Contes, Mythologie
Les coulisses de la création
L'espace d'un instant
Rencontres avec un tableau



Salvador Dali, Jeune fille à la fenêtre, 1925
huile sur toile, 108 x 77 cm


Si la mouette passe au-dessus du voilier, il reviendra... Zut, le vent tourne, elle se laisse porter. Bon, si la petite fille en rose lève la tête vers ma fenêtre, il reviendra... Non, sa mère lui parle, ça ne marchera pas... Mmh. Si le gros homme là-bas achète des churros, il reviendra... Raté... Alors, si le marchand vend un ballon rouge, il m'écrira demain. Et si le poissonnier taquine la dame au grand chapeau, il me dira qu'il m'aime encore... D'un autre côté, le poissonnier plaisante avec toutes ses clientes et les enfants veulent souvent des ballons rouges... Pourquoi elle en choisit un jaune, cette peste ?! Moi, je prenais toujours le rouge à son âge. J'adorais lâcher mon ballon, le voir monter au ciel et après je pleurais et j'en voulais un autre pour recommencer... C'était bien, ce temps-là.

Si l'homme à la canne dépasse le vitrier, il m'écrira... Voilà qu'il traverse, cet imbécile ! Tout le monde est contre moi ou quoi ?... Comme si j'étais pas assez malheureuse... Il m'écrivait des lettres si douces et ses poèmes... J'aurais pas dû les brûler de peur que maman ne tombe dessus. Je pourrais les relire aujourd'hui, ça me ferait du bien. Non, ça me ferait du mal. Je pense déjà suffisamment à lui sans ses maudites lettres...

Tiens, Eduardo ! Je me demande où il va... En tout cas, il a fière allure avec son canotier penché. Dommage qu'il fume le cigarillo, ça lui donne une haleine épouvantable. Comme Nando qui empeste l'alcool. Il est si beau Nando, quel gâchis. Et là, Teresa dirait : "Les hommes qui boivent battent toujours leur femme". En même temps, Teresa dit tellement de sottises. Pire que Dolores. Oh et puis elles m'embêtent avec cette histoire de virginité. Entre Teresa qui pense qu'on ne retient un homme qu'en cédant à ses désirs et Dolores qui dit que j'ai eu raison de résister parce que ça les rend fous, je ne sais plus qui écouter, moi.

Mon Dieu ! Si cet horrible chien lève la patte avant que j'aie compté jusqu'à trois, il reviendra... Un... Deux... Deux et demi... Deux trois quarts... Trois. C'est vraiment pas ma journée. J'espère que j'aurai plus de succès demain soir. Même si je sens bien que je passerai le bal à attendre que Javier m'invite à danser alors qu'il déteste ça. Il restera assis à une table à discuter avec ses amis. Papa aura pitié de moi, il me fera valser et me marchera sur les pieds comme d'habitude. Avec ma chance, Nando profitera d'une danse pour me tripoter les fesses et cette andouille d'Eduardo me racontera sa vie en me soufflant son haleine infecte au visage...

Tout serait tellement plus simple si Javier ne m'avait pas quittée. Passe encore s'il était parti pour une autre. Mais son "Je ne t'aime plus", j'ai beau le retourner dans tous les sens, ça ne veut absolument rien dire. La veille, il m'écrit un poème et le lendemain, c'est fini. Je suis sûre qu'il me cache quelque chose. D'ailleurs, j'aimerais autant qu'il y ait une femme derrière tout ça, au moins, je me résignerais...

TU DIS QUOI MAMAN ? JE N'AI PAS ENTENDU !... OUI, JE DESCENDS MANGER !... Mince, c'est déjà l'heure ?... Si maman a préparé de la tortilla, Javier reviendra vers moi à genoux. Mais si c'est du poisson, il a menti, il en aime une autre. Si c'est du poulet, je vais bien finir par lui manquer. S'il y a du riz, il m'épousera... Ah non, ça ne va pas. Si c'est du poisson et du riz, ça se contredit... OUI MAMAN, J'ARRIVE ! Bon, je recommence. Si c'est de la tortilla...


 

Momina Mars 2005

Voir aussi : ( Salvador Dali )