l’aider à terminer ses étés en Seine-et-Marne.

Mais il se réservait d’assurer le service de Madame à Paris. Pour elle, comme pour ses proches, cela

représenterait un cap difficile à doubler. Mais pour cet été, cela ne aucun problème, ma Grand’ Mère

passant deux mois entiers à Brou, avec sa Belle-Sœur, Tante Thérèse, à faire revivre le passé.

 

Le mois de juin fut marqué par un évènement de grande portée. Le 21, la fumé traditionnelle s’éleva de

la cheminée de la Chapelle Sixtine. Elle était blanche !  Jean-Baptiste Montini était élu Pape,-et prenait

le nom Paul VI. Son règne ajouta au renom qu’il s’était acquis comme Secrétaire d’Etat de Pie XII,-avant

sa nomination à l’Archevêché de Milan. Il me semble que ce Pontife mérita un renom peut-être encore

plus grand que celui de son prédécesseur. Il devait mettre en œuvre la réforme entreprise par Jean XXIII.

l’Abbé Jeantet prétendais qu’il mérita la couronne du martyr,- ayant jeté son nom non aux bêtes, mais aux

ecclésiastiques et aux « Chrétiens de base ». Pour les uns il était trop précipité et pour les autres trop timide.

Les cérémonies du Couronnement, le 30 juin, fut pour nous l’occasion d’une dernière réunion-télévison,

(la dernière de ce genre). Elle réunissait Madame Schelcher, une amie de la famille, Mme Henri Fontorbe

mon Oncle André et tante Giselle de Maindreville, les Guy de Chergé, accompagné du nouveau Diacre

Christian leur fils..

  

   C’est encore à une Couverture de « Paris-Match », que je demanderai de fixer le souvenir de la Cérémonie

du 30 juin 1963 . Sur la photo on voyait le Pape, revêtu des vêtements pontificaux, les mains jointes, porté

sur la Sedia Gestatoria suivi des flabelli de plumes blanche , entouré de la Noblesse Pontificale revêtue

des marques de sa distinction, des Ordres Souverains de Malte et du Saint Sépulcre en grand uniforme.

Le Pape portait la Tiare,(de forme conique), cérémonial, qui devait disparaître. Nous apprîmes dès le

lendemain par la Presse, que le Souverain Pontife mettait en vente au profit des pauvres ce splendide

cadeau de ses Diocésains Milanais …. Cela composait un ensemble blanc, rouge et or inoubliable.

 

   De ce Sacre qui fut le dernier du genre, le Père de Chergé, sa  Mère et moi-même nous demeurons

les derniers témoins vivants, au jour où j’évoque ce souvenir.(1)

 

Peu de jours après il nous fallait regagner La Glazière. Un été banal nous y attendais. L’escorte estivale

N’ayant pu être trouvée à temps. Des aides épisodiques devaient se succéder. Parmi elles, il faut noter

Le passage météorique de Charles Frappier.

 

Charles Frappie (debout) "L'inpénitant et rapace" Jhonn Comse entourant Doë avec Grisby le plus "arrgant' posible.

( Eté 1963 )

   Sa courte et intéressante histoire mérite d’être retracée. Dernière émanation du groupe Saulieu, il avait

accepté de venir passer une semaine auprès de moi. Il en était aux derniers mois de ses études à l’Ecole

 des Secrétaires d’Ambassade. Il ne pouvait rester plus d’une semaine chez nous, car il devait obtenir pour

tout une autorisation préalable. Son projet était de partir en Coopération comme Attaché Militaire auprès

de notre Ambassade à Phnom Penh. Or un jour,(à la fin de son séjour, je crois), il se coucha légèrement

fiévreux. Le Médecin français convoqué d’urgence diagnostiqua un assaut de Poliomyélite. Notre pauvre

ami y succomba dès ce deuxième soir… (Cela se passait en 1965, soit dix-huit mois après notre rencontre     

estivale).  Mais, nous n’en étions pas encore là. En 1963, il quittait la Propriété sur la seconde selle d’une

Vespa anglaise qui regagnait son Ile en passant par Paris, naturellement..

 

Quelques jours plus tard, La Télévision nous montra de large passages de la grande marche pour la Paix

du Pasteur Martin Luther King, d’Atlanta à Washington. Elle déplaça une bonne partie du Peuple Noir en

lutte pour son intégration.

