La politique du fait accompli appliquée par les Serbes au Monténégro, ainsi que l'essoufflement progressif du conflit opposant les Verts et les Blancs auraient dû sceller définitivement le sort du Monténégro. Pourtant, la reconnaissance tacite du royaume des Serbes, Croates et Slovènes et donc du rattachement du Monténégro à la Serbie, par les Alliés, ne résout en rien le problème monténégrin. En effet, conformément aux buts de guerre définie par les Alliés et de par sa participation au conflit aux côtes des Alliés, le Monténégro est admis à la Conférence de la Paix de Versailles. Cependant, malgré les assurances des vainqueurs et ses protestations, le Monténégro ne put y participer et vu son sort soigneusement éviter par les Grands. Ce même scénario se reproduisit lorsque le Monténégro fit sa demande d'admission au sein de la Société des Nations. Son sort sur le plan international ne fut jamais réglé par un quelconque traité. Les grandes puissances semblaient s'accommoder de cette situation et trouvèrent dans les élections à la Constituante de Belgrade, le moyen, ou le prétexte de rompre leurs relations avec le gouvernement royal en exil, reconnaissant ainsi l'intégration du Monténégro dans le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.    
       
  A. Le Monténégro devant la Conférence de la Paix    
       
  Lorsque la Conférence de la Paix s'ouvre à Versailles le 18 janvier 1919, les Alliés ont décidé d'entreprendre les négociations sur la base des 14 points définis par le président Wilson le 8 janvier 1918. Le onzième point stipulait l'évacuation et la restauration de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro. Cette déclaration du président américain répondait aux conditions de paix et buts de guerre Alliés qu'avait fait parvenir Briand, alors président du conseil, à Wilson, le 10 janvier 1917. Le premier article de ce mémorandum prévoyait "la restauration de la Belgique, de la Serbie et du Monténégro, avec les dédommagements qui leur sont dus". Ces déclarations en faveur du rétablissement du Monténégro furent répétées à de nombreuses occasions.  
     
  Pourtant, dès les préparatifs, les conditions d'équité à l'égard du Monténégro n'étaient pas respectées. En effet lors de la répartition des sièges entre les différents participants à la Conférence, le 13 janvier, le Monténégro ne reçut qu'un siège. Cet unique siège le plaçait au même niveau que les pays qui s'étaient bornés à rompre leurs relations diplomatiques avec les Puissances Centrales. Mais cette injustice avait aussi pour effet, de désavouer l'attitude de la Serbie en ne reconnaissant pas l'union votée par la Grande Skoupchtina. Néanmoins la propagande serbe réussit à écarter le Monténégro, en faisant pression sur les Alliés pour qu'ils ajournent cette invitation. Le Monténégro était pourvu d'un siège à la Conférence, mais n'avait pas de délégué: "le Monténégro sera représenté par un délégué mais les règles concernant la désignation de ce délégué ne seront fixées qu'au moment où la situation politique de ce pays aura été éclaircie" [1].    
       
  Ensuite contrairement à la Belgique, à la Serbie ou à la Roumanie qui sont conformément aux conditions posées par les Alliés, immédiatement restaurées, les grandes puissances considèrent la restauration du Monténégro comme relevant de la compétence de la Conférence. Dans cette optique, après l'accord de la délégation italienne qui fit savoir qu'elle n'avait pas d'intérêts particuliers dans cette région s'opposant à l'étude de ce cas, le conseil suprême des Premiers ministres décide d'entendre la délégation monténégrine au cours de la séance de la commission des affaires roumaines et yougoslaves. Toutefois, les représentants français et britannique (Tardieu et Crow) refusent que la question du Monténégro soit posée puisque selon eux le Monténégro faisait dorénavant partie du royaume S.H.S. [2]. Nous étions alors le 5 février 1919, soit plus d'un an avant la reconnaissance officielle par le Royaume-Uni et la France de l'union des deux pays. Le problème du Monténégro ne fut donc jamais abordé ni réglé par la Conférence. Ce que reconnaîtra plus tard la S.D.N., le 25 novembre 1920, lorsque Paul Mantoux évoquera dans son rapport sur l'adhésion du Monténégro: "la question de l'existence actuelle d'un état indépendant du Monténégro n'a jamais été réglée" [3].    
     
