CHAPITRE III
Un Rideau
De Pluie
1956
De cette année ne me reste
qu’un souvenir global où se mêlent l’attente, le guet et la quête. Ce
fut une période d’instabilité. Il faut noter un
froid excessif, inférieure à zéro, qui gela nos premières semailles.
Ayant cédé
à la peur, nous nous retrouvions pour l’hiver à Paris. Ceci facilita la
guérison de mon Père –
aidé, je crois, par des intraveineuses de
« Calcibronate ». Ma Mère, par contre, fut victime d’un deuxième
zona qui atteignit la thyroïde. Elle l’attribua aux
inquiétudes que lui avait donnés la découverte du caractère
hasardeux de fermier qui nous attendais.
Partant de l’heureuse évolution de son zona Ma Mère eut avec moi une
conversation fort sérieuse.
Elle débuta par commentaire pensif du dernier état
où nous avions vus mon Père :
-« J’ai peut-être eu tort d’entraîner votre
Papa, sur une voie qui pas la
sienne… »
Puis se reprenant très vite elle ajouta :
« ….Mais je ne pouvais pas faire
autrement » !
Ma
Mère continua, en me parlant des tentations de suicides que mon Père avait déjà
manifestés.
-«D’ailleurs, me dit-elle il va falloir faire très à lui parce-qu’il va recommencer, cette
fois-ci nous avons réussis à éviter le pire, mais rien ne dit que nous
réussirons toujours. Il aura d’autre dépressions il affinera ses raisons de
rester seul, il trouvera à chaque fois d’autres
stratagèmes pour échapper à notre vigilances. Il se pourrait qu’un
jour nous ayons une mauvaise surprise ».
Comme je manifestais un étonnement muet , Ma
Mère ajouta ce conseille de prudence :
-« Oui je crois à une fin tragique, il
faudrait que vous vous prépariez à voir des choses terrible » !
Ayant
terminer la conversation sur cet avertissement, Ma Mère se concentra sur la collection
de Timbres qu’elle entretenait pour moi.
Un mieux s’étant amorcé-chez mon Père-, nous le célébrâmes en allant à
l’Odéon voir
Cyrano. Les premiers rôles étaient tenus par Pierre
Dux et par Françoise Christophe. Si ce jour m’a
frappé, c’est parce qu’il fut le premier de ce mois
de février où la température descendit largement au
dessous de zéro et compromit notre récolte.
La
Glazière nous attendais donc. Grâce à l’heureux effet des piqûres de Calcium,
mon Père pouvait
de nouveau affronter un séjour là-bas. Nous
arrivâmes pour « rouvrir la terre » comme disent les bonnes
gens. Je
découvris, ma foi, déplaisir cette ferme à peine entrevue à l’automne
précèdent. Oserai-je un aveu ?
J’avais eu jusqu’à présent une enfance très
« protégée » quant aux meurs et aux rapports humains. Or en
sillonnant les cours de la ferme le voile fut levé
sur certaines réalités. Causant avec Lingier d’un problème
concernant les bêtes à l’engrais, Henri déclara
qu’il se résoudrait lorsqu’on rentrerait les animaux pour les
châtrer. J’eus alors à l’adresse de ma Mère la
naÏve question que l’on devine. Mon interlocutrice me donna
un peu plus tard les explications
souhaités …..Et nécessaires…..
Le printemps s’écoulait grincheux, et déjà inquiétant. La météo restait
rébarbative. Pourtant ce
Printemps fut marqué par trois rencontres
familiales :deux à Brou et une à Antilly.
La première
à Brou se situa vers Pâques. Rainier III, Prince de Monaco, se mariait avec
Miss Grâce Kell y .
L’événement fut entouré de multiples manifestations
de publicité ! A cause de la Télévision, il me procura le
deuxième grand événement de ma jeune vie. En effet,
nous ne possédions pas encore de téléviseur.
Nous fumes
donc invités à aller à Brou pour voir la messe de ce mariage. Nous fumes
d’ailleurs plusieurs
à noter l’indiscrétion d’une des caméras. Elle
était placée juste en face de la mariée et ne la laissa pas une
fois ciller des yeux en paix…. Malgré leur
caractère traditionnellement Chrétien, ces fêtes revêtirent chez les
Grimaldi un aspect de fêtes matériel assez
désagréable,-et à la limite un peu Païen.