 

  Puis, nous nous lancèrent tous les trois sur les routes de Sologne, dans la fidèle 403, dont ce devait être

la dernière virée hors de Seine et Marne. Nous allions (également, pour la dernière fois), chez le cher Oncle

Pierre Burôt de l’Isle, dont l’influence devient de plus en plus grande et efficace.

Après ce court séjour passé en famille, mon Père déposa ses précieux passagers à La Glazière, pour aller

seul et par le train, au mariage de Philippe Aubert, un des stagiaires du temps des étés maudits.( Philippe

lui ayant demander d’être son témoins).

  Pour le remplacer auprès de moi, ma Mère avait déniché un étudient en Philosophie ami des La Soudière.

Il s’appelait Patrice Loraux. C’était un jeune adepte d’Aristote et il fallait le sortir. Pour la dernière fois, ma

Mère se mit au volant et nous emmena à Milly la Forêt pour assister à la levée du corps de Jean Cocteau.

                 

1 Ces dernières lignes ont étés écrites entre 1990 et 1994.On connaît le tragique Destin du Père de Chergé. Mort en 1996. Sa malheureuse maman vécut avec ce souvenir jusqu’en septembre 2001, faisant l’admiration de tous en 2003, l’ors des commentaires apporter à ce texte, je me trouve donc être le seul survivant de cette lumineuse journée.

 

Ce ne fut pas banal ! Il devait quitter son domicile afin d’être exposé à la Mairie dans une Chapelle

Ardente tout à fait municipale. Nous vîmes donc le corps arriver dans une Estafette noir. Et comme

la place manquait, les porteurs s’étaient hissés sur la bière. Cela faisait un mélange de solennité et

de laisser-aller. Le tout escorté par deux Rolls-royce, dont l’une appartenait certainement à Madame

Wesweiler , dernière égérie connue du défunt.

 

 Si amusante que soit cette image, et riche en méditation, il fallait nous en aller. En effet ma Mère avait

Demandé à Madame Sommier de nous recevoir pour faire visiter Vaux le Vicomte à notre Aristotélicien.

Comme toutes les femmes de sa génération, Madame  Sommier avait proprement inventé l’exactitude.

Ma Mère le savait. Mais entraînés par nos rêveries littéraires, nous avions quitter Cocteau avec quelques

minutes de retard. J’entends encore ma Mère se gourmander en appuyant de plus en plus sur l’accélérateur.

Arrivés en vue du château nous apercevons une 4 L bien connue : celle de l’amie Chantal de Pange ! Elle

sortait elle-même d’une obligation dont elle avait mal calculé la durée. Gros soulagement notre conductrice qui pourra ainsi partager avec autrui l’éventuelle remarque sur l’inexactitude des jeunes femmes d ’aujourd’hui…..  Mais de remarque, il n’y eut pas. Madame Sommier réservait sa sévérité pour Madame Huntzinger qui

Avait demandé un rendez-vous promenade et avait, elle, deux heures de retard.

     

La conversation fut haute en couleur !

 

-« D’où venez-vous, Jeannine ? »

-« Martial voulait voir l’enterrement de Cocteau à Milly-la-Forêt »

- Pourquoi ?  Il le connaît ?

- Non. Mais nous le trouvions amusant.

- Ah C’est comme chez moi, Mario le valet de chambre, est consterné par la mort d’Edith Piaf.

   Il parait que c’est quelqu’un d’extraordinaire. Je ne pas juger. Je connais pas cette personne… »

 

Le tout, dit sur un ton assez perché   

Puis ce fut l’éclat !

 

-« C’est intolérable ! Madame Huntzinger est en retard !

Chantal, va montrer à vos jeunes gens  ce  qu’ils peuvent faire dans le Parc…Mais pas dans les allés                                                     ratissées » !                        

Effectivement, Chantal nous indiqua un chemin de pourtour ouvert au public, qui menait à une pièce

d’eau qu’on appelait « La Poêle », parce qu’un canal qui le prolongeait aurait pu figurer le manche de l’ustensile. moi je préférais l’appeler « La loupe ».

 

 Quand à Madame Huntziger, veuve je crois du Général qui avait négocié l’Armistice avec les Allemands et les

Italiens, elle n’eut droit qu’à une tasse de thé assez sèchement dévolue.