  Ce refus d'évoquer le cas du Monténégro est aussi visible, lorsque Poincaré qui avait donné des garanties au roi quant à la libération de son pays omet, dans le discours inaugural de la Conférence, de citer le Monténégro en tant que pays Allié ayant pris part au conflit dès août 1914 [4]. Fait que reconnaîtra elle-même la délégation du royaume S.H.S., dans son rapport sur les dommages causés à la Serbie et au Monténégro présenté à la commission des réparations et dommages, "nous avons inclus dans le mémoire concernant les dommages serbes ceux qui se rapportent au Monténégro; il est entré en lice dès les premiers jours de la guerre européenne et, de même que la Serbie, a été envahi, saccagé, spolié et dévasté pendant trois ans" [5].    
       
  En effet n'ayant pu faire reconnaître son annexion, la Serbie, après avoir cherché à faire attribuer le siège monténégrin à Andriya Radovitch [6], cherchera à se présenter comme le seul défenseur des intérêts monténégrins. À ce titre, Pachitch incorporera Radovitch à sa délégation. Pour parer à ces tentatives serbes, Plamenatz essayera de placer les Alliés devant le fait accompli, en nommant un délégué; Yovo Popovitch, ancien délégué monténégrin à la Conférence de Londres en 1913. Cette tentative fut vouée à l'échec. Tout comme la reconnaissance par le gouvernement monténégrin, du gouvernement russe de l'amiral Koltchak [7], dans le but de lier le sort des deux pays exclus de la Conférence [8].    
       
  Malgré toutes ces entraves, le Monténégro n'en présenta pas moins des revendications territoriales et financières comme compensation des dommages causes par plus de quatre années de guerre, dont trois années d'occupation. Du point de vue territorial, le gouvernement monténégrin réclamait l'Herzégovine, les Bouches de Cattaro ainsi que l'Albanie du Nord avec la ville de Scutari, quant aux dédommagements financiers il les chiffrait à hauteur de 350 millions de francs [9]. Selon Delaroche-Vernet, ces revendications étaient dues à "... l'imagination poétique du gospadar". Beaucoup moins poétique en tout cas que les revendications de Radovitch qui réclamait pour le seul Monténégro 723 millions de francs [10], ainsi que l'Albanie du Nord en ces termes: "d'après le traité secret de Londres de 1915 lui-même la zone située le long du Drin [11] a été donnée à la Serbie et au Monténégro: ils l'ont occupée avant l'évacuation de 1916, ensuite ces territoires ont été acquis par l'armée serbe" [12]. C'est-à-dire des territoires que le Monténégro avait occupés après la trahison de 1915, tant dénoncée par ce même Radovitch. Trahison sur laquelle le roi demanda, en août 1919, une enquête à propos de son rôle pendant la guerre. Ce à quoi la Serbie se refusa.    
     
  Éloigné de la Conférence [13], le Monténégro chercha dans la S.D.N. nouvellement créée, le moyen de faire-valoir ces droits. Ainsi demanda-t-il son admission le 18 novembre 1920 [14]. Cette admission fut refusée 7 jours plus tard par la S.D.N. qui invoque la prudence pour ne pas se prononcer, même si elle reconnaît que le problème n'est pas réglé [15]. Le gouvernement réitérera sa demande lors de la deuxième cession. Cette fois-ci il lui fut répondu par Mantoux: "Je reconnais que la question monténégrine n'a pas été internationalement réglée; mais que voulez-vous? Elle est restée en l'air" [16]. Le gouvernement en exil tentera de nouvelles démarches en 1924, 1926 et 1928, mais ses demandes resteront sans effet, du fait du veto de certains pays notamment ceux de la petite Entente et donc à travers eux, de la France [17].  
       
