Contes, Mythologie
Les coulisses de la création
L'espace d'un instant
Rencontres avec un tableau

 

Gustav Klimt, Serpents d'eau II, 1904-07  
huile sur toile, 80 x 145 cm
 


Les Ondines filent sous l'eau, silencieuses et rapides. Elles se déplacent toujours en bancs, se frôlent dans les courants où elles emmêlent leurs chevelures fleuries. Elles aiment frotter leurs ventres nus dans la vase ou faire semblant d'avaler un petit poisson. Le sentir battre de la queue et des nageoires contre leur palais les ravit au plus haut point. Elles se le passent de bouche en bouche dans une ronde de baisers mais l'animal, étourdi par le voyage insensé, finit par périr. La dernière qui l'a eu sur la langue est envoyée à la surface où la lumière du jour l'éblouira. Parfois, elle croise une fillette solitaire et rêveuse qui se promène le long de la berge. Elle la saisit aussitôt par la cheville et l'amène à ses compagnes. Les Ondines déshabillent l'enfant qu'elles tentent d'initier à leurs jeux. Quand la noyée cesse de se débattre, elles l'abandonnent sous un rocher.

On les appelle aussi les Serpentines ou les Serpents d'eau dans les légendes qu'on invente à leur sujet car nul marin n'est jamais revenu de leur monde. Les Serpentines ne sont pourtant pas venimeuses, elles n'ont ni crocs ni langue fourchue, elles ne s'enroulent pas autour de leur proie pour l'étouffer. Dès qu'un bateau assombrit le lit, elles montent simplement caresser la coque de leurs dos graciles, en un ballet timide et furtif. On murmure que leur regard rend les hommes fous, que certains en meurent d'amour comme foudroyés sur place. D'autres plongent pour les rejoindre dans les profondeurs. Les Ondines se pressent alors contre l'aventurier, pris au piège des eaux fraîches. Elles le cajolent de leurs mains et de leurs bouches pour lui dérober sa semence. Leur forfait accompli, les plus habiles portent le trésor à la Reine qui vit dans un lointain affluent. On dit que les Serpentines sont toutes nées de cette créature aux yeux verts et des centaines de marins éperdus qu'elles rejettent sur les berges, le coeur éteint, les lèvres esquissant un ultime sourire.

Momina Décembre 2003

Voir aussi : ( Gustav Klimt )