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1ère guerre mondiale
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Le 13 novembre 1917, le ministère Painlevé tombe. Le lendemain,
le président de la république Raymond Poincaré, poussé
par l'opinion publique, fait appel à Clémenceau, leader patriote
et «jusqu'au boutiste», pour former le nouveau gouvernement. Le
20, « le Tigre » monte à la tribune pour lire aux députés
le texte de sa déclaration de politique générale.
Cette déclaration fut affichée dans toutes les mairies de
France.
(les chiffres renvoient aux commentaires au bas de la page)
Déclaration de Clémenceau au Sénat
20 novembre 1917 (extraits)
Nous avons accepté d'être au Gouvernement pour conduire la
Guerre avec un redoublement d'efforts en vue du meilleur rendement de toutes
les énergies.
Nous nous présentons devant vous dans l'unique
pensée d'une guerre intégrale (1).
Nous voudrions que la confiance dont nous vous demandons le témoignage
fût un acte de confiance en vous-mêmes, un appel aux vertus
historiques qui nous ont faits Français. jamais la France ne sentit
si clairement le besoin de vivre et de grandir dans l'idéal d'une
force mise au service de la conscience humaine, dans la résolution
de fixer toujours plus de droit entre les citoyens comme entre les peuples
capables de se libérer. Vaincre pour être justes, voilà
le mot d'ordre de tous nos Gouvernements depuis le début de la Guerre.
Ce programme à ciel ouvert, nous le maintiendrons.
Nous avons de grands soldats
d'une grande histoire, sous des chefs trempés dans les épreuves,
animés aux suprêmes dévouements qui firent le beau renom
de leurs aînés. Par eux, par nous tous
l'immortelle Patrie des hommes, maîtresse de l'orgueil des victoires
poursuivra dans les plus nobles ambitions de la paix le cours de ses destinés.
Ces Français que
nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits
sur nous. Ils veulent qu'aucune de nos pensées ne se détourne
d'eux , qu'aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons
tout, sans aucune réserve. Tout pour la France saignante dans sa
gloire, tout pour l'apothéose du Droit triomphant (2).
Un seul devoir demeurer avec le soldat, vivre, souffrir, combattre avec
lui (3). Abdiquer tout ce qui n'est pas de la
Patrie. L'heure nous est venue d'être uniquement Français,
avec la fierté de nous dire que cela suffit.
Droits du front et devoirs de l'arrière, qu'aujourd'hui tout soit
donc confondu.Que toute zone soit de l'armée. S'il doit y avoir des
hommes pou retrouver dans leurs âmes de vieilles semences d haines,
écartons-les.
Toutes les nations civilisées sont engagées dan la même
bataille contre les formations modernes des vieilles barbaries (4).
Avec tous nos bons alliés nous sommes le roc inébranlable
d'une barrière qui ne sera pas franchie. Au front de l'alliance à
tout heure et partout, rien que la solidarité fraternelle, le plus
sûr fondement du monde à venir (... )
Il y a eu des fautes. N'y songeons plus que pour
les réparer.
Hélas ! il y a eu aussi des crimes contre
la France (5), qui appellent un prompt châtiment.
Nous prenons devant vous, devant le pays qui demande justice, l'engagement
que justice sera faite selon la rigueur des lois. Ni considérations
de personnes, ni entraînements de passions politiques ne nous détourneront
du devoir ni ne nous le feront dépasser. Trop d'attentats se sont
déjà soldés, sur notre front de bataille, par un surplus
de sang français. Faiblesse serait complicité. Nous serons
sans faiblesse comme sans violence. Tous les inculpés en conseil
de guerre. Le soldat au prétoire, solidaire du, soldat au combat.
Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. Ni trahison,
ni demi-trahison : la guerre. Rien que la guerre. Nos armées ne seront
pas prises entre deux feux. La justice passe. Le pays connaîtra
qu'il est défendu (...)
Messieurs, pour marquer le caractère de. ce Gouvernement,
dans les circonstances présentes, il ne nous a pas paru nécessaire
d' en dire davantage. Les jours suivront les jours. Les problèmes
succéderont aux problèmes. Nous marcherons du même pas,
avec vous, aux réalisations dont la nécessité
s'impose, Nous sommes sous votre contrôle. La question de confiance
sera toujours posée.
Nous allons entrer dans la voie des restrictions alimentaires (6),
à la suite de l'Angleterre, de l'Italie, de l'Amérique
elle-même, admirable d'élan. Nous demanderons à
chaque citoyen de prendre toute sa part de défense commune, de donner
plus. et de consentir à recevoir moins. L abnégation est aux
armées. Que l'abnégation soit dans. tout le pays. Nous ne
forgerons, pas une plus grande France sans y mettre de notre vie.
Et voici qu'à
la même heure, quelque chose de notre épargne, par surcroît,
nous est demandé. Si le vote qui conclura cette séance nous
est favorable nous en attendons la consécration par le succès
complet de notre emprunt de guerre (7)-, suprême
attestation de la confiance que la France se doit à elle-même
quand on lui demande pour la victoire, après l'aide du sang, l'aide
pécuniaire dont la victoire sera la garantie.
Messieurs cette victoire
qu'il vous soit permis à cette heure de la vivre par avance
dans la communion de nos curs à mesure que nous y puisons plus et
plus d'un désintéressement inépuisable qui doit
s'achever dans: le sublime essor de 1 âme française au
plus haut de ses plus hauts espoirs.
Un jour, de Paris au plus humble
village, des rafales d'acclamations accueilleront nos étendards vainqueurs,
tordus dans le sang, dans les larmes, déchirées des obus,
sublime évocation de nos grands morts. Ce jour, le plus beau
de notre race, après tant d'autres.. il est en notre pouvoir de le
faire. Pour les résolutions sans retour nous vous de demandons, Messieurs,
le sceau de votre volonté.