 Madame Sommier était ce jour-là en tailleur gris perle au revers duquel s’étalait littéralement un gros macarons

d’Officier de la Légion d’Honneur. Lorsque avec ma Mère nous évoquions ce jour, nous l’appelions « La journée

Huntziger »

Loreaux et moi, nous nous étions peut-être un peu trop promener dans les allés, (pourtant autorisées de Vaux

le Vicomte), mon compagnon y pris un léger air de grippe. Il demanda le lendemain  à ma Mère de ne plus trop

bouger. Il me tint donc compagnie à La Glazière, surveillé de très loin par Suétone et sa  « Vie des douze Césars).

 

« La journée Huntziger »,fut donc pour ma Mère la dernière occasion de prendre le volant d’une voiture. En effet

elle ne toucha jamais aux deux I.D. 19 et I. D. 21. –effrayée qu’elle était de ces monstres de techniques, ainsi que de la vitesse à laquelle ils pouvaient atteindre.(1).

la première des" bonnes I.D" Maindreville. Octobre 1963.(Photo prise par ma Mère) à gauche Patrice Loraux. Brillant Ahrristélicien..

Ma Mère avait pensé faire plaisir à ma Grand ‘Mère en la recevant pour la récolte des légumes qu’elle mangerait

cet hiver. Mais elle prit froid et dut s’aliter pour soigner une petite bronchite.

Le Docteur Faine, de passage, l’ausculta. Revenue de son examen, elle me déclara :

 

-« Martial, je peux vous rassurer, ce n’est qu’une bronchite ; mais à part  cela elle n’est pas du tout fatigué ».

 

Devant mon scepticisme inquiet (étant donné l’âge de ma Grand’ Mère), Mon Père intervint :

 

-« Bonhomme ! soyez intelligent, comment voulez-vous qu’elle soit fatiguée ?* Puisqu’elle a passer sa Vie

à ce reposer…. Enfin Docteur, est-ce que je me trompe ? »

 

 Faine me fit alors cette étrange prédiction :

-Votre Père a raison, il est certain que si le Bon Dieu, vous accorde de vivre aussi longtemps, qu’elle

vous serez beaucoup plus fatigué à son âge, si vous l’atteignez, parce que vous aurez été sollicité et

aurez été obligé de vous mêlé  de près ou de loin à beaucoup plus de choses qu’elle et dès maintenant

 commence  déjà et çà va de plus en plus vite. Au revoir mon vieux, ne vieillissez pas trop vite quand même » !

 Plus sérieusement, elle recommanda qu’on installa ma Grand ‘ Mère dans un cadre plus pratique. Elle

partit donc, escortée par Oncle Jean. Et de ce fait nous nous retrouvâmes tout les trois.

 

 Ce onzième mois devait être, sur le plan familial, plus agité ; et sur le plan général, plus tragique.

 

  Sur le plan familial, depuis l’incident nerveux de l’automne dernier –octobre 1962 , -  la Doctoresse m’étudiait

plus encore et s’interrogeait sur les causes de cette défaillance passagère. Mes parents lui rappelèrent alors

que depuis mon enfance ma manière de m’alimenter était mauvais. La faute en revenait à une Mâchoire aussi

délabrée que son propriétaire. Ne connaissant rien aux progrès de cette branche de la médecine, mes Parents

s’inquiétait d’un passage trop prolongé entre les mains du type de dentistes qu’ils avaient connu. Ma Mère songeait même à me faire arracher toutes les dents et à leur remplacements sous anesthésie. Mais notre cher

Docteur, l’emporta, plaidant pour des techniques plus modernes. Et c’est ainsi que ma  « gueule » fut confié à

un « Prince » de cet art , du moment : Le Docteur Lemue.

  Si je m’arrête sur ce détaille de ma santé, c’est parce que le Docteur Lemue sut conquérir l’estime et l’amitié

de mon Père, et influer sur son état général en le mettant en rapports réguliers avec le Professeur Marteau

 neuro-psychiâtre, qui avait un Service à La salle pétrière).

