Dans un colloque en Italie, dans une conférence en Californie, l'image
de référence du cinéma français demeure le couple
Gabin-Morgan du Quai des brumes (« T'as de beaux yeux,
tu sais... ») ou la course désespérée de
Baptiste cherchant Garance dans la foule des Enfants du paradis.
Marcel Carné, en symbiose avec Jacques Prévert, a imposé
son réalisme tragique, qu'il l'ait conjugué au présent
dans les années de l'avant-guerre, ou au passé dans la France
occupée.
L'âge d'or de Marcel Carné couvre une décennie, de 1937
à 1946 - ses années Prévert. Non qu'il ait été
sans talent avant et après, mais pendant ces années-là,
le désespoir tendre du poète s'inscrivait comme dans un écrin
dans les lumières travaillées, dans les décors de Trauner,
sur les visages de Michèle Morgan ou d'Arletty qui étaient
la matière vive de la mise en scène de Carné. Ce réalisme
était tout d'artifices, le château blanc des Visiteurs du
soir comme la station de métro des Portes de la nuit étaient
des édifices de bois et de plâtre faits pour s'exalter dans
le faisceau des projecteurs. Des décors comme des états d'âme.
Carné a été cinéphile - auteur à vingt
ans d'un documentaire lumineux, Nogent Eldorado du dimanche - puis
critique avant d'apprendre le métier à l'ombre de Jacques
Feyder. La saison Prévert se termine en 1947 : insuccès
des Portes de la nuit, échec de La Fleur de l'âge
resté inachevé. Ensuite, Carné fera encore de beaux
films, et d'autres indignes de son métier ou de son image passée.
Il ne pourra éviter qu'on les compare à ses chefs d'oeuvre.
Ses dix années glorieuses l'ont écrasé. (source: ministère
français des affaires étrangères "les 100 films
pour l'an 2000")
1937
1938 QUAI DES BRUMES
Réalisation: Marcel Carné; Scénario: Jacques
Prévert
Adaptation: Marcel Carné; Dialogues: Jacques Prévert;
Auteur adapt.: Pierre Mac Orlan
Production: Ciné Alliance; Producteur: Gregor Rabinovitch
Image : Eugen Schüfftan, Louis Page, Marc Fossard, Pierre Alékan
Son : Antoine Archimbaud; Décors: Alexandre Trauner; Montage:
René Le Hénaff
Musique : Maurice Jaubert
Récompense: Prix Louis Delluc, Grand Prix du Cinéma
Français Louis Lumière. Autres Prix: Prix Méliès
de l'Académie du Film ex eaquo avec La bête humaine de Renoir
(1938). Distingué à la VI Mostra Internazionale d'Arte
Cinematografica, à Venise en 1938, pour ses qualités artistiques.
INTERPRETES: Michèle Morgan (Nelly **, voix2) / Jean Gabin
(Jean *, voix1) / Michel Simon (Zabel) / Pierre Brasseur (Lucien) / Edouard
Delmont (Panama) / Aimos (Quart Vittel) / Robert Le Vigan (le peintre)
Scénario : Jacques Viot et Jacques Prévert. Direction Photo : Curt Courant, noir et blanc. Décors : Alexandre Trauner. Musique : Maurice Jaubert. Production : Sigma. Durée : 1 h 25.
Interprètes : Jean Gabin (François), Jacqueline
Laurent (Françoise), Arletty (Clara), Jules Berry (Monsieur Valentin),
Bernard Blier (Gaston), René Génin (le concierge), Jacques
Baumer (le commissaire).
Résumé : François l'ouvrier sableur a tué
Monsieur Valentin. François se suicide au petit matin. Entre ces
deux coups de feu, François, barricadé dans sa chambre d'hôtel,
au dernier étage d'un immeuble de banlieue, se remémore les
événements qui ont fait de lui un assassin ; une histoire
d'amour toute simple saccagée par la cynisme sans scrupules de Monsieur
Valentin.
(...) Cette façon d'attaquer l'histoire par l'épilogue,
par l'assassinat du dompteur de cabots et de revenir en arrière,
de traduire en somme le monologue intérieur du barricadé qui
revit sa vie, cette manière de jouer avec le temps et de mêler
le siège des policiers à l'évocation des mobiles du
crime, tout cela a de la puissance et du ragoût...
Alexandre Arnoux, Les nouvelles littéraires, 17
juin 1939
Le décor de Trauner contribue pour sa part, non seulement à
la compréhension du drame, mais plus encore à sa constitution.