En referment la portière de la voiture, Tante
Thérèse souhaita nous revoir à la fête de leur Noces d’Or, le
19 Mai.
A ma
connaissance, le château de Brou servit deux fois de cadre aux Jubilés d’Or
familiaux. La Providence
me rendit témoins des deux ;- à trente et un
an de distance. Le premier eut lieu en 1956 à la mi-mai. Les invités
y furent nombreux : parmi eux, les deux sœurs
de mon Oncle Victor, puis six neveux en comptant leurs épouses
et leurs six enfants. Ce qui représentais notre
côté. S’y ajoutaient les trois fils des Jubilaires, avec leurs femmes.
Ils étaient accompagnés d’une quantité de cousins
de ma génération. De plus participaient à la fête de nombreux
parents et amis éloignés que chacun connaissait de
nom, - sans pouvoir toujours accorder noms et visage.
Ils
furent nombreux à remplir l’église du village, puis à franchir la grille du
château. Je possède encore la
Seule photo générale montrant cette branche de
notre famille, (encore forte à cette époque), réunis autour
des grands-parents, héros de la journée.
NOCES D'OR THIEBAUT A BROU SUR CHANTEREINE (13 MAI 1956)
Les
réminiscences nous conduisirent, mes parents et moi, jusqu’aux portes de juin.
Le mois fut carrément pluvieux et commença à embarrasser mon Père. Pour le
sortir de ses soucis, ma Mère accepta une journée
à Antilly, dans l’Oise.
C’était le fief d’enfance des Maindreville. Cette
journée fut marqué dans mon souvenir par une remarque
pittoresque d’un jeune participants. Mon Père ce
jour-là une houppelande de couleur rouille, des bottes de
caoutchouc
et une culotte de cheval ; le tout
couronné par un chapeau de laine tricotée, de même couleur.
C’était sa
tenue pour arpenter ses champs imbibés d’eau. Or un de ses petits-neveux
l’ayant aperçu, cria
a son Père : « Papa j’ai vu Louis
XI ! ». Le sosie Royal regagna sa Seine et Marne en riant beaucoup….
Mais secrètement flatté.
..
Journée à Antilly. Mai 1956.
Transporter grâce à la 203.Phtographier devant le Château.
C’est
vers cette époque que le Garde-Chasse,
Georges –Arthème Tuhault, demanda à ma Grand’Mère
d’être témoin à son mariage. Il voulait
officialiser devant l’église l’acte civil qu’il avait accompli en 1945 devant
le Maire de
Saint Brice,(proche banlieue de Provins). La cérémonie eut lieu devant la
famille Schelcher.
De faibles rayons de soleil interrompaient les
cataractes, si inquiétantes pour notre première récolte.
Dans les premiers jours de
juillet mon nouveau « Monsieur de Compagnie » sous les traits de
Michel Burlet. Il nous était envoyé par l’Abbé
Jeantet. Sa complaisance me fit faire une exploration poussée
des champs. Un jour, se produisit un incident dont
nous fumes les principaux acteurs. Au milieux d’une moisson
péniblement effectuer, nous parvint la nouvelle du
décès de notre prédécesseur. Le personnel était invité à
l’enterrement. Mais un gros orage creva durant la
nuit précédente. L’heure pressant, on négligea, pour une
fois de faire, la tournée quotidienne du matin.
Laissés au
logis, nous allâmes, Michel et moi, à l’endroit présumé à l’oreille où la
foudre avait paru
tomber. Au fur et à mesure que nous approchions,
nous apercevions une masse sombre couchée
par terre. Arrivés sur les lieux, nous trouvâmes un
jeune veau. Effrayé par le bruit , il
avait sauter
au travers d’un arbre dont le tronc formait un Y
parfait. La bête en se dégageant s’était horriblement
à blessée l’arrière-train. Il fallait protéger les
plaies et faire attendre à la bête des secours plus nombreux
et plus compétents. Michel me ramena à la ferme et
nous rassemblâmes tout ce qui pouvaient ressembler
à des couvertures,-principalement des sacs de blé
vides. Ainsi dotés, nous retournâmes couvrir le blessé.
L’initiative nous mérita les félicitations de mon cher Père à son retour
des obsèques. Je les partageais
équitablement avec mon
« pousseur ». Quant à la victime, elle traîna durant tout l’été dans
une petite
étable secondaire. On s’acharna à la soigner. Mais
elle avait aussi le bassin fracturé. Il était présomptueux
d ‘espérer la guérir. En janvier suivant
quelqu’un lui donna le coup de masse libérateur.
