Populations et religions

Le terme Irak signifie en arabe « bord de l'eau », en référence au Tigre et à l'Euphrate. L'Etat moderne a été constitué en deux étapes. Le 25 avril 1920, la conférence de San Remo attribue à Londres un mandat sur un Etat constitué des anciens vilayets ottomans de Bagdad et Bassorah, très élargis au désert occidental. Le 16 décembre 1925, la Société des Nations, ancêtre de l'ONU, rattache à l'Irak l'ancien vilayet de Mossoul, revendiqué jusque-là par Ankara.
Les chiites constituent environ 55 à 57 % de la population, les sunnites 38 à 40 % ; on compte 3 à 4 % de minorités religieuses : yézidis et alévis (chez les Kurdes), bahaïs et surtout chrétiens, dans les populations préislamiques.
Il ne reste que quelques centaines de juifs sur une communauté de 180 000 âmes qui, pour l'essentiel, a rejoint Israël en 1949-1951.
Arabes, les chiites sont aujourd'hui, dans leur grande majorité, regroupés au sud du pays, où sont situés les lieux saints de cette branche de l'islam : Koufa, où Ali fut assassiné ; Kerbala, où son fils Hussein connut, en 680, le « martyre », et Samarra, où disparut le dernier des douze imams « infaillibles » en 874. Les chiites sont depuis longtemps brimés par tous les pouvoirs. Leur djihad, mené en 1916-1917 contre les Ottomans et le nouvel occupant britannique, fit 100 000 victimes parmi eux.
Les Arabes sunnites, qui ont fourni les élites dirigeantes de tous les régimes à Bagdad, ne sont que 15 à 17 %. Les Kurdes (25 à 27 %), presque tous sunnites, sont en révolte quasi permanente depuis le début du XXe siècle pour obtenir l'égalité des droits, l'autonomie et parfois l'indépendance.
On trouve en Irak d'autres minorités ethniques : Assyriens et Arméniens (chrétiens), Iraniens, Turcs et Tcherkesses (musulmans).





L'Irak occupe une place à part sur la carte religieuse du monde. La Chaldée
est la patrie d'Abraham, père de tous les croyants juifs, chrétiens et
musulmans. Et si l'islam y est religion d'Etat, les chrétiens constituent
environ 3 % de sa population. D'obédiences diverses, ces 800 000
chrétiens sont les lointains héritiers des pèlerins juifs de Jérusalem ou
des tribus locales converties par la prédication des premiers apôtres.
Evangélisation facilitée par la langue locale, l'araméen (ou syriaque),
qui était celle du Christ. L'origine de cette Eglise est « nestorienne », du
nom de Nestorius, patriarche de Constantinople condamné en 431 au
concile d'Ephèse parce qu'il ne croyait pas à l'unique nature (divine et
humaine) du Christ. Les nestoriens ont essaimé en Perse, en Inde et jusqu'en
Chine. Ils ne sont plus que 100 000 environ, dont 40 000 en Irak
(les autres en Iran et en Inde). La naissance, en 1553, de l'Eglise catholique
chaldéenne, aujourd'hui très majoritaire (500 000), est le fruit de
l'« uniatisme » actif de Rome (rattachement au pape des communautés
d'Orient séparées). Chaldéens et nestoriens sont en presque totalité
constitués des Assyriens, population locale préislamique, reconnus comme
« nationalité » par la Constitution, mais qui ont eu, à l'ère moderne,
à souffrir de nombreuxmassacres. Les autres communautés chrétiennes
sont arménienne, melkite ou latine.
Comment subsister comme minorité chrétienne dans une dictature politique
et une société dominée par l'islam ? Les chrétiens ont fourni nombre
de cadres au régime. Tarek Aziz, l'actuel vice-premier ministre, est
chrétien, comme l'était le syrien Michel Aflaq (1910-1989), l'un des deux
fondateurs et l'idéologue du parti Baas. A Bagdad et à Mossoul (50 000
chrétiens), les portraits du patriarche chaldéen, Raphaël Bidawid (appelé
l'« aumônier de Saddam »), trônent à côté de ceuxdu président. En
échange d'avantages matériels (écoles, églises, couvents), les Eglises
font preuve d'un total dévouement au pouvoir. Les chrétiens d'Irak
n'ont souvent d'autre issue que cette loyauté imposé ou l'émigration.

Un pays amputé


L'Irak est aujourd'hui amputé des deuxtiers de son espace aérien et des
trois quarts de sa région kurde, qui constitue une « zone de sécurité »
séparée, hormis Mossoul et Kirkouk, cur de la région pétrolière (voir
carte page précédente). Se fondant sur les sanctions onusiennes (août
1990) ayant précédé la guerre du Golfe et sur les résolutions 687 et 688
des 3 et 4 avril 1991, destinées à protéger les populations menacées en
Irak, les Etats-Unis ont instauré deux « zones d'exclusion aériennes », le
10 avril 1991 au nord du 36e parallèle, pour protéger les Kurdes, et le
25 août 1992 au sud du 33e parallèle, près de Bagdad, pour les chiites.
Le 14 avril 1995, la résolution 986, dite « pétrole contre nourriture », instaurait
aussi la mise sous tutelle du pétrole irakien. Pour des raisons
humanitaires, Bagdad était autorisé à vendre, sous le contrôle des
Nations unies, pour un maximum de 1 milliard de dollars de produits
pétroliers par trois mois renouvelables, en contrepartie d'une distribution
équitable des produits de première nécessité aux Irakiens.

extrait du dossier du journal "Le Monde" le mystère irakien ; du 30 septembre 2002


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