Pour
mon Père, il y eut 1978 : piste d’élan vers sa mort. Ma Mère allait vivre
aussi, à son tours de
durs moments qui allaient la préparer à cette
échéance qu’il lui fallait connaître.
Effectivement, ce fut en 1984 que ma Mère commença à livrer ce même
combat son époux avait
mener à ses côtés. Pour elle, la lutte se mena au
milieu des réalités les plus matérielles mais elles furent
aussi déstabilisantes que celles qu’avaient
affrontées mon Père.
Depuis le
mois de janvier, Ghislaine Carruel se plaignait de douleurs lombaires. Il est
vrai que, de robuste
carrure, elle avait pris l’habitude de me redresser
sur mes oreillers. L’effort était
notoire.. Sa fatigue persistant,
elle se résolu à voir le Docteur Roux. Au début, il
crut à un état passager dû aux cinq maternités heureuses
qu’avait connues la jeune femme. Mais la douleurs
s’installa durablement. Roux, signa donc le premier des
arrêts de travaille qui allait se succédé d’avril à
juillet au moins ! Ghislaine quitta son travaille le 30 mars.
Il faut
bien évoquer la partie la moins claire de nos rapports avec ceux qui
demeuraient officiellement nos
Gardiens. Si la jeune femme cessait de nous servir,
elle n’en cessait pas moins, avec toute sa famille, d’occuper
le logement de fonction. Cela constituait une famille de cinq enfants et deux Parents.. Le nombre des occupants rendait
difficiles la récupération rapide des locaux..
Le Docteur
Roux signa pour Ghislaine une longue série d’arrêts de travaille. Ghislaine
abusa-t’elle de cette
situation relativement confortable ? Je
n’oserais le dire. Oncle de Dreuzy qui, déjà à cette époque, s’occupa
du dossier, me dit plus tard que les questions de
douleurs dorsales sont parmi les plus épineuses. Il avait siégé
aux Prud’Hommes, et savait qu’il était ardu de
tirer juridiquement au clair ce genre de choses.
Un Précipice Général.
On
imagine sans peine le précipice que cette nouvelle défection ouvrait sous les
pieds de ma Mère. Elle
y descendit avec tout le courage. qu’on lui
connais. – A la date où je rédige ces Mémoires, je mesure encore
mieux tous les risques imprévisibles qu’elle allait
devoir affronter. C’est pourquoi j’ose affirmer qu’elle livra cette
année-là un combat quasi-désespéré,-« le dos à
la mer » comme disent les militaires.
Qu’on en juge.
La fatigue
de la maladie, les soucis et l’âge avaient rendus les levers de ma Mère progressivement plus tardifs.
Dans les années 80, elle ne quittait plus sont lit
que vers 15 heures, - réclamant pour le faire le dernier appui que
Jehanne pouvait lui procurer avant de nous quitter.
Et ce même était demandé à la Gardienne du moment pendant les week-ends.
Une fois assise, ma Mère pouvait ranger ou déplacer
quelques papiers et profiter du reste de la journée sans
autrement se soucier du repas du soir, car il était réchauffé et servit par la
Gardienne. C’était une de ses
prérogatives.
A cause de l’accident du travail subi par Ghislaine Carruel, ma Mère se
trouva privée de
cette aide. Celle-ci lui était pourtant bien
nécessaire aux premières apparitions de sa lassitude.
.
Je ne
crains pas de le dire : j’ai assister du 1er avril au 15
octobre à un véritable miracle. Ma Mère
deux
fois handicapée s’acharnait non seulement à
réchauffé le dîner, mais à le rouler, soir après soir, près de mon
lit où elle
me le faisait prendre, tout en partageant avec moi bien entendu. Or le trajet de la cuisine à ma
chambre représentait une bonne moitié de la
longueur du bâtiment ; et la table roulante légère aux mains
de Jehanne était lourde aux pauvres mains
douloureuses de ma Mère.
Et que
dire des soins plus délicats qui nécessitait plus d’intimité ! Pour les
plus importants d’entre eux nous
vîmes, pour
notre crainte, reparaître les Membres du Foyer d’handicapés de Blandy ! La
période d’urgence se
prolongeant, on nous envoya une jeune fille qui, à
peine entrée demandait à ressortir pour…fumer, - sous peine
d’avoir une crise. Ma Mère, cette fois-ci prit
peur. En effet , la jeune fille ayant
fumé une herbe qui venait de bien
plus loin que la Provence, retraversa le hall
dans un état proche de l’égarement ;-toute heureuse de retrouver la
voiture qui la ramènerait à son Centre. Il fallut
finir la journée cahin-caha. Aussi , pour la suite, ma Mère dut-elle
trouver divers prétextes pour tenir à distance le
Groupe ! Elle commençait d’ailleurs à, moins s’entendre avec les
responsables de cette Communauté à la fois
Médico-Laîque et Médico-Religieuse.
La rapidité
avec laquelle elle prit sa décision de rupture peut paraître un peu précipitée.