Comme Le jour se lève serait impensable sans la musique, le drame
se viderait de toute crédibilité sans le décor qui
l'authentifie... Le réalisme de Carné sait, tout en restant
minutieusement fidèle à la vraisemblance de son décor,
le transposer poétiquement, non pas en le modifiant par une transposition
formelle et picturale comme le fit l'expressionnisme allemand, mais en dégageant
sa poésie immanente, en le contraignant à révéler
de secrets accords avec le drame. C'est en ce sens qu'on peut parler du
« réalisme poétique » de Marcel Carné,
très différent du « néo-réalisme »
de l'après-guerre. En dépouillant presque totalement l'expressionnisme
de ses recours à des transpositions visibles du décor, Carné
a su en intérioriser intégralement l'enseignement poétique...
La perfection du Jour se lève, c'est que la symbolique n'y précède
jamais le réalisme, mais qu'elle l'accomplit comme par surcroît.
André Bazin, Ciné-club, décembre
1949
(source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
René Clair
Paris, 1898 / Paris, 1981
Il est né à Paris, dans le quartier des Halles. Tenté
par une carrière littéraire à la veille de la guerre,
il publie des poèmes et des articles de critique, et devient acteur
pour Feuillade et Protazanov. C'est en 1924 qu'il réalise ses trois
premiers films, entre fantastique et dadaïsme, dont Entracte,
qui est conçu pour accompagner un ballet de Francis Picabia et Eric
Satie, Relâche, au prestigieux Théâtre des Champs-Elysées.
Le jeune René Clair débute donc sous le signe de l'Avant-garde.
Il s'oriente ensuite, dans les ultimes années de l'art muet, vers
la comédie brillante. Mais ce sont les premières expériences
du parlant qui lui apportent la consécration et très vite
une gloire universelle. Sceptique en 1927 sur les possibilités d'un
cinéma sonore, il réfléchit ensuite à un possible
usage du son traité comme un matériau aussi malléable
que la lumière ou le comédien. Entre 1930 et 1932, entre Le
Million et 14 Juillet, il tourne quatre films au studio d'Epinay,
imposant sa vision aérienne, poétisée et convenue du
petit peuple de Paris. Fantaisie, rythme tendu et mise en scène inventive
presque toujours saisie dans le mouvement caractérisent son écriture,
qui se teinte de social quand la crise économique obscurcit l'horizon
(A nous la liberté).
Après l'échec immérité du Dernier milliardaire
en 1934, il s'expatrie en Angleterre, puis aux Etats-Unis pendant la guerre.
Sa deuxième carrière française commence en 1947 avec
Le Silence est d'or, un hommage attendri à l'art muet. Très
attendus, ses films d'après-guerre sont moins inventifs, plus mélancoliques
et plus académiques aussi que ceux de sa jeunesse. Il est lui-même
le premier cinéaste élu à l'Académie française,
en 1960.
(source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
1931
1931
"A nous la liberté"
Réalisation : René Clair
Photo : Collection Cahiers du Cinéma - D.R
Scénario : René Clair
Direction photo : Georges Périnal, Georges Raulet
Musique : Georges Auric
Production : Tobis
Noir et blanc . Durée : 97 minutes
A l'initiative de René Clair, le film est ressorti en 1951 dans une
version au montage plus serré, raccourci d'environ quinze minutes.
Interprètes :
Raymond Cordy (Louis), Henri Marchand (Emile), Rolla France (Jeanne), Paul
Olivier (l'oncle), André Michaud (le contremaître), Germaine
Aussey (Maud).
Chanson du film
La liberté, c'est toute l'existence,
Mais les humains ont créé les prisons,
Les règlements, les lois, les convenances
Et les travaux, les bureaux, les maisons.
Ai-je raison ?
Alors disons :
Mon vieux copain, la vie est belle,
Quand on connaît la liberté,
N'attendons plus, partons vers elle,
L'air pur est bon pour la santé.
Partout, si l'on en croit l'histoire,
Partout on peut rire et chanter,
Partout on peut aimer et boire,
A nous, à nous la liberté !
Résumé : Deux amis qui se sont connus en prison se retrouvent
dans l'univers de l'entreprise : l'un d'eux, qui s'était évadé,
est devenu un patron puissant, l'autre, sa peine purgée, n'est qu'ouvrier.