Pour copie conforme :
Le
Président du Conseil, Ministre de la Guerre,
GEORGES CLEMENCEAU
commentaires
1 « ...l'unique pensée d'une guerre
intégrale... »
La notion de guerre intégrale, née durant la guerre américaine
de Sécession, prend sa véritable ampleur à partir de
1915 et se développe par de multiples innovations techniques. Chaque
belligérant exploite sans réserve son industrie, son économie,
son potentiel humain, pour mener jusqu'au bout cette guerre totale,
animée en France par un patriotisme intransigeant auquel tout doit
se plier.
2 «...l'apothéose du Droît
triomphant »
Pour les Alliées, la Grande Guerre est d'abord la guerre du Droit.
Leur propagande développe ce thème pour accabler les Empires
Centraux, coupables d'avoir accumulé les violations des lois internationales
(Conventions de Genève, de La Haye, de Bruxelles) : emploi d'armes
interdites, de gaz, etc. L'Allemagne est surtout fustigée car, en
août 1914, elle a violé délibérément la
neutralité de la Belgique et du Luxembourg, reniant sa signature
au bas des traités de 1831, 1839 et 1867, qui garantissaient entre
grandes puissances européennes le caractère neutre du territoire
de ces deux Etats - Le chancelier Bethmann-Hollweg avait alors qualifié
ces traités de «chiffons de papier», ce qui détermina
l'Angleterre à se ranger aux côtés de la France et de
la Russie.
3 « ...demeurer avec le soldat vivre,
combattre avec Iui »
Depuis que les mutineries ont gravement ébranlé le moral des
combattants, agitant la moitié de l'armée française
au printemps de 1917, le soldat, le « poilu » , est traité
avec plus de ménagement par les chefs militaires et politiques. On
s'aperçoit que c'est sur lui et surtout sur son moral que repose
la victoire. Clémenceau effectue de nombreuses tournées sur
le front, guidé par son fils, Michel, capitaine d'infanterie coloniale.
On le voit dans les secteurs les plus durs à Maurepas, dans la Somme,
à Verdun, au fort de Douaumont, etc. Pétain, commandant en
chef des armées françaises, est, lui aussi, très près
de la troupe qu'il visite souvent, améliorant la.nourriture, le repos,
les permissions, et ménageant le sang de ses hommes.
4 « Toutes les nations civilisées...
des vieilles barbaries »
Clémenceau dénonce les crimes de guerre perpetrés par
l'armée impériale allemande en Belgique et en France et par
les Austro-Hongrois en Serbie. Les Français traitent les Allemands
de « barbares » et la presse britannique les qualifie de «
Huns ». Ce sont les consequences du militarisme prussien qui érige
en système la prise d'otages, l'incendie et le pillage des agglomérations,
le massacre des civils ainsi que, parfois, l'exécution sommaire de
blessés et de prisonniers de guerre. En 1915, les Allemands ajoutent
à leur passif le bombardement sans remission de monuments, tels la
cathédrale de Reims, la basilique d'Albert ou les halles d'Ypres.
5 « ... Hélas, il y a eu aussi
des crimes, des crimes contre la France »
Lorsque Clemenceau prend les rênes, une grave crise morale vient de
secouer le pays. Le défaitisme-, dénoncé par Maurice
Barrès et par Léon Daudet, règne en maître et
au plus haut niveau, car le ministre de l'intérieur, Louis Malvy,
et son chef de la Sûreté générale, Leymarie,
tolèrent et favorisent même parfois les activités des
pacifistes pro-allemands. De graves affaires éclatent : celle du
quotidien pacifiste « Le Bonnet Rouge », celle de l'escroc Bolo
Pacha, et celle de la danseuse Mata Hari, convaincue d'espionnage. Parvenu
au pouvoir, Clemenceau fait arrêter Joseph Caillaux, président
du Conseil d'avant-guerre, champion du rapprochement franco-allemand, tandis
que Malvy comparaît devant la Haute Cour. Tous deux sont accusés
de trahison, avec un bon nombre de complices.
6 «...entrer dans la voie des restrictions
alimentaires...»
Déjà avant Clemenceau, le gouvernement avait dû prendre
des mesures partielles, face à la pénurie des denrées,
conséquence du blocus sous-marin allemand. La carte de rationnement
du sucre est créée le ler mars 1917. On établit à
partir de mai des jours sans viande. Le pain de fantaisie et les croissants
sont proscrits. En octobre, arrive la carte du pain. Clemenceau décide
de généraliser le rationnement pour empêcher les spéculateurs
et autres profiteurs de guerre de stocker des- produits en attendant la
hausse des prix. Vilgrain, son sous-secrétaire d'Etat au ravitaillement,
étudie une loi pour instituer la carte d'alimentation, réglementant
le nombre quotidien de grammes de denrées dévolu à
chacun.
7 « ...de notre emprunt de guerre...
»
Le budget de 1914 fut équilibré par l'émission de bons
et d'obligations de la Défense nationale et par le premier emprunt
de guerre, souscrit en novembre. On sollicita les épargnants, les
incitant à échanger leur or contre des billets de banque.
Malgré tout, le déficit budgetaire s'accentue en 1916. Un
2ème emprunt, émis en octobre 1916, au taux de 5,63 %, draîne
10 milliards de francs. Le ministre des Finances, Klotz, lance le 3ème
emprunt à 5,83 %, en octobre 1917; celui-ci rapporte 10,2 milliards.
La France dut aussi effectuer des emprunts de guerre à l'étranger,
notamment auprès des États-Unis..
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