  B. Les élections à la Constituante et la reconnaissance de l'union    
       
  Si les élections de la Grande Skoupchtina ainsi que les résolutions qu'elle avait prises à la fin novembre 1918 étaient apparues suffisantes au gouvernement serbe pour reconnaître l'union des deux pays et, ainsi rompre ses relations diplomatiques avec le Monténégro, il n'en était pas de même, comme nous l'avons vu, pour les grandes puissances. Le problème du Monténégro et de son intégration dans le royaume S.H.S. restait posé. Le problème restait posé surtout du fait de l'Italie. Celle-ci voyait dans le maintien du problème monténégrin sur le plan international, un moyen de faire pression sur le gouvernement yougoslave, avec lequel elle était en différant sur le problème de l'Adriatique. À cet égard Delaroche-Vernet considérait que "l'agitation royaliste monténégrine n'est plus qu'une carte dans la partie qui se joue entre l'Italie et la Yougos-slavie à propos de l'Adriatique, le jour où les deux puissances se mettraient d'accord, on verrait très probablement à brève échéance la fin d'une "chouannerie" qui n'existe encore que grâce à la tolérance et peut-être l'appui secret du gouvernement italien" [18]. Le règlement de la question italo-yougoslave devait donc permettre le règlement de la question monténégrine. Ce règlement de la question Adriatique intervient à la suite du traité de Rapallo, le 12 novembre 1920, qui fixe les frontières entre les deux pays (Istrie et Zara [19] à l'Italie) et entérine l'occupation de facto, de la ville de Fiume par D'Annunzio. Par cet accord, l'Italie échangeait donc son désintérêt pour le Monténégro en reconnaissant l'annexion, contre la ville de Fiume, comme l'envisageait déjà en septembre 1919, le comte Montagliari représentant italien auprès du roi [20].  
     
  Si le traité de Rapallo mettait un terme, pour la diplomatie italienne, au problème monténégrin, il permettait aussi aux chancelleries Alliées de se dédouaner, en liant l'intégration du Monténégro au royaume S.H.S. à l'accord italo-yougoslave. Pour elles, il n'existait un problème monténégrin que dans la mesure ou l'Italie était concernée. "Les Yougo-slaves ayant accepté toutes les conditions italiennes, le sort du Monténégro avait été par la même, fixé et que le petit royaume devenait serbe. J'ai ajouté que dans ces conditions, nous considérions comme valable la consultation des populations, déjà faite par le gouvernement des Serbes, Croates et Slovènes" [21]. Cette remarque est de nouveau faite par le gouvernement français, le 21 novembre, avec l'appui de la Grande-Bretagne pour qui, le cas du Monténégro n'apparaissant pas dans les négociations du traité de Rapallo, le rattachement du royaume monténégrin au royaume S.H.S. était maintenant une chose admise [22]. Cependant, Sir Crowe émettait le désir d'attendre la fin des élections à la Constituante de Belgrade, pour supprimer la légation britannique auprès du roi. Cette proposition fut à son tour reprise par le Quai d’Orsay. Les élections et leurs résultats n'allaient donc servir que de prétexte aux grandes puissances pour reconnaître l'union des deux pays.    
       
  Les élections eurent lieu le 28 novembre 1920 dans tout le Monténégro, comme dans tout le royaume, sauf dans les districts de Nikchitz et de Kolachin, ou le matériel n'étant pas arrivé, le vote eut lieu le 5 décembre. La loi électorale attribuait 10 sièges à la Constituante au vieux Monténégro (d'avant 1913). En effet les nouvelles provinces du Sandjak de Novi-Pazar et de la Metohija avaient été, préalablement, rattachées administrativement aux trois départements serbes de ce même Sandjak. Ce scrutin met en présence sept listes:
- les radicaux, représentants Pachitch et Vechnitch, conduits par Milosav Raichevitch
- les démocrates, représentant le gouvernement de Davidovitch alors en place à Belgrade, conduits par Pavle Choubrovitch
- les républicains conduits par Jovan Tchonovitch
- les communistes conduits par Jovan Tomashovitch
- les indépendants conduits par Spasoje Piletitch
- la liste de Nikchitz conduite par Novista Schaoulitch
- la liste Radovitch conduite par Radovitch
Les trois dernières listes sont des listes dissidentes. Les indépendants sont des personnes qui étant en opposition personnelle avec des membres des deux grands partis, ont décidé de former une liste. La liste de Nikchitz est une liste purement locale, dans une région encore très clanique. Quant à la dernière, elle a été formée par Radovitch car il n'admettait pas d'être place en troisième sur la liste démocrate. Ces trois listes sont dans la mouvance démocrate.
   