Mais l’incident de la fumeuse
n’était pas le premier du genre. Il y avait eu la Marie-Christine, entiché
de Claude Nogaro, qui s’était
un jour trouvée mal devant ma Mère pour des raisons
sentimentales qui lui étaient propres….
C’était bien couper mais s’aurions nous
recoudre ?
Ces
deux incidents se situèrent vers la mi-août 84. Mais, depuis le 1er avril
exactement, notre solitude n’avait
cessé de devenir préoccupante. Et c’est également
vers ces jours-là que ma mémoire- pourtant estompée
enregistra
les premières visites régulières de l’Oncle Jacques de Dreuzy. Il venait tantôt
accompagné de sa
Sœur , Tante Monique, tantôt escorté par tante
Geneviève. Il fallait voir comment
récupérer le logement
toujours occupé par la Gardienne. Elle était
toujours officiellement « malade » - intentionnellement je mets
des guillemets, car ma Mère ne croyait plus guère à
la véracité de la chose, depuis que Jehanne lui avait
rapporté avoir vu la célèbre CX emportant
quotidiennement propriétaire
vers une destination inconnue.
Une conclusion , peut-être un peu hâtive, s’imposa
à ma Mère :
-Elle doit avoir trouvé du travaille ailleurs.
La réaction
de ma Mère me semble épidermique et quelque peu invraisemblable. On peut très
bien avoir
rendez-vous le même jour de la semaine chez un
Médecin, et cela durant plusieurs semaine de suite….
A moins que des coups de téléphones demandant des
« renseignements » n’aient prouvé l’exactitude du
soupçon.
.
En bref,
ma Mère ne pouvait plus supporter ce voisinage, qu’il soit physique ou supposé,
comme ce fut
le cas pendant les premières semaines de cet
été.
Cet état de nerf ou cet état de guerre avec les
Carruel ,-s’ajoutant à l’exclusion des « Blandynois » nous avaient
conduits au 15 août exactement. La journée s’était
trouvée égayée par la présence de Mademoiselle de
Montbelle, qui avait partagé notre repas, rehaussé
par la Maîtresse de Maison d’une pâtisserie acheté au
Village.
Rendus à notre solitude, l’après-midi n’avait rien
apporté de plus que les autres jours.
Si j’ insiste sur ce
détail c’est que le soir, Pierre Sabagh nous offrit
à la Télévision, dans sa série « Au théâtre ce soir ».
« Le Sexe Faible » (d’Edouard Bourdet).
Or dans la pièce on peut entendre cet échange entre une vieille
Comtesse et Antoine ( indispensable ) Maître d’autel :
-Morne soirée Antoine morne soirée !
A quoi Antoine bien stylé répond :
-Toute à fait ; Madame la Comtesse, tout à fait.
J’ignore les réflexions qu’inspira ce dialogue à ma
Mètre, quand à moi, je le plagiai immédiatement , en
songeant :
-Préoccupant mois d’août, préoccupant mois d’août.
Celui que
nous vivions abattais tous les atouts que nous croyons avoir en main. Il ne
nous laissait à peine
de quoi respirer. Pourtant une petite éclaircie ne
s’annonçait-elle pas ? Le matin, Marie-André n’avait-elle
pas proposer de nous amener Simone Dada, aide
soignante qui habitait les Eceennes. C’était une « jeune
fille prolongée », et son activité était
épuisante,- elle fut somme toute efficace. Elle assura l’essentiel de nos
repas du soir de la mi-août au 20 septembre ;
- c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée de Guy et de Marlène Gavoit
.
Nos
Derniers Vrais Gardiens.
En écrivant ce sous-titre, j’hésite : dois-je dire
« Gardiens » avec en arrière-pensée surveillante ou
dois-je écrire « Compagnon » ?
Compagnons:, ils ne le furent guère, Marlène se transformant vite pour ma
Mère en véritable « Tourmenteur », au
sens que donnait à ce mot la Prévôté de Paris pour ses Bourreaux.
.
Avec
l’arrivée de ce ménage, nous entrons, ma Mère et moi ; dans la partie plus
obscure et incertaine de
Notre tête à tête.
Soyons clair. Ma Mère, quelques mois avant sa mort,
donna les signes de troubles croisant de la mémoire.
C’était un fait certain. Mais il paraît certain qu’une atmosphère domestique plus sereine
et plus apaisée
aurait peut-être ralenti cette évolution, et lui
aurait épargné cet ennui supplémentaire.
Epuisée
par six mois d’efforts accomplis dans la solitude, ma Mère n’eut sans doute
plus le courage ni
force d’expliquer aux nouveaux arrivants notre
façon de vivre. Cette fois la chance parut nous abandonner.1
Ce ménage avait été déniché plutôt que trouvé, dans
le Nord, par le ménage de Noël et de Bernadette Ringot.
De toute évidence ils n’avaient aucune expérience des soins qu’ils auraient
à donner. Ils étaient
seuls et vivaient pour eux-même….
Il ne nous fallut pas 15 jours pour découvrir les
deux défauts principaux de Marlène :
son irrégularité
et une grande dissimulation. Nous allions nous y
heurter sans cesse.