Ils sont aussi mal à l'aise l'un que l'autre dans l'enfer industriel,
et choisissent l'évasion. (source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
Julien Duvivier
Lille, 1896 / Paris, 1967
Il a eu une longue carrière de cinéaste français,
coupée par deux séjours aux Etats-Unis, le premier en 1938,
le second pendant toute la seconde guerre mondiale.
Duvivier a beaucoup tourné, trop sans doute, alternant des films
qui sont parmi les plus grands du cinéma français, et des
oeuvres mineures, films de commande exécutés rapidement. Son
image en a souffert : on l'a souvent traité en technicien sans
personnalité - à tort. Si on ne s'attache qu'à la ligne
de crêtes qui joint ses oeuvres majeures, on découvre un cinéaste
tourmenté, pessimiste, construisant autour de personnages forts un
environnement sombre, écrasé par un destin mauvais. Il est
un des créateurs, dès sa période muette, de ce réalisme
noir qui a dominé les trois premières décennies du
cinéma parlant, y introduisant très tôt (La Tête
d'un homme, en 1933) une lumière empruntée à l'expressionnisme
allemand.
(source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
.... 1936 1936
Pépé-le-Moko
Scénario: Julien Duvivier, Jacques Constant, Roger Ashelbé
d'après un roman de Roger Ashelbé.
Photographie: Jules Kruger et Marc Fossard.
Musique: Vincent Scotto et Mohamed Iguerbuchen.
Production: Robert et Raymond Hakim.
Pépé le Moko (Jean Gabin), à la tête d'une bande
de truands, se cache dans la Casbah d'Alger en compagnie de ses hommes et
de sa maîtresse Inès (Line Noro). L'inspecteur Slimane (Lucas
Gridoux), aidé de son indicateur Régis (Fernand Charpin),
conçoit un plan pour le faire sortir de la Casbah où sa capture
est impossible. Il se sert de l'amour de Pépé le Moko pour
une touriste, Gaby (Mireille Balin), à qui il fait croire que Pépé
est mort. Quand ce dernier apprend que Gaby s'embarque pour la France, il
sort de sa cachette pour la rejoindre sur le port. Il est alors dénoncé
par Inès, jalouse de perdre l'homme qu'elle aime. Traqué par
la police, Pépé le Moko se suicide sur le quai, sans avoir
eu le temps de parler à Gaby, dont le bateau s'éloigne.
Le film fut d'abord proposé à Jean Renoir, qui le refusa,
et c'est Julien Duvivier qui hérita de ce qui allait devenir le plus
gros succès public d'avant-guerre. Au pittoresque d'une Casbah reconstituée
en studio s'ajoute une galerie prestigieuse de seconds rôles (Saturnin
Fabre, Marcel Dalio, Charles Granval, la chanteuse Fréhel). Le mythe
Gabin, victime de la fatalité, commence avec Pépé
le Moko et le couple qu'il forme avec Mireille Balin, la femme fatale
du cinéma français, sera repris l'année suivante par
Jean Grémillon dans Gueule d'amour. (encyclopedie Yahoo)
N'aurait-il réalisé qu'un seul film, La Règle du
jeu, sorti sur les écrans parisiens en 1939, six semaines avant
la déclaration de guerre sous les cris de haine de ses premiers spectateurs,
que Renoir serait le plus important, sinon le plus grand cinéaste
français. Maîtrise du cinéma tel qu'il se fait et prémonition
du cinéma qui se fera, perception aiguë des déchirements
et des angoisses d'une société malade, prodigieux sens du
spectacle révélateur, tout concourt au chef-d'oeuvre qui saisit
dans le mouvement un monde au bord du gouffre.
Renoir est nourri à la fois de l'impressionnisme pictural et du naturalisme
littéraire, il a été marqué dans son âme
et dans sa chair (une blessure de 1915 qui le fera souffrir toute sa vie)
par la guerre qui lui a révélé le peuple, la solidarité
des hommes, et inculqué un pacifisme à tout prix. Il entre
en cinéma par amour pour une actrice, apprend le métier en
le pratiquant, tirant son inspiration des maîtres qu'il admire, Stroheim
plus que tout autre. Renoir est un cinéaste cinéphile.
L'art de Renoir atteint son apogée dans les années trente.
Sarcastique, puis pour un temps en phase avec la société (compagnon
de route du Parti communiste en 1935, il engage son talent et sa plume au
service du Front populaire), il est généreux et gourmand,
sensuel et plein de compassion, solidaire jusqu'au déchirement. La
guerre et l'Occupation lui sont insupportables : il quitte la France
en 1940.