     
  Toutes ces listes ont pour programme l'union. Il n'existe pas en effet de liste séparatiste qui remette en cause l'union. Selon le gouvernement monténégrin en exil, cette absence serait due à l'interdiction par le ministre de l'intérieur serbe Drachkovitch, de présenter des listes ayant pour programme l'indépendance [23]. Selon un rapport d'observateurs britanniques cette absence est due au fait que les deux "partis" qui sont opposés à l'union; les "modérés" (veulent un statut d'égalité entre Serbes et Monténégrins au sein du royaume S.H.S.) et les "extrémistes" (partisans d'un retour à l'indépendance pure et simple), n'ont pu se mettre d'accord pour créer une liste commune, notamment sur la personne qui conduirait la liste [24]. Il n'y eut donc pas de liste séparatiste, et ces derniers appelèrent à l'abstention.    
       
  La liste démocrate et ses mouvances ainsi que les listes républicaine et communiste sont pour un état unitaire fortement centralisé devant amener à la création d'une nation yougoslave. Les deux dernières ne divergeant que sur la forme de gouvernement à adopter; république ou dictature du prolétariat. La liste radicale est elle aussi pour l'union, mais avec des réserves. Elle veut une union, mais avec une large autonomie locale du point de vue administratif (et non législatif). Elle est donc contre toute idée de fédération mais aussi contre la centralisation qui irait à l'encontre des traditions et des histoires locales différentes [25].    
       
  Le gouvernement monténégrin en exil parla de pressions effectuées sur la population pour qu'elle aille voter, en utilisant la menace ou la corruption. Sur ce dernier point il cite un article paru dans le journal du parti socialiste serbe, Radnichke Novine du 6 novembre 1920:
"Nous sommes à même de présenter à nos lecteurs un document irréfutable qui témoigne que le gouvernement veut aussi, par la corruption falsifier la volonté du peuple monténégrin. C'est l'ordre confidentiel du ministère de l'intérieur serbe n°270 du 26.10.1920. En vertu de cet ordre le conseil des ministres a accordé un crédit de 500 000 dinars comme fonds secrets de la police pour les élections du Monténégro" [26].
Pourtant les observateurs anglais ne firent aucune remarque à ce sujet et jugèrent les élections comme équitables et sincères, reflétant les aspirations de la population.
   
     
  Ces mêmes observateurs avalisèrent les résultats donnés par les ministères de l'intérieur yougoslave. Selon ce dernier il n'y aurait eu au Monténégro que 34.08 % d'absentions. Le gouvernement royal quant à lui parla d'une participation de seulement 23.75 %. Pour cela il se fondait sur les recensements d'avant 1914. Ainsi sur une population de 450 000 habitants, le Monténégro comptait 120 000 électeurs (hommes âgés de plus de 21 ans) et selon les résultats seulement 28 650 personnes auraient pris part au vote. Néanmoins ce dernier omet de signaler que 450 000 habitants c'est en comptabilisant les nouvelles provinces et que sur les 120 000 électeurs présents en 1914, nombreux sont ceux qui sont morts durant le conflit (le gouvernement monténégrin avança le chiffre de 50 % de ces effectifs militaires). On ne peut donc tenir ses explications sur la faible participation comme juste:
- absentions pour marquer son désaccord
- non participation des réfugiés (8 000)
- non participation des insurgés (4 000)
- les prisonniers politiques
- les enrôlés de force dans l'armée serbe
- les expatriés par les Serbes dans les autres provinces (Macédoine)
- 20 000 monténégrins émigrés aux USA qui ont toujours la nationalité monténégrine
   
       
  Toutefois les explications des observateurs britanniques, quant au nombre des inscrits ainsi qu'au taux d'abstention, restent peu convaincantes. Selon ces derniers le taux d'inscrit sur les listes électorales est satisfaisant puisqu'il représente 1/6 de la population totale soit 16%, ce qui reste à mon avis relativement faible si l'on part de l'hypothèse que l'électorat représente entre 25 et 30 % de la population. À cette différence vient s'ajouter un taux d'abstention de 34.08 %. Chiffre qu'encore une fois, ils jugent peu important. Pourtant si l'on prend en compte ces deux remarques, seulement 45 % des hommes en âge de voter ont pris part au vote. R. Bryce y voit quatre raisons:
- l'illettrisme de la population
- la configuration du pays qui ne facilite pas l'accès aux 150 bureaux d'inscription et de vote
- le tribalisme qui fait que l'on ne vote pas si sa tribu n'est pas représentée sur les listes
- et enfin la population musulmane qui n'a pas pris part au vote, faute de candidats musulman
Des raisons qui n'ont donc rien en commun avec les explications avancées par les séparatistes.
   