Cela
conduisait à des situations désagréables. Ainsi étant privé de secours de 21
heures à 8 heures du
matin, ma Mère demandait à la Gardienne Aide
Soignante une exactitude toute particulière en ce qui me
concernait. Les médicaments que je devais prendre
demandaient une exigeante libération. La chose était
calculée pour 8 h 30 . Or il me fallait
parfois attendre dans la plus grande gêne les tout premiers secours,
jusqu’à 9 h. Et lorsque ma Mère en faisait la
remarque, on lui répondait que le réveil n’avait pas sonné…
C’est possible de temps à autre, mais pas trop
régulièrement.
Vers la fin de cette expérience, il arriva qu’on
entendit le bruit bien identifiable de la casse. Mais c’était
toujours le vent qui s’en prenait au service de
table, - mal assurer…
Les
Ringot qui nous avaient présenter ces gardiens durent souvent joue les
conciliateurs entre les
parties concernées. Ils mériteront , d’ailleurs,
quelques lignes plus loin. En particulier,
il faudra signaler
les services signalés qu’ils devaient nous rendre
durant les toutes dernières heures que ma Mère et moi
devions passer dans la Propriété.
Tels
étaient nos soucis quotidiens. Mais autour de nous, la vie suivait son cours.
Deux marquèrent cette
fin d’année 1984. L’un touchait tout un peuple, et
l’autre, quoique d’essence tout à fait privée, excita la
passion populaire Française.
La
Planète regrettera Madame Indhira Ga,ndhi, assassinée comme son illustre prédécesseur
le
Mahatma Gandhi. Mais la France quand à elle s’émut
de la disparition du petit Grégory Villemin,
retrouvé noyé et ligoté dans les eaux de la
Vologne ;1 Ce nœud de vipère familial devait refaire
surface durant des années. L’affaire fit autant de bruit que l’ancienne
affaire Dominici, et
l’assassinat mystérieux de toute une famille
anglaise, sur les bords de la Durance. Le village
de Lurs, en devint célèbre.(Cela se déroula sur la
période 1952-1954 ).
A
l’époque qui nous occupe pour l’instant, - c’est à dire 1984,-c’est la Pologne
qui retint l’attention des
spécialistes En effet l’assassinat du Père
Popielusko mêla les passions politiques et l’indignation générale.
Aumônier d’Etudiants à Varsovie, on repêcha son
corps dans la Vistule, abominablement défigurer par les
violences de quatre officiers de la Police du K. G.
B.. Soviétique. Il fut canonisé sur le champ par le monde
entier.
L’achèvement
dans la continuité.
En
Seine et Marne, notre « Maison dans la Prairie » vivait ses vingt
derniers mois d’activité brûlante.
L’arrivée des Gavois avait marqué un tournant dans
notre existence. Quant à mes souvenirs personnelles
ils vont se faire de plus en plus flous – peut-être
inexacts,- comme si la pharmacie ingérée tentait un ultime
effort pour me terrasser tout à fait.
Si je ne
cédai pas, je n’en pénétrai pas moins, à partir de 1984, dans un massif nuage
noir. Ces brumes
m’interdisaient de jeter un regard cohérent sur
l’avenir. Les années passées au fond de cette campagne,
l’absence de toute autre solution possible,
entretenue par ma Mère, l’évocation que l’on faisait de l’an 2000
de plus en plus proche commençait à aiguiser en moi
une certaine peur. Allais-je vivre ce grand changement
qu’on nous annonçait formidable au fond de ce trou
briard ?
D’autre
part à ses réactions petites ou grandes, je percevais chez ma Mère le regret
d’avoir fait un pas de
clerc en s’affublant du ménage Gavois. Son handicap
physique et mental était certain. Guy Gavois étais complètement mou,
dépourvu de toute réaction. Lorsqu’une fois de plus il fallut opérer un changement
Ils les avaient sans doute vidées à deux pour se
Mais
qu’aurait-il fallut faire ? Après la recherche, sa découverte avait parut
un demi succès. Ma Mère
découvrit le danger qu’il y avait à s’exposer à des
rencontres hasardeuses. Quoiqu’il en soit, la tension
avait monté entre les habitants de La Glazière,
sans avoir eu le temps de marquer les étapes que Dominique
avait analysés dans les occasions précédentes.
Il faudra
2 ans et demi et tout le fatras des formalités sociales du Code du Travaille,
pour que nous réussissions
à nous en débarrasser dans les règles.
Ainsi se terminait cette année à laquelle j’ai
donner un titre sportif. Dans cette course de fond dans
laquelle ma Mère fut contrainte de se jeter et
j’ose dire le relais se prit mal.
L’année qui venait allait être l’immobile.
1 Ma Mère me le signala après quinze jours seulement de cohabitation « Je ne sais pas si on pourra faire grand-chose de ou avec la nouvelle gardienne ». Ce qui équivalait à une Déclaration de Guerre officieuse.
1 Petit affluent
du Cher, me semble-t-il ?
Devant
le courage d'une Mère on ne peut que s'incliner.