Quoi qu’il en soit, le Docteur Lemue remporta avec moi un succès professionnel certain. Il m’assura une vingtaine d’années de tranquillité dentaire. Dès la deuxième séance, nous parlions Musique et Politique…     

 Puisque le mot « Politique » est lâché, il faut en arriver au drame qui endeuilla les deux Mondes

En cette fin de 1963

1.Plus tard on essaya pourtant une 2 CV . Mais les Interventions aux hanches qu’elle subies se rappelèrent

à son souvenir. Pour des raisons techniques et de confort elle ne pu jamais se servir de la célèbre petite voiture

 

Je me souviens personnellement d’un retour de Fontainebleau vers La Glazière, à travers une forêt

transformé en lingot d’or. De vagues rumeurs d’un voyage électoral, de John F. Kennedy au Texas

étaient parvenues jusqu’à nous ; - sans pour autant  troubler notre vie campagnarde. C’était le 21

novembre 1963.

Le lendemain, jour de l’attentat, ayant à faire à Paris, me laissa à La Glazière, en proie à une crise

de spasme, (fatigue intermittente chez moi). C’est donc dans ma chambre que j’entendis vers 18 ou

19 heures, un énorme charivari rapporté par la Radio, où je crus distinguer qu’un malheur venait de

se produire en Amérique. Sur ces entrefaite mon Père revint de Paris, (ignorant tout), sur ma demande

il m’installa devant l’écran de Télévision. Il fut brutal et précisa à nos yeux ce que mes oreilles n’avaient

peut-être pas bien enregistré. Faut-il rappeler la farandole de personnages qui se succédèrent devant

nous pendant ces 48 heures sinistres : Lee Oswald, l’assassin présumé,- l’assassin de celui-ci,- le

Shérif de Dallas,-puis pour finir la Dame en tailleur rose rehaussé de taches d’un rouge plus poignant.      

 Mon souvenir ne me restitue que la cérémonie des funérailles. Elle fut, je crois suivie par toute la Planète

par l’entremise de la Télévision. Nous y assistâmes grâce à elle avec les amis Pange, pendant que leurs

enfants s’amusaient par terre, étrangers au triste spectacle qui se déroulait si loin de leur jeunes préoccupations d’alors.

Je fus frappé, de voir dans le cortège, un cheval noir, sans cavalier, portant selle et botes à l’envers ;

le sabre non pas tenu en main, mais frôlant le sol….Signe de la mort du chef.

Le cortège qui suivait me fit penser à funérailles autrichiennes, dont on m’avait parler autrefois.

Puis venait la veuve du Président, portant le deuil à l’européenne.

Ma Mère, me désigna parmi les chefs d’Etat, Monsieur Edmond de Valera, chef du pays d’origine des

Kennedy. Puis Je reconnus un grand soldat, au légendaire uniforme kaki, vieilli par l’évènement, le

Général De Gaulle qui devait méditer sur ce qu’il voyait.

Après la Messe de Requiem dans la Cathédrale Saint Patrick, ce fut le Cimetière National d’Arlington

et sa flamme éternelle qui brûle encore, je l’espère au-dessus des Partis et des Clans Petite étincelle

devrais-je dire, en comparaison de ce feu d’artifice de bruit et d’action qu’avait été la courte vie politique

du Président. (Au moment où je revois ces notes,2003, on croit savoir que l’Amérique dévoilera en 2015, ce

qu’elle sait sur l’assassinat du Président Kennedy).   

Sur ces images, s’achevait 1963.

 

Cette fin d’année nous trouvait pessimistes et inquiets. Les médecins avaient détecté chez le second frère de

mon Père, Oncle Michel, un cancer du fumeur.

De plus, de passage à La Glazière, la Doctoresse avait mis les points sur les i . Ma Mère évoquant encore

une fois les espoirs et les déceptions que nous avait procurés cette ferme, lui dit les espérances qu’elle avait

formées de m’y voir faire ma vie, Faine s’était écrié :

-« Vous êtes folle d’avoir espérer faire de Martial un fermier ! Vous voyez bien dans quel état l’Agriculture à

mis votre mari ! D’ailleurs Martial, lui-même, nous à donné une petite alerte l’année dernière, à cause du souci qu’il se faisait pour vous deux. Cessez donc de rêver à cela » !

 

 Sans garantir les termes mêmes de cet entretien, c’est à peu près ainsi que me le rapporta ma Mère.

Cela rejoignait trop bien l’avis de Jean Daté.

                                                                                                                  

                                                                                                                   

 Voulez-vous vraiment me suivre encore ?