Contes, Mythologie
Les coulisses de la création
L'espace d'un instant
Rencontres avec un tableau



John William Waterhouse, Boreas, 1903
huile sur toile, 84 x 61 cm


Si le vent du nord poussait devant chez toi, une jeune fille timide, partie cueillir des jonquilles, bien vite, tu ouvrirais ta porte à la promeneuse surprise par la tempête qui gonflerait son châle et menacerait de l'emporter à tout jamais. Elle hésiterait un instant puis vaincue par la violence des bourrasques, elle accepterait ton invitation. Tu l'installerais devant la cheminée. Tu jetterais de nouvelles bûches dans le foyer. Tu poserais sur ses jambes engourdies par le froid, une douce couverture de laine bleue. Elle frotterait ses mains devant l'âtre et t'accorderait un sourire reconnaissant. Tu lui offrirais une tasse de chocolat chaud qu'elle avalerait à petites gorgées. Ton chien se coucherait à ses pieds et de ton fauteuil, tu l'envierais un peu de dormir ainsi contre la belle inconnue.

Mais le vent du nord n'amène rien de bon. Il arrache simplement les tuiles de ton toit. Il lance des cailloux sur tes fenêtres et les branches du laurier viennent griffer tes carreaux. A son approche, les oiseaux volent bas et les chats les oublient, en quête d'un abri. Le vent du nord est un géant, les cheveux enneigés et la barbe en bataille. Il pique des colères terribles qui font déborder les rivières. Il détruit tout sur son passage, fier d'affirmer sa puissance ravageuse. Les femmes le fuient comme la peste alors il les capture pour les violer dans d'épais nuages gris. Il leur donne des enfants innombrables qu'elles détestent et voudraient égorger. Le vent du nord est insatiable. On dit même que de son souffle, il peut engrosser les juments.

Aucune jeune fille timide ne se risque dans la lande quand il siffle. Elles connaissent ces légendes et restent sagement à la maison. Elles font des réussites sur le coin d'une table bancale, d'autres noircissent les pages d'un journal intime. Elles regardent inquiètes, les arbres penchés, les herbes couchées, cette nature qui ploie sous les éléments déchaînés. Et malgré tes prières, le vent du nord ne parvient pas à les attirer au-dehors.


 

Momina Janvier 2005

Voir aussi : ( Waterhouse )