Le Renoir de l'après-guerre est un citoyen américain, qui
fait des films à Hollywood et vient se ressourcer au pays natal,
où il tourne quelques films nostalgiques, parfois très beaux.
L'influence de Renoir est restée. La génération des
ciné-clubs se nourrit de son oeuvre et y puise des leçons
de cinéma et de liberté qui seront le ferment de la Nouvelle
Vague.
(source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
Réalisation : Jean Renoir Scénario : Jean Renoir, avec Carl Koch et Nina Martel-Dreyfus
Direction photo : Alain Douarinou, Jean Bourgoin Musique : classique, et Joseph Kosma Production : Société de production et d'exploitation
du film La Marseillaise Noir et blanc . Durée : 135 mn.
Interprètes :
Andrex (Arnaud),
Edmond Ardisson (Bomier),
Louis Allibert (Moissan),
Pierre Renoir (Louis XVI),
Lise Delamare (Marie-Antoinette),
Louis Jouvet (Roederer),
Gaston Modot et Julien Carette
(les volontaires de Valmy).
Photo : Photothèque Positif - D.R.
« Renoir, fidèle à son vieux principe des "équilibres",
soucieux, ici, d'éviter la fausseté et le guindé inhérents
aux films à costumes avec personnages historiques, va réussir
parfaitement à humaniser les trente principaux personnages de cette
fresque, néo-réaliste à force de réalité
quotidienne. La Marseillaise est le film de Renoir dont le dialogue
est le plus riche en vocabulaire culinaire. La vraie cuisine s'y mèle
à la cuisine politique et l'on s'émeut tout autant sur les
Marseillais que sur les Suisses, sur les paysans brimés q">
sur les courtisans émigrés. Beaucoup de noblesse chez les
révolutionnaires, beaucoup d'ingénuité et de pureté
chez les nobles, Renoir brasse ici tout un monde, plaidant pour toutes les
causes avec cette objectivité, cette générosité,
cette domination intelligente que nul ne lui a jamais contestées. »
François Truffaut,Cahiers du cinéma,
n° 78, Noël 1957
Résumé : 1792, la Patrie est en danger. Un bataillon
de Volontaires se forme à Marseille. Les Marseillais gagnent Paris,
où les sans-culotte préparent l'insurrection du 10 août,
qui aboutit à l'arrestation de Louis XVI. Ce jour-là, la Révolution
a rompu les ponts avec les monarchies européennes. La première
bataille s'engage à Valmy.
(source: ministère français des affaires étrangères
"les 100 films pour l'an 2000")
sortie en salle juillet1939 LA REGLE DU JEU
Réalisation: Jean Renoir; Scénario: Jean Renoir,
Carl Koch, Camille François
Dialogues: Jean Renoir, Carl Koch, Camille François; Production:
Nouvelles Editions de Films
Dir. de prod.: Claude Renoir; Assist. réal.: André
Zwobada, Henri Cartier-Bresson
Image: Jean Bachelet, Jean-Paul Alphen, Alain Renoir; Son: Joseph
de Bretagne
Décors: Eugène Lourié, Max Douy; Montage:
Marguerite Houllé-Renoir, Huguet
Musique: Roger Désormières, Joseph Kosma; Costumes:
Coco Channel
INTERPRETES: Nora Gregor (Christine de la Chesnaye) / Mila Parély
(Geneviève de Marrast **) /Odette Talazac (Charlotte de la Plante)
/ Paulette Dubost (Lisette) / Claire Gérard (Mme La Bruyère)
/ Anne Mayen (Jacqueline) / Lise Elina (la journaliste radio) / Marguerite
de Morlaye (une invitée) / Marcel Dalio (le marquis de la Chesnaye
*) / Roland Toutain (André Jurieux) / Jean Renoir (Octave ***) /
Pierre Magnier (le général) / Pierre Nay (Saint-Aubin) / Richard
Francoeur (La Bruyère) / Geo Forster (l'homosexuel) / Nicolas Amato
(le Sud-Américain) / Corteggiani (Berthelin) / Gaston Modot (Schumacher)
/ Julien Carette (Marceau) / Edy Debray (Corneille) / Léon Larive
(le cuisinier) / André Zwobada (l'ingénieur) / Camille François
(le speaker) / Henri Cartier-Bresson (le domestique anglais) / Georges Marceau
/ Marcel Melrac (Adolphe) / JacquesBeauvais (le maître d'hôtel)