Les
conseillers dont nous étions entourés préconisaient la polyculture. Il s’agissait
de louer des près à des
propriétaires qui n’avait pas assez de pâtures pour
y mettre leurs bête à l’embouche. Un Beau-Frère de mon
Père, mon Oncle Raymond de Laval, s’était
reconverti dans l’élevage . Aidé de son fils Pierre, il avait même
créé un abattoir tout à fait local aux environs de
Bernay. Mon Père, un peu découragé par ses semailles
endommagées et une récolte gâtée, prit intérêt à
cette idée et aux propositions faites pour l’écoulement
ultérieur du bétail. La chose lui parut originale
et il fit partir une partie de ses propres bêtes pour la
Normandie. Par malheur on était à la mi-juillet.
Notre expédition subit donc les contre-coups traditionnels
du 14 juillet ;-par ailleurs les cours de la
viande s’affaissèrent. Pour l’exploitant agricole encore novice
qu’était mon Père, ce fut une lumière nouvelle sur
les aléas du métier d’agriculteur…Il ne renouvela pas
l’expérience. Et il nous fallut revenir à nos
premières amours si décevantes pour les céréales.
Ainsi
un premier été agricole prenait-il fin. Il ne fut marqué par aucun autre
événement
professionnel remarquable. Par contre, La Glazière
vit défiler beaucoup de monde. Ma Grand ‘Mère ayant
décidé de nous distraire. Passèrent ainsi Madame
Joseph Mollie,(Mère de Tante Marie-Anne), pour quelques
jours, les
Michel Germain, sans oublier la Tante Ariès et les Victor Thiébaut, frère et
belle-sœur de ma Grand
Mère, qui voisinaient.
Il faut aussi évoquer un événement marquant : le 80e
anniversaire de notre Patriarche,-puisque
Matriarche n’existe pas…. Quoiqu’elle eût horreur qu’on célébrât ce jour avec trop de
sonorité, pour sa huitième
décennie elle s’y prêta. Aujourd’hui c’est pour moi
un souvenir unique car à ma connaissance ce fut le seul de
ses anniversaires qui ait été célébré. Il fut
l’occasion d’agapes gourmandes ; pour les autres ce fut aussi l’occasion
de prendre de nombreuses photos. Un autre petit événement vint me faire toucher
du doigt la
vitalité de La Glazière, du moins à cette époque :
Pendant l’apéritif qui réunit tout le monde, ferme et
Maîtres, Angèle Lingier qui était Polonaise eut un
petit mot plein de délicatesse, pour souhaiter qu’une
autre réunion semblable nous réunît dans 20 ans.
Elle n’eut pas lieu, bien sûr, la principale intéressée
nous ayant quittés.
Cet
anniversaire le 20 septembre, marqua la fin de l’été familial.
Commença
alors un automne grave, sinon tragique. Depuis trois ans le monde n’avait guère
bougé
mis à part en juin 1953 le frémissement berlinois
qui avait suivi la mort de Joseph Staline.(Mars 1953).
L’Empire Russe ne connaissait pas de fissure. Or en
juin 1956, la Radio nous apprit qu’une risée avait
agité le marché de Poznan, s ‘étendant ensuite aux Chantiers
Navals de Gdansk . Ce fut un évènement
sans lendemain. Seul les spécialistes y prirent
garde.
Pour la France et l’Angleterre l’été fut ébranlé ; par l’éclat de
rire avec lequel Gamal Abdel Nasser
prononça la nationalisation du Canal du Suez. Les
stratèges Français et Anglais procédèrent à une opération
militaire. Cette action devait dans leur esprit
aider la France dans sa guerre d’Algérie, l’Egypte servant de base
aux hommes et au matériel contre lesquels nous nous
battions. Pour cette opération militaire l’accord de la
puissante Amérique fut demandé. Mais ce pays était
absorbé par la réélection d’Ike Eisenhower ; - inquiet
du résultat positif de nos opérations,-et de la
réaction imprévisible des Soviétiques.
Elle nous opposa un
refus brutal et glacé. Nos troupes durent donc
décrocher, la rage au cœur !
Les
Israéliens profitèrent de l’effervescence générale qui régnait en Europe. Ils
tentèrent une percée vers
les territoires qu’ils convoitaient depuis
longtemps. D ‘autre nature étaient les soucis que donnait la Hongrie.
S’éveillant au souffle printanier du
post-stalinisme, elle crut pouvoir secouer le joug et se gouverner seule.
