La répartition des bolides qui percutent la planète chaque jour

article paru dans "Le Monde" édition du 23 novembre 2002

Même si nous n'en avons pas conscience, le ciel nous tombe réellement sur la tête. Comme le rappelle l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet dans son dernier ouvrage, Le Feu du ciel, météores et astéroïdes tueurs (éditions Le Cherche Midi, 236 p., 17 ¤ ), selon l'hypothèse haute émise par les chercheurs, "la Terre reçoit chaque jour 1 000 tonnes de matière céleste ­p; essentiellement sous forme de grains microscopiques. (...) Additionnées sur un an, les chutes célestes représentent environ 36 fois le poids de la tour Eiffel."

L'immense majorité des objets qui percutent la Terre se révèlent être des micrométéorites, particules laissées dans l'espace après le passage d'une comète ou minuscules fragments de roche issus de collisions survenues dans la ceinture d'astéroïdes, quelque part entre Mars et Jupiter. Ces petits grains, d'une masse souvent inférieure au gramme, se consument en entrant dans l'atmosphère et donnent des étoiles filantes. Des études statistiques à leur sujet sont régulièrement menées sur des échantillons de ciel surveillés par radar ou par des caméras à grand champ.

A l'autre bout de l'échelle, pour ce qui concerne les astéroïdes dits tueurs, qui mesurent au moins 1 kilomètre et pourraient faire des dégâts considérables à l'échelle d'un continent ou de la planète, la détection systématique effectuée depuis quelques années a estimé le nombre de ces catataclysmes volants à environ 3 000. La moitié a été détectée à ce jour (Le Monde du 28 juin). En revanche, entre ces deux extrêmes, entre les très gros et les très petits, les astronomes ne disposent pas d'instruments adéquats pour comptabiliser les corps allant du mètre à quelques dizaines de mètres : ils sont trop rares pour que les surveillances périodiques des étoiles filantes en capturent un échantillon significatif et ils sont généralement trop petits pour être vus par les télescopes assez modestes qui traquent les gros astéroïdes.

Mais les chercheurs ont de la ressource. Comme le relate l'hebdomadaire Nature dans son numéro du 21 novembre, une équipe américano-canadienne a réussi à avoir accès aux données... des satellites militaires américains chargés de détecter les flashes que provoquent les essais nucléaires. En effet, lorsqu'un corps d'une taille honorable arrive dans l'atmosphère, il explose en émettant une importante quantité d'énergie, dont une partie sous forme de lumière. Par conséquent, ces impacts sont automatiquement enregistrés par les yeux spatiaux du département américain de la défense. Il a donc été possible de recréer un gigantesque scintillateur dont l'écran n'était ni plus ni moins que l'atmosphère terrestre !

En analysant huit ans et demi de mesures faites par une flottille de satellites géostationnaires, qui volent à 36 000 kilomètres d'altitude, cette équipe a de la sorte pu retrouver la trace de 300 bolides venus de l'espace. Après une série de calculs, les chercheurs ont pu, d'une simple mesure de lumière, déduire la masse et la taille de ces météores et combler le fossé existant entre les poussières et les astéroïdes géants. Ces statistiques ont permis de déterminer la probabilité de collision entre la Terre et toutes les classes d'astéroïdes. Ainsi, résume l'étude publiée par Nature, notre planète est une fois par an percutée par un objet dont l'explosion dégage une énergie équivalente à 5 kilotonnes de TNT et une fois par décennie par un objet de 50 kilotonnes. A titre de comparaison, la bombe atomique d'Hiroshima avait libéré une énergie de 15 kilotonnes.

En juin 1908, un bolide mesurant quelques dizaines de mètres tout au plus se désintégrait à 8 kilomètres d'altitude au-dessus de la Toungouska, en Sibérie centrale, dans une explosion mille fois plus puissante que la bombe d'Hiroshima. Il n'y eut aucune victime car la zone était peu peuplée, mais les arbres de la taïga se couchèrent sur 2 000 km2. Jusqu'ici, on pensait que ce genre d'événement ­p; qui pourrait être catastrophique au-dessus d'une agglomération ­p; arrivait une fois tous les cent ou deux cents ans. A la lumière de leur étude des impacts intermédiaires, les chercheurs estiment aujourd'hui qu'une telle collision se produit en moyenne une fois par millénaire. Les anxieux seront rassurés.

Pierre Barthélémy
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Des effets catastrophiques pour la vie


Au cours de son histoire, la Terre a subi de nombreux bombardements météoritiques. Certains, très importants, ont vraisemblablement eu des des effets catastrophiques sur la vie, et ont dans certains cas provoqué une extinction massive d'espèces. L'exemple le plus connu concerne une météorite géante de 12 à 14 km de diamètre qui s'est abattue il y a 65 millions d'années sur la péninsule du Yucatan, au Mexique, à la vitesse de 25 km par seconde. L'impact formidable a provoqué un cratère de 200 km de diamètre, aujourd'hui comblé par les débris et les sédiments, et entraîné la disparition de 80 % des espèces vivantes, et notamment celle des dinosaures. Un impact précédent, il y a 200 millions d'années, aurait lui au contraire favorisé l'expansion des dinosaures sur notre planète. Les chercheurs américains du Lamont-Doherty Earth Observatory qui ont formulé cette hypothèse ont étudié des empreintes de pas fossilisées en Amérique du Nord pour les dix mille ans qui ont suivi cet événement. Ils ont observé une expansion de la diversité des espèces de dinosaures, et une augmentation de leur taille, pendant que la diversité des autres espèces animales chutait.


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