     
  Si les résultats ne sont pas sujets à caution, leurs explications quant à elles divergent:
- radicaux: 3845 voix soit 1 siège
- démocrates: 4061 voix soit 1 siège
- indépendants: 2406 voix soit 1 siège
- républicains: 4612 voix soit 2 sièges
- communistes: 10900 voix soit 4 sièges
- liste de Radovitch: 1488 voix soit 1 siège
- liste de Nikchitz: 1338 voix et aucun siège
 
       
  Comme nous l'avons vu toutes les listes défendaient dans leur programme l'idée d'union avec la Serbie. Pourtant les Verts cherchèrent à s'approprier ce résultat qui marquait une défiance à l'égard des partis "institutionnels". En effet, le vote communiste et républicain représente 15 512 voix (6 sièges) contre 13 138 pour les autres. Les indépendantistes y voient là un vote contestataire en faveur de leurs thèses. Il serait réducteur d'acquiescer à une telle conclusion. Et ce même si les six députés "contestataires" voteront contre le projet de constitution élaborée à Belgrade le 28 juin 1921. Pour dénoncer cette appropriation le parti républicain publiera au lendemain des élections un manifeste pro-unioniste, dénonçant la manœuvre des sécessionnistes [27].    
       
  La commission britannique explique le succès du vote communiste, par une propagande active et disciplinée (ils jouent sur la russophilie du peuple en se présentant comme les seuls véritables amis de la Russie), par le rôle actif des instituteurs largement gagnés aux idées communistes et enfin par la popularité de la tête de liste; Tomashovitch. Elle évoque aussi la popularité de Tchonovitch pour expliquer le succès républicain ainsi que la présence de nombreux émigrés américains largement ralliés aux idées républicaines. Quant à l'échec de la liste Radovitch qui n'obtient qu'un siège au plus fort reste, les observateurs l'expliquent par l'extrême impopularité de Radovitch, à qui l'on reproche son ambition, sa participation au régime de terreur après la libération ainsi que les attaques violentes contre le roi.    
     
  Les résultats peuvent donc conduire à des analyses différentes. Qualifier le vote communiste ou républicain, de vote en faveur des partisans du roi, comme ces derniers le laisse entendre, serait réducteur. À cet égard l'on doit mettre le succès communiste en parallèle avec leurs succès obtenus en Serbie ou en Macédoine. Pourtant l'échec des listes "institutionnelles" ne peut laisser indifférent. Comment ne pas y voir un vote sanction? D'ailleurs dans leur conclusion, observateurs anglais évoquent la possibilité d'un retournement d'opinion en faveur des anti-unionistes si la constitution ne respectait les particularités du Monténégro.    
       
  Une fois les résultats rendus officiels, il ne restait plus qu'aux Grands de se servir de ce prétexte pour reconnaître l'union. Ainsi la France rompt-elle ses relations avec le gouvernement royal le 20 décembre 1920, pour ne pas avoir à présenter ses vœux le 1er janvier 1921 [28], et sans évoquer les raisons profondes de cette rupture qui ont trait au traité de Rapallo  [29]. Le Royaume-Uni suivra le même mois, tandis que la question s'éternisera un peu plus longtemps en Italie puisqu'il faudra attendre la mort du roi le 1er mars 1921 à Antibes, ainsi que la fin d'une crise ministérielle qui voit la chute du comte Sforza, l'artisan de Rapallo, à la suite d'une agitation entretenue par Yovan Plamenatz, pour que l'Italie supprime le poste de Montagliari en avril 1921 [30]. Après cinq siècles d'indépendance, trois années d'occupation autrichienne et deux années d'une union officieuse, le Monténégro, par une décision des Grandes Puissances, n'existait plus. Son intégration dans le royaume des Serbes, Croates et Slovènes était désormais une chose acquise.  
       
     
       

© www.guillaume-balavoine.net