Mais elle fut vite détrompée par l’arriver des gros
tanks russe, dont certains s’appelait « Staline »,véritable
Bras séculier de la « Pax
Soviética ». Cette invasion qui se disait de simple police, préludait à
une occupation
qui devait durer plus de trente ans. En même temps,
une initiative du 2ème Bureau français nous faisait hériter
de la présence des Chefs historiques de la
rébellion algérienne ; interceptés alors qu’ils se rendaient de
Casablanca
à Genève pour une conférence Internationale. On parla de simple incident
diplomatique et
l’on garda les capturés.
Les
évènements du Canal de Suez perturbèrent profondément l’Europe continentale
dans ses ressources
en fuel : leur acheminements devenait
problématique. Les cultivateurs en subirent sévèrement le contre-coup.
Le monde fut long à se remettre des divers coups
qu’il avait reçus. La crise du fuel dura jusqu’au printemps.
Les Russes vécurent un hiver tranquillement
impérialiste, Nasser régna Neuf ans avec l ‘auréole que lui avait
procurée auprès du monde musulman son succès sur
les colonisateurs….
Oui, cet automne 1956 fut bien triste, et pour moi sans compensations
intellectuelle,-puisque bloquer
à la campagne par ce qu’on appela « La crise
de Suez ».- J’étais mal équipé pour lire… Je passais des jours
entiers allongé sur le dos….écoutant Radio
Luxembourg… Cette inaction fut-elle coupable ?….Elle était
déprimante à coup sûr.
En ce
qui nous concerne, nous quittions (enfin) La Glazière, nous rompions avec cet
automne de particulière
claustration et rempli et d’interrogations.
Pourtant l’isolement avait connu des rémissions.
Nous avions pu tout de même aller aux noces de Claude du
Vignault. Nous en ramenions un Oncle Paul bien
marri d’avoir un bras cassé, et tout malheureux de voir s’éloigner sa fille,
par la force des choses.
Je me
souviens aussi d’une journée consacrée
à la révision du plan d’assolement avec Jean Daté. Il
s’irrita de la paresse et du laisser-aller qu’il
constatait chez le commis. Il reconnaissait que s’était là un
handicap supplémentaire dans le démarrage de notre
agricole. Il envisagea même avec ma Mère
l’éventualité de nous séparer de lui,- à l’occasion
par exemple d’une « engueulade » un peu serrée…
Ma Mère fit valoir que nous entrions en hiver, que
nous voulions rentrer à Paris et que ces gens étaient
les seuls à rester à la ferme durant tout ces longs
mois, et à être à peu près qualifiés.
Pour cette fois
Jean Daté ne répondit rien. Cependant pour appuyer
ses propos, il nous raconta l’histoire
suivante.
Sa famille
avait en Touraine une propriété. Le commis n’était pas beaucoup plus courageux
que le
nôtre. Lorsqu’on indiquait un travail à faire, sa
réponse invariable était : « Je le f’ron, je le f’ron ».
La famille fut tout de même lassée d’entendre cette
même rengaine. Il fut donc décidé, d’accord
avec le bonhomme, de le mettre à la retraite. L’âge
avancé du Père Picard justifiait d’ailleurs la
chose. Mais huit jours, avant l’entrée en fonction
du successeur on vit le vieux arriver au salon ;
clament à ses maîtres : « Si vous prenez
le jeune, je m’tuons !…. heureusement on découvrit au
vieil homme une appendicite aigu et le nouveau
responsable put entrer en fonction en paix.
Une fois
installé, plus rien ne bougea. Et tout cela nous fut raconté avec le plus bel
accent do terroir.
Pour le trio Maindreville, l’année s’acheva devant la traditionnelle choucroute
des Jean Schelcher.
Suivit du non moins traditionnel dîner 28 avenue de Messine ; il
devait être le dernier d’une longue
série qui devait avoir été lancer a partir de 1932, Date du mariage de
mes Parents. 1956, se termina
tout à fait avec le mariage de Marie-France de Maindreville et de
l’Homme qu’elle aimait. C’était le 31
Décembre.
En débutant ce chapitre, j’ai parlé d ‘un temps d’attente, de guet
et d’instabilité. On se rappel
comment ma Mère m’avait fait partager ses craintes. Je m’attendais à une
ou à plusieurs rechutes
de mon Père. Je n’étais plus certain de sa stabilité. Peut-être
aussi, cherchais-je le repos….
Je souhaitais donc ardemment ce retour à Paris qu’on me laissait espérer.